Le chemin étroit et ombragé se refermait autour de nous, comme si la forêt elle-même cherchait à nous avaler. Chaque pas que nous faisions était accompagné du craquement sinistre des branches sous nos pieds, une mélodie funeste qui résonnait dans cette atmosphère oppressante. L'air était lourd, chargé de la senteur humide de la végétation en décomposition. C'était un parfum familier, celui des égouts de Londres, où chaque goutte d'eau stagnante abritait des secrets sombres.
Greer avançait à mes côtés, son souffle court trahissant l’angoisse qui la rongeait. Je la savais fragile, au bord de la rupture, mais aussi dotée d'une force intérieure insoupçonnée. C'était cette force qui l'avait amenée jusque-là, qui l'avait poussée à survivre là où d'autres auraient succombé. Pourtant, je sentais son hésitation, cette peur viscérale qui menaçait de la paralyser.
« Vous êtes prête à tout affronter, » murmurai-je, ma voix se fondant dans le silence de la forêt, aussi tranchante qu'une lame de rasoir. « Pour retrouver votre fille... Rose. Je ne peux que comprendre cela. J’ai toujours été prêt à tout pour ma fille, moi aussi. »
La clairière où nous venions d'arriver était baignée d'une lumière crépusculaire, presque irréelle, qui semblait ne pas appartenir à ce monde. Le vieil homme, notre guide énigmatique, se tenait au centre de ce lieu étrange, son dos courbé comme sous le poids des âges. Son regard se perdit dans le lointain, comme s'il contemplait quelque chose d'invisible pour nous. Il parlait par énigmes, des paroles qui se mêlaient aux murmures du vent, alimentant davantage la méfiance qui grandissait en moi. Je me tournai vers Greer, mon regard perçant cherchant à capter le sien. « Cette clairière n'est peut-être qu'un piège, un leurre destiné à nous égarer. »
Ma main se posa instinctivement sur le manche de mon rasoir, ce compagnon fidèle qui avait vu tant de sang versé. « Le vieil homme ne dit que des demi-vérités, il nous mène en bateau. Si nous continuons sur cette voie, nous pourrions bien ne jamais revoir la lumière du jour. » Mais Greer avait raison : nous n’avions pas vraiment le choix, il nous fallait continuer, la forêt n’allait pas nous laisser rebrousser chemin.
Ses mots me frappèrent, comme une cloche résonnant dans les ruelles désertes de Fleet Street. Elle avait raison. Le retour en arrière n’était plus une option. Mais ce n’était pas par conviction que je continuais, c’était par nécessité, cette impérieuse nécessité de survivre. Je pouvais presque sentir le regard du vieil homme se poser sur moi, guettant ma réaction, comme un chasseur guette sa proie. Je fis un pas vers lui, mon regard se durcissant. « Si tu nous trompes, vieil homme, tu regretteras d’avoir croisé notre route. » Mes mots étaient chargés de menace, une promesse froide et implacable. Je n’avais jamais hésité à faire couler le sang, à trancher les vies qui se dressaient sur mon chemin. Et cet homme, aussi mystérieux soit-il, ne ferait pas exception. Le vieil homme ne broncha pas, son sourire, mince et sinistre, s'élargissant légèrement. « Continuez d'avancer, » murmura-t-il, sa voix rauque comme un souffle de vent funèbre. « Vous êtes déjà trop loin pour reculer. »
Je serrai les poings, ressentant la tension qui irradiait dans mes muscles. Cet endroit me mettait à l’épreuve, comme un couteau que l’on aiguise sur une pierre. La forêt autour de nous semblait attendre, prête à engloutir nos âmes au moindre faux pas. Je me retournai vers Greer, l’encourageant d’un signe de tête. « Avançons, mais restons sur nos gardes. Nous ne savons pas ce qui nous attend au-delà de cette clairière. »
Le chemin qui se déployait devant nous était sinueux, bordé d'arbres dont les branches s'étiraient comme des griffes. Le silence régnait, si lourd qu'il en devenait oppressant. Je pouvais entendre le battement de mon cœur, rapide, comme un tambour annonçant la guerre. Chaque pas nous rapprochait un peu plus de l’inconnu, de ce lieu où le vieil homme prétendait que nous trouverions des réponses, ou peut-être davantage de questions. Mais je savais que nous ne pouvions plus faire marche arrière. Pas maintenant. Pas après être allés si loin. Les ténèbres autour de nous semblaient se resserrer, et avec elles, l'étreinte glaciale du destin.
« Vous avez confiance en moi, » dis-je soudain, brisant le silence qui pesait sur nous. « savez-vous ce que cela implique, Miss Greer ? » Mon regard se fit plus intense, presque pénétrant. « La confiance, dans un endroit comme celui-ci, peut être aussi tranchante que le fil de mon rasoir. Elle peut sauver... ou détruire. »
Les mots résonnèrent, lourds de sens, car je savais qu’à tout moment, une seule décision pouvait nous condamner. Nous avancions, guidés par une lumière vacillante, une flamme d’espoir ou d’illusion, je ne savais pas encore. Mais une chose était certaine : cette forêt, cette clairière, tout cela était un test. Un test de notre volonté, de notre force, et de notre humanité.
Le vieil homme continua de marcher, ses pas légers, presque silencieux, alors que nous le suivions à travers ce labyrinthe végétal. Le chemin se faisait de plus en plus étroit, les arbres se refermant autour de nous, comme pour nous enfermer dans un cercueil de verdure.
Je pouvais presque sentir la fin approcher, un point culminant, où tout serait révélé. Mais qu'allions-nous trouver au bout de ce chemin ? Était-ce la lumière du jour ou les ténèbres éternelles ? Je n'avais pas de réponse, seulement des intuitions, des soupçons qui se mêlaient à la paranoïa.
Nous arrivâmes finalement à un autre carrefour, un autre lieu où les choix se feraient et où les destins se scelleraient. Le vieil homme s’arrêta, nous faisant face une dernière fois. « Nous y sommes, » dit-il simplement, comme si cela suffisait à expliquer l'ampleur de ce moment.
Je serrai mon rasoir, prêt à affronter ce qui se trouverait devant nous. Greer, à mes côtés, était tendue mais résolue. Ensemble, nous franchîmes le dernier seuil, plongeant dans l’inconnu avec la certitude que, quoi qu’il arrive, nous ne serions plus jamais les mêmes.
(c) Hadès
(1012 mots)
Greer de Kinross
▿ Ton univers : Reign.
▿ Date de naissance : 10/04/1993
▿ Age : 31
▿ Métier : Plus aucun pour le moment, anciennement au service d'une grande famille comme conseillère.
▿ Quartier : Baker Street Avenue, avec Mary (anciennement à Hogwarts Place).
Ils semblaient différents à première vue. Si différents. Incompatibles. Pourtant, ils partageaient une chose essentielle pour Greer. Ils connaissaient tous les deux ce besoin viscéral de tout faire pour protéger sa chair et son sang. Ils connaissaient tous les deux cette capacité à repousser ses limites pour protéger l'être le plus important à leurs yeux. Alors, même s'ils étaient différents, ils avaient su travailler ensemble jusqu'ici. Il lui avait été d'un secours qu'elle n'oublierait jamais. Il lui avait certainement sauvé la vie dans cette maison, avec cette vieille femme, et elle ne pouvait que lui accorder une sincère confiance. Parce qu'il était un père comme elle était une mère. Parce qu'il était aussi terrifiant que rassurant. Parce qu'ils étaient tous les deux pris au piège de cet endroit et qu'ils voulaient en sortir.
Bien sûr que Greer savait que cette clairière leur serait peut-être fatale. Bien sûr qu'elle savait que ce vieil homme était potentiellement en train de les piéger. Il parlait sans rien dire, restait mystérieux et énigmatique pour les perturber... Cependant, ils ne pouvaient plus faire demi-tour. Cette forêt le leur interdirait, Greer en avait le pressentiment. Elle n'était pas rassurée de ce constat, mais elle préférait se rendre à l'évidence immédiatement plutôt que de se mentir pour se rassurer jusqu'à ce que ce ne soit plus possible. La jeune femme aurait aimé rebrousser chemin, fuir, courir en arrière et retourner chez elle, mais ce n'était pas une option envisageable. « Il se pourrait que nous ne revoyions jamais la lumière du jour, quoi que nous fassions. » Souffla-t-elle comme un constat qu'elle n'avait pas envie de faire, mais qu'elle devait faire. Pour être réaliste. Pour ne pas se mentir. Pour affronter la dure réalité qui s'imposait à elle. A eux. Pour se préparer au pire.
Pour s'assurer une petite chance supplémentaire, Sweeney menaçait l'homme en cas de piège. Plutôt que de l'effrayer, cette mise en garde semblait davantage lui plaire. Certainement n'en attendait-il pas moins. Greer n'en savait rien et n'était même pas certaine d'avoir envie de le savoir. Elle voulait juste sortir d'ici. S'en sortir. Vivante. L'homme ne répondait rien aux menaces, il se contentait de leur intimer l'ordre d'avancer. Et, comme pour confirmer leurs craintes, il confirmait qu'il était trop tard pour faire demi-tour. Greer le savait, elle en avait conscience, mais l'entendre de la bouche de cet homme donnait une vérité à cette affirmation qu'elle n'avait pas envie d'entendre. « Je serai prudente, » promettait-elle alors que Sweeney la mettait en garde. Elle ne pourrait rien contre les mauvaises surprises de cet endroit, mais elle pouvait faire attention aux pièges tendus par cet homme ou aux dangers visibles de cet endroit. Dans tous les cas, elle lui promettait d'être aussi prudente qu'il était possible de l'être.
Doucement, ils avancèrent. Ils reprenaient la marche pour s'enfoncer dans l'effrayante forêt qui se dressait devant eux. Digne des pires contes, cette forêt semblait vivre et se délecter de la peur que ses victimes ressentaient. Et de la peur, Greer en ressentait énormément. Heureusement, elle se sentait rassurée par la présence de Sweeney, sans quoi elle suppose qu'elle se serait déjà laissée envahir par ses craintes. « La confiance est dangereuse en tout temps. » Elle avait fait confiance aux mauvaises personnes par le passé, persuadée que ces personnes lui voudraient du bien ou la protégeraient, à tort... Il n'y avait pas besoin d'une forêt mystérieuse et d'une situation étrange pour rendre la confiance dangereuse. « Mais aujourd'hui, plus que n'importe quel autre jour, j'ai besoin d'avoir une confiance aveugle en quelqu'un. » Alors, aussi dangereuse puisse-t-elle être, elle continuerait à avoir confiance en cet homme, qu'importe les décisions que cela pourrait les conduire à prendre.
L'avancée devenait difficile. Ils devaient se frayer un chemin à travers les arbres. Une branche, parfois, semblait vouloir les retenir et s'agrippait à eux, les griffant ou les égratignant. Le vent, qui s'engouffrait difficilement entre les arbres denses, semblait leur murmurer quelques mises en garde. L'obscurité, qui se faisait de plus en plus présente, semblait les inviter à la méfiance. Mais ils ne pouvaient qu'avancer. Continuer d'avancer et espérer. Tout en ignorant chaque signe. Ce chemin, qui paraissait sans fin, s'arrêtait enfin. Le vieil homme s'était arrêté et s'était retourné vers eux, à un endroit où des choix devraient s'imposer à eux, en leur disant qu'ils y étaient. Sans plus de détails, encore une fois. Il ne parlait que par énigme. Encore et toujours.
Greer lançait un dernier regard à Sweeney avant de s'avancer. Elle avait l'impression de respirer plus facilement, l'impression de ne plus être étouffée au milieu des arbres et de la végétation. Pour autant, elle ne se sentait pas davantage en sécurité en ces lieux, bien au contraire. Différents chemins s'offraient à eux, une nouvelle fois. Tout n'était toujours question que de choix. Tout n'était toujours qu'épreuves. Pour avancer, il était préférable de s'y habituer. De s'y préparer. Deux chemins s'offraient donc à eux. Fallait-il choisir ? Devaient-ils en emprunter chacun un ? « Promettez-moi qu'on ne se séparera pas... » Souffla-t-elle en relevant les yeux vers lui après avoir observé les deux chemins, l'un après l'autre, avec inquiétude. « Je suppose qu'aucun chemin ne nous conduira directement à la liberté... » mais qu'il y avait une épreuve derrière et que, donc, il n'existait aucun bon choix. « Comment faire un tel choix ? » A supposer qu'ils devaient choisir, évidemment. Greer était tellement angoissée à cette idée qu'elle ne voyait plus rien d'autre, qu'elle ne pensait plus à rien d'autre qu'à la suite de cette aventure.
Sweeney Todd
▿ Ton univers : Sweeney Todd : the demon barber of Fleet Street
La forêt s’épaississait autour de nous, comme un carcan vivant, nous contraignant à avancer dans un couloir de ténèbres et de silence. Chaque pas en avant nous enfonçait davantage dans le ventre de la bête. Greer, avec cette détermination teintée de fragilité, me supplia de ne pas nous séparer. Son souffle se fit court, et je pouvais presque entendre la panique suinter de ses paroles, ce désir viscéral de ne pas être abandonnée face aux horreurs qui attendaient dans l'ombre.
Je m'arrêtai, la regardant un instant. Cette femme, fragile mais tenace, se tenait là, accrochée à une fine espérance, un mince filet de volonté, tout cela pour l'amour d'une enfant qu'elle espérait revoir. Ce besoin, cette dévotion pure, me rappelait ce que j'avais perdu, ce que j'avais sacrifié. Mes poings se serrèrent malgré moi, et mes yeux se posèrent sur les deux chemins sinistres qui s’offraient à nous. La forêt, dans son silence perfide, semblait attendre notre choix, comme si elle se délectait d’avance de nos malheurs.
Je posai ma main sur l’épaule de Greer, le contact froid de ma paume sur son épaule, un geste étrangement rassurant malgré la tension de l’instant. « Croyez-moi, Miss Greer, je ne compte pas vous laisser seule dans ce labyrinthe de cauchemars. Nous avons traversé trop de choses pour envisager de nous séparer maintenant. » Ma voix se fit plus basse, presque un murmure. « Nous avancerons ensemble, qu’importe ce qui nous attend au bout de ces chemins. »
La clairière s’ouvrait devant nous, offrant des sentiers obscurs. Chacun semblait absorber la lumière, un appel muet vers des épreuves que nous n'avions pas choisies. Je sentais le regard du vieil homme, toujours présent derrière nous, scrutant nos moindres mouvements avec un sourire invisible mais palpable. Ses paroles énigmatiques et ses avertissements sibyllins n'étaient que des fils dans un jeu qu'il tirait depuis le début, et cela m'emplissait d'une colère froide. Qu’il soit humain, spectre ou autre chose encore, il jouait avec nous. Mais il ne savait pas que j’avais appris à trancher les fils du destin avec autant de précision que la gorge d’un client sur ma chaise.
Je fis un pas vers le premier sentier, m’arrêtant pour observer l’obscurité qui y régnait. Aucun indice ne distinguait ces chemins, si ce n'est une sensation oppressante, une lourdeur dans l'air, comme si la forêt elle-même retenait son souffle, attendant notre choix. « Vous avez raison, » répondis-je doucement, « aucun de ces chemins ne nous mènera directement à la liberté. Peut-être qu’ils nous conduiront même plus profondément dans cet enfer. » ’expirai lentement, mes yeux se perdant dans les ombres mouvantes. « Mais ce que je sais, c'est que rester ici, immobiles, serait la pire des erreurs. L’un de ces chemins doit mener quelque part, même si ce n’est pas là où nous espérons aller. »
Je me tournai vers elle, mon regard ancré dans le sien. « Écoutez bien, Greer, et promettez-moi que vous suivrez mes instructions. Peu importe ce qui se passe, nous restons ensemble. Si quelque chose se dresse devant nous, nous l'affronterons ensemble. Et si le chemin se scinde à nouveau, nous prendrons celui qui nous paraît le plus sûr, ensemble. »
Le vieil homme se mit en marche, son pas léger malgré son âge, comme s'il glissait sur le sol, insensible aux ronces et aux racines qui tentaient de s’enrouler autour de nos chevilles. Il n’émettait aucun son, ce vieillard étrange, et je m’en méfiais plus que jamais. Le choix était fait, certes, mais je ne baissais pas ma garde ; la présence de cet homme avait quelque chose d’éminemment dérangeant, comme un reflet dans une glace brisée, qui semble familier mais révèle quelque chose de profondément faux.
Greer restait près de moi, ses pas mesurés, mais sa respiration un peu haletante. Je pouvais sentir sa peur, presque palpable, une sorte de voile autour de nous deux. Le vieil homme, lui, ne ralentissait pas, et chaque fois qu’il se retournait pour s’assurer que nous le suivions, son sourire fin et moqueur me donnait envie de presser mon rasoir contre sa gorge. Mais je me retins, mesurant mes gestes, chaque pensée dirigée vers l’issue de ce labyrinthe. Si ce chemin nous offrait un espoir, aussi mince soit-il, il était hors de question de rebrousser chemin maintenant.
Les arbres s’écartaient peu à peu, et bientôt, nous débouchâmes sur un autre espace dégagé. Contrairement aux clairières que nous avions vues, celle-ci avait un aspect presque cérémoniel. De grands rochers dressés en cercle entouraient un puits ancien, un trou béant d’un noir profond qui avalait la lumière du jour. Le vieil homme se posta à côté du puits, ses yeux perçants se fixant sur nous. Ses lèvres se tordirent en un sourire à moitié caché dans sa barbe hirsute, comme s’il nous invitait à contempler un secret ancien.
« Voilà ce qui vous attend, » dit-il enfin, sa voix résonnant dans le silence lourd. « Ce puits… il n’est pas seulement un passage. C’est une épreuve. » Il glissa un regard en coin vers Greer, puis moi, comme s’il savourait notre réaction. « Si vous désirez avancer, c’est ici que commence le véritable chemin. »
Je sentis le regard de Greer se tourner vers moi, cherchant une forme d’assurance. « Vous nous avez menés jusqu’ici, » répondis-je d’une voix basse, menaçante, « mais votre rôle s’arrête là, vieil homme. Parlez clairement. Qu’est-ce que ce puits, et pourquoi devrions-nous y descendre ? » Mon ton ne souffrait aucune réplique, et mes yeux s’enfoncèrent dans les siens, exigeant des réponses.
Il rit doucement, un son creux et rauque, comme celui des vieilles charpentes sous la tempête. « Ce puits, » murmura-t-il, « est la porte qui sépare ce monde du vôtre. Descendez, et peut-être que vous y trouverez ce que vous cherchez… ou peut-être perdrez-vous tout ce que vous êtes. » Sa main ridée se posa sur le rebord de pierre, comme s’il caressait le puits d’une manière presque affectueuse. « Ce lieu est un passage, un seuil entre les mondes. »
Je jetai un coup d’œil à Greer, observant l’éclat de peur dans ses yeux, mais aussi cette détermination qui la tenait debout malgré la terreur qui étreignait son cœur. Je me retournai vers le vieil homme, qui continuait de sourire, satisfait de nous voir hésiter.
« Nous sommes venus jusque-là, » murmurai-je, assez bas pour que seule Greer m’entende. « Si ce passage nous offre une chance de sortir, nous n’avons plus le choix. » Ma voix était calme, mais chaque mot pesait lourd, chargé de la tension de l’instant. Je fixai Greer dans les yeux. « Que ce soit un piège ou non, je descendrai. Je vous offre le choix, mais sachez que quel que soit le chemin que vous prenez, vous n’êtes pas seule. »
La noirceur qui nous attendait au fond semblait presque vivante, une mer d’ombres d’une profondeur insondable, un vertige qui engloutissait le moindre éclat de lumière. Le vieil homme se redressa, son regard étincelant de cette lueur mystérieuse et malveillante. « Alors, vous avez fait votre choix. Que le destin vous soit favorable… ou non. » Il recula de quelques pas, nous laissant seuls face au vide.
Je pris une grande inspiration, serrant la main de Greer pour un court instant, lui offrant un dernier moment de soutien avant le saut dans l’inconnu. Puis, je m’approchai du bord et lançai un dernier regard à cette forêt maudite qui nous avait entraînés jusque-là. « Je ne serai pas galant, hors de question de vous laisser passer devant. »
Nous étions ici, ensemble, prêts à plonger dans ce gouffre de ténèbres, et que la mort ou la liberté nous attende au fond, nous y ferions face côte à côte.
Pouvait-il exister une situation plus terrible que celle qu'ils étaient en train de vivre ? Certainement. Greer aurait pu se retrouver seule dans cette situation. Seule face aux ombres et aux murmures de cette forêt. Seule face à cette sorcière et à ce vieil homme étrange qui cachait forcément quelque chose. Seule, elle n'aurait peut-être jamais quitté la maison de la vieille femme. Seule, elle n'aurait certainement pas survécu jusqu'ici. Alors, Greer n'avait qu'un souhait - si elle ne comptait pas celui de quitter cet endroit au plus vite pour retrouver sa petite fille - qu'il ne la quitte pas pour s'aventurer de son côté, l'abandonnant ainsi à son sort. Elle avait besoin de son soutien et de son aide et elle en avait parfaitement conscience. Greer n'avait jamais été du genre à se croire plus forte qu'elle ne l'était ou plus capable. Elle connaissait ses limites et ses capacités, en avait pleinement conscience et si elle pouvait se dépasser dans certaines situations, elle n'était pas capable de tout et elle le savait parfaitement. Heureusement pour elle, il ne semblait pas avoir l'intention de l'abandonner. Après avoir déjà tant vécu ensemble, il semblait, en effet, difficile de s'imaginer finir cette aventure l'un sans l'autre, mais... en fonction des choix qui s'imposeraient à eux... on pouvait certainement s'attendre à peu près tout et n'importe quoi. « Je vous remercie, » souffla-t-elle avec gratitude et sincérité, « sincèrement, » ajouta-t-elle avec toute la douceur du monde, malgré la situation dans laquelle ils se retrouvaient.
S'ils affrontaient cette situation tous les deux, Greer était persuadée qu'ils auraient une véritable chance de s'en sortir, de trouver une solution, de vivre. Même si affronter la situation signifiait faire un choix entre un enfer et un autre. Des chemins s'offraient à eux, des voies à emprunter, mais pas des sorties. Greer le savait. Aucun chemin ne les conduirait directement à la sortie. Chaque chemin les conduirait vers un nouvel enfer, vers un nouveau jeu. C'était le but de ce vieil homme qui les conduisait : les conduire vers de nouvelles épreuves... ou vers la fin. Les conduire dans un piège. Un piège qui leur serait fatal. Cette pensée faisait frissonner Greer qui avait l'impression que des yeux dissimulés dans la forêt les observaient. Il n'y avait pas de bon choix. Il y avait juste des choix. Difficiles, dans tous les cas. Les chemins ne se différenciaient pas réellement, ils dégageaient tous, à chaque fois, un aspect inquiétant, oppressant. Ils étaient sombres, plongés dans une obscurité dans laquelle n'importe quelle mystérieuse créature pouvait se dissimuler.
Ils devaient donc décider, à l'aveugle, dans quel enfer ils souhaitaient désormais se rendre. Parce que rester ici n'était évidemment pas une solution envisageable. Pourrir dans cet endroit pour attendre une mort certaine ne les aiderait pas à sortir. Pas de la façon dont ils voulaient sortir en tout cas. Greer hocha la tête de haut en bas, les yeux plongés vers l'obscurité des chemins qui se dressaient devant eux, confirmant qu'elle partageait le point de vu de Sweeney. Son regard n'avait quitté la noirceur des lieux que lorsque Sweeney s'était retourné pour la regarder et capter son regard. « Je vous le promets, je resterai près de vous et je vous écouterai. » Parce qu'il semblait bien plus solide qu'elle et bien moins naïf, elle l'écouterait. Il était sa meilleure chance et elle le savait. Vouloir le contredire ou n'en faire qu'à sa tête pour se montrer plus forte qu'elle ne l'était n'aurait eu aucun sens, en dehors de celui de se mettre en danger. Ils avanceraient ensemble et elle écouterait ses recommandations. Elle pouvait le lui promettre, sans aucune hésitation.
Ils avaient fini par prendre une décision, celle de suivre le vieil homme qui s'enfonçait encore plus dans la forêt. Dans cette forêt qui ne paraissait avoir aucune fin, aucune limite, aucune issue. Leurs pas avaient fini par les mener vers une nouvelle clairière. Une énième. Comme si le jeu se répétait à l'infini, les poussant à faire des choix encore et encore. Cette fois-ci, un puits se dressait en son centre, entouré par de grands rochers qui donnaient un caractère solennel à cet endroit. Ce n'était pas juste une clairière, c'était autre chose. Greer en avait le pressentiment. Le vieil homme s'arrêta près du puits, souriant, affirmant, une fois encore qu'ils étaient arrivés. Greer observait le puits avec inquiétude, n'étant pas certaine d'avoir envie de comprendre ce qui était en train de se passer. Pour avancer, ils devaient emprunter ce passage... Cette épreuve. Le regard de Greer cherchait celui de Sweeney. Elle avait besoin de comprendre, d'être rassurée. S'engouffrer sous terre, dans un puits, après s'être enfoncé dans une forêt, était-ce vraiment une bonne idée ? L'Enfer ne lui avait jamais paru aussi proche et accessible qu'aujourd'hui.
Sweeney cherchait des réponses et interrogeait le vieil homme. Il était froid et direct. Il ne plaisantait pas. Le vieil homme, si. Il se moquait d'eux, de la situation dans laquelle ils se trouvaient. Mais, pour une fois, il semblait dire les choses avec moins d'énigmes et plus de vérités. Il parlait du puits. De la porte qu'il représentait entre deux mondes, dans le leur. Un passage pour trouver ce qu'ils cherchaient ou pour se perdre. Pour toujours. Evidemment.
Greer était d'un naturel calme, mais elle avait particulièrement envie de se jeter sur ce vieil homme pour le jeter dans le puits et en être débarrassé définitivement. Elle ne supportait plus ni son regard, ni son sourire. Elle ne supportait plus ce qu'il disait. Elle ne pouvait plus le voir. Il était symbole de tout ce qui était en train de leur arriver et ce n'était rien de bon. Pourtant, Greer oublia ses envies pour se reconcentrer sur Sweeney qui lui murmurait quelque chose. Il lui expliquait qu'ils étaient venus jusqu'ici et que s'il y avait même une minuscule chance que ce puits puisse les faire sortir, ils devaient la saisir. Quitte à tomber dans un piège pire que celui-ci. Greer s'imaginait déjà mourir de froid, de faim, de suffocation dans ce puits sans fond, pourtant, il avait raison. « J'ai promis de vous suivre et qu'on resterait ensemble... » Ainsi, même si elle n'avait pas la moindre envie de descendre dans ce puits, elle le ferait s'il jugeait que c'était leur meilleure chance.
Puisque leur choix était fait, le vieil homme s'était retiré. Il s'était éloigné du puits, sortant de ce cercle de pierres pour les laisser affronter seuls leur destin favorable ou non - à ces mots, les envies meurtrières de Greer remontaient brièvement à la surface avant de s'envoler à nouveau face à sa nervosité et sa terreur. Elle aurait aimé que Sweeney ne lui lâche plus jamais cette main qu'il venait d'attraper parce que du moment où elle sentait sa main, elle pouvait être sûre qu'il était là. D'ici quelques instants, lorsqu'ils seraient descendus, qui sait s'ils ne seraient pas séparés ? « Et si le puits se referme avant que je ne puisse y entrer moi aussi, si ce vieil homme revient... » Dans un cas comme dans l'autre, qu'elle passe la première ou non, des risques existaient. Ils étaient simplement différents. Si elle passait la première, qui sait quels dangers l'attendraient dans le fond de ce puits ? Il était impossible d'y voir quoi que ce soit. « Soyez très prudent, » souffla-t-elle avant de venir le serrer rapidement dans ses bras comme pour lui donner du courage. « Je vous suivrai de près, il est hors de question que je reste ici seule un seul instant. » Ainsi dès qu'il commençait à s'engouffrer dans ce puits, Greer en faisait de même, craignant de se retrouver coincée en haut. Seule. Face à un destin qu'elle ne désirait pas affronter sans lui. Bien au contraire.
Ce puits, ce passage, était étroit. Sombre. Plus sombre encore que la forêt. Dans la forêt, certains rayons du soleil réussissaient à transpercer les arbres épais. Ici, il n'y avait aucune lumière. Ils étaient à la merci de tout et n'importe quoi. « Sweeney ? Vous les entendez, n'est-ce pas ? Les murmures ? » Ou était-ce son imagination qui lui jouait des tours parce qu'elle était à bout de nerfs et que la panique prenait le dessus ? Des murmures... par centaines. Impossibles à décrypter ou à comprendre. Ils n'étaient que des souffles terrifiants desquels ils se rapprochaient dangereusement. Murmures de ceux qui avaient péri ici avant eux ? Murmures de créatures qui vivaient en ces lieux ? Ou murmures de leur passé qui revenait les hanter ?
Sweeney Todd
▿ Ton univers : Sweeney Todd : the demon barber of Fleet Street
Les parois du puits, glacées et rugueuses, semblaient s’étrangler autour de nous alors que nous descendions dans ce gouffre insondable. Chaque pierre usée, chaque fissure murmurait des histoires de désespoir, comme si des âmes y avaient été piégées depuis des siècles. Ma main glissait parfois contre la roche, cherchant à garder un équilibre précaire sur cette échelle improvisée faite de racines noueuses et de pierres saillantes. L’air se faisait plus lourd à mesure que nous progressions, chargé d’une odeur âcre et métallique qui me rappelait le sang.
Les murmures qu’évoquait Greer emplissaient l’espace, ténus mais insistants, comme un souffle collectif émergeant des profondeurs. Je les entendais aussi, ces chuchotements sinistres, et même si je m’efforçais de garder mon calme, ils grignotaient insidieusement les marges de mon esprit.
« Oui, » répondis-je enfin, ma voix résonnant faiblement dans la descente. « Je les entends… » Ce puits semblait avoir absorbé les hurlements et les regrets de ceux qui nous avient précédés.
Un murmure plus distinct s’éleva soudain, un mot ou peut-être un rire étouffé, comme un écho moqueur venu de loin. Je m’arrêtai un instant, tendant l’oreille. Rien, si ce n’est le silence oppressant entrecoupé de ces voix sans visage. L’obscurité semblait palpable, comme un voile épais qui nous enveloppait, rendant chaque mouvement plus incertain.
« Gardez vos pensées claires, Miss Greer, » lançai-je d’un ton plus ferme, espérant ancrer ma propre volonté autant que la sienne. « Ces voix ne sont rien d’autre que des illusions. Des résidus d’une peur que cet endroit cultive pour nous briser. Ne leur donnez pas ce plaisir. »
Ma main trouva une prise stable, et je continuai à descendre, chaque geste mesuré. Le puits semblait sans fin, et une angoisse sourde s’installa, alimentée par cette impression de chute éternelle. Je jetai un coup d’œil en arrière, espérant apercevoir une lueur derrière nous ou un quelconque signe de l'extérieur. Mais il n’y avait rien d’autre que les ténèbres. Absolues. Insondables.
Finalement, mes pieds touchèrent quelque chose de ferme : une plateforme de pierre, large et légèrement inclinée. Je m’écartai pour permettre à Greer de me rejoindre, mes yeux scrutant l’obscurité en quête de repères. Un mince filet de lumière, verdâtre et maladif, semblait émaner d’une fissure dans la paroi devant nous. Cela suffisait à peine à discerner les contours de ce nouvel espace.
« Nous sommes arrivés quelque part, » dis-je à voix basse, plus pour moi-même que pour elle. Mes doigts effleurèrent mon rasoir, comme un réflexe. Je n’avais aucune idée de ce qui nous attendait ici, mais je savais que l’acier était souvent une réponse suffisante.
Une brise froide, presque spectrale, glissa le long de la paroi, portant avec elle un chuchotement plus clair. Cette fois, il formait des mots, indistincts mais chargés d’intentions.
« Avancez… »
Mon regard se tourna vers l’origine du son, et je fis quelques pas prudents, mes sens en alerte. Devant nous, le chemin se scindait à nouveau en deux corridors taillés dans la roche. Chacun semblait aspirer la faible lumière qui persistait. Les murmures se firent plus insistants, leurs tonalités s’élevant différemment dans chaque passage, comme si les voix essayaient de nous guider… ou de nous manipuler.
Je me tournai vers Greer, le visage sombre mais déterminé. « Encore un choix. Ils veulent que nous décidions, que nous nous égarions dans leurs jeux. Mais cette fois, nous ne leur laisserons pas le luxe de leur satisfaction. »
J’approchai des deux ouvertures, observant les détails de chacune. Le couloir de gauche semblait légèrement plus large, ses parois lisses comme si elles avaient été polies par des années d’écoulement d’eau. Celui de droite, plus étroit, dégageait une odeur subtilement sucrée mais nauséabonde, comme des fleurs pourries ou des fruits en décomposition. Aucun des deux n’offrait une véritable promesse de sécurité.
Je pris une profonde inspiration, mon esprit travaillant rapidement à peser les risques. « Nous devons choisir, encore une fois, » dis-je, mon regard dur et résolu se posant sur Greer. « Mais cette fois, nous marchons ensemble, qu’importe ce qui se cache derrière ces murs. »
Je me rapprochai, murmurant plus bas pour que seuls nous deux puissions entendre. « Faites-moi confiance, et je vous promets que je ne permettrai à rien ni à personne de vous arracher de ce puits vivant. »
Ma main désigna finalement le couloir de gauche. Plus vaste, il semblait offrir davantage de possibilités de mouvement si nous devions faire face à une menace. C’était une décision par défaut, un choix basé sur une logique froide plutôt que sur les murmures qui persistaient autour de nous. « Allons-y. Restez bien près de moi. » Ma voix était ferme, un ordre autant qu’une promesse. Je pris une première impulsion vers le couloir de gauche, sentant chaque muscle de mon corps tendu, prêt à affronter ce qui se cachait dans les ténèbres devant nous.