Depuis plusieurs jours, vêtu d’une casquette sur laquelle il avait rabattu la capuche d’un sweat afin de mieux préserver son identité, ainsi que de gants blanc pour ne laisser aucune emprunte digitale, Rei était à la recherche d’un criminel qui avait attiré son attention. Un tueur en série, que la police essayait de retrouver ; il avait pu lire le dossier qu’un employé avait laissé trainer au commissariat, alors qu’il venait encore une fois « proposer son aide » en tant que détective privé. L’homme s’attaquait principalement aux femmes, et laissait volontairement des indices derrière lui. Des morceaux de papiers sur lequel il dessinait des traits, parfois laissait un mot qui ne faisait sens. Sans doute, une fois réunis, devraient-ils former la réponse à cette histoire.

Rei ne comptait pas attendre qu’il décime tout la ville pour l’avoir. De ce qu’il avait pu conclure de ses lectures, l’homme faisait cela pour s’amuser plutôt que par vengeance. Il n’y avait aucune corrélation entre les victimes, hormis la manière dont elles décédaient ; toutes poignardées au même endroit, à l’abdomen. Il menait son enquête dans les ruelles sordides de la ville, menaçant quelques petites frappes en se faisant passer pour un mafieux appartenant à une organisation puissante, comme il avait tant eu l’habitude de faire dans son ancien monde, afin d’obtenir des informations. Etrangement, personne n’avait pu le renseigner ; le tueur devait être trop récent, travaillait seul, discrètement, et surtout ne devait jamais avoir commis de crime auparavant. Les criminels se reconnaissaient à leurs méthodes. Même lorsqu’ils tentaient d’en changer, ils avaient tendance à commettre une seule petite erreur pour mettre la police sur la piste. Rei ne le dira jamais à voix haute, mais il était ravi de mettre son cerveau à contribution pour autre chose que des histoires de tromperies et autres petites affaires.

Adossé contre un mur, dans une ruelle de Lockwood Hill avec peu de passages, il pianotait sur son téléphone avec l’une de ces sources pour demander de le notifier s’il y avait du nouveau. Il eut un large sourire en coin, en voyant « ok, Bourbon » s’illuminer sur son écran, puis rangea l’appareil dans la poche de son sweat et y laissa sa main. Assez de « Bourbon » pour la soirée. Il était temps pour lui de rentrer à son appartement pour être à nouveau Rei Furuya, et enquêter sur son ordinateur, avec des méthodes toujours peu recommandables – la police n’avait pas à savoir qu’il fouinait dans leurs affaires. Vérifiant qu’il n’y avait personne aux alentours, il emprunta à nouveau les petites ruelles, afin de regagner Baker Street Avenue.

Tout le temps sur ses gardes, la main sur sa bouche fut une désagréable surprise. Par réflexe, il allait basculer son assaillant par-dessus son épaule afin de le mettre à terre, mais avant même qu’il ne puisse se pencher la voix le rassura. Il se laissa emporter par la seule personne dans cette ville à qui il avait confié sa véritable identité et objectifs. Rei protégeait ses propres secrets, comme un dragon gardait son trésor. Un dragon méfiant du monde qui l’entourait, car une seule petite erreur pouvait tuer des innocents, ses proches puis lui-même.

Habitué à ce genre de communication, il suivit le regard de Ben. Il n’avait pas remarqué la figure louche qui s’avançait derrière deux femmes. Sourcils froncés, il posa une main sur l’avant-bras du vigilant et libéra sa bouche. Une fois fait, il remit correctement en place sa capuche et baissa l’avant de sa casquette, afin de mieux cacher son visage. Que ce soit le fameux tueur, un danger pour ces femmes, ou un « simple » stalker, il n’allait pas rester les bras croisés.

Rei enfonça ses mains dans ses poches, suivit à pas silencieux le groupe. Il observa l’autre homme sortir un téléphone, et photographier discrètement les jeunes femmes. Du repérage ? Une collection morbide de victimes ? Il gardait une certaine distance entre eux, assez pour ne pas être repéré, mais prêt à intervenir en quelques foulées si le prédateur passait à l’action. Il n’oubliait pas Ben. C’était étrange de faire équipe. Il travaillait toujours seul, lorsqu’il n’était pas occupé à ordonner ses hommes. Rei ne dirait pas qu’ils avaient encore mis au point une communication silencieuse totalement efficace, néanmoins il avait pu observer que leur duo fonctionnait. C’était le plus important, ce genre de choses viendra naturellement.

Les jeunes femmes ne se doutaient de rien, sans doute trop naïves ou profitant d’une bonne soirée sans se soucier des dangers qui rodaient. Il y avait en liberté des criminels dont il ne valait mieux pas croiser la route. Bien qu’il ne fît plus parti de la police secrète – qui, probablement, n’existait même pas ici -, il gardait l’envie de protéger les civils, qui eux n’avaient jamais reçu de formation pour se défendre. Pourtant attaché aux lois, il était forcé d’agir en vigilant. Il chercha d’ailleurs Ben du regard, puis fit un signe de tête en direction du groupe, avant de sortir les mains de ses poches pour relever la manche de son sweat. Il lui annonçait ainsi être prêt à agir dès que la situation le demanderait.