Quand les souvenirs s'en mêlent - Ft. Regina Mills
Invité
Dim 12 Mar - 22:42
Quand les souvenirs s’en mêlent
La journée avait été chargée en émotion, autant pour elle que pour Regina et Henry. Tout était allé si vite, que tout tournait encore dans sa tête et qu’elle n’avait pas vraiment eu l’occasion d’assimiler le tourbillon d’émotions qu’elle ressentait depuis qu’Artemis lui avait annoncé qu’Henry avait été retrouvé. Il ne s’était passé que quelques heures entre l’annonce faite par Artemis, son départ précipité de l’entreprise pour prévenir Regina avant d’aller récupérer leur fils.
Bien qu’elle ait été nerveuse de récupérer Henry, surtout après avoir appris qu’il avait choisi son nom de famille plutôt que celui de Regina, elle avait été heureuse de le revoir. Tout au long de la soirée, lorsqu’ils avaient soupé ensemble, elle avait tenté de faire bonne figure devant Henry, essayant le plus possible de cacher son inquiétude pour Regina. Elle pouvait s’estimer heureuse qu’Henry était en vie et en bonne santé, et qu’elles l’avaient avec elles à présent. Pourtant, elle aurait tellement aimé qu’il se rappelle également celle qui l’avait élevé pendant ses dix premières années. Elle n’osait même pas imaginer ce qui se passait dans la tête de Regina en ce moment, mais elle ferait tout en son pouvoir pour qu’elle vive la situation le mieux possible, malgré les circonstances.
Emma soupirait, ne sachant trop comment aborder le sujet. Après le repas, elle lui avait proposé de faire la vaisselle à sa place, prétextant qu’elle leur avait préparer à manger et qu’il n’était pas nécessaire pour elle de faire tout le travail. Et de la même manière, elle avait voulu faire comprendre à Henry que même s’ils habitaient chez Regina, cela n’allait pas impliquer qu’il en profite pour se prélasser et qu’il fallait qu’il aide un peu à la maison. Autant prendre de bonnes habitudes dès le départ. Finalement, elle voulait offrir à Henry ce qu’elle-même n’avait pas eu. Une stabilité avec deux parents qui l’aimaient plus que tout.
Pendant qu’ils faisaient la vaisselle tous les deux, bavardant allègrement de choses et d’autres, Emma n’avait pas pu s’empêcher de suivre Regina du regard alors qu’elle quittait la pièce. La blonde n’avait pas pu s’empêcher de soupirer, sentant son cœur se serrer un peu plus. Elles n’avaient pas eu l’occasion de discuter depuis qu’elles avaient récupérer Henry à l’orphelinat, et Emma n’allait certainement pas la laisser se morfondre toute seule dans son coin. Quitte à ce qu’elle s’en prenne plein la figure, elle avait besoin d’avoir cette discussion avec la brune.
Après avoir couché Henry, Emma resta un moment à l’étage, à fixer la porte de la chambre des maîtres. Tant de souvenirs remontaient en elle, certains plus plaisants que d’autres, la faisant sourire faiblement. Elle prit son courage à deux mains, puis alla toquer à la porte de la brune. Elle resta quelques secondes à attendre une réponse qui ne vint pas. Était-elle déjà en train de dormir? Après les émotions de la journée, ça aurait pu être possible, mais un coup d’œil à sa montre lui indiquait qu’il était encore tôt. Elle toqua à nouveau, entrebâilla la porte avant de passer la tête au travers de la porte.
- Regina?Chuchota Emma.Est-ce que tu dors?
Elle perçut un léger grognement de sa part, lui indiquant qu’elle ne dormait pas. Elle jouait quitte ou double, elle pouvait très bien se faire renvoyer d’où elle venait, mais elle avait espoir qu’elle ne le fasse pas. Elle se rapprocha lentement, avant de s’assoir au bout du lit, posant sa main sur la jambe de Regina.
- J’avais espéré que nous pourrions discuter de ce qui s’est passé aujourd’hui à l’orphelinat, proposa Emma, doucement.Comment vas-tu?
Après le dîner, Regina avait laissé Emma prendre en charge le rangement sans vraiment s’en soucier. Elle était montée dans sa chambre en pilote automatique et avait suivi son rituel du soir. C’est l’aspect pratique d’avoir des habitudes fortement ancrées. Quand votre monde s’écroule, elles se font sans avoir besoin de réfléchir. Elle avait donc pris une douche, passé sa crème, brossé ses dents et enfilé son pyjama de satin bleu ciel. Elle était désormais en tailleur sur son lit, dans le noir, incapable de rien faire d’autre que passer la soirée en revue en boucle. Elle ne savait même pas si elle le faisait pour estimer si elle n’avait pas été aussi ratée qu’elle le craignait ou si c’était pour entendre et voir Henry encore et encore. Elle ne pleurait même pas, elle se sentait juste vide. Son fils était revenu, elle aurait dû être extatique. Sauf qu’il n’était plus son fils, juste celui d’Emma. Et elle n’était plus sa mère, juste leur logeuse et cliente. Elle se demanda si elle ne préférait pas quand il la détestait. Au moins, elle était encore sa mère à ce moment-là, même s’il ne voulait plus d’elle. Oui, elle aurait encore préféré cela.
Petit à petit, Regina se laissa glisser contre les oreillers. Elle savait qu’il serait vain de vouloir dormir ce soir. Elle n’avait qu’une envie, se lever pour aller rendre visite à son fils, respirer son odeur, le serrer contre elle pour prendre définitivement conscience qu’il était bien là, sain et sauf. Mais elle ne pouvait pas se le permettre. Même s’il ne se réveillait pas, il ne la connaissait pas comme sa mère et ce serait violer son intimité. Elle se contenta alors de l’imaginer, à l’autre bout de l’étage, allongé dans son lit, ses traits apaisés par le sommeil et sa tignasse en bataille, comme d’habitude. Il aurait eu besoin d’un tour chez le coiffeur. Il faudrait qu’elle en parle à Emma. Il faudrait que tout passe par Emma désormais et, même si celle-ci n’était absolument pour rien dans ce qui arrivait, elle ne put s’empêcher de lui en vouloir. Qu’il la reconnaisse comme sa mère, qu’elle puisse l’embrasser, le serrer contre elle, lui souhaiter bonne nuit avec des mots d’amour, qu’il la regarde avec ces étincelles de joie dans les yeux. Elle sentit les premières larmes depuis plusieurs heures couler à nouveau sur ses joues et ne fit pas un geste pour les essuyer. Quelle importance, ce n’est pas comme si qui que ce soit s’en souciait.
Quand la brune entendit toquer à sa porte, elle ne réagit pas. Ce ne pouvait être qu’Emma et elle n’avait pas envie de la voir. Elle n’avait pas envie de l’entendre prendre une petite voix apitoyée pour s’adresser à elle, pas envie de lire la pitié dans ses yeux. Elle ne savait rien de ce qu’elle vivait, elle avait abandonné son fils à la naissance, elle ne l’avait jamais vu grandir, n’avait pas dix ans de souvenirs accumulés dans la mémoire. Dix ans qui avaient totalement disparu de la mémoire de son fils. Le seul être humain qu’elle eut vraiment aimé et qui l’ait vraiment aimée ne se souvenait plus d’elle. Elle avait l’impression de sombrer dans un vortex de néant. Quand ils étaient séparés et qu’elle ne savait pas si elle allait le revoir un jour, elle pouvait au moins se consoler de l’idée que leur amour était encore partagé à travers les mondes. Elle se consolait de savoir que son fils grandirait avec en mémoire une mère aimante qui avait fait de lui quelqu’un de bien. Que restait-il d’elle à part la Méchante reine désormais ? Dans la mémoire de tous ceux qui l’avaient connue, elle n’était que cela. A part Emma.
Emma qui, justement, venait d’entrer et de s’enquérir de son bien-être. Elle ne savait comment y répondre. En elle, la bataille faisait rage entre la part d’elle blessée et revendicatrice qui avait juste envie de l’envoyer promener avec quelques mots cruels et celle qui avait juste envie qu’elle la prenne dans les bras et la console jusqu’au lendemain. Elle se taisait donc, regardant la lutte entre les deux comme si elle n’était pas concernée, comme si elle se fichait pas mal de l’issue. A la vérité, elle en avait plus qu’assez de traverser la vie seule, envers et contre tous. Mais elle n’avait pas non plus envie de s’abandonner, cela la terrifiait encore beaucoup trop. Même si elle parvenait petit à petit à se dire que sa mère avait tort de penser que l’amour était une faiblesse, elle était encore très loin de se sentir capable de remettre son cœur entre les mains d’une autre. Se connaissant comme elle se connaissait, si cela se finissait mal, elle en serait détruite. Elle ne se sentait pas encore assez solide pour résister à un cœur brisé et ce qu’elle était en train de vivre avec Henry s’en approchait dangereusement.
- Va-t’en, Emma, je n’ai pas envie de parler. Cela ne changera rien. Henry ne se souvient pas de moi. Nous pourrions passer la nuit à en discuter qu’il ne se souviendrait pas plus de moi au réveil.
Quand elles avaient récupéré Henry à l’orphelinat, Emma s’était sentie soulagée. Soulagée d’avoir retrouvé son fils, soulagé qu’il soit en bonne santé, soulagée qu’ils soient enfin tous réunis. Pourtant, elle avait été inquiète, dès le moment ou elle avait appris que son fils, leurs fils, avait choisi son nom plutôt que celui de Regina. Et le choc avait été difficile à encaissé lorsqu’une fois rendu à l’orphelinat, elles avaient constaté qu’Henry ne se rappelait plus Regina. Elle se rappelait la sensation de son cœur qui semblait avoir fait une descente de plusieurs étages lorsqu’elle l’avait réalisé. Oh, bien sûr, elle avait été heureuse de l’avoir retrouvé, mais elle n’arrivait pas à s’imaginer la peine que pouvait ressentir Regina à ce moment-là.
Pendant toute la soirée, elle avait tenté de faire bonne figure, pour Henry, malgré son inquiétude grandissante pour Regina. Elle était restée étonnamment calme tout le long du repas, ne répondant aux questions d’Henry que lorsqu’il s’adressait directement à elle. Tout le long de la soirée, elle avait voulu lui parler, mais elle ne voulait pas éveiller les soupçons d’Henry. Elle avait voulu le protéger le plus possible. Elle avait voulu protéger Regina, la protéger de cette peine qu’elle vivait, mais elle se sentait impuissante. Comment pouvait-elle seulement se mettre à sa place? Elle avait abandonné son fils, mais c’était un choix qu’elle avait fait en pleine connaissance de cause. Elle avait voulu lui donner une chance à une vie meilleure, une vie qu’elle n’aurait jamais été capable de lui donner. Surtout pas avec son passé. Et elle avait obtenu ce qu’elle avait souhaité pour lui. Henry avait eu une belle vie avec Regina. Il avait eu tout ce dont un petit garçon pouvait rêver d’avoir, un toit sur la tête et une mère qui l’aimait, même s’il avait eu de la misère à le voir et à le comprendre.
Elle était restée un moment devant la porte de la chambre, à se demander comment elle allait aborder la chose. Elle ne s’attendait pas à ce que la conversation aille bien, le sujet était délicat. Après avoir toqué une première fois sans avoir reçu de réponse, elle s’était introduite discrètement dans sa chambre, s’installant au bout du lit. Elle ne voulait pas brusquer la brune, en se rapprochant trop d’elle, même si elle mourrait d’envie de la prendre dans ses bras. La voir dans cet état lui brisait le cœur. Elle laissa planer le silence quelques instants après que Regina lui a demandé de s’en aller. Elle aurait pu s’en aller et la laisser seule. Mais pas avant d’en avoir discuté. Si après leur conversation, elle souhaitait toujours qu’elle s’en aille, elle s’en irait… Bien à contre-cœur…
- Tu as raison, ça ne changera pas le fait qu’Henry ne se souvienne pas de toi, répondit Emma calmement. Mais je t’en prie, laisse-moi t’aider…
Emma soupira, ne sachant trop comment aborder la suite de la conversation. Elle n’aurait jamais pensé se retrouver dans cette situation. Comment pouvait-elle se mettre à la place de Regina? Elle avait fait un choix et elle avait vécu avec ce choix toute sa vie. La situation était totalement inédite, mais il y avait forcément une explication derrière cette perte de souvenir. - Je sais que je ne peux pas changer les souvenirs d’Henry en un claquement de doigts, je ne peux pas changer ce dont il se souvient… Mais je peux au moins essayer de faire en sorte que les choses se passent mieux maintenant? Après tout, Henry peut très bien finir par retrouver ses souvenirs, non? Il doit forcément exister un moyen pour qu’il puisse se rappeler qui tu es, se rappeler de sa vie avec toi,reprit Emma.
Elle voulait que la situation s’arrange. Elle refusait que Regina se referme sur elle-même, et que leur relation se détériore à cause de la situation. Emma se leva avant de faire les cent pas dans la chambre. Il y avait forcément une solution. Une façon pour Henry de retrouver ses souvenirs. Et si pour y arriver, il faudrait aller au bout du monde pour réussir, elle le ferait. Parce que c’était la bonne chose à faire. Elle ressentait un tourbillon d’émotions, qu’elle n’était pas capable de démêler. Elle se laissa tomber sur le lit, s’allongeant à côté de Regina, alors qu’elle fixait le plafond. Il y avait forcément une solution…
- Parle-moi, s’il te plait… supplia Emma, alors qu’elle s’était retournée pour lui faire face.Envoie moi chier, dis que c’est ma faute… Je sais que je ne suis probablement pas la meilleure personne pour te dire ça, mais il faut pas que tu gardes tout ça en dedans de toi. Ça va juste finir par te bouffer…
Elle était prête. Prête à recevoir tout le ressentiment que Regina pouvait avoir contre elle, d’être dans les souvenirs de leurs fils… Comme si en un sens, elle lui avait volé sa place de mère. A cette réalisation, Emma ne pouvait s’empêcher de se renfrogner, serrant la mâchoire le plus possible.
Quand elle avait senti Emma s’allonger à côté d’elle, Regina avait serré les dents. Tout son corps s’était tendu dans un effort surhumain pour ne pas craquer, surtout ne pas s’effondrer, tenir coûte que coûte, se montrer solide envers et contre tout en toute circonstance. Elle ne comprenait pas comment Emma avait fait, avec tout ce qu’elle avait traverser pour continuer à se préoccuper des autres comme elle le faisait devenue adulte. Bien sûr, elle la raillait souvent quant à ses gènes de Charmant mais elle savait que la nature ne faisait pas tout, l’éducation était pour beaucoup dans ce que devenait un enfant. Non seulement, elle l’avait vu avec Henry mais elle savait qu’il en avait été de même pour elle. Pourtant, il lui fallait bien reconnaître qu’il y avait quelque chose d’intrinsèquement bon en la majorité des êtres humains dès le départ et qu’il fallait atteindre un sacré niveau de maltraitance pour éteindre cette petite flamme intérieure.
Regina ne savait comment cette croyance avait fait pour continuer à brûler au plus profond d’elle malgré tous les gens qui croyaient qu’elle était mauvaise depuis toujours. Elle se souvenait pourtant de la jeune femme qu’elle avait été, celle qui croyait au grand amour malgré les tortures infligées par sa mère dès son plus jeune âge. C’étaient ses années de jeune reine qui l’avaient achevée. Parce qu’en grandissant, elle savait qu’elle aurait une chance de se sortir un jour des griffes de sa mère alors qu’une fois mariée au roi, rien ni personne ne lui avait plus donné l’espoir d’y échapper un jour. C’était sa vie d’adulte et ce serait son futur, pour toujours. C’était à ce moment-là que son espoir s’était mué en colère puis en haine contre tous ceux qui participaient de près ou de loin à faire de sa vie un enfer sans fin. Et quand elle était parvenue à se débarrasser de son mari, qu’elle avait découvert le pouvoir qu’elle possédait, aussi bien magique que politique, il était devenu hors de question pour elle d’y renoncer, hors de question de risquer de se retrouver à nouveau dans une situation d’infériorité où elle aurait pu se retrouver réduite à ce qu’elle avait été auparavant.
Peut-être que ce qui avait sauvé Emma était qu’elle s’était retrouvée seule une fois arrivée à l’âge adulte. Soit, elle ne pouvait se reposer sur personne mais elle n’était pas prisonnière d’une vie qu’elle n’avait pas choisie. Elle pouvait changer de ville, de métier dès que l’envie ou le besoin s’en faisait sentir. Preuve en était comme il lui avait été facile de s’installer à Storybrooke du jour au lendemain. Pour autant, Regina ne se leurrait pas, elle savait bien que la Sauveuse trimballait son lot de casseroles elle aussi. Mais elle avait visiblement réussi à ne pas les lui imputer et l’ancienne Méchante reine avait beaucoup de mal à comprendre comment elle avait fait. Elle n’aurait sans doute jamais été capable de lui pardonner à sa place. Quoiqu’aujourd’hui, elle n’en était plus absolument sûre. Henry l’avait tellement changée.
Tout en revenait à son fils. A la douleur de ne plus avoir existé dans sa mémoire se mêlait aussi une peur terrible de ne pas parvenir à rester sur le bon chemin si l’être-même qui avait été cause de son changement ne la reconnaissait plus. Est-ce que toutes ces années n’allaient pas se dissiper petit à petit dans les limbes de l’oubli et, avec elles, tous les progrès qu’elle avait faits parce qu’elle savait qu’un être humain au monde au moins l’aimait vraiment ? Il n’y avait qu’à voir la tentative d’homicide qu’elle avait commise sur Emma à quelques semaines de là. Le mal était toujours là, niché quelque part au fond de son âme. Sans Henry, sans même l’espoir de le retrouver vraiment un jour, quelle preuve avait-elle que ce genre d’accidents ne redviendraient pas la norme ?
Soit, il y avait Lagertha, Artémis et désormais Emma pour porter sur elle un regard autre, un regard qui ne soit pas de peur ou de haine, un regard qui la reconnaisse comme aimable et aimée. Mais elle ne savait pas si elle serait capable d’y croire aussi totalement qu’elle en avait été capable avec Henry. L’amour d’un enfant est à nul autre pareil. Nul humain une fois adulte ne remet à ce point sa vie et son cœur entre vos mains comme le fait un enfant. Nul, non plus, ne vous donne à ce point l’impression d’être quelqu’une d’extraordinaire, d’inégalable, de merveilleux. Elle n’avait pas seulement perdu son fils, elle avait aussi perdu le seul être au monde qui l’ait jamais aidée à croire qu’elle était quelqu’une de valable depuis Daniel.
- Tu ne peux pas comprendre. Tu ne peux pas imaginer ce que c’est que de partager tant de toi et de ta vie avec un autre être humain et que tout cela soit effacé comme d’un coup de gomme sans que plus rien n’en demeure. Je le vois me regarder avec ses yeux adorables, si gentiment parce que c’est ce qu’il est au plus profond de lui, mais je ne suis pour lui que la patronne de sa mère. Assez aimable pour les accueillir chez elle mais rien de plus. Et je ne peux même pas lui expliquer qui je suis vraiment. Je passe mes journées à avoir envie de lui hurler de me regarder comme il le faisait avant, que je suis sa mère, que je l’ai bercé, nourri, consolé durant dix ans. Et je me tais parce que je sais qu’il se contenterait de ne pas comprendre. Je crois que je préférais encore quand il me disait qu’il me détestait à Storybrooke.
L’espace d’un instant, elle se sent désemparée devant la situation. La peine de Regina, elle la ressent beaucoup plus qu’elle ne l’aurait anticipé. Elle vient par vague, mélangé à sa confusion alors qu’elle essaye de démêler le tout. Lorsqu’elle s’était allongée à côté d’elle, sur ce lit qu’elles avaient déjà partagé dans d’autres circonstances, elle avait senti la tension augmenter du côté de la brune. Elle avait l’impression de se sentir tellement proche, mais en même temps, tellement loin de Regina. Tout se bouscule dans sa tête alors qu’elle essaye de trouver les bons mots qui pourraient lui redonner cette lueur d’espoir. Cet espoir qu’Henry finisse par se rappeler qui elle était, qu’il se rappelle sa vie avec elle. Simplement que les choses soient remises à leur place, comme elles devraient l’être.
Elle n’avait jamais vraiment été la meilleure pour trouver les mots qu’il fallait dans ce genre de situation. La sensation que les mots qui lui viennent ne feraient qu’empirer la situation ne la lâchaient pas. Elle aurait voulu qu’Henry se rappelle Regina. Elle voulait que Regina soit heureuse. Elle voulait tellement de chose pour eux, que pour le moment, tout semble encore si inaccessible. Pourtant, elle refuse de se laisser démoraliser par l’absence de solution. Elle doit rester forte pour Regina, être là pour elle, pour qu’elle puisse se sentir suffisamment en confiance pour mettre des mots sur ce qu’elle vit. Elle doit rester forte pour Henry afin qu’il ne souffre de la situation. Elle en souffre, mais elle fait ce qu’elle fait de mieux et ravale sa souffrance, ne se sentant pas le droit de la ressentir. Parce que son fils se rappelait d’elle… Elle ferma les yeux un instant, préférant se concentrer sur la femme qu’elle aimait. Elle était beaucoup trop consciente de la présence de la brune à ses côtés, et elle n’avait qu’une envie… La prendre dans ses bras. Pour la rassurer que tout allait bien aller.
Elle reste un moment à fixer le plafond, cherchant la meilleure manière d’aborder la suite de la conversation. Elle repassait sa journée en boucle, cherche un indice qui lui aurait échappé, qui lui aurait permis qu’Henry retrouve ses souvenirs. Chaque détail, elle les repasse dans sa tête, chaque mot qui avait été dit depuis qu’Artemis lui avait annoncé que leur fils avait été retrouvé. Mais elle ne trouvait rien. Rien n’aurait pu laisser présager que les souvenirs de leur fils avaient été altérés. Parce que ça ne pouvait qu’être ça. Emma sentait la frustration monter en elle alors qu’elle essaye de trouver un détail qui lui aurait échappé. Elle prend le temps de réfléchir aux paroles de Regina. Comment aurait-elle réagi si elle avait été dans sa situation?
Elle lâche un grognement de frustration alors qu’elle se retourne vers Regina. Elle réajuste sa position, mettant son bras sous sa tête, cherchant à être installée le plus confortablement possible.
- S’il ne s’était pas souvenu de moi, j’aurais été dévastée,avoue Emma. J’aurais eu mal. J’aurais été en colère et j’aurais eu du mal à l’accepter. J’aurais voulu tout lui avouer, mais je n’aurais pas su comment m’y prendre… Fort probablement que j’aurais mis les deux pieds dans le plat, comme d’habitude…
Emma prend une profonde inspiration, avant de continuer. Son cœur se serre lorsqu’elle voit les larmes qui ont séchés sur les joues de Regina. Elle tend sa main pour enlever la larme qui commençait à couler le long de la joue de la brune. Elle aurait voulu la serrer dans ses bras, mais il est encore trop tôt. Elle ne voulait pas la brusquer, ne veut pas la pousser plus loin dans ses retranchements. Elle ne peut s’empêcher de ressentir de la peine lorsque Regina lui dit qu’elle aurait préféré qu’il la déteste. Elle ne peut que la comprendre. Au moins, même s’il l’avait détesté, il se serait souvenu d’elle. Et ils auraient pu avancer à rebâtir une nouvelle relation à partir de là. Mais elle gardait espoir. Il y avait forcément une solution à ce qu’Henry finisse par se rappeler sa mère.
- C’est normal de ressentir ce que tu ressens. Ce n’est pas une situation qui est évidente. C’est correct aussi d’être triste, fâchée… J’imagine bien que ça doit être douloureux pour toi. Que tu dois probablement avoir l’impression que je t’ai volé ton fils. Mais on va s’en sortir ensemble, d’accord? On va trouver un moyen pour lui redonner ses souvenirs. Je refuse de croire qu’il ne puisse pas les retrouver un jour. Et ce jour-là, tu vas pouvoir le serrer dans tes bras, comme avant. Je ne l’ai peut-être pas élevé comme toi, même si lui pense le contraire. Lui se souvient d’une vie que je n’ai jamais vécu avec lui…
Elle préfère ne pas poursuivre. Elle n’a pas envie de remuer le couteau dans la plaie. Une part d’elle se demande comment était leur vie à New-York. Henry semblait dire qu’ils avaient été heureux quand ils y étaient. Une part d’elle se demandait ce qu’aurait été la vie si elle n’avait pas abandonné Henry. Si c’était elle qui l’avait élevé. Est-ce qu’il aurait été le jeune garçon qu’elles avaient avec elles? Probablement pas. Elle aurait fait de son mieux avec les moyens qu’elle aurait eus. Pourtant, elle refuse d’aller plus loin dans ses hypothèses. Elle ne peut pas changer le passé. Elle a abandonné Henry, parce qu’elle n’aurait jamais été capable de lui offrir la vie qu’il méritait. Elle n'aurait jamais été capable de lui offrir la vie que Regina lui avait offert en l’adoptant. Et elle lui en serait infiniment reconnaissante.
Regina eut un petit rire à la fois amer et tendre. Oh, oui, Emma aurait sûrement mis les pieds dans le plat mais sans aucune volonté de blesser, comme d’habitude. Et peut-être que cela aurait déstabilisé Henry un temps mais peut-être aussi que cela aurait permis de crever l’abcès. Pourtant, Regina savait qu’elle ne se permettrait pas ce type de dérapage. Elle était trop consciente, tout le temps, de toutes les conséquences que pouvaient avoir ses actes, tout particulièrement quand ils concernaient son fils, non, leur fils. Elle avait choisi une fois, dans sa vie, d’emprunter le chemin le plus simple, celui consistant à ne pas se préoccuper des conséquences. Elle s’était autorisé à le choisir parce qu’elle ne voyait pas d’issue. Alors, soit, elle s’était libérée de ses chaines maritales mais pour en enfiler d’autres qu’elle sentait encore à chaque fois qu’elle croisait quelqu’un qui lui rappelait un habitant de la Forêt enchantée ou de Storybrooke. - C’est facile pour toi, tu es bien une Charmant en cela. Peu importe les souffrances en cours de route, les tiennes ou celles des autres, si tu es convaincue que la fin sera bonne, tu fonces. Je ne suis pas comme cela. Si je dois choisir entre courir le risque de faire du mal à ceux que j’aime ou souffrir en silence en étant sûre que cela les épargnera, je choisirais toujours la seconde solution. Bon sang, Emma, toi en particulier devrait le savoir !
Regina aurait aimé se laisser gagner par la colère, retrouver ce refuge qu’elle avait toujours connu d’une émotion derrière laquelle elle pouvait cacher toutes ses fragilités et ses blessures. Agresser l’autre de votre rage et il finira toujours par vous haïr ou vous quitter, jamais à savoir si cela cache autre chose. Cela avait merveilleusement fonctionné toute sa vie, jusqu’à Emma. Oh, elle aurait tant aimé pouvoir la haïr pour cela, la repousser au plus loin à coups de poings et d’insultes, tant la savoir si proche de son être profond, si apte à abattre toutes ses défenses la terrifiait encore. Pourtant, tout ce qu’elles avaient vécu depuis leurs retrouvailles il y a quelques mois avait laissé son empreinte. Emma avait en effet bien percé ses défenses, même si elles tenaient encore debout de-ci de-là. Et, non seulement, elle les avait percées mais elle avait créé un doute de plus en plus prégnant en Regina quant à une quelconque utilité les concernant. Parce que qu’est-ce que sa solitude et sa mise à distance des autres lui avaient jamais apporté à part de la souffrance ?
Regina les avait nullifiées pour un seul être à ce jour, Henry. Et même si tout n’avait pas été toujours rose, cela lui avait permis de vivre des années entières de vrai bonheur en l’élevant. Alors peut-être serait-il enfin temps de tester la possibilité de ce bonheur avec un autre être humain. D’autant si, comme elle le présumait, elles étaient destinées l’une à l’autre depuis le début. Elle ne parvenait pas à trouver en elle la force d’espérer qui semblait ne jamais quitter Emma mais elle pouvait au moins choisir de la suivre et, à défaut d’avoir de l’espoir en elle, d’emprunter le sien par association. Elle sentait bien qu’elle n’était pas encore totalement capable de lui faire confiance pour son cœur mais elle l’était pour la croire quand elle disait qu’elle ne renoncerait jamais. Pour s’être retrouvée sur le chemin d’un des espoirs de la Sauveuse, partager un jour une vie commune, elle avait pu juger d’à quel point celle-ci était tenace. Alors, même si elle n’espérait pas retrouver son fils un jour, elle allait s’en remettre à Emma pour ne jamais cesser de chercher une solution à l’amnésie d’Henry. - Oui, murmura-t-elle, oui, je te fais confiance, Emma.
Au fond d’elle, palpitait tout de même un espoir, celui qu’Emma saurait comprendre l’immensité de ce qui venait de lui être accordé et tout ce que cela signifiait sans que Regina ne soit encore capable de le dire.
Lorsqu’elle entends un rire – à la fois tendre et amer – s’échapper de Regina, Emma ne peut s’empêcher de s’y joindre. Elle avait au moins réussi à la faire rire, même si elles n’étaient pas encore totalement sorties du sable.
- Il faut croire que j’ai un peu plus de mes parents que j’aurais voulu en avoir,ne peut s’empêcher d’ironiser Emma. Mais plus sérieusement, quand le jeu en vaux la chandelle, oui je vais foncer. Et tu sais quoi Regina? Tu en vaux la chandelle. Je sais bien que tu vas toujours choisir de souffrir en silence pour protéger ceux que tu aimes, parce que tu es comme ça. Mais tu n’es plus seule. Je suis là, avec toi, et ensemble on va s’en sortir.
Elle savait aussi que Regina avait cette tendance à vouloir se réfugier dans la colère comme solution de facilité. Tout comme Emma avait toujours choisi la fuite. Mais maintenant, elle espérait que les choses changent, parce qu’elles n’étaient plus seules. Aujourd’hui, Emma caressait l’espoir qu’elles puissent affronter leurs peurs, ensemble, et faire face à ce qui s’en venait. Elle se rapproche un peu plus de Regina et lui remet une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle la regarde quelques instants en silence, alors qu’elle cherche encore les bons mots. Elle était convaincue qu’il existait une solution à leur problème.
- On n’a pas eu l’enfance la plus facile toi et moi. J’aurais presque tendance à dire que tu l’as eu plus dure que moi. En un sens, j’ai eu de la chance d’avoir toujours été capable de me démerder toute seule. Mais je peux comprendre ton raisonnement. Tout comme je sais que tu vas avoir tendance à te réfugier dans la colère. Toutes les deux, on a nos mécanismes pour ne pas avoir à ressentir ce qu’on ressent. Toi, c’est la colère, moi c’est la fuite. Mais pour la première fois, je n’ai plus envie de fuir. Et tu sais pourquoi?
Elle laisse planer le silence quelques secondes, alors qu’elle regarde tendrement Regina.
- Parce que tu es là. Parce qu’on a retrouvé notre fils. Et que je suis convaincue qu’il va retrouver sa mémoire. Tout ce que je veux, c’est ton bonheur,reprends Emma, calmement.Ça a toujours été mon but. Peu importe ce que le monde de Storybrooke a bien pu penser de toi, peu importe ton passé. J’ai vu ce changement s’opérer en toi pendant nos deux années à Storybrooke. Tu es une bonne personne à qui de mauvaises choses sont arrivées. Ça ne fait pas de toi une mauvaise personne…
Et elle le pensait, lorsqu’elle lui avait dit qu’elle ne voulait que son bonheur. Elle le lui avait déjà dit, avant qu’elle ne fasse un petit séjour dans l’eau glacée. À ce moment-là, Regina ne l’avait pas cru et lui avait demander de la laisser tranquille, de prendre ses distances. Elle avait essayé de se plier à ses demandes, mais inévitablement, elle revenait auprès de la brune. Elle n’aurait pas su dire pourquoi exactement elle se sentait aussi attirée par la brune, qu’elle n’avait jamais été capable de rester trop longtemps loin d’elle.
Lorsque Regina lui dit qu’elle lui fait confiance, Emma ne peut s’empêcher de lui offrir un grand sourire, les yeux brillants de bonheur. Elle avait été consciente qu’elle en avait demandé beaucoup à Regina lorsqu’elle lui avait posé la question. Toutes les deux avaient beaucoup de misère à faire confiance au monde autour d’elles, alors que Regina lui dise qu’elle lui faisait confiance signifiait beaucoup pour Emma. Et elle allait tout faire pour ne pas la décevoir.
- Est-ce que tu me permets de te prendre dans mes bras?Demande Emma, alors qu’elle écarte les bras, espérant que Regina dise oui.
Elle se sent tellement maladroite, tellement gauche dans ses actions. Même si le petit rire qui s’était échappé de Regina tantôt était un signe encourageant qu’elle avait momentanément réussi à lui changer les idées, elle sentait bien qu’elle avait encore de la peine. Elle ne savait plus très bien quoi dire de plus qui aurait pu aider Regina à avoir cette petite lueur d’espoir. Elle aurait tellement voulu lui donner une partie de cet espoir qu’elle avait qu’Henry finirait par retrouver ses souvenirs.
- Je sais que pour le moment, je ne peux pas faire grand-chose. Mais si au moins un câlin peut t’aider à aller un peu mieux, ce sera toujours ça de pris, non? Et puis, si ça n’aide pas, tu pourras toujours m’imaginer en bikini camouflage en train d’échapper à tes boules de neige magique,dit Emma en rigolant.
Probablement que l’humour allait aussi l’aider à se sentir un peu mieux. Du moins, elle osait l’espérer…