So we’re friends? | ft. Alex

Comme à son habitude, Alexander était surbooké et courait partout, cela lui empêchait de penser, penser à ce qu'il avait perdu, ses proches, mais surtout : la personne dont il était fou amoureux, la même personne qu'il avait détesté un bon nombre d'années parce que leur première rencontre ne s'était pas bien passé. Il rêvait du prince la nuit, il l'imaginait parfois à ses côtés dans le lit, retraçant ses courbes, passant sa main dans ses cheveux blonds soyeux qu'il adorait tant, touchant du doigt cette petite ligne pincée au bord des lèvres. Il se souvenait de Henry comme si c'était hier, les moindres détails qu'il avait mémorisés encore et encore, tout cela était maintenant tellement douloureux. Il ne savait même pas s'il arriverait à le revoir un jour, mais il n'arrivait pas à laisser tomber, à se faire une raison. Tout comme il n'avait pas pu accepter les deux fois où il l'avait ghosté.

Ce matin, il s'était réveillé un peu à la bourre, s'étant endormi sur son bureau alors qu'il planchait sur un devoir comme si ça en dépendait, alors que clairement pas. Il avait toujours d'excellentes notes voir les meilleurs, mais cela ne le satisfaisait même pas, il n'avait personne à impressionner, personne à rendre fier, il était juste content à l'idée qu'il aurait largement de quoi valider ses années et qu'il pourra enfin commencer la vie active. Parfois, il se prenait à rêver qu'il gagnerait tellement bien sa vie qu'il pourrait faire construire une villa de luxe, ainsi quand il retrouvera Henry, il pourra lui offrir tout ce qu'il désire. Il s'était préparé rapidement et avait réussi à passer au Starbucks pour avoir de quoi se réveiller avant de se pointer en amphi. Mais à peine était-il installé qu'on lui adressa la parole, il se tourna alors vers Manon, ne pouvant réprimer un sourire amusé.

- Tu sais, tout le monde m'appelle Alex, tu devrais essayer.

Il ne comprenait pas pourquoi elle s'entêtait à l'appeler par son nom de famille, à part si c'était pour mettre une certaine distance entre eux, mais dans ce cas, pourquoi lui parler ? Manon était plutôt une solitaire, de ce qu'il avait pu voir, elle évitait les autres et les autres le lui rendaient bien, il n'avait jamais vraiment cherché pourquoi, il n'aimait pas trop se mêler des histoires des autres. Par contre, il ne fallait pas s'attendre à ce que lui se mette à éviter quelqu'un, il n'avait franchement pas que ça à penser et il ne voyait réellement pas l'intérêt. Il n'avait rien contre Manon, il semblait même être la seule personne qui pouvait l'approcher sans être aussitôt fusillé du regard. Il prit une longue gorgée de son Starbucks avant de commencer à sortir ses affaires alors que Manon lui indiquait qu'on parlait de lui, comme toujours.

- Ah oui ? Je vois que dans ce monde aussi, on se préoccupe trop de la vie des autres, au moins une chose qui ne change pas de mon monde.

Mais c'était quand même pas au même point, ici, il n'était plus le fils de la présidente et il ne faisait plus la couverture des magazines.

Lorsque Manon évoqua la raison pour laquelle elle continuait de l'appeler par son nom de famille, Alex ne put s'empêcher d'afficher une mine dubitative. Il n'était pas le genre de personne qui gobait les mensonges facilement, c'est pour ça qu'il n'avait pas pu accepter sa rupture avec Henry alors qu'il était plus qu'évident que leur relation était une mauvaise idée sur tous les points et que ce serait une sage décision de se séparer. Néanmoins, Alexander n'avait pas cru qu'il ne l'aimait pas ni qu'il voulait vraiment se séparer de lui, il l'avait poussé dans ses retranchements jusqu'à ce qu'il craque. Il l'avait mis en face de ses sentiments, parce qu'au final, ils étaient deux idiots amoureux et il ne pouvait pas supporter l'idée de le laisser vivre dans le mensonge juste à cause d'une couronne.

- C'est vraiment à cause de ça ?

Alex était loin d'être idiot, enfin ça dépendait à quel sujet, mais pas pour le coup, il voyait bien que Manon voulait juste mettre de la distance entre elle et les gens. Pourquoi ? ça, il n'en savait rien. Il ne pouvait pas tout comprendre non plus, il ne lisait pas dans les pensées et il ne savait pas non plus pourquoi tout le monde semblait se prêter au jeu et l'évitait, à part s'il savait manquer une information essentielle. Pourtant, Manon n'était pas méchante et il leur arrivait de discuter comme ici, il n'avait pas franchement besoin de plus ni qu'on lui fasse part de rumeurs dont il se fichait de toute façon. Tout comme il se fichait qu'on partage ses résultats sur twitter, peut-être que fut un temps où il aurait été fier, mais là, il était comme anesthésié de ce genre de choses.

- Oui, comme une star, avec ma sœur, on avait un jeu sur le nombre d'apparitions qu'on faisait dans les magazines, c'était assez drôle.

Il imaginait qu'ailleurs, ils avaient effectivement d'autres chats à fouetter et il n'allait jeter la pierre à personne, surtout qu'il y avait effectivement plus important que sa vie à suivre et il avait un peu souffert de sa popularité, bien que c'était probablement Henry qui en avait le plus souffert. Mais comment était-il censé savoir que l'opposant politique de sa mère attendait qu'il passe à la faute ?

- Je ne sais pas exactement, pourquoi le font-ils ici ?

Il est vrai qu'Alexander pensait savoir cerner les gens, la plupart du temps, à quelques exceptions. Et bien que Manon entretienne son mystère, il n'était pas si difficile de la comprendre par certains aspects, encore fallait-il prendre le temps de lui parler, ce que la plupart des gens ne faisaient pas, quel dommage, car elle n'avait rien d'une méchante ou même d'une garce, contrairement à pas mal d'autres filles. Elle était probablement considérée comme bizarre, et peut-être pensaient-ils qu'elle était malade avec la couleur de sa peau, mais depuis qu'il lui parlait, rien ne lui était arrivé, c'était donc bien qu'il n'y avait pas à s'en faire. Parfois, Alexander était un peu insouciant, mais il n'était pas dans son éducation de mettre quelqu'un de côté, encore moins si c'est à cause de son apparence.

- Je ne sais plus très bien, mais c'étaient plutôt des magazines people et un peu de politique aussi.

Il haussa les épaules et lui sourit alors qu'il voyait son regard joueur, presque comme si elle avait rêvé toute sa vie d'être en couverture et d'avoir autant de popularité que lui. Ce qui se révéla plutôt exact dans ce qu'elle annonça par la suite, alors Alexander se pencha vers elle et remit une de ses mèches blanche derrière son oreille.

- Tu es magnifique, ce n'est pas parce que tu ne corresponds pas aux "critères de beauté" décidé par un troupeau de moutons que ça y change quelque chose.

Lui répondit-il sur le ton convaincu de l'évidence même. Manon était unique en son genre, alors oui, les gens préféraient se moquer, la garder à distance, mais la vérité, c'est qu'ils étaient jaloux, car ils ne pourraient pas lui ressembler de près ou de loin. Tant pis pour eux. S'ils en avaient peur, ça les regardait, pour sa part, il préférait l'admirer, même si elle avait sans doute du mal à croire ses paroles. Il retira finalement sa main pour boire à nouveau une gorgée de café, il se demandait parfois pourquoi Manon avait cette apparence, mais n'avait jamais eu les bons mots pour lui demander sans que ça paraisse insultant, et puis après tout, est-ce que ça le regardait vraiment ? Si Manon voulait lui en parler, elle le ferait elle-même.

- Hmm... Non. Des choses qui me manquent de mon monde, ce n'est certainement pas la popularité qui me vient à l'esprit. Ça m'a compliqué la vie, pour certaines choses. Et puis, c'est mieux d'avoir le choix dans la vie, de ne pas être ce qu'attendent les autres.

Alexander n'avait jamais eu peur de Manon et ce n'était pas près d'arriver, il avait appris à la connaitre au-delà des apparences et il n'allait certainement pas changer d'avis juste en apprenant qu'elle avait des pouvoirs ou d'autres trucs dans ce style, ce n'était pas sa façon de faire ni sa façon de penser, il aimait les gens pour qui ils sont et il n'avait vraiment aucune raison d'avoir ne serait-ce qu'un peu peur de Manon, à dire vrai, c'était Manon qui semblait plutôt avoir peur du reste du monde. Elle avait certainement ses raisons, et elle finirait sans doute par comprendre qu'elle n'avait pas besoin de douter de lui. Il esquissa un sourire en voyant qu'elle était plutôt surprise par sa phrase.

- C'est la simple vérité.

Ce n'était pas pour lui une grande révélation, c'était juste un fait et Manon en faisait ce qu'elle voulait, ce n'était en rien une tentative de drague ou quelque chose comme ça, après tout, il avait toujours quelqu'un en tête, sinon peut-être bien qu'en d'autres circonstances, il aurait tenté sa chance... mais on ne refait pas le monde avec des et si, n'est-ce pas ? être amis étaient déjà un bon départ en soi, pas besoin de chercher la petite bête. Il espérait toujours que Henry finisse par pointer le bout de son nez, mais il commençait un peu à perdre espoir. Il rit légèrement alors qu'elle prend un peu plus confiance et indique que oui, elle est jolie. Il tique finalement quand elle parle de mutant et hausse un sourcil. Il réalise enfin qu'elle est, apparemment, une mutante. Il ne sait pas exactement à quoi ça correspond dans le monde de Manon et qu'est-ce que ça change ?

- Une seule fois, c'est déjà un début, et va savoir comment ça se passe ici. Les cartes sont redistribuées.

Il hausse les épaules, après tout même si tout le monde a l'air humain, il sait que c'est loin d'être le cas, donc au final, qui est vraiment en danger ici ? Il ne sent pas en danger bien sûr, mais il sait qu'il peut se cacher autre chose derrière toute personne qu'il rencontre et c'est une sensation un peu particulière. Tout comme le fait que personne ne sache qu'il était le fils de la présidente des États-Unis dans son monde et ce n'est pas plus mal. Il observe Manon alors qu'elle ne semble pas comprendre pourquoi les feux des projecteurs ne semblent pas lui manquer.

- Tu as déjà goûté à la popularité ?

Malgré tous les efforts du monde, Manon avait raison, Alexander ne la comprendrait jamais tout à fais car ils n'étaient pas passés par les mêmes choses. Même si ce qu'avait traversé Manon ressemblait au racisme ou à l'homophobie en fin de compte, c'est juste que les choses avaient évolués pour eux, mais il y a toujours des inégalités. Alex ne se faisait pas d'illusion, il savait que ce n'était pas comme si les mutants étaient traités de la même manière que les humains, même si pour lui ça ne faisait aucune différence. Seulement, il était évidemment optimiste, les humains avaient toujours peur de ce qui étaient différents mais finissaient à la longue à plus ou moins d'habituer, alors qui pouvait dire si dans quelques décennies, les mutants ne seraient pas aussi commun que les humains ? Cependant, autant il ne pouvait pas comprendre Manon, l'inverse était aussi vrai. Il haussa les épaules à sa réponse.

- Simple question de point de vue. Il faut toujours un premier pas pour que les choses changent tu sais...

S'il ne pensait pas ainsi, qu'est-ce qu'il aurait fais dans la politique ? Bon, il n'était plus trop dans ce monde et espérait rester dans l'anonymat et que plus personne ne braque de projecteur sur lui, il restait cependant à l'aise en public, il voulait juste que cette fois, sa vie privée reste privée et ne concerne que lui et l'éventuel partenaire qu'il pourrait retrouver. Manon avait-elle déjà eu un compagnon ? Elle semblait ne même pas avoir d'amis - en dehors de lui ? - alors un compagnon, difficile à dire. Il aimerait avoir les mots qu'il faut mais il n'est pas sûr de les avoir, il essaie juste de faire du mieux qu'il le peut. Il est peiné d'entendre ce que Manon lui raconte, il aurait aimé être là et la soutenir, lui montrer que tous les humains ne veulent pas sa mort. Il secoue doucement la tête.

- Tu ressembles à toi. La différence ne devrait pas être considéré ainsi, au contraire, ce devrait être une chance de ne pas ressembler au copier/coller des magazines. Ils se ressemblent tous et manquent considérablement de personnalité, toi, personne ne peut te ressembler. Alors oui, j'imagine que ça n'a pas dû être facile, surtout si les mutants étaient persécutés, et c'est bien dommage parce que vous ne méritez pas ça, mais ça ne veut pas dire que personne ne peut voir la personne que tu es vraiment.

Comme lui, en ce moment. Il eut un petit rire alors que Manon ne comprenait pas pourquoi ça l'embête qu'on l'admire, pour quelqu'un qui a été méprisé toute sa vie, c'est sûr que ça pouvait paraitre déroutent.

- Il n'y a rien chez moi qui mérite vraiment que l'on m'admire et la célébrité m'a vraiment embêté lorsque j'étais le fils de la présidente des états-unis et que j'ai couché avec le petit fils de la reine d'angleterre.

Il ne savait cependant s'il pouvait lui confier cela sans qu'elle se mette à le détester, mais il ne pouvait pas non plus éternellement marcher sur des oeufs.

Il est vrai qu'Alexander ne savait pas vraiment de quoi il parlait et était probablement idéaliste, mais ne fallait-il justement pas une vision toute neuve extérieure à tout cela pour que les choses bougent enfin dans le bon sens ? C'est lorsque tout espoir est éteint qu'on ne peut plus rien faire. Alex n'était pas ce genre de personne, sinon sa mère n'aurait jamais pu remporter le Texas, son état qui n'avait alors jamais été remporté par son parti, et aussi l'état qui lui avait fait gagner un deuxième mandat. Bien entendu que s'il avait eu l'occasion, il aurait soutenu Manon et aurait tout fait pour lui montrer qu'il y avait encore de l'espoir. C'est un peu ce qu'il faisait à sa hauteur, dans ce monde, en l'acceptant tout simplement comme elle est.

- Je dis surtout que ça ne sert à rien de se comparer aux autres, tu as ton propre charme, et oui, aux yeux de certaines personnes, tu es belle ! Tout comme certains trouvent les mannequins moches ! Tu ne devrais vraiment pas te soucier de ça.

Il haussa les épaules, évidemment qu'il la trouvait plus belle que les femmes des magazines, et il comprenait aussi que ce n'était pas aussi facile, que la beauté était quelque chose de très apprécié dans leur monde, pratiquement un jugement de valeur, mais les gens beaux sont rarement des gens bien, c'est tout ce qu'il avait retenu. C'est peut-être pour ça aussi qu'il avait si longtemps pensé que Henry était juste un mec qui prenait les autres de haut comme tant d'autres. Heureusement, il avait eu l'occasion de découvrir d'autres facettes de sa personnalité, à l'inverse de Manon dont la réaction le fit rire.

- Oh, crois-moi, j'en suis le premier surpris... disons que nous ne sommes pas vraiment partis sur des bonnes bases... et puis, au mariage de son frère, un gâteau de 75 000$ nous est tombé dessus.

Il rit en se remémorant la scène comme si c'était hier. Il comprenait Manon et sa réaction, il aurait probablement réagi de la même façon avant que sa relation avec le prince change et que quelqu'un lui avait dit sortir avec ce coincé. Mais les choses avaient changé depuis, et si Manon connaissait ne serait-ce qu'une partie de leurs échanges d'emails, elle comprendrait elle aussi.

- Maintenant, j'attends de le retrouver.

C'était pour lui comme une évidence, il n'avait qu'Henry en tête.