Soiré entre amis

feat. Herakles

C’est non sans une certaine impatience qu’Eurydice souhaite une bonne soirée à sa dernière cliente avant de fermer la boutique pour la journée. Même si la jeune femme aime beaucoup son métier et s’est découvert une véritable passion pour les fleurs et pour les plantes, ce n’est pas pour autant, à la fin de la journée, qu’elle n’est pas heureuse de profiter enfin de sa soirée… C’est encore davantage le cas depuis plus d’un an, en somme depuis qu’elle a retrouvé Orpheus, son mari, avec qui elle file le parfait amoureux, lui qui lui donne une excellente raison de vouloir être chez elle et de profiter de chaque instant. Ce n’est pourtant pas elle qu’elle va retrouver ce soir mais Heracles, un ami précieux qu’elle s’est fait dans les premiers temps de son arrivée sur cette île.

Lui privé de sa mémoire, elle profondément traumatisée par le temps qu’elle avait passé sur Hadestown, tous les deux déphasés dans ce nouveau monde, on peut dire qu’ils s’étaient bien trouvés. Entre eux s’était nouée une amitié solide, que le temps n’avait fait que confirmer. Aujourd’hui, grâce à Orpheus, Eurydice se sent mieux dans sa vie, plus équilibrée et en paix avec ses peurs les plus anciennes (enfin, jusqu’à ce que Hadès ne décide de la tourmenter de nouveau), mais ça ne l’empêche pas d’être toujours aussi présente pour Heracles, et désireuse surtout de lui apporter toute l’aide dont il pourrait avoir besoin… ne serait-ce que pour renouer avec ses souvenirs vaporeux. Quand elle quitte la boutique, il est déjà là, et Eurydice le gratifie d’une brave étreinte.

« Je suis contente de te voir. Et ça va très bien et toi ? »

Très rapidement, Heracles lui parle du programme de la soirée, et tout ce qu’il lui propose plaît immédiatement à la jeune femme. Une soirée toute simple entre amis autour d’un bon repas… Que demander de mieux, en même temps ?

« On peut aller chez toi si ça te dit, Orpheus a besoin de calme pour travailler », suggère Eurydice. Ce qui est vrai. Orpheus compose et écrit beaucoup, il le fait comme il respire. Eurydice pourrait passer des heures à le regarder travailler, mais en l’occurrence, elle est convaincue qu’il saisira cette occasion de travailler dans le calme total. « En ce qui me concerne, tu sais, c’est plutôt la routine… » Si elle omet sa rencontre avec non pas un mais deux Hadès différents, et son petit détour par le mont Olympe. « Enfin, on a pas mal de projets, en ce moments. On aimerait faire construire une maison.. tu sais, des fois que la famille devrait venir à s’agrandir. » Elle affiche un sourire malicieux. « Raconte-moi tout sur les idées qui te sont venues à l’esprit, je veux tout savoir. »

Eurydice est plus que curieuse, en effet. Qu’aura-t-il envisagé afin de renouer avec son passé et récupérer ses fragments de mémoire envolés ? Eurydice est prête à tout entendre.

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Le sourire d’Eurydice s’élargit en réponse aux paroles d’Heracles. Elle le sait sincère quand il affirme être de bonne humeur rien que du fait de la voir. Elle en est convaincue, parce qu’il en est de même pour elle. Heracles a toujours été un charmeur, mais la jeune femme ne lui en tient pas rigueur. Il sait pertinemment qu’Eurydice est mariée et folle amoureuse de son époux dans tous les cas. Même durant les deux années où elle ne l’avait pas retrouvé, elle ne jurait que par lui malgré tout. Et d’ailleurs, à son sujet, Heracles ne tarde pas à l’interroger.

« Tu connais Orpheus, quand l’inspiration le gagne, il ne peut la laisser lui échapper. »

Et ce n’est pas une chose qu’Eurydice envisagerait de lui reprocher. Elle aime son époux pour ce qu’il est, et son tempérament artistique fait partie intégrante de sa personnalité. Et le jeu en vaut toujours la chandelle. Bien sûr, la jeune femme a oublié d’être objective depuis longtemps à ce sujet, mais elle est sûre d’elle malgré tout, et convaincue de l’être quand il est question du talent de son époux… Lui qui était capable de composer une chanson si belle qu’elle était capable de rendre au printemps sa couleur. Même si Orpheus travaille beaucoup, par ailleurs, il trouve toujours du temps pour elle quoi qu’il arrive. Elle ne pourrait certainement pas lui reprocher quoi que ce soit.

« Mais il va bien. »

Une fois arrivés chez le traiteur, Heracles lui laisse le soin de choisir ce qu’ils mangeront… Elle sourit en constatant la quantité commandée par son ami… Il a vraiment un appétit d’ogre, il ne plaisante pas, mais Eurydice préfère ça. Certains de ses amis culpabilisent rien qu’en mangeant une salade. C’est agréable d’être avec un grand mangeur, un bon vivant, qui n’a pas peur de se remplir la panse. C’est donc avec de quoi nourrir un régiment que le duo rejoint l’appartement d’Heracles et qu’Eurydice continue de lui partager les dernières nouvelles. Elle s’installe à l’intérieur, après avoir retiré son écharpe et son manteau.

« On chercherait plutôt un terrain du côté d’Hogwarts Place. C’est un quartier que j’aime beaucoup, et ce serait proche de mon travail… et de l’école… au cas où. » Elle affiche un sourire en coin. « Sinon, je n’aurais rien contre le fait de me rapprocher de la forêt de Mirkwood. On trouvera probablement plus facilement un espace constructible, là-bas… En somme, on se laisse le temps de bien réfléchir. »

Eurydice s’intéresse beaucoup à ces multiples pistes qui pourraient l’aider à renouer avec son passé et à retrouver ses souvenirs fragmentés. Sa démarche est la bonne… essayer de comprendre au nom de quels motifs il a perdu la mémoire pour commencer. Il a aussi exploré la piste de l’occulte. Ça ne rassure pas totalement la jeune femme de l’apprendre, mais elle peut très bien le comprendre, malgré tout.

« Je connais certaines formes de magie… J’en ai vu à l’œuvre… Mais je ne crois pas en connaître qui pourrait t’aider à rassembler tes souvenirs, malheureusement. »

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La manière qu’a Heracles de décrire Orpheus et son appréhension de son art fait sourire Eurydice tant celle-ci est parfaite et exacte. La jeune femme n’a que de la tendresse, de l’admiration, et évidemment un amour profond pour son époux. Elle ne peut s’empêcher de vouloir que toutes les personnes qui l’entourent – et surtout les personnes à qui elle tient – soient en mesure de poser sur lui le même regard qu’elle. Pas romantique, non, mais fier et admiratif. Orpheus est quelqu’un de si passionné qu’il lui est impossible de considérer les choses d’une manière un tant soit peu différente. Bien sûr qu’elle n’est pas objective quand il est question de son époux, mais pourquoi devrait-elle l’être, après tout ? Il est celui qui l’a épousée, qui a tout fait pour la sauver des ténèbres à bien des égards, l’homme avec qui elle caresse le désir de fonder une famille. Tout ceci a naturellement son importance.

« Tu n’es pas obligé de faire tout ça pour moi mais… » Elle sourit. Elle a beau connaître Heracles depuis longtemps, savoir qu’il a le cœur sur la main, et avoir de longue date constaté combien il savait prendre soin des personnes qui avaient de l’importance pour lui, elle se sentait toujours embarrassée malgré tout de le voir en faire tant pour elle comme pour tous ses amis… Pendant très longtemps, elle n’avait compté pour personne. C’est si étrange de constater à quel point les choses ont pu changer – et drastiquement – ici. « … Merci. » Sa gratitude est ce qu’il y a de plus sincère. « Ceci dit, on a plutôt l’envie de tout faire construire, de partir de zéro, afin que la maison soit complètement à notre image, tu vois ? Mais si ton ami agent immobilier a des pistes pour des terrains constructibles, ça peut nous intéresser aussi. »

Une conversation particulièrement concrète et qui plaît à Eurydice. Tout est réel, et bien réel. Leurs projets prennent forme, et ils lui plaisent. Quand tant d’autres voudraient échapper à ce monde qui les a arrachés à leurs proches et à tout ce qu’ils ont toujours connu, Eurydice, elle, n’échangerait sa place pour rien au monde. Le pire qui pourrait bien lui arriver serait de retourner à Hadestown, ça ne fait pas le moindre doute dans son esprit.

Concernant sa mémoire perdue, Heracles lui donne de nouveaux détails, lui apprenant qu’il s’était interrogé sur une éventuelle origine magique à sa perte de mémoire. Eurydice, elle, ne sait pas grand-chose de ces rituels, mais aux dires de son ami (et du bibliothécaire de l’université Miskatonic, surtout), ce n’est pas possible… Elle est tentée de le croire. Tout acte magique, peu importe sa nature et son origine, garde forcément une trace. Certes, la magie s’exprime de manières diverses et différentes dans ce monde, et on ne peut certainement pas se focaliser sur ses seuls a priori pour espérer déceler la vérité… Mais en ce qui concerne le jeune homme, elle est effectivement tentée de croire qu’il dit vrai, ou qu’en tout cas une telle hypothèse tient largement la route. Pas de magie à l’œuvre dans le cas d’Heracles, donc… Probablement.

« Tu as engagé un détective pour qu’il enquête sur toi-même ? » elle fait avec un léger sourire. « C’est pas commun, ça. »

Pas commun, certes, mais pas idiot du tout, loin de là. Ce détective saurait probablement fouiller dans des directions qui lui auraient complètement échappé jusqu’ici.

« Je pense que tu devrais te concentrer sur ce qu’il t’importe le plus de découvrir : des informations sur ta famille, sur tes amis, voire sur tes amours d’autrefois. Des informations sur tes ennemis – on ne sait jamais après tout. »

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Eurydice adresse un sourire de gratitude à son ami quand ce dernier lui promet de parler à cet ami qui pourrait potentiellement trouver pour eux le terrain idéal où bâtir leur nouveau foyer… Elle se sent sincèrement touchée par l’implication d’Heraclès… Il se soucie toujours sincèrement de son bien-être et de son bonheur… Peut-être que pour beaucoup, ça pouvait n’avoir l’air de rien, mais Eurydice a été seule si longtemps… Elle n’a pas été habituée à ce qu’on lui tende la main d’une manière si désintéressée, comme Heracles le fait toujours avec elle. Il l’aide de bon cœur, et la jeune femme sait qu’il n’attend rien de sa part en retour, de même qu’il se réjouit sincèrement de leurs projets, à elle et Orpheus, de fonder une famille… En parler si directement avec lui rend la chose si concrète… Elle espère qu’elle ne leur porte pas malheur et que leurs espoirs ne seront pas déçus, mais… il n’y a pas de raisons, pas vrai ? Non, bien sûr que non. Tout ira pour le mieux…

« Non, tu as raison », confirme Eurydice quand son ami lui fait remarquer qu’il n’a jamais été quelqu’un de commun… Et encore, Heracles ignore combien il est en réalité exceptionnel. « Tu est tout sauf quelqu’un de commun. »

Et il a raison de penser que c’est en sortant des sentiers battus qu’il obtiendra la réponse à ses questions… C’est bien souvent comme ça que cela marche, après tout, pas vrai ? Et Eurydice n’a certainement pas envie de contrarier les décisions de son ami, elle admire au contraire l’inventivité dont il est capable de faire preuve pour parvenir à ses fins… Et quand il lui demande conseil, elle s’efforce de se montrer la plus utile possible, sans réellement savoir pour autant si cela sera susceptible de servir à quoi que ce soit à un ami.

« Tu ne devrais pas être aussi catégorique à ce sujet », répond tristement Eurydice quand son ami affirme qu’il ne pense pas retrouver des personnes qui l’aiment ou l’ont aimé. « On a tous une part d’obscurité, elles ne font pas de nous de mauvaises personnes. On commet tous des erreurs… Elles ne nous définissent pas. » Et Eurydice, qui a commis la pire erreur entre toutes en acceptant de signer un pacte avec le dieu des Enfers en personne, en sait quelque chose. « Quoi que tu découvres au sujet de ton passé, il ne te définit pas. Tu es qui tu es maintenant. Et moi je le sais, Heraclès, tu es une bonne personne. »

Et si le fait d’engager un détective devait ne pas marcher ? Difficile de savoir ce qui pourrait encore fonctionner.

« A part essayer d’invoquer des sensations qui seraient capables de faire remonter des souvenirs, je ne sais pas trop… » Elle marque une légère pause. « Le bibliothécaire sexy, hein ? Tu vas devoir m’en dire plus à ce sujet. »

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« Tu serais peut-être surpris », répond évasivement Eurydice avec un fin sourire quand Heracles affirme qu’avec sa douceur et sa gentillesse naturelles, elle ne lui soupçonne certainement pas la moindre part d’ombre…

Douce et gentille, on lui répète souvent qu’elle l’est, suffisamment pour qu’elle pense réellement l’être, mais il a fallu les épreuves qu’elle a traversées pour qu’elle sache faire preuve de la gratitude envers la vie qui est dorénavant la sienne… ce n’était pas nécessairement gagné d’avance… Quant à sa part d’ombre… Elle ne pense pas avoir un jour été une mauvaise personne, mais c’est bien elle, pourtant, qui a pactisé avec Hadès quand elle aurait pu décider plutôt d’adresser toute sa confiance à Orpheus et de croire dans le fait qu’il saurait bien assez vite écrire cette fameuse chanson qui apporterait le retour du printemps. Tout ça est derrière elle, bien sûr, mais le temps qu’elle a passé à Hadestown, avec les conséquences que cela a eu sur elle, a tout de même laissé une marque pérenne dans son esprit, et que nul ne sera probablement susceptible d’effacer.

« Il n’y a rien d’anormal ou de honteux à vouloir protéger ceux qu’on aime au point de sortir de ses gonds », répond Eurydice d’un ton aussi rassurant que possible, avant que son interlocuteur ajoute qu’il pourrait éventuellement aller trouver un hypnotiseur afin que ce dernier fasse ressortir d’anciens souvenirs. « L’hypnose, je pense que c’est une bonne idée… même si je t’avoue qu’en ce qui me concerne, ça me fait un peu peur. Je n’aime pas l’idée de ne pas avoir le plein contrôle de mon esprit, tu vois ce que je veux dire ? »

Et perdre le contrôle sur ses pensées, sur ses souvenirs, sur sa capacité de raisonner et de réfléchir… elle l’a connu, alors qu’elle se sentait comme déparée de son identité, comme dépossédée de son propre esprit. Bien sûr, dans le cas de l’hypnose, c’est quelque chose de temporaire, et ça pourrait même être quelque chose de salutaire, surtout dans un cas comme celui d’Heracles, alors, Eurydice ne veut pas le dissuader non plus, mais elle ne se voit pas faire comme si de rien n’était.

Plutôt que de se focaliser sur ce sujet, Eurydice choisit de s’intéresser à ce bibliothécaire qui semble avoir tapé dans l’œil de son ami. Un homme sexy et hors du temps… Avec qui il se sent bien en dépit de la difficulté qu’il a parfois à entrer en contact avec lui.

« Et comment que je veux le voir ! » dit Eurydice, enthousiaste, alors qu’Heracles lui apprend qu’il y a une photo de ce garçon sur son téléphone portable. « Oui, c’est ce que je ressens quand je suis avec Orpheus. J’ai l’impression qu’il me manque une partie de moi quand il est loin. » Est-ce qu’Heracles est bel et bien amoureux ? Va savoir… Mais Eurydice pense qu’elle le découvrira bien assez vite. « Je n’ai rien eu besoin de faire avec Orpheus. Tu sais… Je ne savais même pas son nom qu’il me demandait déjà de l’épouser. »

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Rassurante, Eurydice sait étonnamment l’être sans être pourtant la personne la plus rassurée du monde elle-même. C’est une contradiction notable, et qu’elle ne s’explique pas totalement. C’est un fait. Elle est tout à fait capable, en effet, d’offrir de l’apaisement à ceux qui en éprouvent le besoin, et pourtant, en dépit de sa sérénité affichée, son âme, elle, n’est jamais totalement sereine (sauf peut-être en présence d’Orpheus). Attachée bien malgré elle aux Enfers et à leurs tourments, elle a l’impression qu’une part d’elle-même, inaccessible, est demeurée en Hadestown, et qu’elle ne pourra jamais la rejoindre, quels que puissent être ses efforts.

« Je fais de mon mieux », répond Eurydice avec douceur avant qu’Heracles ne bascule sur un autre sujet, l’idée de faire appel à un hypnotiseur.

L’idée n’est pas mauvaise, même si Eurydice la trouve un rien angoissante malgré tout. Il partage le même ressenti qu’elle, ce qui la rassure, il confesse même hésiter pour cette raison bien précise. Laisser quelqu’un s’immiscer dans votre esprit, ce n’est pas une initiative anodine, loin de là, même. C’est quelque chose de complexe, pour ne pas dire de dangereux, et qui mérite d’y songer avant de passer à l’acte. Bien sûr, il ne s’agit pas non plus de sombrer dans la paranoïa, mais…

« Non, en effet, tu as raison, tu dois saisir toutes les opportunités qui s’offrent à toi. » Elle sourit. « Je vais tendre l’oreille. Et je suis sûre que tu peux récolter des avis fiables en allant chercher sur Internet, par exemple. »

Quand on y pense, quelle invention qu’Internet ! Eurydice n’en aurait définitivement pas envisagé l’existence avant son arrivée dans ce monde, et pourtant, il ne lui a clairement pas fallu longtemps pour se familiariser avec et pour que cela lui devienne indispensable. Ce n’est pas là qu’on trouve toutes les solutions, elle a aussi appris qu’on pouvait y trouver de nombreuses informations fausses, mais cela peut permettre tout de même de faciliter les choses.

Elle sourit quand Heracles commente son histoire de couple. C’est vrai, entre Orpheus et Eurydice, c’est une évidence, une évidence telle qu’Orpheus lui avait demandé sa main alors qu’elle ne connaissait même pas son nom. Cela peut paraître insensé et même totalement dangereux, mais l’évidence qui les a frappés tous deux fait partie de ces choses qui ne s’expliquent et se vivent seulement. Ils sont liés… Ils s’aiment ardemment, infiniment, profondément… Ce point, nul ne sera jamais en mesure de le remettre en question.

« Peut-être que tu connais déjà cet amour que tu te désespères tant de trouver », observe Eurydice quand son ami lui parle de ce bibliothécaire. « L’amour peut prendre tant de formes différentes, après tout. » Elle sourit, elle adore la manière dont il parle de lui, dont il décrit leur relation. Il est si évident qu’un feu précieux couve sous la cendre. « Est-ce que tu lui as dit tout ça ? Est-ce que tu lui as parlé de ton besoin de l’aider à tout prix ? Peut-être qu’il a juste besoin de te l’entendre dire… », suggère-t-elle doucement. « Tu ne pourras peut-être rien obtenir de lui sans confiance, mais si les choses sont aussi évidentes que ce que tu décris, lui parler directement de ton désir de le soutenir, lui faire comprendre qu’il ne risque rien à te parler… c’est probablement la meilleure chose que tu puisses faire. »

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Eurydice sourit quand Heracles lui affirme que de son côté, il s’en tiendra à des méthodes plus traditionnelles. Elle peut facilement le comprendre. Elle aussi a été dépassée par toutes ces nouvelles technologies à son arrivée sur cette île. Encore maintenant, elle ne peut pas vraiment prétendre avoir tout compris et s’être parfaitement adaptée, ce serait un mensonge éhonté, mais disons qu’elle a pris le pli, suffisamment pour accepter de bon cœur de mener ces recherches moins traditionnelles qu’Heracles préfère mettre de côté. Internet est une source infinie de savoir pour qui sait s’en servir, et Eurydice ne s’en sert pas si bien que ça… Ils verront bien… Ce que la jeune femme souhaite, surtout, c’est que son ami sache être en paix avec sa vie et son passé, et il a bien compris que ce n’était pas du tout gagné encore, très loin de là, même.

Elle laisse ce sujet de côté, finalement, pour s’intéresser à son ami et à ce beau bibliothécaire qui apparemment fait battre son cœur beaucoup trop fort. Elle ressent bien, à la manière dont il en parle, qu’il ressent pour lui quelque chose de fort. Peut-être que c’est aller vite en besogne, oui, que de parler d’amour, mais cela ne veut pas dire que ce que son ami éprouve est moins réel ou moins puissant. Il doit quoi qu’il en soit y attacher de l’importance, c’est une certitude. Et elle en attachje pour lui, au nom de l’amitié qu’ils partagent tous deux.

« Je pense qu’essayer te fera le plus grand bien, oui. Il n’y a rien de plus dur que de faire face à soi-même et à ce que l’on ressent, mais à mon humble avis, tu ne le regretteras pas. Pas une seule seconde, même. »

Il le lui dit sans détour, c’est difficile pour lui de se montrer à ce point honnête. Eurydice est d’autant plus flattée de savoir qu’elle est l’une des rares personnes – avec Rose – à pouvoir entendre ce qu’il a sur le cœur. En retour, Eurydice espère se montrer à la hauteur de ses confidences. Elle ne veut que le meilleur pour lui, parce qu’elle estime qu’il le mérite très sincèrement.

« En effet, je pense que tu auras des regrets si tu ne fais rien… et je pense aussi que le jeu en vaut la chandelle. »

Elle sourit plus largement quand, visiblement requinqué par cette conversation, Heracles s’ouvre à de nouvelles perspectives, quitte à mettre la charrue avant les bœufs et de suggérer un repas de couples, même si son chéri ne l’est pas encore (mais ça ne saurait tarder, Eurydice en a l’intuition).

« Orpheus sera on ne peut plus ravi. » Elle répond à sa place, certes, mais elle est convaincue de ne pas se tromper sur ce point. « Et comme ça, s’il y a un blanc durant le repas, on pourra toujours lui demander de pousser la chansonnette », ajoute-t-elle avec humour.