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J'avoue je maudis tous ceux qui s'aiment [Lucy]

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Sam 7 Jan - 15:59



J'avoue je maudis tous ceux qui s'aiment



feat. Lucy



Avec application, et quelque chose qui ressemblerait presque à un badinage qui ne dit pas son nom, il lui fait répéter ses gammes, attentif à sa voix claire et puissante autant qu’aux traits fins de son visage, qu’il n’a jamais cessé de désirer sans jamais faire vers elle ce pas de trop qui aurait pu faire d’elle son amante en plus de son élève. S’il la désire ? Bien sûr, ardemment, mais Salieri reste fidèle à sa foi, et à cette promesse ancienne qu’il a faite à un Dieu semblant si prompt pourtant à se jouer de a dévotion… En échange de son succès, de sa brillante culture musicale, il sacrifierait tout plaisir humain pour ne se concentrer que sur la seule musique, une musique qu’il composerait toujours en Son nom.

Lucy Harris est l’incarnation d’une faiblesse qu’il entérine, s’efforçant de se satisfaire de sa seule présence, pour chaque cours de chant qu’il donne à cette merveilleuse artiste, qui brûle déjà les planches des plus prestigieux opéras autrichiens. Il n’a que peu de corrections à apporter à un chant comme toujours très juste, mais Salieri se trouve pourtant… contrarié. Il a eu vent des dernières rumeurs, et ces rumeurs l’insupportent à un point plus que remarquable. Il ne devrait y prêter garde, ou admettre que celles-ci n’ont guère d’intérêt, mais c’est finalement plus fort que lui. D’une manière ou d’une autre, il a besoin de savoir… quitte à ravaler sa rage, sa jalousie et sa frustration comme il le fait depuis beaucoup trop longtemps, et davantage encore depuis qu’un compositeur prodige venu de Salzbourg, est venu bouleverser ses convictions et l’ordre établi.

« J’ai ouï dire que vous devriez rencontrer Mozart, prochainement. Vous auriez l’intention de participer à son prochain opéra, est-ce vrai ? »

A cette seule pensée, son cœur se serre. Il ne veut pas la voir approcher cette créature criarde, agitée, incivile et… ô combien brillante de celle qui fait l’objet de son admiration et de son affection depuis si longtemps maintenant. Profondément agacé à la seule idée que Lucy puisse être intéressée par son œuvre au point de vouloir y contribuer (mais comment peut-il le lui reprocher vraiment quand lui-même se voit subjugué par sa musique au point d’avoir le sentiment que Dieu communiquerait à travers ce vassal indigne et vulgaire ?), il fait au mieux pour se donner des airs si ce n’est indifférent, du moins intrigués plutôt qu’agacés.

« Savez-vous au moins quel en sera le sujet ? » Il l’observer avec cette allure confidente de ceux qui en savent plus qu’ils n’en donnent l’air. Après tout, il est dans les petits papiers de l’empereur Joseph II. « J’en doute fort », ajoute-t-il afin de faire comprendre à son interlocutrice que prendre part à un tel projet serait tout naturellement indignant pour elle, qui mérite d’être portée aux nues pour des rôles sublimes et distinguées, à sa hauteur, et certainement pas pour avoir participé à un opéra où on lui confiera le rôle de vulgaire catin.

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Dim 8 Jan - 19:05

J'avoue je maudis tous ceux qui s'aimentLes leçons du maestro Salieri sont d'une valeur inestimable. Nul compositeur n'est plus doué que lui, ou plus proche de l'empereur. Nul homme n'est plus fidèle à sa foi, plus impliqué que lui… Ce sont là ses certitudes… Et pourtant, depuis quelques temps, tout Vienne ne parle plus que d'un autre compositeur. Plus jeune, plus audacieux… Peut-être même plus doué, selon les rumeurs.

Mais Lucy ne songe pas à tout cela, durant leurs leçons. Salieri est un enseignant exigeant, parfois même sévère, et elle révise ses gammes en s'appliquant. Provoquer son mécontentement est une situation qui lui fait horreur. En élève attentionnée et investie, elle a développé pour lui une admiration telle que la simple pensée de le décevoir la contrarie, elle. Leur proximité lui plaît. Leur relation particulière également. Lucy se sent naturellement frémir d'une émotion toute autre que la simple appréciation musicale lorsque le maestro se tient près d'elle, ou lorsque sa voix grave vibre près de son oreille.

Elle se laisse donc véritablement surprendre en entendant sa question, qui la rend muette le temps qu'elle reprenne ses esprits.

- Qui a bien pu vous parler de ça ? le questionne-t-elle d'abord, gagnant du temps pour se remettre de sa surprise et de son trouble.

La question est sans importance, au fond. Lucy n'est pas sans savoir que les rumeurs circulent vite, à Vienne. Elle n'affirme pas, mais elle ne nie pas non plus, et c'est déjà bien suffisant pour qu'il comprenne. Rencontrer Mozart… est un projet vieux de quelques semaines. Elle aurait sans doute dû songer à confier ses intentions à l'oreille attentive de Salieri, mais elle n'avait pas osé. En tant que chanteuse, il est plus qu'intéressant de se rapprocher du maestro Mozart. En tant que femme, elle doit bien admettre que les derniers ragots relatant ses manières aussi grotesques que charmantes l'intriguent, et la séduisent un peu, sans qu'elle n'ait eu besoin de le voir de ses propres yeux… pour le moment, du moins. Car cette rencontre ne saurait tarder.

Le rouge lui monte aux joues dès l'instant où Salieri évoque le prochain opéra de Mozart, et insiste sur la nature de son thème. Là encore, Lucy ne se fie qu'à des on-dit.

- Eh bien ? Un rôle est un rôle, rétorque-t-elle d'abord, avec la fierté de l'élève prise en faute.

Grossissant volontairement son orgueil pour ne pas céder à la faiblesse de la honte ou, pire, de la culpabilité, Lucy ne lui adresse qu'un rapide coup d'oeil avant de lui tourner le dos en faisant mine de se recoiffer, afin de ne pas le laisser voir la couleur de ses joues.

- Puisque ma carrière vous préoccupe, dites-m'en plus au sujet de cet opéra, maestro. Et de vos… réticences.
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Lun 9 Jan - 17:12



J'avoue je maudis tous ceux qui s'aiment



feat. Lucy



« Rien ne reste secret bien longtemps, dans nos cercles, j’en ai peur », se justifie – à peine – le compositeur en constatant la surprise de la belle chanteuse, qui ne s’était apparemment pas attendue à ce qu’il ait eu vent de ses ambitions.

Qu’il l’ait appris d’une autre bouche que la sienne, évidemment, l’incommode, même si ce n’est certainement pas un reproche qu’il peut lui faire sans faire montre de la plus grande mauvaise foi. Peut-être même avait-elle eu l’intention de lui en parler. Qui sait, peut-être que ce cours de chant en particulier en aurait été l’occasion, d’ailleurs, mais voilà, Salieri, qui avait tendance à laisser traîner ses oreilles partout, et encore davantage depuis la venue de Mozart à Vienne, avait tout naturellement été informé de l’affaire. A présent, il attend de la part de Lucy des explications que cette dernière ne lui doit pas le moins du monde.

Lucy ne peut être au courant de la rivalité qui oppose Salieri à Mozart… A dire vrai, Salieri n’est pas convaincu que Mozart en ait lui-même conscience tant ce dernier s’estime doué et intouchable et semble considérer sa musique comme… gentille, tout au plus. Quelques instants de connivences entre eux dissimulent de l’hypocrisie de la part de là, et… va savoir ce qui peut se tramer dans l’esprit fou et instable de Wolfgang Amadeus Mozart. Salieri mène seul un combat que nul ne lui a demandé d’engager… et si ce n’était pas assez pathétique de le présenter ainsi, lui-même doit admettre que c’est un combat qu’il mène à contrecoeur tant il est touché par chacune des compositions du jeune homme comme si la moindre note glissée sur ses partitions lui avait été soufflée par Dieu en personne.

« Un rôle qui pourrait ternir votre réputation n’est pas un rôle comme les autres », répond un peu trop sèchement Salieri quand Lucy, non sans fierté, se défend de désirer jouer dans cet opéra, qui prendra lieu – il est à présent convaincu qu’elle en a conscience et s’en moque, tout simplement – dans rien moins qu’un bordel. « Je ne voudrais pas qu’un choix hasardeux vous ferme plus tard des portes qui pour l’heure vous sont grandes ouvertes. Votre voix, madame, est sublime, elle se doit d’être mise au service des plus grands rôles. »

Il le pense sincèrement. S’il est contraint d’admettre – s’il doit décider de ne pas faire preuve de mauvaise foi – qu’il est dominé par une jalousie crasse, ce n’en est pas moins vrai que le maestro porte Lucy Harris aux nues et l’estime digne d’incarner les plus grandes dames de l’opéra classiques… Il la contemple et l’admire en grande figure tragique, en héroïne grecque, sublimée par son caractère inaccessible. Parce que c’est ce qu’elle est pour lui : un idéal, un fantasme qu’il ne devrait pas même s’octroyer le droit de convoiter, ce qu’il fait pourtant, et ce presque malgré lui.

« Tout son opéra prend place dans un bordel. Vous serez cantonnée au rôle de concubine, admettez que ce n’est guère flatteur. »

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Lun 9 Jan - 22:46

J'avoue je maudis tous ceux qui s'aimentLa sècheresse de son interlocuteur l'incite à se redresser, se retournant pour lui faire face, observant son visage d'un air incertain. Hésitant entre la vexation, l'indignation et le compromis, c'est finalement la discussion qu'elle favorise. Les pas de Lucy la mènent près de lui, suffisamment près pour qu'elle puisse tenir son bras ou son épaule si elle en avait envie. Et, alors même que cette pensée lui traverse l'esprit, elle la refoule vivement, secouant doucement la tête pour retrouver son fil de pensée et lui répondre :

- Peut-être. Mais que j'y chante ou non, L'enlèvement au sérail sera joué. Et ce sera un succès, n'est-ce pas ? Une turquerie chantée en allemand… Quelle audace. Ne le niez pas, Monsieur Saleri. Si cette pièce est autorisée et commandée par l'empereur, je doute fort que la réputation de quiconque obtiendra ce rôle en soit ternie.  

Et pourtant, malgré sa conviction, Salieri a su la faire douter. Elle marque une pause de quelques secondes, dont elle se sert pour songer à la question. Et plus elle y réfléchit, plus elle se voit contrainte d'admettre que c'est un pari risqué. Si l'opéra déplaît à l'empereur ou au public, ce sera sa réputation en plus de sa carrière qui en pâtiront. Mais s'il s'agit au contraire du succès tant attendu par les viennois… Alors son nom sera associé à celui de Mozart, ce qui est un atout non négligeable, pour une chanteuse.

- Vous me suggérez d'attendre, résume-t-elle enfin d'une voix songeuse. Attendre un plus grand rôle… Mais qui me donnera ce rôle, Maestro ? Vous ?

La question peut paraître insolente, voire franchement dubitative, et pourtant, son interrogation est sincère. Elle sent, sans pour autant savoir l'expliquer, qu'il semble lui en vouloir de convoiter ce rôle… S'agit-il d'une simple mise en garde, d'un professeur à son élève, d'un compositeur à une chanteuse d'opéra ? Lucy sait, objectivement, qu'elle devrait se fier à son expérience et à sa connaissance magistrale du sujet. Mais la tentation de rencontrer Mozart demeure, si bien qu'elle est à présent plus confuse que jamais, tiraillée entre cette étrange fidélité qu'elle se sent éprouver pour Salieri et sa curiosité couplée à ses ambitions. L'idée d'une simple rivalité entre compositeurs lui effleure l'esprit. Elle ne la rejette pas, mais ne l'accepte pas totalement non plus. Une fois encore, le tempérament de son interlocuteur l'interpelle, sans qu'elle ne parvienne à en faire une interprétation cohérente ou satisfaisante.
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Mar 10 Jan - 17:29



J'avoue je maudis tous ceux qui s'aiment



feat. Lucy



Lucy a toujours su ce qu’elle voulait, elle a toujours su faire preuve d’une vive force de caractère et d’une volonté qui ont eu tôt fait de séduire Salieri mais qui, en cet instant pourtant, l’incommodent. Et pour cause, alors même qu’elle étaye les arguments qui la pousseront tout naturellement à jouer pour Mozart et, qui sait, à se précipiter dans ses bras, il a déjà le sentiment de la perdre. Presque résigné avant l’heure, il pense à ce qu’il ressentira si Lucy devait devenir la coqueluche de Mozart, si soudainement elle devait ne jurer que par lui… Comment le lui reprocher, au fond ? Sa réputation n’en pâtirait probablement pas, ainsi qu’elle l’affirme, quant à son œuvre, que Salieri se permet de juger sans l’avoir encore entendue… il est fort à parier qu’elle sera un chef-d’œuvre, puisque Wolfgang Amadeus Mozart, au grand dam de Salieri, semble bien incapable du moindre faux pas.

« L’audace est loin de payer toujours. »

C’est ainsi qu’elle le dit, une turquerie chantée en allemand… tout ce que Salieri déplore, lui qui par ailleurs ne juge que par l’Italien, estimant que cette langue seule contient en elle l’élégance nécessaire afin de transmettre les émotions les plus forte, si ce n’est le voix de Dieu elle-même. Oui, l’audace de Mozart est certaine, c’est cette même audace qui incommode tant le compositeur et certains autres de ses collègues à qui trop souvent dernièrement l’Empereur décide de faire la sourde oreille… mais qui sait s’il y trouvera son compte. Le bonheur dans le malheur de Salieri est que ce cher Empereur n’est en réalité pas doté d’une oreille musicale à toute épreuve, loin s’en faut… Cela n’est d’ailleurs guère honorifique pour lui, qui en tant que compositeur de la cour, s’il avait moins d’estime pour son travail, pourrait en déduire que son œuvre n’a tout compte fait que peu de valeur.

« Je ne présumerais pas, à votre place, de la pérennité du succès d'Herr Mozart. Vous devez je pense avoir l’intelligence de savoir que toute gloire est éphémère. »

Y compris la sienne… Mais Salieri n’a pas vraiment le sentiment d’avoir un jour connu ce fameux moment de gloire, justement. Ses arguments feront-ils céder la belle Lucy Harris ? Salieri veut croire avoir su toucher une corde sensible, mais dans le même temps, il ressent également que la belle chanteuse n’est pas totalement réceptive. Sans doute parce qu’elle n’a que trop envie de pouvoir incarner un rôle servi sur un plateau d’argent par un terrible génie. Lucy n’est pas l’Empereur, elle sait reconnaître le talent…

« Vous ne m’en pensez pas capable ? » répond Salieri, piqué à vif quand Lucy lui demande qui sera susceptible de lui offrir le plus grand rôle. « Mes opéras sont peut-être moins audacieux, madame, mais ils ont la faveur de l’Empereur », cingle-t-il, agacé.

Il interprète peut-être les propos de son interlocutrice de la mauvaise manière, mais il se sent en cet instant attaqué dans son orgueil.

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Lun 16 Jan - 13:50

J'avoue je maudis tous ceux qui s'aimentSon entêtement lui vaudra-t-elle de perdre son professeur ? Le risque semble élevé, mais c'est pourtant tout ce qu'elle déplorerait. Le fait est que Lucy ne tient pas, absolument pas, à choisir entre ces deux compositeurs, l'un attisant sa curiosité, l'autre possédant sa confiance et... son affection. Peut-être même un peu plus que cela. Mais si elle ne souhaite pas non plus perdre la sympathie de Salieri, elle peine tout de même à comprendre les motivations de l'Italien, lui qui est un proche de l'empereur et qui par ailleurs, sait très certainement reconnaître le génie de Mozart.

- La gloire peut-être, mais pas le talent, réplique-t-elle spontanément.

Plus la conversation se déroule, plus celle-ci prend des airs de dispute. Ce constat l'attriste si bien que Lucy prend le temps d'une inspiration pour songer à la situation, ne souhaitant pas provoquer son courroux plus qu'elle ne semble l'avoir déjà fait. Comparer les deux compositeurs était une erreur. Une erreur qu'elle regrette aussitôt, observant avec un mélange de peine et d'inquiétude la réaction orgueilleuse de son interlocuteur... Et comment le lui reprocher. Ses arguments ont du sens, son influence à la cour est incontestable... Elle l'oublie parfois, tant leur proximité lui semble naturelle, lors de ces cours de chants, mais Antonio Salieri est un homme puissant, un homme qui possède le pouvoir de faire décoller des carrières... Ou au contraire, de les étouffer. Mais il est aussi et surtout incontestablement doué et travailleur.

- Pardonnez-moi, Maestro. C'était déplacé, et je ne voulais pas vous offenser, reprend-elle avec douceur. L'idée d'avoir pu vous fâcher m'est intolérable.

Plus conciliante, après ce petit éclat, la jeune femme s'écarte finalement de lui pour s'asseoir sur le siège de piano, optant pour l'immobilisme pour ne pas se laisser tenter par l'envie de faire les cent pas et de laisser s'exprimer sa nervosité.

- Vous avez rencontré Herr Mozart, n'est-ce pas ? Je ne suis qu'une simple femme, mon ami, je ne nie pas qu'il m'intrigue. Mais... J'ai confiance en votre jugement, aussi, si vous me déconseillez de le rencontrer, je tiendrai compte de votre avis.

Est-elle parfaitement sincère ? Elle pense l'être, en tout cas. Se faire de Mozart un ami quitte à se faire de Salieri un ennemi n'est pas un prix qu'elle est prête à payer. Mais seul l'avenir serait véritablement capable de prédire ce qu'il adviendra de cette possible rencontre avec le compositeur autrichien.
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Mar 17 Jan - 19:27



J'avoue je maudis tous ceux qui s'aiment



feat. Lucy



Salieri est un homme mesuré. Ou du moins, il sait s’en donner l’apparence. Il a un don naturel pour contenir ses émotions – et retenons quiconque de dire que c’est le seul talent qu’il possède. Il sait, par conséquent, que l’absence de retenue dont il a fait preuve un peu plus tôt n’a non seulement rien de professionnelle, mais pourrait bien lui attirer les foudres de celles qui concentre toute son attention et toute son admiration. Il a peur qu’elle lui échappe, il a peur que Mozart lui prenne ce qu’il a de plus précieux, cette femme qu’il convoite sans daigner la courtiser plus franchement, au risque de contrevenir à ses vœux les plus chastes. Il la veut sans consentir à l’avoir, et n’accepte pas que quiconque d’autre l’ait… Et encore moins lui. Il doit modérer son propos et se ressaisir. Si les propos de Lucy le heurtent, c’est parce qu’ils sont vrais. La gloire de Mozart n’est pas déméritée, et son talent n’est pas une invention… c’est une douloureuse réalité. Et Lucy est une femme bien assez remarquable et brillante pour avoir reconnu le talent en question.

Salieri songe à arrondir les angles, mais c’est Lucy qui en a l’intelligence la première, observant que ses remarques étaient déplacées (il devrait la contredire sur ce point, pourtant il n’en fait rien), avant d’ajouter que le fâcher est une chose intolérable pour elle. Sur ce dernier point, il envisage qu’elle mente pour lui être agréable… mais puisque cela implique qu’elle veuille lui être agréable, il sait apprécier son propos malgré tout…

« Vous ne m’avez pas offensé, n’ayez crainte », prétend-t-il sans réellement savoir être crédible.

Les choses devraient s’arrêter là, ils devraient se contenter de reprendre leur cours comme si de rien n’était et prétendre que rien de tout ceci ne s’était véritablement passé. Mais Lucy insiste. Chaque fois qu’elle prononce le nom de la créature, Salieri à le sentiment qu’on lui arrache très sûrement un morceau de cœur. C’est insoutenable.

« Vous n’êtes pas qu’une simple femme, vous vous dévaluez », répond galamment Salieri, songeant que son discours se rapproche probablement trop du badinage. « Oui, j’ai rencontré Herr Mozart. J’attendais d’un tel homme qu’il soit… disons que je l’imaginais très différent. C’est à regret que je ne saurais que vous conseiller de prendre vos distances avec lui. Bien sûr, ce n’est que mon humble opinion. »

Une opinion complètement biaisée par la plus insoutenable des jalousies, si violente qu’il peine à la dissimuler, en dépit du calme dont il s’efforce de faire preuve, autant par la voix que par les gestes. Entendra-t-elle ses recommandations ? Si elle devait ne pas les écouter, une chose est certaine : Salieri se sentirait doublement trahi.


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Sam 4 Fév - 23:34

J'avoue je maudis tous ceux qui s'aimentLucy guette Salieri avec prudence. Elle ne craint pas de le voir s'en prendre à elle, elle est même certaine qu'il ne le fera pas. Mais elle est sincère lorsqu'elle affirme ne pas vouloir le contrarier. Elle l'observe donc pour juger de son état d'esprit, et de la manière dont son humeur réagit à ses paroles. Il semble retrouver son calme... Mais avec un tel homme, comment distinguer le vrai du faux ? Elle l'a toujours trouvé énigmatique, taciturne, parfois, mais toujours galant. Toujours respectueux. Le discours qu'il fait du maestro Mozart depuis quelques minutes ne lui ressemble pas. Lucy est sans doute trop curieuse, et se même très certainement d'affaires qui ne la concernent pas, mais elle s'interroge sur la raison de ce mépris. Salieri parvient à reconnaître le talent de Mozart, tout en peignant de lui un portrait qui parvient à la faire douter. Elle est partagée, oui, entre sa loyauté envers lui, à qui elle doit ses progrès et sa position, et sa curiosité croissante concernant Herr Mozart.

Il lui répond fort galamment, ce qui la rassure légèrement. Il lui semble que la tension qui s'était installée s'estompe progressivement, mais elle reste attentive, redoutant de prononcer un mot de travers. Même sa curiosité ne vaut pas la peine d'envenimer la situation avec cet homme qu'elle estime tant.

- Si vous vous méfiez tant de lui, il doit il y avoir une raison. J'ai confiance en votre jugement. Je serai prudente et tâcherai de l'éviter.

Une promesse peut-être hâtive. Comment prévoir son comportement, si elle en vient à avoir la chance d'être invitée à l'une de ces soirées où Mozart se rend et joue pour le plus grand plaisir des autres invités.

Le sujet semble clos. Pourtant, Lucy aimerait l'interroger, en savoir plus sur les raisons de cette animosité, lui demander un portrait détaillé. Elle sait pourtant que ce serait malvenu, inconvenant, et se résigne donc à garder sa curiosité pour elle. Ses prochaines paroles relèvent quelque peu de la flatterie, mais elle lui vient naturellement, non pas pour le moquer, mais au contraire pour le faire sourire. Elle tapote la place à ses côtés, sur le petit siège, et lui fait signe d'approcher.

- Vous êtes trop bon avec moi. Venez. Laissez-moi entendre l'une de vos dernières œuvres.
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Lun 6 Fév - 16:47



J'avoue je maudis tous ceux qui s'aiment



feat. Lucy



Salieri ne peut prétendre le contraire, il se sent soulagé d’entendre Lucy lui assurer qu’elle se méfiera de Mozart et se fiera à son jugement. Ne devrait-il pas éprouver ne serait-ce qu’un soupçon de culpabilité pour le comportement qui est le sien ? A l’évidence, il le devrait, mais le compositeur se réfugie derrière les excuses les plus réconfortantes possibles afin de justifier son indigne comportement. Oui, c’est vrai, il devrait peut-être laisser à Lucy l’opportunité de se faire sa propre idée de la situation… Mais ce serait lui faire prendre des risques inconsidérés n’est-ce pas ? Il doit prendre soin d’elle, il doit s’assurer qu’elle fera les bons choix pour elle comme pour sa carrière… C’est ainsi que l’on prend soin des personnes pour lesquelles l’on ressent… disons… une affection légitime (matinée d’un désir inavouable).

La promesse de Lucy lui importe immensément. Salieri n’envisage pas de la remettre en question ne serait-ce qu’un seul instant. Il décide de croire dans la pureté des intentions de son interlocutrice. Le devrait-il ? C’est une question à laquelle il aurait tout intérêt à répondre plus rapidement. Convaincu de l’avoir convaincue, il pourrait tomber de très haut si Lucy devait malgré tout décider de faire fi de ses recommandations et faire le choix, malgré tout, de se présenter auprès de Mozart. Oh, il ne doute pas un seul instant du fait que si elle devait auditionner pour lui, son rival serait immédiatement conquis… et ça, ça… Il ne veut pas l’accepter. Une voix aussi parfaite que celle de Lucy mériterait probablement une musique aussi parfaite que celle de Mozart… Cette association ferait sens, mais Salieri la refuse malgré tout… Il ne peut ni ne veut le supporter.

« Je ne fais que protéger votre réputation et encourager votre talent », affirme le compositeur avec un fin sourire quand Lucy prétend qu’il serait trop bon avec elle.

Il est vrai qu’il fait preuve à son égard de traitements de faveur qu’il n’accorderait certainement pas à beaucoup d’autres… Elle les doit en effet à son talent, mais plus prosaïquement, également, à l’affection proche d’obsessionnelle qu’il lui voue, et que pour rien au monde il n’oserait confesser, au risque de piétiner ses convictions les plus profonde et sa proverbiale ferveur religieuse.

« J’ai récemment composé une balade qu’il me plairait de vous faire écouter », ajoute-t-il quand Lucy suggère qu’il lui fasse entendre l’une de ses dernières œuvres. « N’hésitez pas à me dire très sincèrement ce que vous en pensez. »

Salieri se concentre, il se focalise sur les touches de son piano, qu’il caresse et martèle en même temps qu’il fait écouter à son interlocutrice sa toute dernière composition.


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Jeu 9 Mar - 21:33

J'avoue je maudis tous ceux qui s'aimentLe compositeur joue, mais ce n’est pas sur ses doigts que le regard de Lucy s’attarde, contrairement à son habitude. Elle apprécie, habituellement, de le voir caresser et marteler les touches avec ferveur et application. Or, c’est bien sur le visage du maestro qu’elle reporte son attention, cette fois-ci. Elle observe son profil, tente de déchiffrer les émotions qui traversent son visage au moment où il joue… Elle ne le trouve jamais aussi beau que lorsqu’il est concentré sur sa musique. Cette pensée la fait rougir, mais elle en assez de prétendre ne pas remarquer l’élégance de cet homme et ce charisme, parfois sombre, qui émane de lui. Antonio Salieri est un homme à secrets, un homme plein de mystères, le plus grand résidant dans les pensées qu’il peut bien entretenir à son sujet et qui l’auront poussé, ce jour-ci, à la mettre en garde contre un autre musicien de talent.

C’est lui faire peu d’honneur que de plus se concentrer sur son visage que sur sa musique, mais… Selon elle, cet instant est un tout. Elle ressent une vive émotion en entendant sa composition, cette émotion étant encouragée par son observation et par l’instant qu’ils viennent de vivre. Oui, ses manières l’ont agacée, mais… elles l’ont charmée, également.

Lorsqu’il cesse de jouer, elle détourne son regard, ne souhaitant pas trop ouvertement lui donner de raisons de s’interroger sur sa contemplation.

- C’était très agréable, commente-t-elle enfin.

Mentionne-t-elle son observation physique, ou son écoute ? Elle-même ne saurait le dire. Sans doute un peu des deux. Ces deux activités s’étaient sublimées. Mais, pour maintenir un semblant de crédibilité, elle ajoute ensuite :

- Le public viennois appréciera beaucoup. Les dames, surtout, plaisante-t-elle doucement.

Et, pendant qu’elle prononce ces mots, elle se surprend à s’interroger sur les fréquentations du maestro, qui s’inquiétait lui-même des siennes. Un homme de son rang, possédant son talent, doit être convoité. À quel point maintient-il son honneur intact ? Cette question éveille subitement sa curiosité, ainsi qu’une émotion plus honteuse, plus mesquine, aussi. Elle se sent soudainement possessive à son adresse, et pose, avant d’avoir pu songer à retenir son geste, une main sur l’une des siennes, cherchant son regard du sien.
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Sam 11 Mar - 17:48



J'avoue je maudis tous ceux qui s'aiment



feat. Lucy



Focalisé sur sa musique et sur sa musique seule, le compositeur ne remarque pas le regard insistant que la belle chanteuse pose sur lui, et qui se focalise bien davantage sur sa personne que sur sa musique. Lui-même est tout à fait concentré, attentif à offrir la meilleure prestation possible à son interlocutrice. Salieri tient absolument à transmettre à son interlocutrice les émotions que ses notes sont supposées offrir. C’est ce par quoi il pâtit bien souvent. La technique est impeccable, mais l’émotion et la passion manquent bien souvent… Quand il en a fini, il lève immédiatement les yeux vers Lucy, qui elle a détourné le regard pour lui adresser un compliment qui certes n’est pas le plus emphatique que l’on puisse envisager, mais que le compositeur accueille malgré tout avec un fin sourire.

C’est très agréable. Il voudrait que son œuvre soit au-delà d’agréable. Il voudrait qu’elle soit sublime, transcendante, il voudrait qu’elle marque l’histoire de la musique. Malgré tout, sourire aux lèvres, il accueille ses propos avec une humilité qui n’est jamais que feinte. Il reconnaît son talent, même s’il a également conscience de la marge d’amélioration qui lui manque, ce quelque chose de divin qu’il cherche désespérément à atteindre… sans forcément y parvenir.

« C’est ce que je souhaite, en tout cas. Enfin… que le public viennois apprécie mon œuvre, les hommes comme les femmes »
, affirme-t-il, faisant mine d’éluder le sous-entendu, alors même qu’il lui reste dans un coin de l’esprit.

Satisfaire son public et l’Empereur est bien évidemment son objectif premier, mais il admet apprécier ce qu’elle suggère. Il se moque de plaire à ces dames, la plupart ne lui inspirent rien, ou pas grand-chose… mais elle, oui, il souhaiterait lui plaire, lui plaire vraiment, lui qui a pourtant fait vœu d’abstinence, lui qui s’est promis de s’offrir entièrement à Dieu, en échange d’un talent qu’il espère voir un jour être reconnu par tous et toutes, sans exception. Pas seulement les femmes, mais tout Vienne, sans exception aucune.

« Ma musique, cependant, n’a pas vocation à séduire. Elle a vocation à élever les âmes. »

La musique et ce qu’elle lui inspire sont une chose qui transcende de très, très loin tout le reste. C’est ce qui l’élève, c’est ce pour quoi il vit. Et le reste doit être secondaire… Il le doit, mais difficile de ne pas reconnaître qu’au moment de poser les yeux sur Lucy, ce qui le fascine et l’intéresse réellement, c’est bel et bien elle : sa personne, ses courbes, sa douceur, son charisme, cette beauté naturelle qui fait battre son cœur à la vitesse d’un train fou.


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Dim 9 Avr - 17:23

J'avoue je maudis tous ceux qui s'aimentLa concentration et la droiture du compositeur étaient admirables. Lucy était partagée, partagée entre l'envie de le voir briser sa façade et celle de ne surtout pas lui causer plus d'inconfort qu'il ne semblait en ressentir lorsqu'elle se montrait trop entreprenante envers lui. Elle appréciait l'artiste et le professeur, c'était également à l'homme qu'elle s'intéressait. Un homme en tous points inaccessibles, bien sûr, mais auquel elle songeait bien plus que la décence ne l'autorisait. Lucy n'était toutefois pas une femme qui se considérait comme la plus décente des femmes. Ses pensées, à l'occasion, ne l'étaient pas.

Toutefois, pour en revenir au beau maestro, elle appréciait, chez lui, cette passion qu'il vouait à la musique, celle qu'il vouait à sa foi, avec tant de rigueur… La même passion qu'elle avait aperçue dans son regard au moment de la dissuader de rencontrer le maestro Mozart. « Élever les âmes. » Une ambition que certains qualifieraient de démesurée, mais la musique incarnait bel et bien cette fonction, et Lucy le comprenait parfaitement. Le chant revêtait une valeur similaire, pour elle. En cela, ils se complétaient bien, tous les deux. Mais de telles pensées étaient fort dangereuses, et très peu appropriées à une jeune femme.

- C'est une ambition louable. Vous êtes un homme passionné, Maestro, sous toute cette rigueur musicale.

Et c'était, très certainement, ce qu'elle préférait chez son séduisant interlocuteur. Elle ne le connaissait que par le temps qu'ils passaient ensemble pendant ces cours, mais en définitive, c'étaient des moments privilégiés, relativement nombreux. Si bien que dans le cas de Lucy, il était celui avec qui elle passait le plus de temps. Et elle ne pensait pas se tromper en affirmant que c'était réciproque. Oh, il avait sans doute d'autres élèves, mais… Au fond, il passait sans doute plus de temps en compagnie féminine que ses principes ne voulaient bien l'admettre, songea-t-elle sur une pensée amusée.

- C'est ce qui me plaît le plus lorsque je chante pour vos œuvres, confessa-t-elle timidement. Chaque témoigne d'un travail acharné et… passionné.
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Mar 11 Avr - 16:37



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feat. Lucy



Un homme passionné. C’est en effet ce qu’est Salieri. Il l’est profondément, car il faut l’être pour dévouer sa vie tout entière à la création musicale au point de décider de s’oublier soi-même et de faire abstraction de toute autre considération, de quelque ordre que ce puisse être. Oui, il est passionné, il aime profondément composer, jouer, il aime passionnément la musique quand elle est belle… Il est tout ceci sans vouloir l’être, car à dire vrai, Salieri associe les passions à tout ce qu’il devrait être proscrit de ressentir.

Il ne veut pas s’autoriser à éprouver si intensément, même si c’est cette même intuition qui lui offre à coup sûr de savoir quelle œuvre est oubliable et quelle autre est un chef-d’œuvre… Et c’est pour cette raison d’ailleurs qu’il sait admettre que les opéras, concertos et symphonies de Mozart appartiennent à cette catégorie quand ses propres œuvres ne font jamais que l’effleurer sans complètement les atteindre… Quand bien même il pourrait être satisfait de l’une ou l’autre de ses compositions, il se heurtera toujours à ce constat. C’est bon, c’est même parfois excellent. Ce n’est jamais parfait. Et c’est bien le problème.

« La passion est mauvaise conseillère. Elle tourmente le cœur des hommes et les détourne de leurs objectifs les plus élevés », conteste-t-il presque pour se rabrouer lui-même, pour se retenir d’être cet homme passionné que Lucy voit en lui.

Et pourtant… Pourtant… Quand il l’entend parler de la sorte de son talent et de ce qui l’anime, il brûle d’être réellement cet homme qu’elle voit en lui. Il veut, oui, être aussi passionné qu’elle le prétend, il veut être celui qui sera capable de lui faire éprouver en retour une passion similaire, et dès lors que cette pensée lui a traversé l’esprit, il la regrette presque immédiatement, violemment, viscéralement, et veut s’en protéger. Quand elle lui affirme que c’est cette part de passion dans son œuvre qui la touche autant, Salieri en est décontenancé. Lucy met en réalité en exergue quelque chose qu’il n’a jamais voulu admettre alors que c’est pourtant une évidence.

Si Mozart est loué, apprécié, en dépit de son évidente vulgarité et de son manque évident de savoir-vivre, c’est qu’il a réellement de la passion à revendre, et que celle-ci transpire dans tout son œuvre. Chacune de ses nouvelles créations en déborde, en plus d’être infiniment intime et personnelle, chose que Salieri ne s’autorise pas, refusant de parler de lui-même dans ses compositions, ou bien ne le faisant que de manière purement et strictement accidentelle.

« J’ignorais que vous trouviez cette dimension à mes œuvres. » Il l’observe longuement, sans doute trop attentivement, comme s’il la redécouvrait. « Personne ne m’avait jamais dit cela auparavant… »


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Mar 8 Aoû - 23:51

J'avoue je maudis tous ceux qui s'aimentLucy avait capté son attention et sa curiosité, ce qui la ravissait. Elle était amusée par la tournure inattendue que prenait la conversation, mais elle pouvait également sentir la complexité des émotions qui se mêlaient dans le regard du Maestro. Elle avait l'impression d'explorer une complexité nouvelle dans l'esprit du compositeur, une complexité qu'il avait longtemps gardée sous clé.

Un sourire subtil se dessina sur les lèvres de Lucy, un sourire qui était à la fois enjoué et compatissant. Elle admirait la manière dont Salieri exprimait ses pensées, sa capacité à remettre en question ses propres convictions et à révéler des aspects de lui-même qu'il avait soigneusement gardés sous contrôle. Elle appréciait sa rigueur, si frustrante soit-elle en certaines occasions.

« Peut-être que personne n'a osé le dire, Maestro, mais de mon humble avis, la passion transparaît dans chaque note de vos compositions. Vous la définissez peut-être différemment de Mozart, mais elle est tout aussi présente, tissée dans chaque ligne mélodique, chaque harmonie. Vos œuvres ont une élégance et une profondeur qui révèlent une sensibilité unique », affirma Lucy avec douceur, cherchant à apaiser les tourments intérieurs du compositeur.

Elle soutint son regard, consciente de l'intensité de l'instant. Elle prenait un grand plaisir à cette conversation, qui lui permettait au passage d'exprimer ses propres convictions au sujet de la musique et de ce qu'elle appréciait chez les compositeurs actuels.

« La passion n'est pas nécessairement une mauvaise conseillère, Maestro. Elle peut être une source d'inspiration précieuse, un feu qui pousse les artistes à explorer de nouveaux horizons. Et il me semble que cette passion, si elle vous pousse parfois à critiquer vos propres créations, est aussi ce qui vous permet de grandir en tant que compositeur. » Elle marqua une pause, réfléchissant à ses prochaines paroles. « J'admire la manière dont vous préservez votre intégrité artistique. Mais jusqu'ici, elle ne me semble pas si indissociable de cette passion que vous refoulez tant. »

Lucy ressentit le besoin de se montrer sincère, de créer un espace où Salieri pourrait discuter ouvertement de ses aspirations et de ses doutes artistiques. Elle espérait que ces échanges les rapprocheraient davantage, non seulement en tant que professeur et élève, mais aussi en tant qu'êtres humains partageant une passion profonde pour la musique.
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Jeu 10 Aoû - 15:50



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feat. Lucy



Ce qui pourrait éventuellement passer pour un compliment au regard de tous les autres aurait pour Salieri les atours du reproche, voire même de l’insulte. Pour autant, quand Lucy en particulier, parce que c’est elle, affirme que la passion transparaît dans chaque note de chacune de ses compositions. Il n’a jamais voulu que ce soit le cas, il n’a jamais voulu se définir comme passionné… et pourtant… Pourtant, il faut bien qu’il soit passionné par son art pour s’y abandonner corps et âme et y dévouer toute sa vie. Quand Lucy parle de son travail, c’est avec admiration et sans condescendance, et il a le sentiment qu’elle le comprend vraiment, comme personne n’avait jamais compris sa musique auparavant… comme lui-même n’aovait jamais compris sa musique auparavant.

Il doit accepter, oui, que la passion ne soit pas toujours mauvaise conseillère… mais il est difficile de le concevoir de la part de quelqu’un qui a toujours considéré que la passion devait tout simplement être exclue d’une vie humaine qui voudrait s’élever au rang de Dieu, au risque de ne pas se montrer digne de transmettre sa parole et de faire valoir cette dernière. Il voudrait être un vecteur, une sorte de Prométhée humain, qui transmettrait la voix du très-haut à travers sa musique. C’est bien sûr un rôle prétentieux, mais Salieri le considère ni plus ni moins que comme une sorte de mission divine.

« La passion détruit plus qu’elle ne crée, c’est ce que l’expérience m’a appris. »

Son expérience, pas vraiment, en vérité, c’est surtout son éducation qui lui a appris une telle chose… Cette maxime qu’il assène à son interlocutrice comme s’il s’agissait là d’une vérité des plus incontestables, il est loin d’en être tout à fait convaincu lui-même, quoi qu’il puisse bien en dire. Se mentir à lui-même est le mieux – et le pire en même temps – qu’il sache faire. Alors il persiste, il s’obstine… Et c’est un tort, bien évidemment.

« Je veux composer une musique qui élève, une musique qui transcende. Si elle ne sait se soustraire aux considérations basses et humaines, comment pourrais-je alors parvenir à mes objectifs ? »


Salieri se montre rarement aussi honnête et transparent au sujet de son art, mais elle le vaut bien. Avec elle, il se sent capable de discuter plus longuement de ses ambitions artistiques. Surtout, auprès d’elle, il se sent entendu, il ne se sent pas juger. Dans son regard, il voit quelque chose de particulier, d’inédit pour lui. Il ressent qu’elle veut le comprendre. Il ressent qu’elle essaie de cerner quel homme il peut bien être. Et il veut que cette curiosité ne la quitte pas. Il veut être au cœur de son intérêt, tout comme elle se retrouve au cœur du sien.


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