"For there was much love between them" [Galadriel & Melian]

For there was much love between them

feat. Galadriel

C’est avec une impatience non dissimulée que Melian attendait de rencontrer enfin Finrod et Galadriel, au sujet desquels tant de rumeurs avaient couru et étaient parvenues à elle, qui prétendait faire fi des rumeurs quand la vérité voulait plutôt qu’elle les écoute toutes et décide de n’accorder attrait à valeur qu’à un nombre restreint d’entre elles. Elle veut les voir de ses propres yeux, entendre leur voix, les découvrir en personne. Au sein de la cour de Doriath, ils seront accueillis en invités privilégiés, Melian y a mis un point d’honneur, et Thingol n’y a certainement pas contrevenu, tout aussi curieux qu’elle, et surtout, décidé à faire bon accueil aux deux Elfes qui auront rencontré bien des difficultés et fait face à bien des obstacles avant de parvenir en Doriath. Elle le sait, Thingol attend d’elle qu’elle parvienne à obtenir de la part du frère et de la sœur des informations supplémentaires concernant les Noldor… Galadriel a bien sûr accepté sans aucune réserve ni la moindre hésitation.

Installés l’un et l’autre à la place d’honneur, en salle du trône où le frère et la sœur leur sont présentés en bonne et due forme, ils peuvent voir progresser le duo le long de l’importante allée menant aux souverains, en tenue d’apparat, coiffés de leur couronne et habillés de leurs plus beaux atours. Melian laisse son regard passer de l’un à l’autre, mais bientôt, son attention n’est plus fixée que sur Galadriel. Il émane d’elle une aura qui presque aussitôt éblouit et émeut la Maia. Elle n’avait, de toute son existence, jamais rencontré une Elfe de sa stature. Elle n’a rien dit, rien fait de particulier, pourtant. Elle s’est contentée de soutenir son regard, et cela a suffi pour qu’elle succombe, sans même savoir que c’était là ce qu’elle faisait.

« C’est un honneur sincère pour nous que de vous accueillir en notre royaume », répond Melian avec douceur, quand Galadriel les remercie, elle et Thingol, pour leur hospitalité. « Vous êtes nos invités privilégiés. Sentez-vous libre de demeurer en Doriath autant de temps que vous le désirerez, vous y serez toujours les bienvenus. »

Ces mots qui semblent s’adresser autant au frère qu’à la sœur ne semblent pourtant orientés qu’en direction de Galadriel tant le regard de la Maia ne se lasse pas de se plonger dans celui de l’Elfe dont la beauté fascinante continue d’interpeller Melian presque malgré elle.

« Nous avons fait préparer un banquet en votre honneur, mais avant cela, peut-être souhaitez-vous que je vous fasse visiter le domaine ? » suggère-t-elle toujours en ne s’adressant qu’à Galadriel. « Tandis que nous laissons ces messieurs entre eux », ajoute-t-elle, confirmant définitivement que la présente de Galadriel lui importe définitivement bien plus que celle de Finrod.

For there was much love between them

feat. Galadriel

Melian adresse à Artanis son regard le plus tendre, accompagné de son sourire le plus sincère. Elle n’a aucune intention de forcer l’Elfe à la suivre, ou d’accaparer sa compagnie si elle devait estimer préférer rester auprès de son frère, mais elle n’a guère besoin d’y regarder de très près pour constater qu’elle semble tout aussi enthousiaste à l’idée de découvrir le domaine de Doriath et le palais en sa compagnie que Melian ne l’est elle-même à la pensée de passer plus de temps en sa compagnie. Elle veut tout savoir d’elle. Elle se découvre une curiosité vibrante à l’adresse de l’Elfe à la chevelure d’or. Elle ne saurait le justifier en des termes très concrètes ce qu’elle éprouve en cet instant, elle ne cherche pas à le faire, d’ailleurs, elle savoure juste pleinement une émotion nouvelle, qu’elle veut savourer pleinement, sans s’interroger sur la nature de ses pensées et de ses sentiments singuliers… De ceux qui lui feraient à s’y méprendre penser à ceux qu’elle avait éprouvés au moment de rencontrer Thingol… tout en étant, en même temps, sensiblement différents.

D’un geste, tout en se relevant, Melian invite l’Elfe à la suivre sans plus un regard à l’adresse de Finrod ou de son époux. Dans son esprit, en cet instant, nul n’existe en dehors d’elle. Elle accapare toutes ses pensées dans des proportions inexprimables. Elle sait que si ses paupières devaient se fermer un peu trop longuement, c’est son image qui lui apparaîtrait, très distinctement… Elle ressent un respect immédiat, un amour violent car imprévu, courir le long de sa peau lisse et y déposer quantité d’agréables frissons. Elles quittent la salle du trône pour traverser une succession de couloirs surmontés d’arches majestueuses, leurs pas se répercutant en écho contre les murs de pierre blanche.

« Je pourrais vous montrer vos appartements, nous vous avons choisi parmi les plus belles chambres du palais », lui apprend-t-elle après quelques minutes d’un agréable silence.

Sa voix n’est qu’un murmure quand elle reprend la parole, comme si elle lui soufflait le plus intime des secrets. Ce n’est pas le cas, mais elle ne veut rien laisser transpercer leur bulle d’intimité, qui les place en présence l’une de l’autre, sans aucun témoin alentour. Même l’écho du couloir ne doit pas être le témoin de leurs conversations : elles n’appartiennent qu’à elles seules, et nul n’est tenu de bouleverser ce fragile équilibre.

« Mais j’aimerais beaucoup vous montrer mon endroit préféré… si le cœur vous en dit, bien sûr. »

Elle ne veut rien forcer, ni sa présence, ni ses choix, auprès de son invitée, elle veut que cette dernière se sente libre d’accepter ou de refuser sa requête, sans s’inquiéter de ce que sera sa réaction – positive quoi qu’il en soit.

For there was much love between them

feat. Galadriel

Ce que Melian éprouve en présence d’Artanis, elle ne l’avait jamais éprouvé en présence de quiconque, y compris en compagnie de Thingol, pas même durant les premiers temps de leur idylle. La Maia se découvre en cet instant la capacité de s’émerveiller encore de sensations complètement nouvelle, et cette pensée lui inspire une profonde reconnaissance à l’adresse de celle qui n’est pas seulement son invitée, mais bien davantage. Elle ne saurait mettre de mots sur ce qu’elle éprouve en présence de l’Elfe, sans doute faudrait-il enrichir son vocabulaire de termes nouveaux afin que cela possible, mais ce qu’elle sait avec une certitude très nette, c’est qu’elle se sent bien, forte et complète, quand Artanis se trouve à ses côtés, et elle n’a pas besoin de davantage pour se convaincre de la nécessité d’un tel moment d’échange et d’intimité qui pourrait probablement passer pour déplacé pour deux femmes qui se connaissent à peine, plus encore quand la défiance de Thingol devrait naturellement influencer son propre jugement – ce n’est pas le cas.

Le coin des lèvres de la Maia s’étire en un sourire tendre et satisfait quand Artanis lui assure vouloir découvrir tout ce qu’il plaira à Melian de lui montrer. Ses yeux et son cœur sont avides de découvertes, c’est ce qu’elle lui affirme, et Melian n’a guère de doutes à ce sujet. Un seul regard en direction de son interlocutrice lui suffit à la prendre au mot sans avoir le moindre doute ni sur sa personne, ni sur ses intentions et sur la sincérité de son propos. La curiosité d’Artanis est évidente, et elle n’est pas pour déplaire à la Maia, loin de là. Elle n’a qu’une envie, et c’est de combler cette curiosité, de toutes les manières possibles. Tout ce qu’elle voudra savoir, tout ce qu’elle voudra apprendre, elle le lui transmettra sui elle le peut.

« Toutes les questions que tu pourras te poser, Artanis, toutes les questions auxquelles je peux être susceptible de répondre, adresse-les-moi, et je te fais la promesse de toujours y répondre le plus honnêtement du monde. »

Elle a bien l’intention d’être son guide, oui, au sein de son propre royaume, mais dans bien d’autres domaines si l’Elfe doit lui en donner l’opportunité. Elle compte l’aiguiller, lui enseigner, l’aider, mais elle ne l’obligera jamais à quoi que ce soit dans tous les cas, ce ne serait définitivement pas ses méthodes, et elle n’a pas la moindre intention d’agir à l’encontre de ses convictions. Elle ne dit rien un moment, jusqu’à finalement les conduire jusqu’aux vastes jardins du palais de Doriath.

« Que penses-tu de cet endroit ? Que t’inspire-t-il ? » lui demande-t-elle en la fixant avec une curiosité appuyée qui ne saurait être innocente. Elle a forcément une raison d’être.

For there was much love between them

feat. Galadriel

Melian adresse à Artanis un sourire à la fois tendre et bienveillant quand cette dernière constate quel grand privilège elle lui accorde. Elle a tout à fait raison de le constater et de le souligner, car ce privilège n’est en effet pas de ceux qu’elle adresse au tout-venant. L’elfe et son frère ne sont certainement pas les premiers invités ainsi accueillis en Doriath, ils ne seront pas les derniers non plus, mais elle n’a jamais accordé un tel traitement privilégié à aucun d’entre eux. Ce pourrait être stratégique, une manière de glaner plus facilement des informations en se rapprochant d’elle… Il n’en est rien. Melian est capable d’une grande et vive intelligence, elle n’a pourtant rien de calculatrice. Ce sont son instinct et son intuition qui dictent ses actes, et le fait est qu’ils lui servent d’ordinaire plutôt bien.

Melian est en mesure de comprendre la curiosité de son interlocutrice, cette question tacite, qu’elle ne pose pas réellement mais qui demeure perceptible malgré tout. Elle ne répondra pas à sa question car quand bien même la Maia possède la réponse à nombre de questions concernant ce monde, depuis ses premiers balbutiements, elle n’a pas la réponse à cette question précise. Elle ignore ce qui, si naturellement, la pousse à rechercher la compagnie d’Artanis. Mais veut-elle vraiment y donner une explication ? Elle n’en est pas convaincue non plus.

Elle apprécie une sensation qu’elle découvre dans son expression la plus pure et qui, comme de nombreuses autres sensations, se verrait probablement dénaturée par une explication trop pragmatique. Melian sait qu’Artanis saura apprécier à sa juste valeur le grand privilège qui lui est accordé, et sans doute acceptera-t-elle également qu’il demeure sans explication, dans le grand ordre de ce qui s’apprécie sans se dire… Qui s’exprime sans mot…

Alors que Melian lui offre le privilège de découvrir un des endroits qu’elle préfère dans tout Doriath, mais également dans toute la terre du Milieu, elle caresse le souhait que son invitée sache naturellement l’apprécier à sa juste valeur. Elle a l’intuition que leurs âmes se complètent et se comprennent avec force et sans raison, ces menus détails qui n’en sont pas tant lui en donneront peut-être la confirmation… Ou infirmeront bien au contraire cette première intuition. Son regard la détaille et ne la lâche pas dans l’attente de sa réponse. La réponse d’Artanis l’émeut alors terriblement.

« Notre instinct nous invite presque toujours à retrouver notre état le plus primal. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de ne jamais oublier d’où nous venons », répond Melian avec calme et douceur. « Vous êtes née en Valinor, n’est-ce pas ? » demande-t-elle sans attendre de réponse. « Caresseriez-vous le souhait d’y retourner ? »

For there was much love between them

feat. Galadriel

Pour chaque réponse qu’Artanis lui adresse, elle prend toujours le temps nécessaire avant de la formuler. Ce n’est pas un temps de calcul, mais un temps destiné à lui adresser la réponse la plus complète et la plus précise possible, et c’est une attention que Melian ne manque pas d’apprécier. Toute conversation n’a de valeur que si les personnes impliquées savent en apprécier la teneur. Chaque mot revêt un sens bien particulier, qu’il convient de comprendre et d’appréhender.

La réponse qu’Artanis lui adresse n’est pas juste une formule de circonstance, elle renferme quelque chose de réel, de sincère, et cela ne rend cet échange que plus précieux aux yeux de la Maia, qui lui avait déjà accordé la plus grande valeur puisqu’il lui permettait de passer plus de temps en compagnie de cette Elfe intrigante de laquelle elle semble incapable de détourner le regard.

Artanis lui confie alors la vérité. Elle a souhaité suivre ses frères, quand bien même elle aurait tout à pu décider de demeurer au Valinor… sans savoir ce qui l’attendrait en Terre du milieu, elle a fait le choix courageux et ô combien complexe de rejoindre ces lieux, où elle estimait que devaient la guider ses pas, mais aussi sa curiosité. La curiosité peut être très mauvaise conseillère, c’est une chose que l’Elfe ne devra sous aucun prétexte oublier, mais elle est également salvatrice.

Si c’est elle qui nous conduit jusqu’à des territoires inconnus, elle est aussi ce qui nous offre de nous épanouir et de nous révéler à lui-même. Sans nécessairement lire son avenir, Melian peut entrevoir avec un sentiment proche de la certitude la plus totale qu’un chemin sinueux mais prodigieux doit s’étendre devant elle, à perte de vue, qui n’aurait guère été à sa portée si son horizon s’était cantonné aux paysages certes sublimes mais restreints de Valinor. Tôt ou tard, elle est convaincue d’y retourner… Melian caresse cette conviction également, mais elle n’est guère pressée de la voir céder à ce retour aux sources. Elle ne veut l’envisager pour l’heure où que ce soit si ce n’est auprès d’elle, toujours dans son sillage.

« C’est un lieu où il me plait de méditer. C’est un lieu où je sais me sentir proche de ce à quoi je me sens le plus profondément rattachée en ces terres. C’est ici que je me sens souveraine sans m’obliger à l’être », explique-t-elle avec autant de douceur que de patience quand Artanis lui demande avec curiosité ce qui, dans ces jardins, lui plaît tant.

En même temps qu’elle prononce ces mots, un rossignol vient délicatement se déposer sur son épaule, que Melian considère d’un regard des plus tendres. Elle laisse s’écouler quelques secondes durant lesquelles elle ne s’attarde que sur la compagnie de son jeune compagnon.

« Dites-moi, Artanis, aimez-vous chanter ? »

For there was much love between them

feat. Galadriel

« Les chansons les plus belles sont rarement les plus heureuses », se contente de commenter Melian avec autant de douceur que de bienveillance quand son interlocutrice lui apprend que son dernier chant avait été une lamentation, venue d’autres terres. « J’aimerais entendre ce chant un jour, s’il ne vous est pas trop pénible de l’entonner », ajoute-t-elle sans cesser de la regarder avec cet intérêt dévorant qui ne peut certainement pas échapper à son interlocutrice en cet instant. Elle la dévore des yeux sans aucune crainte ni aucune pudeur. Elle veut tout savoir d’Artanis, et elle s’arrangera pour tout apprendre d’elle. Dans son esprit, c’est entièrement décidé, et nul ne serait en mesure de lui faire changer d’avis sur la question. « Ou au moins entendre votre voix. Je devine, à parler avec vous, combien elle doit être douce et mélodieuse », ajoute-t-elle sans détour.

Ce peut sembler une considération bien arbitraire, mais c’est un fait, Melian adresse à l’art du chant un intérêt total, et qui ne s’épargne aucune forme de réserve. Quiconque est capable de bien chanter recèle une sensibilité singulière, qu’elle estime important de valoriser. Bien sûr, certains individus parmi les plus dangereux, ou en passe de le devenir, ont eux aussi eu un chant des plus splendides. Mairon, par exemple, possédait le plus doux et le plus mélodieux des chants. Le moment venu, cela ne l’empêcha pas de prendre la pire décision envisageable. Concernant Artanis, cependant, son intuition est autre… tout comme l’intérêt qu’elle lui porte, également, est un ordre que l’on pourrait qualifier de particulièrement différent. Dans chaque note de chaque mélodie entonnée par l’Elfe aux cheveux d’or, Melian est convaincue qu’elle saurait trouver une satisfaction toute particulière, et à nulle autre pareille.

« L’on ne vous a pas trompée à ce sujet », confirme Melian qui ne prend pas la peine de se draper d’une quelconque fausse humilité. Car en effet, ce n’est rien d’autre que ce qu’elle pense effectivement. Elle a conscience de la beauté irréelle de son chant, et elle n’a guère l’intention de jouer la carte d’une quelconque fausse modestie sur la question. Melian a toujours eu conscience de ses défauts autant que de ses qualités, elle a su étouffer les premiers et entretenir précieusement les seconds, car rien n’est plus important, jamais, que de savoir ce que l’on est, et de s’écouter en conséquence. « Voudriez-vous m’entendre ? »

Elle n’attend pas vraiment la réponse d’Artanis. Quelques instants plus tard, la voix de Melian résonne, belle, claire, brillante, d’une pureté de cristal, dans tout le domaine de Doriath. Progressivement, les rossignols se joignent à son chant, voletant autour d’elle, dans un ensemble particulièrement harmonieux. Ce chant est une démonstration, certes, c’est aussi une déclaration de cette affection naissante, inattendue, mais aussi bien réelle qui la lie à présent à cette femme qui n’est entrée dans sa vie que pour ne plus jamais en partir.

For there was much love between them

feat. Galadriel

La spontanéité d’Artanis est rafraichissante aux yeux de Melian. La dame du Doriath n’est que trop habituée à ce que l’on réfléchisse longuement avant que de s’adresser à elle. Elle ne cherche pas à impressionner qui que ce soit, mais beaucoup se laissent impressionner malgré tout. Oh, la jeune femme l’est peut-être également, du moins un peu, mais elle n’en montre absolument rien, et chacune des réponses à ses questions et observations résonne dans son esprit comme une promesse, la promesse d’un lien puissant et éternel. Il s’esquisse à peine, certes, mais il se dévoile déjà dans toute sa beauté… et dans toute sa complexité. Un sourire bienveillant s’esquisse sur les lèvres de la Maia en réaction à ses propos. Elle ne demande, oui, qu’à entendre le chant d’Artanis.

Dans son esprit et dans sa vie, la musique occupe une place toute particulière, si bien que la jeune femme ne peut que vouloir partager avec son interlocutrice ce sentiment d’importance. Au chant d’une personne, l’on peut apprendre une quantité indénombrable de choses qui resteraient inaccessible à l’esprit humain en n’importe quelle autre circonstance. Dès lors que l’on en a pris conscience, l’on ne peut plus passer à côté de cet état de fait.

Quand vient le tour de Melian de chanter à son tour, elle le fait avec légèreté, facilité et naturel. Chanter est à ses yeux aussi essentiel que ne l’est le fait de respirer. Son chant est beau, presque irréel. Il s’écoule comme une rivière, il remplit l’air d’une sensation singulière, harmonieuse. Elle est capable, de par sa seule voix, d’apaiser les esprits les plus tourmentés. Bien sûr, il en reste quelques-uns qui ne sauraient être sauvés, peu importe l’énergie déployée afin d’y parvenir, mais dans les circonstances présentes, il n’y a qu’un cœur qu’elle escompte toucher, et elle apprécie de penser qu’elle y parvient. Accompagnée de ses fidèles rossignols venus se poser sur elle et tout autour pour lui servir de chœur, ses yeux ne cessent de contempler Artanis tout au long de sa démonstration.

Elle peut voir son regard briller d’une lueur émue, et qu’il lui plaît de contempler chez elle. C’est cela qu’elle veut susciter en elle : une émotion forte et pure, quelque chose d’immuable et de réel, quelque chose de fort et d’évident. Ce chant, c’est un cadeau que Melian adresse à son invitée, et cette dernière se montre digne de son présent, elle sait l’accueillir à sa juste mesure et en apprécier toute la beauté. Ce chant, elle ne l’a jamais chanté, il lui a été inspirée par cet instant, par elle. Ce chant n’appartient qu’à Artanis et à elle seule. Cela, elle ne le dit pas, mais Melian est convaincue du fait que l’Elfe, d’elle-même, aura su en prendre conscience.

Artanis s’agenouille face à elle, et Melian lui tend tout naturellement sa main afin d’apprécier le contact de leurs paumes conjointes. Ce geste à lui seul suffit à exprimer la certitude qui est née en leurs deux cœurs d’un même élan. Elles se savent unies pour de bon, et ce quoi qu’il puisse advenir.

« Vous pouvez vous joindre à moi. Vous connaissez cette mélodie, j’en suis certaine. »

Car c’est la leur. Celle de leur histoire présente et à venir.

For there was much love between them

feat. Galadriel

Il est des émotions que même les chants les plus élégants et les plus élevés ne seraient suffisants à retranscrire. Celle qui traverse en cet instant Melian et Artanis en est définitivement un exemple. Oui, leurs voix conjointes se complètent de façon si harmonieuse que la nécessité de ces deux âmes à se rencontrer ne pourrait définitivement échapper à quiconque, mais les choses vont bien au-delà de cette seule considération. La forme d’harmonie et de perfection qu’elles atteignent en conjuguant leurs deux voix est telle que Melian en tremblerait presque. Elle a tant vécu qu’elle se croit parfois imperméable à des émotions qu’elle a toutes déjà vécues, et même endurées pour certaines, mais ce qu’elle éprouve quand Artanis est dans son sillage…. C’est nouveau, c’est beau…

Elle chante et chante encore, son regard amarré à celui de l’elfe dont elle serait capable de contempler les yeux clairs une éternité durant tant elle les trouve envoûtants. Les battements de son cœur servent de percussion à un musique dont le rythme, sans jamais cesser d’être mélodieux, s’accélère presque naturellement afin de rester, autant que possible, autant que nécessaire, en harmonie avec son ressenti le plus profond. Le temps suspend son court, et la certitude gagne l’esprit de Melian… Artanis vivra d’autres vies, loin de Doriath, mais son cœur y est attaché dès maintenant, et de toute éternité… Alors même qu’elle vient seulement d’arriver, Melian redoute d’ores et déjà de la voir partir.

Doriath est son domaine, elle n’envisage pas de le quitter, de même que pour rien au monde elle ne considérerait l’idée d’abandonner Thingol, mais en cet instant, comme elle découvre tentant de considérer tous les possibles d’une relation qui ne fait que s’esquisser, combien ses jours seront invariablement heureux si elle peut compter sur la compagnie d’Artanis. Cette sensation, cette infinie certitude, est terriblement grisante.

Après un temps indéfini, enfin, leurs voix se taisent, et le silence qui s’ensuit est tout aussi agréable qu’émouvant fut leur chant. Elles se regardent, leurs mains jointes, et rien n’a besoin de se dire qu’un regard ou un silence ne puisse plus nettement confirmer. Après quelques longues minutes suspendues, Melian désentrelace ses doigts de ceux de son invitée pour les glisser dans sa longue et parfaite chevelure d’or – elle n’en a jamais vue de telle auparavant. L’on se pâmerait sans doute, rien que pour eux. D’aucuns l’ont probablement déjà fait.

« Vous plairait-il de découvrir vos appartements, à présent ? » suggère-t-elle d’une voix qui ressemble fort à un murmure.

For there was much love between them

feat. Galadriel

« Vous n’aurez qu’à me réclamer, Artanis », répond Melian avec une infinie douceur et un sourire d’une sincérité troublante, quand son interlocutrice, après que la Maia lui ait proposé de découvrir ses appartements, confirme être impatiente de les voir, non sans avoir précisé qu’elle sera d’autant plus ravie de cet honneur si elle devait tenir le rôle de guide. « Sollicitez mon aide et ma présence, et soyez assurer que je serais toujours présente pour vous guider. »

C’est une réponse d’une honnêteté sans faille que Melian accorde à Artanis, une promesse qui paraîtra probablement très directe et impromptue, peut-être même inappropriée tant la promesse qu’elle fait à l’Elfe en cet instant est de celles que, d’ordinaire, l’on tarde à adresser à la personne qui touche notre cœur, car pour que cela soit chose faite, il faut généralement plus d’un regard, plus d’une conversation, plus d’un chant partagé… Enfin… Qu’en saurait-elle, au fond ? Quand Melian était tombée sous le charme de Thingol, le charme avait également été immédiat. Elle n’avait guère eu besoin de s’interroger sur ce qu’elle ressentait car ce ressenti puissant, profond, impérieux, tenait d’une évidence si pure qu’il devait devenir la seule vérité.

Ce qu’elle ressent en présence d’Artanis est du même ordre. Les deux sont comparables sans avoir pourtant le moindre rapport. Melian serait bien incapable de donner un nom à l’émotion vive que fait naître en elle la présence de cette elfe magnifique, au charme des plus envoutants. Elle ne le peut pas car ce qui se tisse entre elle n’avait pas de nom avant qu’elles ne se rencontrent. Il avait fallu qu’elles se rencontrent pour que cette émotion vienne au monde, et c’est à force de s’apprivoiser que cette même émotion gagnera en intensité… Elle compte bien nourrir le sentiment qui l’étreint actuellement, et elle sait qu’à ce titre, il n’y aura jamais qu’une seule et unique manière de faire. C’est la présence d’Artanis qui alimentera encore et encore cette nouveauté si belle et précieuse.

Alors oui, sa promesse n’est pas de celles que l’on adresse sans avoir jamais l’intention de les tenir – et d’ailleurs, Melian est une femme de parole, elle n’a jamais, de toute sa vie, adressé à qui que ce soit une promesse qu’elle n’aurait pas été capable de tenir, ce serait totalement contraire à sa manière de penser et à ses aspirations les plus profondes. Elle veut être un guide précieux et nécessaire pour Artanis, et elle le sera. Elle est convaincue de pouvoir lui apprendre beaucoup, de même qu’elle veut croire que l’Elfe lui apprendra également beaucoup en retour.

« Suivez-moi. »

Melian saisit d’autorité la main d’Artanis dans la sienne et l’entraîne au cœur du palais de Doriath, à travers une succession de couloirs et d’escaliers, jusqu’à l’introduire aux spacieux et élégants appartements qu’elle pourra considérer comme siens.

« Ces appartements sont les vôtres, sans conditions, pour autant de temps que vous le désirerez. »

For there was much love between them

feat. Galadriel

Aucun spectacle ne semble plus beau à Melian en cet instant que celui du visage de la belle Artanis, alors que cette dernière se laisse envahir par la plaisante surprise de l’accueil qui lui est réservé et des lieux qu’on lui offre d’occuper. Melian ne veut pas que son interlocutrice se sente comme une invitée en sa demeure. Non, elle veut qu’elle s’y sente véritablement chez elle. Elle tient à ce que ce sentiment de familiarité qu’elle éprouve chaque fois que ses yeux se pose sur elle soit si réciproque qu’elle ne puisse que ressentir le sentiment d’avoir trouvé un foyer partout où elle trouvera la reine de Doriath.

« Vous ne me devez nul remerciement ni reconnaissance. C’était le moins que je puisse faire pour vous », répond très poliment la Maia tout en laissannt à l’Elfe tout le loisir de contempler les lieux plus en détails et de s’en imprégner autant que possible. Elle veut qu’elle sache en apprécier chaque détail et plus encore se les approprier. Elle sent que le don qu’elle lui fait, et qu’elle fait de bon cœur, sait être apprécié à sa juste valeur par celle qu’elle ne demande qu’à apprécier et avec qui elle souhaite dorénavant tout partager. Tout. Sans la moindre exception.

Son invitation tient sur le long terme, et Melian espère déjà qu’Artanis saura l’apprécier et l’accepter tout le temps qu’elle estimera nécessaire. Elle n’a pas la moindre envie de la voir partir trop vite. Oh, elle ne se leurre pas, elle a tristement conscience du fait que tout a une fin. Un jour ou l’autre, pour une raison qui leur échappe encore à toutes deux pour le moment, leurs chemins se sépareront. Mais en attendant, ils viennent à peine de se croiser, et elle éprouve le plaisir égoïste, le besoin naturel et presque viscéral de voir durer ce moment le plus longtemps possible, sans réserve ni la moindre condition… parce que cela leur est essentiel, autant à l’une qu’à l’autre, elle est absolument convaincue de cela.

« Il ne vous faudra pas attendre très longtemps pour être exaucée », répond très sincèrement Melian quand son interlocutrice, enthousiaste, affirme avoir hâte de découvrir tout ce qu’elle pourra bien avoir à lui apprendre. Ce plaisir sera partagé, Melian se réjouit d’ores et déjà de pouvoir apprendre à son interlocutrice absolument tout ce qu’elle sait, avec plaisir, sans réserve ni la moindre condition… ce n’est pourtant pas un don qu’elle fait à la légère, mais en cet instant, elle n’a guère besoin de s’interroger sur le bien-fondé d’une telle initiative. Elle est sûre et certaine de faire ce qui est le mieux – ce qui, à l’évidence, vaut également le mieux. « Mais pour l’heure, peut-être préférez-vous vous reposer, j’ai déjà beaucoup abusé de votre temps et de votre compagnie. »