Plus les mensonges s’accumulent, plus il devient difficile d’y faire face et de s’en dépêtrer. Pour chaque mensonge découvert, Talos se rattrape aux branches en se saisissant d’un mensonge plus grave encore, et ainsi de suite jusqu’à se perdre lui-même dans le processus. Par moments, en pur réconfort, le Skrull parvient à se convaincre qu’une partie de ses mensonges ne sont pas tout à fait faux, que rien de tout ceci n’est vraiment si grave, qu’après tout, s’il rend Amora heureuse, ces mensonges n’ont rien d’intrinsèquement mauvais… mais s’il peut s’efforcer de la rendre dupe de ses manigances, il ne peut pas se duper lui-même. Talos se déteste. Il s’en veut… mais pris dans cette mécanique infernale, il n’arrive pas à faire machine arrière, de crainte de l’enrayer une bonne fois pour toutes. Il cherche à la retenir parce qu’elle est tout ce qu’il a. Il cherche à la retenir parce que la puissance de ses sentiments envers elle est bien la seule chose concernant laquelle il ne lui a pas menti. Il cherche à la retenir parce qu’il l’adore, plus que les mots ne seraient à même de le décrire… Et là encore, il se cherche des excuses, il s’en rend bien compte.
Au moment d’enfiler sa veste d’automne pour se rendre au rendez-vous fixé par Amora, Talos a aux lèvres un goût désagréable, amer… Il n’aime pas la personne qu’il est en train de devenir, mais il songe qu’il aimerait encore moins celui qu’il serait susceptible d’être sans elle. Et c’est ce qui l’inquiète véritablement, au fond… Le fait d’avoir bien conscience de l’échéance à venir. Sa relation avec Amora était probablement vouée à être éphémère. Elle, cette sublime divinité au charme ravageur ne pouvait jeter son dévolu sur lui bien longtemps. En pleine disposition de ses moyens, de ses pouvoirs et de ses souvenirs, il est convaincu que, tout naturellement, ses souvenirs s’étioleront… Et ce ne sera que justice. Au fond, il sait qu’il mérite d’être rejeté, puni, humilié… Ne serait-ce qu’au nom de Soren et de leur fille… Avoir pris conscience de l’existence jusqu’ici occultée de son épouse ne l’a manifestement pas empêché de n’avoir d’yeux que pour une autre, et d’éprouver un soulagement ô combien cruel à l’idée de ne pas les avoir retrouvées dans ce monde. Quelle sorte d’homme faut-il bien être pour se comporter ainsi, hein ? Auprès de tous ceux qu’il aime ou a aimés un jour, il se montre d’une indécente injustice… Il s’est perdu si loin dans un jeu qui aujourd’hui le dépasse que faire machine arrière lui paraît impossible.
Oui, il aurait dû lui parler quand elle a réclamé des explications honnêtes de sa part, il aurait dû saisir cette perche et accepter, enfin, de se dévoiler. Mais non, monsieur avait rajouté une couche précédente de mensonge sur tous les précédents, qui prend à présent la forme d’un joli vernis susceptible de faire briller l’ensemble, mais un vernis si fragile qu’il suffira probablement de trois fois rien pour qu’il se craquèle. C’est le début de la fin, et cette fin sera d’autant plus horribles qu’il prend toutes les mesures nécessaires, semble-t-il, afin de creuser la plus profonde et la plus confortable des tombes. Tout ça pour un instant de bonheur grapillé. Tout ça pour entendre Amora lui dire « Je t’aime encore », tout ça pour voir dans ses yeux cette lueur de pure douceur, de dévotion à l’état brute, tout ça pour cultiver un sentiment qu’elle ne lui aurait probablement jamais adressé s’il avait eu l’honnêteté de la présenter telle qu’elle était, et non telle qu’il aurait voulu qu’elle soit pour lui.
Talos est arrivé plus tôt que l’heure dite sur leur lieu de rendez-vous : un carré de plage désert où ils pourront discuter à cœur ouvert sans être normalement interrompus. Le soleil n’est pas encore couché, mais c’est là l’affaire de quelques dizaines de minutes. Assez laborieusement, Talos leur a aménagé un petit coin de paradis. A la lueur des flammes d’un feu de camp créé et entretenu par ses soins, il a installé une nappe, de quoi pique-niquer, des verres, une bouteille de vin… un cadre qui pourrait être romantique… qui ne le sera peut-être pas. Talos sait bien que ces quelques artifices ne suffiront probablement pas à endormir la défiance et à calmer la colère (toutes deux légitimes) de la femme qu’il aime… Elle semblait acheter son dernier mensonge en date, ça ne veut pas dire que tout est pardonné ou qu’elle ne lui en voudra pas pour autant. Preuve en est des derniers jours qu’elle a préféré passer loin de lui, après ce fiasco new-yorkais inter-dimensionnel qui avait totalement échappé au contrôle du Skrull. Ce qu’elle lui a manqué, ces derniers jours ! Talos en a eu le cœur en miettes, et l’impression terrible qu’il lui manquait quelque chose de plus qu’essentiel. Parce que ce n’était pas qu’une impression. Il a développé envers Amora une relation de dépendance sans doute un peu trop extrême, mais à laquelle il ne sait pas se soustraire. Elle lui importe trop, beaucoup trop. Il ne sait pas faire autrement que de la retenir, comme si dès l’instant où il l’avait retrouvé, il n’avait rien fait de plus que de s’évertuer à ne pas la perdre – au fond, c’est probablement, effectivement, ce qui s’est bel et bien passé. Et plus le temps passe, plus les ficelles sont visibles, plus son jeu est flagrant, plus il peine à dissimuler à Amora sa véritable nature. Celle d’un homme qui n’a probablement jamais été bon… bien moins qu’il ne l’aurait voulu, en tout cas, et dont le sens moral a fait plus que vaciller… il s’est littéralement évaporé.
Debout face à l’horizon, il contemple les reflets d’un soleil de plus en plus bas sur une mer calme… Le cadre est idyllique, romantique à souhait – c’était ce qu’il voulait… Face à un tel paysage, il devrait se sentir apaisé. Ce n’est pas le cas. Il se sent inquiet, nerveux… Il ignore comment les choses vont se passer, quel accueil elle va lui réserver… il a peur que cette fois, toutes ses manigances ne suffisent pas. Un instant, il a même peur de la voir refuser de le rejoindre, finalement… mais quand il perçoit du mouvement dans son dos, il se rassure au moins sur ce dernier point. Il se retourne et il la voit, magnifique, comme toujours. La lumière du couchant la baigne dans une aura surnaturelle. Talos hésite une fraction de seconde avant de faire les quelques pas qui la séparent d’elle et de l’étreindre finalement.
"Merci d’être là."
Ici, sur cette plage. Mais d’être là, point. Il n’a que trop conscience d’être rien sans elle. Il glisse une main dans sa superbe chevelure blonde, embrasse ses lèvres avec dévotion, avec le sentiment de ne l’avoir pas embrassé depuis une véritable éternité. A tout moment il s’attend à ce qu’elle le rejette, alors il profite autant que nécessaire de ce moment suspendu dans le temps, où il peut encore croire que leur histoire n’est pas si fragile.
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“You've got me, dirty angel. Aren't you ready to come clean? When I'm looking down with sorrow. You say that I'm being mean. Don't you hear me when I say I'm lonely? Do I kid myself to think that I am your one and only? Cross your heart and hope to die. White or black, it's still a lie. Every city that you fly. I sit home and wonder why. While you're out there getting high. One more night for me to cry. Can you look me in the eye?” (( LIES •• THE PIERCES )) @Talos Von Skrull
21 NOVEMBRE 2022. PLAGE DE L'ÎLE, À LA TOMBÉE DE LA NUIT.
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Le coucher du soleil est vraiment splendide, se dit-elle. Amora l’observe, habillée d’une longue robe couleur ivoire, très fluide et vaporeuse. Elle emporte sur son sillage toutes les courbes généreuses de son corps, les magnifiant sous l’éclat orangé des rayons du soleil couchant. C’est un cadre idyllique, paradisiaque pour avoir certaines discussions… pénibles. Amora a longuement hésité avant de lui envoyer ses derniers messages. Elle a bien failli l’envoyer paître, et refuser de lui accorder la moindre attention. Divorcer et ne plus jamais le revoir. Lui poser un lapin sur cette plage magnifique. Cela aurait été un comportement bien cruel, mais Amora est une sorcière. Elle l’ignore encore, ses souvenirs sont perdus dans les méandres d’un esprit piégé dans une autre identité, mais elle l’est toujours. Amora se souviendra forcément de tout. Un jour ou l’autre. Son passé et leur passé lui exploseront au visage. Ce jour-là…
Amora marche lentement sur la plage brûlante, pieds nus. Elle tient ses talons aiguilles dans le creux de sa main gauche, et son téléphone portable dans l’autre. Talos viendra, c’est certain. Jusqu’au dernier moment, Amora hésite toujours à partir sans se retourner. L’histoire qu’il lui a raconté par messages semble beaucoup trop irréelle et fantaisiste pour être vraie. C’est si… utopique. Amora veut sincèrement croire en ces mots. En cette histoire. En leur romance tumultueuse mais sincère. Elle veut le croire… malheureusement… Quelque chose lui dit que rien de tout cela n’est vrai. Comme une petite voix dans sa tête. La voix de la raison. La Amora véritable. La Amora qui se souvient. La Amora qui brûle de rage. Cette voix lui affirme que contrairement à ce qu’il affirme, il n’y a jamais eu d’histoire entre eux, juste… beaucoup de rancœurs.
En attendant l’heure fatidique du rendez-vous, elle a occupé la plage une bonne vingtaine de minutes en solitaire, avant que Talos n’y foule les pieds. Elle a trouvé le coin parfait, un petit feu éteint, derrière des rochers, où quelques poussées de vagues bleu délavé balaient les grains de sable dorés. Amora s’est lentement approchée des morceaux de bois de différentes tailles et formes, noircis par d’anciens feux de camp. Elle s’est agenouillée, toujours seule, et a observé les rondelles. Une seule pensée : le feu. Une seule visualisation dans son esprit : les bouts de bois qui s’embrasent sous ses yeux ternes. C’est arrivé en une fraction de seconde. Les brindilles et bouts de bois de forme arrondie se sont mystérieusement mis à prendre feu devant elle, jusqu’à se transformer en un gigantesque feu de camp. Un feu de camp sur la plage. N’y a-t-il pas de cadre plus romantique que celui-là ? Agenouillée dans le sable doré devant le feu de camp, Amora observe les flammes danser sensuellement, ces puissantes étincelles aveuglantes faites d’orange et de rouge, maintenant que le soleil peine encore à se coucher, obscurcissant certaines zones aux alentours. Un spectacle brûlant, magnifique qui l’attire irrésistiblement. Amora guide alors ses paumes vers elles pour les effleurer de la pulpe des doigts, sans prendre le moindre risque. La chaleur irradie tout autour d’elle, réchauffant ses os glacés par les températures de plus en plus fraîches à la nuit tombée. Elle apprend depuis peu à contrôler ce qu’elle appelle comme « des visualisations de l’esprit ». Incapable encore d’identifier ces miracles comme des pouvoirs magiques. Peut-être que Talos a raison, en fin de compte, peut-être n’est-ce qu’une hallucination ?
Amora aime cette île. La nature qui l’entoure, l’effervescence de cette vie active et dynamique, les interactions entre ces gens étranges… qui parlent parfois de choses étranges. Talos lui a toujours conseillé de ne pas faire attention aux autres, soi-disant, que les gens de cette ville sont bien souvent fous. Lorsqu’elle aura ses souvenirs, la vérité quittera cette forme d’opacité, pour apparaître clairement. Les gens ne sont pas fous. Les gens, certains du moins, se souviennent d’absolument tout. Leur vie passée. Leur vie actuelle. Les deux convergent et se s’entremêlent, mais seuls les détenteurs de la vérité parviennent à remettre de l’ordre dans ce que l’île mystérieuse leur a enlevé. L’île est diabolique pour la plupart de ses habitants. Elle enlève, modifie les souvenirs. Elle créé des identités, elle force certains à oublier l’une d’elles et d’autres à vivre dans une confusion terrible avec elles. Amora fait partie des plus « chanceux ». Ignorant tout, elle ne peut regretter ce qu’elle ne se souvient pas avoir déjà connu. Sa vie sur l’île lui semble la seule réalité possible, la seule qui la rend sincèrement heureuse. Sa vie avec Talos…
Bien que les évènements récents le soir du 31 octobre 2022 soient encore imprégnés dans son esprit avec douleur et chagrin, Amora désire donner une seconde chance à son mari. Talos lui semble si sincère dans ses intentions. Elle ne croit pas une seule seconde qu’il s’agit de quelconques manipulations. Talos est vrai avec elle. Peut-être pas dans les détails de leur histoire ou de leur vie passée, dont elle conserve d’étranges réminiscences sous la forme de cauchemars. Il lui ment sur certaines choses, mais il est au moins honnête sur ses sentiments pour elle. Parfaitement transparent. Amora le sent au plus profond d’elle. (elle retrouve ses sens mystiques) Elle sent l’amour des autres comme le sien. Bien qu’elle ne soit pas encore consciente que ces sensations, ou ce qu’elle aime définir comme une sorte de sixième sens ou d’empathie, sont l’expression pure de ses pouvoirs magiques, Amora s’accroche au peu qu’elle arrive désormais à percevoir. La magie revient peu à peu. Quoique Talos en pense ou lui dise là-dessus, ses doigts sont magiques. La preuve est l’apparition de ce feu brûlant, par la simple visualisation de ses pensées qu’elle a su matérialiser de manière remarquable. Ce n’est pas la première fois. Amora l’a déjà fait, chez eux. Talos a eu beau trouver des prétextes, Amora croit en ce qu’elle voit, et surtout en ce qu’elle ressent.
Des bruits de pas résonnent dans son dos. Amora se redresse subitement, et glisse ses mains le long des pans fluides de sa robe pour les défroisser. « Merci d’être là. » Talos est reconnaissant. Amora ne répond pas. Il s’approche pour lui offrir une étreinte possessive, presque désespérée, à laquelle Amora se montre aussi stoïque qu’une statue de cire. Elle le laisse la serrer fortement, le dos raide. Elle apprécie le contact, la chaleur qui irradie du corps de Talos, mais… c’est avec amertume qu’elle accueille ce premier rapprochement physique. Elle ne peut nier l’embrasement de son être, mais son esprit reste pleinement focalisé sur les explications qu’il lui doit, à la suite de ce dîner désastreux le soir d’Halloween. Ses sentiments pour lui ne se sont pas évaporés, non. Ce n’est tout simplement pas le bon moment. Lorsqu’il l’embrasse avec fougue, l’Asgardienne soupire contre ses lèvres. Talos met à plat toutes ses bonnes résolutions. Comment se convaincre soi-même de demeurer froide et distante après un baiser pareil ? « Talos… » murmure-t-elle en rompant leur échange, après quelques minutes seulement à savourer la texture de ses lèvres et la douceur de sa langue étreignant la sienne. La manière dont leurs langues dansent, l’une contre l’autre, aussi sensuellement – impatiemment – lui font à chaque fois perdre pied. « Attends. » Elle dépose avec douceur ses paumes contre le torse de son époux, profitant de leur proximité pour dessiner des cercles le long de ses muscles abdominaux, dissimulés sous sa chemise et son pull. « Avant que… tu ne commences à tout me raconter… » souffle-t-elle, quelque peu hésitante. Son hésitation se ressent dans le son tremblant de sa voix, qui se trouve presque sur le point de se briser en sanglot face à lui. « Est-ce que la première fois où nous nous sommes rencontrés, là-bas… Nous nous sommes aimés ? Est-ce que je t’ai aimé, dès notre première rencontre ? Je veux savoir… si tout dans ce que tu m’as dit était sincère, Talos. » En lui formulant cette requête, Amora plonge ses beaux yeux clairs dans les siens. Elle cherche à découvrir la moindre trace de duplicité dans son regard, en jouant sur l’intensité et le magnétisme de ses yeux, contre lesquels ne Talos ne peut jamais rien. Ce qu’il lui dira sera, selon elle, le reflet de la vérité.
Elle ne répond pas quand il la remercie d’être venue, d’accepter d’être là pour lui en dépit de tout ce qu’elle a découvert et entendu… Elle ne réagit pas quand il la prend dans ses bras, gardant les siens ballants le long de son corps, indifférente – en apparence du moins – à ce premier rapprochement physique. Elle ne semble pas plus réactive au moment pour lui de l’embrasser, dans cet élan de désespoir qui en cet instant le caractérise, celui de la dernière chance. Talos est terrifié, horriblement angoissé à l’idée de la perdre. Il ferait tout, absolument tout, pour que cela n’arrive pas… Mais ses moyens sont limités, et il le sait, et l’attitude froide et distance d’Amora lui arrache le cœur. Il n’a que ce qu’il mérite, bien sûr. Il récolte ce qu’il a semé, mais… il a tant besoin de se convaincre que tout n’est pas perdu, encore. Si Talos doit perdre Amora, il perdra tout. Il ne peut pas le supporter, il ne peut pas l’envisager. Alors, quand ses lèvres s’écrasent sur les siennes, c’est avec la volonté ferme de lui rappeler la fougue qu’elle lui inspire, la puissance de sentiments que rien au monde ne saurait tarir… Une part de lui devient plus légère au moment de sentir Amora répondre à ce baiser. Dans ce silence prolongé, qui n’est interrompu que par le ballet passionné de leurs langues l’une contre l’autre, ils peuvent se convaincre de la force de leur amour, capable de surmonter tous les obstacles, capable même de transcender ses mensonges. Si elle lui rend son baiser, c’est qu’elle l’aime au moins encore un peu, n’est-ce pas ? Talos a terriblement besoin de s’en convaincre… Il en a besoin plus que de quoi que ce soit d’autre. Tant qu’elle l’aime encore, même un peu, alors rien n’est perdu… Tant qu’elle tient à lui, sa raison de vivre ne s’est pas encore totalement étiolée… Il voudrait la garder ainsi, plus longtemps, captive de ses lèvres pour n’entendre que ses soupirs lascifs, cette mélodie qu’il trouve sublime.
Elle lui demande d’attendre, et son cœur manque un battement. Il baisse les yeux sur les mains qu’elle a déposé contre son torse avec douceur. Elle ne le rejette pas, elle garde cette prise physique avec lui, qui parvient à le rassurer quelque peu. Tout n’est pas perdu, non… en revanche, il devra probablement déployer des trésors de persuasion pour la convaincre du bien-fondé de ses dissimulations trop nombreuses… Il devrait choisir ses mots avec parcimonie… il devra… mentir encore un peu, peut-être ? Déformer la réalité une nouvelle fois afin de s’assurer de ne pas la perdre ? La vérité, pleine et entière, leur ferait trop de mal. Correction : la vérité, pleine et entière lui ferait trop de mal. Il trouve dans chacune de ces pensées un refuge, un refuge qui le préserve d’une réalité qui serait trop inacceptable, d’une réalité qu’il ne veut ni entendre ni faire entendre… Cette situation ne lui rend pas service. Cette situation ne rend service à personne… La vérité ferait probablement moins de mal que cette accumulation constante de mensonges qui n’a jamais de fin… oui, seulement voilà, il en est incapable… A chaque fois, il a l’impression d’effleurer quelque chose qu’il devrait saisir au vol, et il n’y arrive pas. Jamais. C’est au-dessus de ses moyens. Au-dessus de ses forces.
Il ne lui racontera peut-être pas tout… Mais il se montrera un peu plus honnête, et surtout le plus honnête possible au sujet de ses sentiments. Sur ce point-là, il ne dissimule absolument rien. Sur ce point-là, il est d’une honnêteté totale et sans borne. Il espère qu’elle acceptera de l’entendre. Il veut qu’elle comprenne ce qu’il estime être l’essentiel à ses yeux. Et selon lui, l’essentiel, ce ne sont pas les événements qu’ils ont vécus ou les tourments qui les ont façonnés… Ce sont les événements qu’ils vivent maintenant. Leur ancienne vie ne représente rien en comparaison de l’ancienne. Bien sûr, il se leurre totalement en raisonnant de la sorte. Il ne veut pas le reconnaître mais c’est pourtant le cas. Sa vie ne serait pas la même, et son tempérament non plus, sans les expériences qui l’ont façonné… Et c’est une chose qu’il doit prendre très au sérieux. Il n’en a pas envie parce qu’il se sent incapable de contempler avec ses sérénités toutes ses contradictions, mais elles sont bien trop nombreuses, bien trop importantes, et ont des conséquences bien trop critiques pour qu’il puisse véritablement se permettre de faire comme si de rien n’était. Non, les choses ne fonctionnent pas comme cela. Elles ne doivent pas fonctionner comme cela.
Elle lui parle de leur première rencontre. De leur vraie première rencontre, pas celle qu’il a fantasmée et tant de fois racontée à Amora, au point de parfois croire en ses propres fables, la vérité tangible de leur première interaction. La question est complexe… C’est en réalité une interrogation que Talos s’est formulé plus d’une fois en pensées sans vouloir l’admettre. Une part de lui a encore envie de croire dans ce fantasme d’un coup de foudre mutuel. La vérité, c’est que la réalité a directement été plus nuancée que cela… Et que tout a commencé, d’ores et déjà, avec un mensonge. Il fallait bien que cela continue par conséquent.
« J’ai su dès la première seconde que je t’aimerai toutes les autres secondes de ma vie », répond Talos avec un sourire triste, son regard clair plongé dans celui de son épouse. « Je t’ai aimé immédiatement, c’était si évident… » Ca, c’est la vérité la plus absolue, même s’il avait été compliqué pour lui de l’admettre à l’époque. Aimer Amora, si fort et si vite, c’était trahir Soren et tous ses principes. C’est que qui était arrivé pourtant. « J’ignore su tu m’as aimée dès les premiers instants. J’ai envie de penser que oui. » Il baisse les yeux. « Je n’ai pas été sincère avec toi, j’en suis tellement désolé. Mais sur ce point, Amora, je t’en supplie, crois-moi, je t’aime comme je n’ai jamais aimé, comme je n’aimerai jamais personne d’autre. Tu es toute ma vie. »