Ces derniers temps, la ville avait revêtu des couleurs automnales. Les feuilles qui tombaient étaient d’un jaune, orange et parfois même d’un rouge assez particulier. Des couleurs qui n’étaient pas sans rappeler la brièveté de la vie et de ses cycles éternels. Mais si les devantures des boutiques s’étaient elles aussi parées, ce n’était pas pour célébrer l’automne, mais pour que les ancêtres celtes puissent festoyer, dans l’au-delà, au gré des célébrations autour de la Samain. Du moins, c’était là l’origine de la fête d’Halloween, même si, dorénavant, la plupart des gens retenaient surtout les citrouilles, les déguisements, les soirées sur des thèmes relevant de l’horreur durant lesquelles chacun joue à se faire peur.
Depuis trois ans, maintenant, je commençais à voir dans tout cela une forme de tradition moderne où les mortels, affublés de costumes de clowns ou d’épouvantails, cherchaient à se rassurer face à la mort, en enfourchant des balais de sorcières pour effrayer leurs semblables. En réalité, une fois la stupeur passée, tout le monde finissait toujours par en rire. C’était une façon de dédramatiser leur courte existence, somme toute. Seuls les crimes qui étaient commis à cette période provoquaient une réelle angoisse, durable et sourde, mais pour le moment, il n’y avait encore rien eu de tel à ma connaissance.
Vu le métissage culturel de l’endroit, les magasins faisaient leurs affaires en cette période. D’aucuns rendaient hommage à leurs proches disparus, d’autres fêtaient la vie, d’autres encore préparaient déjà les fêtes de fin d’année… Les mortels avaient de nombreuses choses à fêter, à tout moment, en réalité, et chaque période de l’année leur offrait d’aussi bons prétextes que le faisait la vie. Pour ma part, ce n’était pas tout cela qui m’intéressait. J’avais pour objectif de retrouver mes pouvoirs, mais surtout mon pouvoir. Celui de diriger tout ce qui pouvait l’être. Celui de commander aussi bien aux mortels qu’aux immortels. Un projet à ma mesure, ou, peut-être, à ma démesure, qui sait.
J’achetais donc tout ce qui pouvait l’être. Entreprises, magasins, sociétés… Tout ce qui pouvait rapportait était intéressant. Et, en ce jour, c’était un magasin de jouets sur lequel j’avais porté mon dévolu. Je passais régulièrement devant la vitrine et j’avais pu constater qu’il s’agissait d’un endroit fréquenté par de nombreuses personnes tout au long de l’année. Un investissement qui pouvait donc s’avérer judicieux.
Pour les négociations du genre, il m’arrivait de me déplacer en personne, même si, la plupart du temps, des sous-fifres pouvaient fort bien faire l’affaire. Ici, j’avais l’occasion d’entrer dans cette boutique qui m’avait plus d’une fois fait de l’œil auparavant, à moins que ce ne soit juste la petite vendeuse dont les arguments, bien contenus dans un chemisier tout serré, aurait pu donner envie à n’importe qui de se laisser tenter. Pas de chance pour moi, cette petite vendeuse n’était pas présente aujourd’hui et je n’aperçus que le grand dadais qui rangeait des objets sur les plus hautes étagères, juché sur une échelle.
Ayant tout le loisir de perdre mon temps ici, je ne pus donc que faire le tour du futur propriétaire, persuadé que j’étais de pouvoir acheter ce magasin pour l’ajouter à ma liste de possessions. Je voyais bien que les jeux et jouets avaient évolué avec le temps et que, si certains semblaient particulièrement fragiles, c’étaient aussi les jeux les plus chers. Certains jouets en bois bénéficiaient d’étiquettes comportant des descriptions à rallonge prônant les bienfaits de ce jeu pour le développement de l’enfant… « Mais… ce ne sont que des cubes… » Je reposais celui que j’avais pris en main pour mieux me rendre compte de tous les apports de cette invention qui, au fond, n’en était pas une. Est-ce que les mortels se laissaient avoir par des étiquettes ? Il me semblait que les rayons où était affiché en grand « Promo : dernières pièces ! » attiraient plus de monde, bien qu’il y ait pourtant des réserves ailleurs dans la boutique. C’était une technique de manipulation, sans doute, ce qu’ils appelaient le marketing…
Et puis je me penchais sur les maisons de poupées. Là aussi, il y avait eu une fameuse évolution entre celles que j’avais sous les yeux et celles, bien plus basiques, qu’on utilisait à l’Olympe pour les jeunes demi-dieux apprendre les règles des lieux.
M’étais-je penché un peu trop fort ? Aucune idée… Tout ce que je savais, c’était que j’étais par terre, au milieu d’une pièce qui n’était pas dans le magasin où j’étais un instant plus tôt. Une pièce où tout me semblait grand… trop grand… beaucoup trop grand.
« Eh oh ? Il y a quelqu’un ? » Un réflexe un peu idiot me poussa à appeler, pour le cas où je ne serais pas seul ici. Je me relevais, époussetais mon costume et j’entrepris d’escalader une chaise immense pour pouvoir prendre un peu de hauteur et voir où j’étais.
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(c) princessecapricieuse
Jean Duran
▿ Ton univers : Casino Royale ▴ James Bond
▿ Date de naissance : 16/11/1984
▿ Age : 40
▿ Métier : Chef secret de SPECTRE et de QUANTUM ▴ Comptable ▴ Criminel international ▴ Joueur de poker mondialement connu ▴ Directeur et propriétaire du « Casino Royale », — un établissement très VIP dédié aux jeux d’argent et aux plaisirs des plus riches de la ville
Incapable de se rappeler exactement la manière dont elle s’est retrouvée enfermée dans une gigantesque maison de poupées, la déesse du printemps et des moissons, fille de Demeter et du puissant Zeus, ne fait que maudire de toutes ses forces sa propre imprudence. Ce ne devait être qu’une simple promenade en ville. Elle se trouvait en quête d’un cadeau pour Eurydice. Elle avait repéré cette boutique, pleine de jouets à craquer et d’objets anciens. Elle avait promis à Demeter de rentrer pour le vernissage. Que vont-ils tous dire ? C’est elle, la star de la soirée. Elle soupire. Ce Halloween est bien le pire de tous ceux auxquels elle a pu assister, ces trois dernières années. Pour ne pas dire le seul. Cela ne fait que deux ans, qu’elle s’est échappée du manoir de son époux pour vivre enfin sa propre vie. Libre et débarrassée des entraves qu’il lui a imposées, de ces chaines. L’année dernière, elle n’a pas vu Halloween passer. Bien trop préoccupée par l’ouverture de son tout premier vernissage. Aujourd’hui, c’est une date fatidique et symbolique pour elle, au-delà du fait d’être un jour de célébration pour les mortels. Halloween. Samain. Tant de noms pour désigner le simple fait de rendre hommage aux proches disparus, soit de maladie, soit brutalement. Beaucoup trop tôt. Cette fête, bien qu’ancienne, ne l’est pas autant qu’elle. Perséphone n’en a pas l’air, physiquement rayonnante, mais son âge est millénaire. L’immortalité est une douce bénédiction, un cadeau du sang. Elle a vu défiler les siècles, moitié sur Terre, moitié aux Enfers. Elle a vu ces mortels arrêter du jour au lendemain de prier pour elle, ou pour ses frères et ses sœurs, ses parents. Sous la Grèce antique, les mortels célébraient leurs morts de bien d’autres manières. Ils priaient les dieux et les déesses. Ils avaient d’autres coutumes. Ils les respectaient. Ils venaient supplier Hadès de leur accorder une seconde chance avec eux. Comme Orpheus.
Mais là voilà en pleine disgrâce, ignorée de ces mortels, sans la possession pleine et entière de sa magie. Piégée par l’un de leurs stupides jouets. Une très belle maison de poupées, cela dit, mais d’une extrême dangerosité. Elle s’est attardée longuement sur les étalages, puis dans une pièce du fond, où cette maison s’est tenue à l’écart. Poussée par une curiosité qui ne lui ressemble pas, – les divinités ont vraiment tout vu –, il n’a fallu que d’un doigt posée sur l’une de ces fausses toitures en bois, pour que le décor de la vieille boutique se trouble dans une myriade de couleurs vibrantes, et angoissantes. Elle a cligné des yeux pour retrouver une vision normale et l’instant s’est comme suspendu dans le temps. La boutique a disparu. Elle est dans cette maison de poupées, désormais grandeur nature, et elle… désormais réduite à éviter ses moindres pièges. Alors qu’elle déambule entre les allées interminables de cette maison de poupées grandeur nature, – aussi réaliste que vraie, cela dit, une voix attire son attention. Masculine, ferme et plus que familière. Une voix qu’elle ne pensait pas entendre de sitôt. Celle de son vénérable père, le roi de tous les Dieux de l’Olympe. Zeus. « Eh oh ? Il y a quelqu’un ? » Perséphone se tourne en arrière. La voix semble émaner d’une autre pièce, non loin du salon de musique dans lequel elle se trouve. Perséphone rebrousse chemin, guidée par les bruits aux alentours. Plus elle y pense, plus cette idée se fraye son chemin dans ses convictions. Ce n’est pas n’importe qui. Cette voix lui parle intimement. Elle est même prête à parier sa propre vie. Il s’agit forcément de lui. Perséphone a envie que ce soit bien lui. Ce ne peut être que sa voix. Bien que de très nombreuses années se soient écoulées depuis leurs brèves retrouvailles sur cette île mystérieuse, un enfant est bien incapable d’oublier la voix ou encore la silhouette de celui à qui il doit la vie. Perséphone lui doit la vie, et depuis peu, son soutien financier dans toutes ses entreprises. Zeus est devenu son mécène. Si Hadès savait… Il deviendrait rouge de colère, vert de jalousie. Il ne cautionnerait sûrement pas une telle collaboration avec le frère qu’il déteste le plus en ce bas monde. Il en aurait peut-être même le cœur brisé. Perséphone chasse le visage d’Hadès de son esprit au plus vite, avant de commencer à développer ses premiers regrets. Il y a tellement de choses qu’Hadès est en mesure de lui reprocher. Une de plus, qu’est-ce que cela change au fond ?
« Père. » souffle-t-elle, alors que Zeus lui tourne le dos. Pour l’instant. Perséphone s’est suffisamment rapprochée du bruit, guidée par son excellente ouïe, pour retracer le chemin exact à travers les dédales de couloirs et de pièces de cette gigantesque maison effrayante. Elle n’a jamais vraiment aimé les poupées, – les jouets préférés des mortels. « Que faites-vous dans un endroit pareil ? » s’étonne-t-elle, persuadée d’avoir été la seule piégée entre les murs de la maison. De la magie, mais laquelle ? « Je suis… heureuse de vous retrouver. » Pour la seconde fois, se retient-elle de préciser. Son visage semble s’éclairer, au même moment que ses yeux s’ouvrent d’étonnement. Elle est sincèrement heureuse de le trouver dans cet endroit sinistre. Zeus est le meilleur allié que l’on puisse avoir. Le plus puissant de toutes les divinités de l’Olympe, et surtout, le plus stratège. En-dehors de ses nombreuses qualités de meneur, c’est surtout le fait de retrouver le chemin de son père qui la met dans un tel état de confusion. Elle l’aime et le déteste avec la même force. Partagée entre des émotions violentes, elle ignore encore l’attitude la plus convenable à ses yeux. Perséphone se sent reconnaissante pour son investissement, qu’elle considère comme une manière de tourner la page sur un passif complexe. Elle se sent également trahie par le peu de considération qu’il lui a porté, aux moments les plus cruciaux. Il y a des blessures qui peinent encore à cicatriser. « Ensemble, nous pourrons trouver un moyen de sortir d’ici. » reprend-elle avec sagesse, bien qu’un léger tremblement ressorte du son de sa voix douce, mais réprobatrice. Plus sereine, elle a enfin l’impression d’avoir les idées claires. Ils doivent sortir au plus vite. Perséphone réfléchit depuis une heure maintenant à la meilleure manière de retourner à la surface. Cette maison la terrifie intérieurement. Elle lui rappelle les premiers jours passés aux Enfers, emprisonnée dans un endroit qu’elle n’a pas choisi, et piégée pour n’être que le jouet de son roi. Qui sait ce qui peut se dissimuler dans les coins des pièces de cette étrange maison folklorique, typiquement mortelle…
Cette maison de poupée était gigantesque. Bien trop grande pour être à ma mesure. J’avais la sensation que quelqu’un d’encore plus démesuré que moi avait organisé quelque chose d’étrange… Un piège… cela ne pouvait être que cela. Rien d’autre. Quelqu’un de mal intentionné avait dû faire en sorte que je me retrouve coincé ici, dans une maison de poupée géante… à moins que ce soit moi qui aie été rétréci ? Je ne savais pas trop ce qu’il en était exactement et c’était bien compliqué de savoir précisément quelle version était la bonne. Comment être sûr, d’ailleurs ? Je n’avais jamais été habitué à me poser des questions de ce genre, parce que, à l’accoutumée, j’avais toutes les données en main pour comprendre les différentes situations et les analyser rapidement.
J’errais ici, comme le faisaient les fantômes, sans but, en essayant de rester là, quelque part… Chose étrange, cette maison de poupée semblait regorger de pièges de tous acabits. Suffisamment félons et hypocrites pour venir de mon frère aîné, d’ailleurs, mais je ne pouvais pas l’accuser de ceci sans posséder de preuves. Peut-être, d’ailleurs, qu’Hadès n’avait rien à voir avec ce drôle d’endroit.
Ma voix résonnait dans les pièces de ce lieu et j’ignorais si oui ou non elle trouverait un quelconque écho ou si, sans que je ne sache qui ni comment, j’allais tomber sur un autre piège. J’avais échappé à une sorte de fenêtre-guillotine, mais de justesse… Et même si j’étais immortel, je devais reconnaître que je n’aurais sans doute pas apprécié voir ma tête séparée de mon corps. La dissociation, ce n’était pas trop mon truc.
Alors j’appelais. Je ne pouvais tout de même pas être le seul être vivant ici. Il devait forcément y avoir quelqu’un… Et puis, il y eut un moment où je reçus une réponse. Et pas n’importe laquelle !
Depuis que j’étais sur l’île, j’avais eu l’occasion de retrouver certains Olympiens. Mais j’avais aussi eu l’opportunité de travailler avec certains, comme j’avais renoué, avec d’autres, des relations qui m’avaient parfois permis de réparer des erreurs passées, comme avec Artemis, par exemple. J’aimais l’existence que je menais ici. Il y avait suffisamment de possibilités ici et j’avais bien l’intention de mener la vie que je méritais, celle dont j’avais envie…
La voix qui me répondit était douce et féminine. Et elle s’adressait à moi en m’appelant Père… C’était aussi inattendu que bienvenu. Je cessais de tourner en rond comme le lion de Némée dans l’arène.
« ¨Perséphone… » Je me retournais sur elle et sa présence me fit l’effet de l’ombre d’un olivier sous un soleil de plomb. Une présence positive et familière… c’était parfait pour me donner foi sur les débouchés de cette aventure. « Si je le savais… Je n’ai pas compris ce qui m’avait emmené ici. » C’était inexplicable, en réalité, en un instant, je me suis retrouvé ici, alors que j’étais dans une boutique de jouets… C’était de la magie… ou de la sorcellerie, je ne savais pas trop. Mais au moins, nous étions deux dans cette drôle de galère. « Ma fille, comment êtes-vous arrivée ici ? Je ne sais pas où est la sortie, mais si vous vous souvenez du chemin que vous avez emprunté… peut-être que nous pourrons sortir d’ici. » Et j’espérais que cela puisse se faire assez rapidement. L’atmosphère rose et violette du lieu n’était pas vraiment de mon goût. Je me sentais un peu comme une baleine dans Microcosmos. En complet décalage avec ce qui m’entourait… « J’en suis fort heureux aussi, ma fille. » Les effusions n’étaient guère très tactiles, entre elle et moi, et pour cause. Aussi évitais-je de m’avancer trop vers elle. Ma belle-sœur. Ma fille. C’était toujours un peu compliqué de s’y retrouver avec les histoires de famille sur l’Olympe. Et je savais bien que j’étais en grande partie responsable de ce mic-mac sans nom que constituaient mes folâtreries… Avec Perséphone, nous avions pu avoir une relation professionnelle ici, sur l’île. Avec l’argent dont je disposais, je pouvais financer des projets artistiques, littéraires ou autres. Être un mécène, voilà ce qui me permettait de protéger les vies de celles et ceux qui avaient une certaine importance pour moi. Ma société de holding était prospère et je faisais suffisamment de bénéfices pour investir autrement.
Je tournai mon visage vers la porte d’où venait ma fille. Il ne pouvait pas y avoir de sortie par là, sinon ma fille l’aurait empruntée. « Restons ensemble. Il doit y avoir un moyen de sortir d’ici. »
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(abandonné) ( halloween ) Got very small in front of dolls || ft. Perséphone Heïkós
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