(abandonné) I'm a slave to the shadows while you are the sun. [Catra & Adora]

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

Privée de ces souvenirs essentiels, Adora éprouve un sentiment de vide qu’elle n’identifie pas. Pour chaque moment passé auprès de Catra, pour chaque conversation, chaque échange, chaque étreinte, une émotion particulière affleure à la surface d’un esprit qui la chasse aussitôt. La vérité, non sur sa mémoire défaillante mais sur la nature réelle de ses sentiments, Adora la connaît, mais pense devoir la garder pour elle-même, presque honteuse de la nature de ce qu’elle éprouve, inquiète d’envisager une non-réciprocité qui lui semble presque évidente… parce qu’il ne peut pas en être autrement, n’est-ce pas ?

À quelques moments, elle envisage d’aller la trouver et de tout lui dire, puis elle s’abstient : ça va même au-delà de ça, c’est comme si une force bien supérieure à elle lui ordonnait, vindicative, de ne pas se confier, jamais. Une force invisible qui l’attirerait en arrière à chaque fois que lui prendrait la tentation de se rapprocher d’elle, de mettre des mots sur la puissance de son attachement. À quoi bon ? Son amitié avec Catra est certainement ce qu’elle possède de plus précieux au monde. Sans elle, son quotidien semblerait autrement plus sombre, en dépit des encouragements qu’elle reçoit quotidiennement et de l’assurance qu’on lui donne qu’elle sera promise tôt ou tard à un destin exceptionnel. Cette fierté est beaucoup, mais pas grand-chose malgré tout en comparaison du plaisir réel qu’elle ressent chaque fois que Catra est dans les parages. Cette sensation-là, pour rien au monde elle ne voudrait s’en priver… alors voilà, elle se le répète, et se dit qu’à force de le répéter, ce sera vrai pour de bon. Catra est la meilleure de ses amies. Mais c’est tout ce qu’elle est, une amie… et c’est très bien ainsi… car le pire qui pourrait arriver serait qu’elle ne soit plus rien du tout, et une part d’elle ne peut s’empêcher d’y songer, que ce serait l’issue si ce n’est logique, du moins fatale à une telle déclaration.

Elle oublie combien son cœur a pu battre fort au moment de l’embrasser enfin, elle oublie combien elle s’est sentie complète le temps d’un baiser, elle oublie tout ce que cela a changé pour elle le temps trop court où ses souvenirs étaient intacts… quand elle rejoint Catra, sur ce toit où cette dernière a toujours eu ses habitudes, Adora n’a pas la moindre idée de l’ampleur de ses tourments, elle a pourtant l’impression qu’il y a quelque chose de différent, dans le ton de sa voix, dans son attitude… et elle n’aime pas ça.

« Hey Catra. » Adora se rapproche, vient s’installer juste à côté de Catra, s’accoude à la balustrade sur laquelle cette dernière est assise. « Tout va bien ? » Elle lui adresse un regard concerné. Elle sait, elle sent qu’elle ne va pas bien. La vraie question serait plutôt : qu’est-ce qui ne va pas… Elle laisse passer un temps de silence, contemple le paysage qui se déploie sous elle. « J’étais avec Shadow Weaver. Tu veux savoir ce qu’elle m’a dit ? »

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

Adora n’est pas dupe de l’attitude de Catra. Elle peut sans doute tromper beaucoup de monde, ou en tout cas tous ceux qui décideront de ne pas voir au-delà des apparences, mais Adora, elle, sait que derrière ses airs indifférents ou narquois se dissimule bien souvent une peine plus profonde. Catra est une âme brisée, et Adora n’aura de cesse que d’espérer la réparer, avec parfois le sentiment douloureux que ce sera peut-être toujours en vain. Adora aimerait une réponse honnête, d’autant qu’elle a le sentiment que Catra est peut-être plus chagrinée encore qu’elle ne serait en mesure de le soupçonner, mais faute d’obtenir mieux de sa part, elle détourne l’attention comme elle le peut, et évoque avec elle sa dernière conversation avec Shadow Weaver. Pas sûr que cette dernière mette Catra dans les meilleures dispositions non plus, mais la jeune femme ne se voit pas cacher cela à la plus précieuse de ses amies – qui est bien plus qu’une amie en vérité – dans tous les cas, la jeune femme serait parfaitement capable de comprendre et de lire entre les lignes, c’est même certain.

Elle peut le sentir, au moment où Catra répète le nom de Shadow Weaver, que ce seul nom éveille une certaine tension en elle. Et c’est compréhensible. Cette dernière est la cause de beaucoup de ses tourments et de ses remises en question, Adora le sait bien. Elle ne peut nier la culpabilité qu’elle éprouve quand Shadow Weaver lui adresse ce traitement de faveur auquel Catra, peu importe les efforts qu’elle pourra bien fournir, ne pourra jamais prétendre. Cette femme les avait éduquées en même temps, mais pas de la même manière, loin de là.

Bien sûr, Catra veut tout connaître des détails de sa conversation avec Shadow Weaver, et Adora ne compte rien lui cacher. Adora n’a jamais rien caché à Catra… en dehors de ce qui est le plus important peut-être, à savoir la nature profonde de ses sentiments pour elle, inquiète de ce que cela représenterait pour leur relation, convaincue du fait que la réaction de Catra bouleverserait le cours de leur amitié tout entière, au point de la briser. Elle ne sait plus rien de leurs confessions, de leur rapprochement, d’à quel point elle s’était sentie enfin complète, pour la toute première fois de sa vie. Non, elle ne sait plus rien de cela. Tout ce à quoi elle songe, c’est à cette inexplicable intuition qui lui hurle de ne surtout pas se précipiter.

« Ça y est, Catra, je suis Force Captain. Bon, c’est pas encore totalement officiel mais… c’est plus ou moins fait. » Elle sourit, elle voudrait afficher un sourire plus grand, mais elle aurait besoin de l’enthousiasme de Catra pour cela. « Elle m’a parlé de toi, aussi… Enfin, tu connais la chanson, hein… »

Toujours le même refrain… Catra la tirerait vers le bas, mais Adora ne l’a jamais ressenti ainsi. C’est même tout l’inverse. Adora ne s’est jamais sentie aussi forte et accomplie que quand elle avait Catra à ses côtés.

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

La réaction de Catra n’est pas celle qu’Adora attendait, mais c’est bel et bien celle avait deviné, parce qu’elle la connaît, elle sait comment elle est, comment elle réagit, de même qu’elle pense savoir ce qu’elle ressent, du moins en partie. Adora n’a pas envie de blesser Catra, elle voudrait qu’elle soit sincèrement heureuse pour elle et capable de se réjouir, mais elle ne lui en veut pas non plus de ne pas éclater de joie. Elle sait que chacun de ses succès peut être considéré comme un échec pour elle. Et c’est une chose qu’Adora ne peut comprendre qu’en ayant le cœur serré.

« Je ferais ce que je peux », répond-elle en essayant de rebondir sur la moquerie de Catra sans être capable de vraiment détendre l’atmosphère, parce que Adora n’a jamais eu beaucoup d’humour, de manière générale. Elle n’arrive vraiment pas à faire illusion, parce qu’elle ne trouve pas cette situation amusante, et son enthousiasme s’étiole quand elle voit Catra à ses côtés.

« Bientôt. Demain, normalement », dit-elle à Catra en essayant de retrouver son fin sourire quand Catra lui demande quand la nouvelle sera annoncé officiellement. « Tu es la première à qui j’en parle. » Mais ça ne sert à rien de le dire. Bien sûr que Catra sera toujours la première personne vers qui Adora voudra se tourner, quoi qu'il arrive. « Donc on sait jamais, tout peut arriver d’ici là », reprend-t-elle alors.

Sauf que non, il y a tout de même peu de chances pour que la situation change d’ici le lendemain, d’autant que cela fait un moment que la rumeur de sa promotion (méritée) circule au sein de la Horde. Quant à ce que Shadow Weaver lui a dit au sujet de Catra… elle n’a pas l’intention de l’écouter dans tous les cas, elle en est incapable.

Sa place aura beau en dépendre, et son nouveau titre a beau lui tenir à cœur, elle ne veut pas mettre Catra de côté. Elle ne peut pas mettre Catra de côté : c’est impossible, vraiment. Elle ne veut pas se laisser intimider, elle ne veut pas se laisser abuser par les paroles de leur mentor – même si, naturellement, elle aura du mal à prétendre que ces dernières n’auront aucune forme d’impact sur elle. Elle pousse un léger soupir quand, avec amertume, Catra fait remarquer qu’elle sera toujours la préférée de Shadow Weaver. Elle ne peut pas démentir, ce serait un autres mensonge, mais…

« Je la trouve différente, en ce moment… », dit-elle alors, répondant volontairement à côté de la plaque. « Quand elle me parle de toi. Elle n’avait jamais été aussi virulente, avant. »

Comme s’il s’était passé quelque chose, quelque chose qui lui échappe. Et en effet, il s’est passé quelque chose. Quelque chose qu’elle a totalement oublié.

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

« Tant que ce quelqu’un n’est pas toi », observe Adora avec une esquisse de sourire en coin, comme une manière de prolonger une mauvaise blague qui n’avait fait rire personne pour commencer.

Bien sûr, Adora le sait, il serait presque impossible que la décision de sa nomination change du tout au tout du jour au lendemain. Il est bien plus probable que les choses demeurent en l’état. Cela fait un moment qu’on lui fait miroiter son grade, après tout, et elle a plus que largement fait ses preuves au sein de la Horde pour le mériter. Et malgré tout, elle redoute de heurter Catra avec ce qui n’est jamais que de l’ordre de l’évidence. Ça leur pendait au nez, et depuis un moment, et en soi, c’est une excellente nouvelle dont la blonde veut se réjouir et au sujet de laquelle elle veut avant tout se sentir fière, mais elle ressent bien que quelque chose d’autre se trame, et ce quelque chose la met infiniment mal à l’aise… parce que faute d’en comprendre exactement l’origine, elle n’a pas le pouvoir de l’empêcher.

Elle serait sans doute plus à même d’accepter ces secrets et ces mystères si elle n’avait pas le sentiment que c’était un secret que Catra aussi lui faisait, pas seulement Shadow Weaver… et c’est bien le souci, elle sent bien que le comportement de Catra est différent, mais à chaque fois qu’elle s’efforce de sonder ce dernier, qu’elle essaie de comprendre de quoi il retourne, Catra détourne le sujet avec le cynisme qui lui est caractéristique. Adora s’efforce, pour sa part, de tâter le terrain, mais sans doute n’est-elle pas très subtile – la subtilité n’a jamais été vraiment son fort, il faut le reconnaître.

Faute d’obtenir une réponse satisfaisante elle force un léger rire à l’évocation des robes ridicules de Shadow Weaver, que Catra serait en mesure de déchirer d’un coup de griffe. Bon, l’image est assez drôle, en réalité, maintenant qu’elle y pense, mais Adora est trop nerveuse pour véritablement rire de quoi que ce soit ici et maintenant. Le malaise qui s’est déposé entre elles est tel qu’il semblerait presque palpable à la jeune femme.

« Ce que j’en pense ? » répète Adora en posant des yeux ronds sur Catra. « Tu ne penses pas que je vais cesser de te parler et de te fréquenter parce que tu serais… une mauvaise influence ? » Elle l’observe, constatant que la posture de Catra n’a rien de détendue en cet instant. Elle s’inquiète vraiment de l’opinion qu’Adora peut avoir d’elle. Mais depuis des années, Shadow Weaver s’efforce de vouloir les distinguer et les diviser. Ça n’a pas fonctionné. Ça ne fonctionnera pas. « T’es ma meilleure amie, Catra. Je me moque de ce que dit Shadow Weaver. Tu le sais, pas vrai ? »

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

Adora ne répond pas directement à Catra, uniquement par une esquisse de sourire en coin quand cette dernière lui fait remarquer qu’elle n’avait de toute façon pas d’autre choix que de l’accepter dans son sillage puisqu’elle ne ferait rien sans elle. Elle a beau exprimer ses craintes sous couvert de plaisanterie, la jeune femme n’est pas loin de penser la même chose. Qu’est-ce qu’Adora ferait sans Catra ? Elle s’est déjà posé la question, ces quelques fois – nombreuses fois – où Shadow Weaver avait cherché à semer la zizanie entre elles, ou en tout cas à les éloigner l’une de l’autre. Adora s’était alors demandé ce qu’il se passerait si elle devait réellement y parvenir. Cependant, elle rejetait toujours rapidement cette option. Elle n’est pas envisageable, un point c’est tout. Que ferait Adora sans Catra, elle n’en a pas la moindre idée, mais ce dont elle est certaine, c’est qu’elle souffrirait quoi qu’il en soit bien trop fort de son absence pour que cette dernière ne devienne pas rapidement insoutenable à ses yeux.

Oui, elles s’en fichent, d’elle. Enfin. Oui et non. Elles peuvent bien répéter que l’influence de Shadow Weaver n’a pas d’incidence sur elle ou sur leurs comportements, leurs actes et leurs pensées, leur réserve et leurs inquiétudes, racontent une autre histoire. Elles ne s’en fichent pas, et c’est bien parce qu’elles ne s’en fichent pas que toute cette situation est si compliquées pour elles. Adora et Catra restent prisonnières de l’influence et de l’opinion de celle qui les a éduquées, ne leur en déplaise… ceci dit, il est évident pour l’une comme pour l’autre, c’est que leur relation, peu importe qu’elles ne soient pas capables de lui donner le nom qu’elle devrait revêtir, prime au-delà de tout le reste, et c’est une chose qu’elles auraient tout intérêt à ne jamais oublier.

Les joues d’Adora se colorent d’une légère teinte rosâtre quand Catra lui assure qu’elle est importante pour elle… Adora veut lire davantage entre les lignes, elle veut croire en des mots qu’elles n’ont jamais osé s’adresser… ou plutôt, qu’elle n’a pas le souvenir de lui avoir adressés, et réciproquement, sans se douter que ça a été, pourtant, déjà le cas, et que Catra, justement, par la force des choses, en a souffert plus que de raison. Adora est touchée et en même temps frustré par cette déclaration incomplète. Elle en attendrait plus de la part de Catra, tout en sachant qu’elle n’est probablement pas en mesure d’en réclamer davantage dans de telles circonstances.

« Qu’est-ce que tu racontes, bien sûr que tu ne vas pas me perdre », répond Adora d’une voix un peu trop rapide, comme si elle avait oublier de reprendre son souffle. Et elle s’en veut presque aussitôt. Elle a été désarçonnée par la sincérité de Catra. Elle lui a parlé sans réserve, elle lui a dit ce qu’elle avait sur le cœur, et à cela, elle a répondu avec une nervosité déplaisante qu’elle cherche maintenant à rattraper. « Tu es importante pour moi aussi, Catra. Plus que tu ne l’imagines… Je… »

Et alors que les mots suivant exigeraient probablement qu’elle ancre son regard au sien, c’est à ce moment-là qu’elle détourne les yeux.

« Je t’aime. »

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

Adora sait ce qu’elle dit. Elle l’a nié, elle l’a même oublié, elle a cherché à l’étouffer, elle a eu, parfois, du mal à l’interpréter, mais les mots qu’elle prononce, elle les pense et elle leur accorde toute l’intensité qu’ils méritent. Adora aime Catra. Elle l’aime sincèrement. Pas comme une amie ou comme une sœur, elle l’aime bien plus que cela encore. Elle l’aime au point de ressentir un désagréable vide chaque fois qu’elle n’est pas près d’elle, elle l’aime au point de vouloir passer le restant de ses jours à ses côtés. Elle l’aime à ce point-là, et elle ne sait pas quoi faire face à la réaction, nerveuse et fuyante, de Catra… elle ne sait pas si sa réaction est liée à la peur ou au rejet. Elle ne sait pas comment l’interpréter.

Ces trois mots qu’elle s’étonne d’avoir eu le courage de prononcer lui paraissent à présent étouffer l’espace, y répandre une tension violente, pesante, impossible à négliger ou à ignorer. Elle sait ce qu’elle dit, mais elle commence doucement à regretter de l’avoir dit. Catra ne prononce que ces mots-là et laisse ensuite le silence s’installer entre eux, un silence qui lui fait l’effet d’une gifle en plein visage. Blessée dans son orgueil, Adora se flagelle mentalement de s’être permise de s’exprimer au sujet de ce qu’elle ressent.

Le regard de Catra se fait fuyant, et Adora se sent partagée entre la vexation et autre chose, le sentiment que Catra s’abstient de lui retourner ses sentiments non pas parce que c’est ce qu’elle veut mais parce que c’est ce qu’elle croit devoir faire. Elle envisage d’imiter Catra et de se refermer comme une huître, mais elle ne le fait pas. Elle se contente de poser un regard plus insistant sur Catra, dans l’espoir que cette dernière daigne enfin lui rendre un regard qu’elle n’aime pas voir aussi fuyant.

« Je sais ce que je dis », dit-elle alors, rompant le silence d’une voix ferme, reprenant ses esprits.

Ces mots, elle a dû rassembler un certain courage dont elle ne se souvient pas avoir déjà fait preuve pour les prononcer. Alors, oui, elle ne veut pas les avoir prononcés en vain. Elle ne doit pas se braquer alors que Catra a peut-être juste besoin d’être rassurée au sujet de ses intentions, qui sait ? Et si elle doit l’être, eh bien soit… Adora n’a pas envie de rebrousser chemin ou de minimiser ce qu’elle vient de dire.

« Je t’aime Catra. Et… » La suite est bien plus hasardeuse, évidemment. « Je pense que toi aussi. » Avec douceur et hésitation, Adora se rapproche de Catra pour venir saisir sa main dans la sienne. « Catra… Regarde-moi, s’il te plaît. »

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

Adora aimerait se sentir rassurée au moment de voir le visage de Catra se relever afin de lui permettre de croiser son regard, malheureusement, l’émotion qu’elle lit dans ses prunelles est loin de complètement la rassurer. Il y a plus d’une émotion dans ces jolis yeux vairon où elle voudrait se noyer une bonne fois pour toutes. Oui, il y a une tendresse sincère, qui ne laisse aucun doute à la jeune femme quant à la réciprocité de leurs sentiments, mais malheureusement, ce n’est pas là la seule émotion qu’elle est capable de découvrir dans ce regard… il y a aussi une immense tristesse, une tristesse qui lui serre le cœur au point de devenir communicative… Et encore autre chose. Ce quelque chose, la jeune femme ne parvient pas à l’identifier, pourtant, elle n’aurait probablement qu’à sonder son propre cœur pour y parvenir. Cette émotion, c’est de la peur, une peur légitime en soi, et encore légitimée par des souvenirs que la blonde ne garde pas en mémoire, sans quoi elle serait capable de le comprendre davantage.

« Personne n’a besoin de savoir », répond immédiatement Adora, inquiète de voir cette discussion mettre un terme à toute opportunité de relation, même secrète.

Adora ne veut pas revenir sur les mots qu’elle vient de prononcer, sur les confidences qu’elles viennent de se faire, elle s’y refuse totalement. Pour elle, il est hors de question de nier l’intensité de ses sentiments à l’adresse de celle qui fait battre son cœur si fort, pas alors qu’elle est parvenue à rassembler le courage nécessaire pour lui dire ce qu’elle ressent, pour ce qu’elle s’imagine à tort être la toute première fois. Bien sûr que les arguments de Catra s’entendent, bien sûr que cette situation est dangereuse… mais le danger n’a jamais arrêté Catra auparavant, pas vrai ?

Adora insiste, elle a besoin de prouver à Catra que leur histoire vaut la peine d’être vécue, elle veut se le prouver à elle-même. Elle pose une main de part et d’autre de ses épaules pour obliger la jeune femme à lui faire face. Alors, elle réduit l’espace entre leurs visages au strict minimum, jusqu’à ce que leurs lèvres s’effleurent presque.

« Je t’aimerai qu’il se passe quelque chose ou non », décrète-t-elle alors chaudement contre ses lèvres. « Alors autant qu’il se passe quelque chose, pas vrai ? » ajoute-t-elle avec une esquisse de sourire mutin qui disparaît bien vite au moment où ses bras s’enroulent tout autour de Catra et qu’elle l’embrasse avec toute l’intensité que son affection profonde et immuable pour Catra lui inspire. Elle ne peut pas lui dire non, pas alors que leurs cœurs battent si fort, à l’unisson, qu’ils semblent n’être plus que le seul bruit alentour.

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

Le regard de Catra se voile de larmes… Adora décide d’y voir des larmes de joie et d’émotion. Elle est incapable de comprendre la douleur vive, profonde, qu’elle inflige à la femme qu’elle aime au moment de penser, pourtant, la rendre heureuse. Pour elle, c’est si bon de lui dire enfin ce qu’elle ressent ! Bien sûr, elle comprend la nécessité de ne rien dire à personne, elle comprend – ou pense comprendre – les raisons pour lesquelles il ne faudra sous aucun prétexte que Catra ait conscience de ce qui se passe entre elles… mais elle devra rapidement accepter l’idée que quelque chose lui manque, et que ce quelque chose l’empêchera probablement toujours de vivre avec Catra cette romance qui pour l’heure n’en est qu’à de timides balbutiements. Elle a envie de dissiper les craintes de son interlocutrice d’un geste, d’un regard, mais faute d’en connaître la véritable nature, elle s’en révèle absolument incapable tout compte fait.

Quand Adora l’embrasse, elle s’imagine, dans un premier temps, que Catra va la rejeter tant sa réaction ne correspond à aucune de ses attentes. Elle la sent tremblante, tout contre elle, et elle ne saurait trop dire quelle émotion la fait trembler à ce point, si elle est positive ou bien absolument négative. Mais finalement, quand les lèvres de Catra se meuvent contre les siennes, Adora se rassure et se sent soudainement plus heureuse, plus confiante. L’espace de quelques secondes, plus rien n’existe en dehors d’elles. Elles sont à l’abri d’une bulle confortable au sein de laquelle seules leurs émotions importent. Le reste – tout le reste – n’est rien d’autre qu’accessoire. La jeune femme peut sentir son cœur battre plus fort, et elle découvre combien il est agréable d’embrasser ces lèvres-là, et à quel point il lui serait impossible, positivement impossible, de s’en passer.

Puis la bulle de confort, de bonheur et de naïveté éclate, et soudainement, sans qu’Adora ne l’ait vu venir, Catra l’oblige à s’écarter et la tient à l’écart… Incertaine, Adora dévisage la jeune femme, qu’elle découvre en larmes. Elle a envie de se rapprocher, de l’étreindre, de dissiper ses doutes, mais face à ses larmes, elle se sent impuissante… elle a le sentiment que les siennes ne sont qu’à quelques secondes de s’écouler de ses propres yeux, et elle se fait violence pour ne pas céder à ces émotions qu’elle ne serait pas capable de comprendre et encore moins de contrôler.

« C’est sûr que si tu ne m’expliques pas, je ne comprendrai pas », réplique Adora.

Mais Catra ne tarde pas à lui en dire plus, si triste, si vulnérable qu’Adora en a immédiatement le cœur brisé. La réaction de Shadow Weaver la terrifie… Et Adora n’est pas capable de comprendre pourquoi elle prend cette possibilité à ce point au sérieux.

« Catra… » Adora se rapproche avec le plus de douceur et de prudence possibles, se saisit doucement de sa main pour la glisser et la serrer dans la sienne. « Elle a dit quelque chose ? Elle a fait quelque chose ? Explique-moi, s’il te plaît. »

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

« Bien sûr que si, je veux savoir ! » s’obstine Adora, tandis que Catra, de son côté, lui soutient tout l’inverse.

Adora n’aime pas qu’on lui cache des choses, elle n’aime pas se sentir mise à l’écart, elle n’aime pas sentir que les choses lui échappent, et encore moins quand elle est convaincue du fait que ces choses la concernent, comme c’est le cas en cet instant, alors que Catra veut faire la sourde oreille à son obstination à connaître la vérité. Elle sait qu’il se passe quelque chose, elle sait que ce quelque chose affecte profondément, viscéralement Catra. Et parce que ce quelque chose l’affecte, Adora, en retour, est touchée elle aussi. Il ne pourrait en être autrement. Quand il s’agit d’elle, il ne peut être question d’autre chose. Alors elle attend, elle insiste. Elle voit bien que Catra est en conflit avec elle-même, et même si elle n’aime pas l’idée d’encourager ses tourments, elle la sent sur le point de craquer, et pour cette raison, elle tient absolument à insister jusqu’à obtenir gain de cause. Quand elle saura enfin tout, elle saura se faire pardonner son insistance et son obstination à Catra, mais en attendant, il faut qu’elle sache. Elle doit absolument savoir.

Alors le couperet tombe, et Adora ouvre de grands yeux, prise de court par ce qu’elle lui apprend. Elle s’était imaginée bien des choses, elle avait envisagé de nombreuses manœuvres cruelles de la part de Shadow Weaver, mais cette dernière ne l’avait pas effleurée ne serait-ce qu’un seul instant. Elle ne sait pas comment l’appréhender, elle ignore comment y réagir, elle se sent totalement prise de court alors qu’elle comprend que Shadow Weaver a ni plus ni moins que joué avec sa mémoire.

« Non… »

Adora prononce ce mot dans un souffle, les poings serrés. Parce qu’elle ne la croit pas ? Bien au contraire, elle la croit effectivement, mais l’information est difficile à encaisser malgré tout. L’idée de ne pas être mapitresse de tous ses souvenirs… ça la rend folle… et maintenant, elle comprend les peurs de Catra et sa raison de s’efforcer de la rejeter en dépit de ce que son cœur lui dicte de faire. Adora passe une main tremblante dans ses cheveux blonds. Son cœur bat la chamade. Elle ne s’était absolument pas attendue à ça, et elle ne sait pas comment y réagir.

« Catra… Je suis tellement désolée… »

Adora se sent terriblement mal à l’idée que l’on ait joué avec sa mémoire, mais elle devine que ce n’est rien en comparaison de ce que Catra, de son côté, a enduré.

« Elle ne peut pas s’en sortir comme ça, elle n’a pas le droit de nous faire ça. » Adora prend une grande inspiration. « Je vais aller lui parler, elle ne peut pas s’en sortir comme ça, elle n’a pas le droit de te menacer, elle n’a pas le droit de nous manipuler comme ça. »

Sauf que Shadow Weaver a en réalité tous les droits, et Adora a beau vouloir se montrer convaincue, elle ne pense pas forcément autrement.

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

Sans surprise, Catra s’oppose fermement à l’idée qu’Adora aille parler à Shadow Weaver. Ce n’est pas étonnant, non, et Adora elle-même ne peut prétendre être totalement convaincue de sa démarche. Bien au contraire, même, elle a conscience qu’elle est probablement en train de foncer droit dans un mur, mais le fait est qu’elle ne sait pas quoi faire d’autre. Elle ne peut certainement pas rester sans rien faire. S’aimer dans le plus grand secret est impossible, ce serait beaucoup trop dangereux et leur garantirait probablement un retour à la case départ tôt ou tard… on n’échappe pas à la vigilance de Shadow Weaver éternellement, même en faisant preuve du plus de prudence possible – c’est tout bonnement impossible. Et faire comme si de rien n’était et simplement décider que leur histoire est impossible ? Non, Adora est incapable d’y consentir, bien au contraire, même. Elle l’aime depuis toujours, il n’y a pas d’interrupteur pour soudainement éteindre ses sentiments, ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent.

Mais bien sûr, elle ne peut que tenir compte de l’opposition ferme de Catra… En effet, Adora n’a pas la moindre idée de ce que Shadow Weaver lui fera si elle devait aller lui parler directement, mais elle sait en revanche ce qui se passera si elles n’agissent pas, et c’est une option qui ne lui plaît pas le moins du monde. Qu’il y ait confrontation directe ou non, les risques ne sont-elles pas les mêmes ? Adora a envie d’insister, de s’opposer fermement en retour à toutes les objections de Catra, si sensées soient-elles. Elle ne veut pas croire que ce soit fini, elle ne veut pas croire que tout ce qu’il leur reste à faire soit de… quoi ? Baisser les bras ? Non, certainement pas. Adora ne peut pas l’envisager, pas plus qu’elle ne peut envisager de taire pour de bon ses sentiments. Elle a trop attendu de les exprimer, sans avoir conscience du fait qu’elle les avait déjà, en réalité, exprimés. Elle ne veut pas l’avoir fait en vain. Et en même temps, elle sait aussi que faire subir de nouveau à Catra la souffrance de ne pas se rappeler ses sentiments n’est pas forcément juste non plus.

« Qu’est-ce que tu suggères alors ? » demande-t-elle sans encore promettre de ne rien dire à Shadow Weaver, car elle a vraiment besoin qu’on lui propose une solution, et tant qu’à faire une solution qu’elle estime digne de ce nom. « Parce que je ne ferais pas comme si de rien n’était, Catra, je refuse de faire comme si rien ne s’était passé. Je refuse de tirer un trait sur nous. »

Elle est plus que catégorique sur ce point : c’est tout à fait hors de question pour elle : quoi qu’il puisse advenir, elle ne changera définitivement pas d’avis.

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

Elles doivent trouver une solution, n’importe laquelle. Adora se sent prête à rassembler tout le courage du monde si cela peut lui garantir, en retour, de s’assurer l’affection de la femme qu’elle aime en retour, sans que le sort ne s’acharne une fois encore. Elle ne veut surtout pas oublier les mots qu’elles s’échangent ou la saveur de ses baisers, c’est au-dessus de ses forces que de l’envisager. Quant à faire comme si de rien n’était ? Non, elle ne peut l’accepter davantage. Pourquoi devraient-elles avoir honte de quelque chose d’aussi pur et évident ? Comment leur amour pourrait-il être considéré comme une faiblesse quand Adora ne se sent jamais plus forte qu’au moment de sentir la chaleur des bras de Catra autour d’elle ? Adora l’aime trop profondément… Beaucoup trop passionnément. Elle veut tout vivre avec elle. Partager la moindre aventure comme le moindre baiser et la moindre étreinte, elle veut pouvoir savourer pleinement leur complicité unique et n’avoir jamais à en rougir… Et pour cela, une seule solution, sans doute, est envisageable.

Cette solution radicale que Catra formule avec volonté. Il faut que Shadow Weaver s’en aille, il faut qu’elle n’ait plus le pouvoir qu’elle a aujourd’hui d’ingérer leurs vies. Comment faire, alors ? Pour la bouter hors du paysage ? Se rebeller contre l’autorité en place ? Décider de transformer jusqu’à la hiérarchie de la Horde ? S’emparer du pouvoir par la force ? Chacune de ces possibilités est dangereuse… Shadow Weaver est une adversaire de taille, et Adora ne pense pas que leurs forces conjuguées suffira à quoi que ce soit.

Mais l’idée de Catra est plus insidieuse. Le grenat. Le regard d’Adora s’illumine en même temps qu’elle prend conscience de la nature de l’idée qui a traversé l’esprit de Catra. S’attaquer aux pouvoirs de Shadow Weaver en détruisant le Grenat… C’est… vicieux… Mais pas forcément plus vicieux que de lui effacer la mémoire comme elle l’a fait. Et certainement moins violent ou suicidaire que d’essayer de l’attaquer plus directement.

« Tu as raison… » Dans l’esprit d’Adora, les pensées défilent à toute allure tandis qu’elle réfléchit à l’option la plus susceptible de favoriser leurs desseins. « D’accord, on va le détruire… Mais ne serait-ce que l’approcher va être un défi. Et quand bien même on y parviendrait – et on y parviendra… Avec quoi le détruire ? Qui sait si détruire une pierre runique d’une telle puissance magique n’aura pas un effet désastreux sur nous. »

Elle ne veut pas du tout couper court à l’idée de Catra. Bien au contraire, même, elle estime que c’est la meilleure des options. Mais elles se doivent de réfléchir, toutes les deux, quant à la manière d’agir afin que cela soit au mieux. Elles ne peuvent pas se permettre de manquer leur coup. Si elles doivent s’attirer les foudres de Shadow Weaver sur ce coup-là, il est sûr et certain qu’elles ne s’en tireront pas indemnes.

I'm a slave to the shadows while you are the sun

feat. Catra

L’idée de Catra est folle. Elle est probablement très dangereuse, également. Mais Adora veut prendre tous les risques. Si c’est afin de permettre à leur histoire de fleurir et de ne plus être tuée dans l’œuf, alors il n’y a rien, absolument rien qu’elle ne se sentira pas capable de faire. Elles doivent être fortes, et face à l’adversité, elles n’ont pas le choix. S’attaquer à Shadow Weaver, même indirectement, est dangereux au possible, et elles devraient peut-être revoir leurs ambitions à la baisse, mais Adora se sent prête. Elle bravera toutes les tempêtes. Connaître les sentiments de Catra à son égard, des sentiments plus que partagés au passage, lui donne naturellement envie de demeurer auprès d’elle. Elles ont du pain sur la planche, d’autant plus qu’Adora ignore si tout sera aussi simple que cela en donne l’air quand Catra lui fait part de ses plans, mais elles sont ensemble. Ensemble, elles sont plus fortes.

Adora esquisse un fin sourire quand Catra sort ses griffes acérées en laissant suggérer qu’elles seront suffisantes à détruire le grenat. Est-ce que cela sera suffisant ? en vérité, ce serait bien possible, même si elle n’en sait trop rien, elle n’a pas la moindre idée d’à quel point une telle pierre sera facile ou non à détruire. Elle décide de faire confiance à Catra, quoi qu’il en soit. D’autant plus qu’elle ressent de sa part une véritable volonté. Elle est déterminée à agir, à protéger ce qui les lie… et cette détermination est toute partagée. Elle aussi veut à tout prix conserver leur relation.

Catra, en dépit de sa détermination et de son enthousiasme à toute épreuve, a tout de même conscience des risques. Elles ne savent pas ce qui peut arriver si ce devait être Shadow Weaver qui devait les surprendre au lieu d’elle… Ne pas lui laisser l’occasion d’utiliser sa magie… c’est quand même présumer de beaucoup de variables qui ne sont pas en leur possession. Peu importe, le jeu en vaudra la chandelle. C’est même certain.

« Je me demande ce qui se passera pour la Horde après ça… », fait tout d’abord Adora, songeuse.

Cela pourrait éventuellement ressembler à un refus, ce n’en est pas un. C’est bel et bien une question légitime que la jeune femme se pose et ne parvient pas à s’ôter de la tête… Malgré tout, elle ne veut pas que cette dernière ait un effet dissuasif pour elles. Non, elles doivent aller jusqu’au bout. C’est au-delà de cette histoire de mémoire effacée. Shadow Weaver a toujours eu un influence trop grande et trop dangereuse sur leurs vies. Il est temps que cela change.

« Oui, je me sens prête, Catra. Je n’ai jamais été plus prête de toute ma vie. Tu n’as qu’un mot à dire et je te suis. » Adora embrasse ses lèvres avec douceur. « Je te suivrai quoi que tu fasses. »