(abandonné) Lannisters always pay their debts. [Jaime & Cersei]

Les deux coudes posés sur un muret de pierre rongé par l'air marin, Jaime Lannister contemple la mer. C'est dans cette même eau qu'il plongeait sans crainte, autrefois, jusqu'à ce que Cersei le dénonce à leur père. Le souvenir de la rouste qu'il s'est pris ce jour-là le fait sourire. Tywin Lannister n'avait cessé de lui répéter que c'était indigne de sa personne, qu'un Lannister n'agissait pas aussi ridiculement. Mais pour Jaime, cela n'avait toujours été qu'une question d'adrénaline. Chaque plongeon, chaque saut depuis le sommet du roc n'était qu'un instant fugace de liberté, où il n'était guère l'héritier décevant du patriarche de la famille, mais seulement Jaime... Amoureux de sa sœur, protecteur envers son petit-frère.

Les dernières nouvelles de Port-Réal sont arrivées le matin même, et cette missive est signée au nom de Robert Baratheon, nouveau roi de Westeros... Et futur époux de Cersei Lannister.

Jaime, qui se trouve à Castral Roc en attendant de savoir si son régicide lui vaudra d'être condamné ou pardonné, n'a pas su accueillir dignement la nouvelle. Oh, pourtant, il avait toujours su que ce jour viendrait... Le jour où Cersei règnerait sur Westeros. Leur père avait soigneusement placé ses pions pour que ce jour arrive. Et Jaime, dans toute sa fougue amoureuse, avait jalousé le Targaryen qu'elle aurait dû épouser en premier lieu. Il l'avait maudit, avait plus d'une fois songé à l'occire à mains nues... Mais finalement, c'était avec un silence furieux qu'il avait enduré le coup de coeur de Cersei pour Rhaegar Targaryen... Jusqu'au jour où ce dernier avait rejeté la proposition de noces envoyée par Tywin.

Mais l'histoire se répétait à présent. Jaime, une fois de plus, doit tolérer en silence que sa soeur jumelle lui échappe, cette fois-ci pour de bon. Séparés, ils l'ont déjà bien trop été, à mesure que leur entourage soupçonnait leur liaison. Mais cette fois-ci... Cette fois-ci, tout ceci est d'un absolu qui laisse un goût trop amer dans la bouche de Jaime. Très bientôt, sa soeur cessera de lui appartenir. Et il ne peut s'y résoudre. En cet instant, il n'a que faire d'être considéré comme le plus déshonorable des hommes pour avoir occis son roi d'un coup d'épée dans le dos. Le plus grand déshonneur, pour lui, est de se résoudre à laisser Robert Baratheon poser ses mains sur la peau douce et dorée de Cersei.

C'est cette dernière qui interrompt le fil de ses pensées, en faisant son apparition. Il ne l'aperçoit que du coin de l'oeil, mais Jaime la reconnaîtrait même avec les yeux fermés. Son parfum, l'éclat de ses cheveux blonds... Et sa présence, même silencieuse, sont autant de détails qu'il connaît sur le bout des doigts et dont il ne saurait jamais se lasser.

Refoulant, pour le moment, son amertume, Jaime se redresse et se tourne pour faire face à sa soeur. Le regard qu'il pose sur elle est froid. Son sourire, lui, est narquois.

« Tiens, tiens. Ne serait-ce pas la future reine de Westeros ? »

L'on pourrait penser que la légèreté de son ton est sincère. Mais pour quiconque le connait suffisamment, il est si simple de discerner une courbe prédatrice dans son sourire, et une ombre furieuse à ses sourcils.

Malgré la colère, Jaime apprécie de constater que Cersei, pour le moment, est seule. Ni suivante, ni membre lointain de la famille. Ils ne sont que tous les deux et cette simple intimité a le don de l'apaiser. Si leur père était présent, Jaime ne serait pas libre de laisser éclater sa colère. Il serait à peine libre de poser les yeux sur sa sœur, d'ailleurs.

Il ignore, dans un premier temps, les provocations de sa soeur et laisse plutôt son regard glisser sur elle. Cersei est sublime, comme toujours. Mais il y a quelque chose de plus, et Jaime n'est pas certain de savoir s'il s'agit du fruit de son imagination teintée de jalousie ou bien un réel changement qui s'est opéré sur Cersei en l'espace de quelques heures, à l'annonce de la nouvelle. Un air impérieux, quelques changements subtils dans son port de tête, dans l'inclinaison de ses lèvres, même dans sa voix... C'en est trop pour Jaime, qui associe désormais cette évolution à celui qu'il considère au mieux comme un rival, au pire comme une nuisance. Un être qui lui vole l'être qui compte le plus pour lui. Alors que lui-même... Lui-même s'est engagé ailleurs, à une vie de célibat, pour mieux rester auprès de Cersei lorsque cette dernière serait à la cour. Il s'est engagé à protéger et servir quiconque posera son derrière sur le trône de fer... Et Jaime a, du fait de cet engagement, perdu son honneur il y a peu en empêchant un dément d'incendier la capitale et ses habitants. En songeant vaguement à la possibilité d'en faire de même pour Robert Baratheon, il esquisse un sourire cynique.

« Tu es rayonnante », constate-t-il sobrement, mais d'une voix pourtant tendue.

Serait-ce de la déception qui voile soudainement son regard ? Il ne devrait pourtant pas être surpris, se souvient-il. Cersei peut enfin accéder au pouvoir qu'elle désire tant et a toujours désiré. Partagé entre la colère et la moquerie, Jaime lui tourne le dos et reprend sa contemplation de la mer.

« Félicitations, Cersei. Tu vas bientôt ouvrir les jambes pour ce porc de Baratheon. »

Cersei accueille sa jalousie avec légèreté, voire un brin d'insolence, et Jaime éprouve soudainement l'envie de l'attraper pour la jeter à la mer... avant de plonger pour la secourir, bien entendu. Il refoule néanmoins ses pulsions violentes, sachant que cette déraison lui vient bien de sa jalousie, plus encore de sa possessivité. Cersei est cruelle dans son rapport aux sentiments qu'il lui porte, mais ces derniers n'en sont, finalement, que plus exacerbés. Il la laisse donc poursuivre, répondant avec un flegme qu'il n'éprouve pas vraiment lorsqu'elle lui fait remarquer qu'il ne devrait pas être surpris, ni agacé :

- Je ne suis pas surpris.

Il laisse passer un temps de silence pendant lequel il la fixe rageusement, tel le lion prêt à bondir sur la pauvre créature qui a osé interrompre son repos.

- Ta joie est offensante, réplique-t-il durement, injustement, sans doute.

Estimant que ces mots se suffisent à eux-mêmes, il ne fournit pas plus d'explications et retourne à sa contemplation de l'océan. Les paroles de Cersei lui donnent les plus violentes des idées... Mais sa présence, elle, l'apaise. C'est une dualité qu'il a toujours eu du mal à maîtriser, impulsif qu'il est, mais qui est autant un plaisir qu'une souffrance. Comme sa relation avec Cersei, qui ne sera jamais simple, ni tranquille. Et c'est ainsi qu'il préfère envisager l'avenir. C'est à la manière dont son corps et son sang réagissent à Cersei qu'il s'est fait des certitudes quant à ce qu'il éprouve pour elle.

La dernière phrase de sa sœur, en revanche, le fait voir rouge.

- Oh, vraiment ?

Sourcils froncés, mâchoire crispée, Jaime franchit l'espace qui les sépare et se place d'autorité dans le dos de sa jumelle, posant les mains sur le muret qui leur fait face afin de la maintenir captive entre ses bras.

- Et qui les ouvrira pour moi si ma chère sœur n'est plus là pour le faire, hm ? Faudra-t-il que Baratheon et moi nous disputions chaque soir l'honneur de te posséder ? interroge-t-il sévèrement tout en passant avec brusquerie sa main droite entre les cuisses de Cersei.

Le désir de Jaime pour Cersei avait toujours été teinté de violence. La possessivité d'un frère à l'égard de sa soeur, qui n'aurait jamais dû devenir son amante, transparaît dans chacun de ses gestes. Cersei s'amuse à attiser sa rage et sa jalousie. Et ça fonctionne. Jaime n'a plus que des pensées impitoyables, pour elle. Il veut la posséder, encore et encore. La maintenir captive entre ses bras, marquer sa peau afin que chacun sache à qui elle appartient. Cersei doit lui appartenir, maintenant et à jamais. Il ne supporte pas l'idée qu'elle appartienne à un autre. Ce n'est pas seulement son corps qu'il convoite, mais son être tout entier, de son coeur à son esprit. Il veut que les battements de son cœur s'affolent lorsqu'elle le voit. Il veut que ses pensées ne soient tournées que vers lui et leur amour. Car c'est bien d'amour dont il s'agit. Un amour trop violent, trop brutal... Indécent et interdit. Qu'ils n'ont jamais eu la liberté d'exprimer correctement, n'ayant toujours dû se contenter que de moments volés, toujours trop brefs.

Mais Cersei, même si elle est destinée à se lier à quelqu'un d'autre, ne lui échappera pas. Pas en cet instant, du moins. Jaime continue de la bloquer de son corps, avec un étrange mélange de sang-froid et de détermination cruelle.

- Ton mari n'aura jamais son mot à dire. Moi, si. Je l'ai et je le garderai, affirme-t-il durement, orgueilleusement.

Lorsqu'elle conteste, lui faisant comprendre que ce n'est ni le lieu, ni le moment, il l'ignore. Il ne veut plus l'entendre. Chaque mot prononcé par Cersei est un venin qui s'insinue en lui avec une redoutable efficacité. Cersei est impitoyable dans son détachement feint. Dans le plaisir qu'elle prend à le tourmenter, lui. Mais elle ne rira plus longtemps. C'est contre son oreille qu'il murmure :

- On ne nous verra pas.

Sa main continue de se frayer un chemin entre ses cuisses, jusqu'à la caresser avec application et habitude. Il entoure sa taille de son bras libre, la maintenant fermement contre lui.  

- Et si on nous voit, qu'importe ? Tu as peur de perdre ton trône ? Est-il plus précieux que moi, Cersei ? Que nous ?

Chacune des petites provocations de Cersei attise son désir et ses envies de violence. Il aimerait la faire taire. Mais, paradoxalement, il aimerait qu'elle continue de le provoquer. Parce que ses provocations éveillent sa jalousie, sa possessivité, les parts les plus sombres de lui, mais... elles lui prouvent à quel point ses sentiments pour elle sont forts, aussi. Jaime n'est jamais tant certain de ce qu'il éprouve pour elle que quand elle le fait souffrir. Lorsqu'il se hait pour l'amour qu'il voue à sa soeur, Jaime sait qu'il ne peut pas lutter contre cet amour et ce désir dévorants, quand bien même il le voudrait. Ils sont condamnés à s'aimer de la plus charnelle et profonde des façons. Ils sont condamnés à se désirer, toujours et à jamais. Parce qu'ils sont nés ensemble, parce qu'ils demeureront ensemble, quoiqu'il arrive. C'est une certitude. Une certitude qu'il se répète silencieusement, encore et encore, jusqu'à grogner de désir contre ses longs cheveux blonds dans lesquels il a enfoui son nez.

- Je le tuerai. Je le tuerai de mes mains s'il le faut mais il mourra avant de me priver de toi, Cersei.

En cet instant, il le pense. Il est prêt à massacrer tous les habitants de Westeros, à provoquer toutes les guerres qu'il faudra pour Cersei. Elle possède sur lui un pouvoir certain, bien plus qu'il n'en a sur elle, et pourtant... il ne trouve pas le coeur à s'en offusquer. Pas alors que son corps est pressé contre le sien.

Sa soeur a beau prétendre le contraire, Jaime la connaît par coeur. Il la connaît si bien qu'il reconnaît les signes de son désir, et s'en réjouit, comme s'il s'abreuvait de ce plaisir qu'il est capable de lui faire ressentir, même lorsqu'elle fait mine de le repousser. Sa réponse est juste, très juste, même... mais elle ne suffit pas à persuader Jaime de cesser. Il est prêt à tout sacrifier, y compris sa vie, pour lui donner tort et pour la pousser à admettre qu'elle le désire autant que lui la désire.

- Demande-moi d'arrêter, alors.