Cultiver le manque jusqu’à vous rendre fou. Une stratégie payante. Dans le cas d’Harley, en tout cas, il est évident qu’elle l’était. Reparu dans sa vie après trois années d’une absence qui avait cultivé à la fois espoirs, inquiétudes et paranoïa, voilà qu’il disparaissait presque aussi vite qu’il était reparu. Est-ce qu’elle ne devrait pas se sentir soulagée de ne déjà plus avoir de nouvelles de lui ? Oui, bien sûr, et quelque part, elle l’est. Harley Quinn n’a pas besoin du Joker, Harley Quinn se suffit à elle-même. Combien de temps encore à répéter ce mantra pour qu’il devienne bel et bien réel ? Dans le confort de ses nouvelles habitudes, ou encore dans les bras d’Ivy, elle parvient parfois à s’en convaincre. Puis là voilà qui se retrouve seule avec elle-même, prisonnière de ses anciennes névroses, jamais totalement soignées, et alors tout est à refaire, alors elle le cherche où il est introuvable, alors, son obstination à prétendre le fuir tout en voulant déposer où qu’elle aille des signes manifestes de sa présence en dit définitivement long de cette dualité qui lui tord les entrailles. Elle ne sera jamais totalement sereine tant qu’elle n’aura pas récupéré cette partie d’elle-même qu’il a égoïstement gardé pour lui, et il le sait. Il le sait si bien qu’il se joue d’elle une fois de plus.
Cultiver le manque jusqu’à vous rendre fou. L’apanage de tout Joker digne de ce nom. Cet homme qui, il y a plusieurs mois de cela, lui avait présenté les ruines d’une Arkham par trop familière, ce Joker qui n’était pas son Joker, semble s’être lui aussi évaporé dans la nature, non sans avoir fait grand bruit avant son départ, si elle se fie du moins aux rumeurs qui se répandent çà et là à son sujet. Harley sait où et qui écouter. Il reviendra. Ils reviendront. Harley le sait, et elle se sent aussi soulagée à cette perspective qu’inquiète. Elle a beau cherché par tous les moyens à s’émanciper de l’homme qui l’a si brutalement fascinée, et qu’elle a si violemment aimée, son emprise est si grande qu’elle redoute parfois de ne pas être capable de s’en libérer, même dans les circonstances les plus propices à cela. Elle devrait sans doute, pourtant, savourer cette liberté nouvelle. Elle ne s’est jamais sentie aussi épanouie et libre d’être elle-même que ces dernières semaines, et chaque instant passé auprès d’Ivy lui donne le goût délicieux de ce à quoi une relation faite de respect mutuel, ce dont elle a si cruellement manqué jusqu’alors, peut bien ressembler. Mais cette ombre, cette épée de Damoclès qui plane au-dessus de sa tête, menaçante, n’est jamais bien loin, trop près pour que la jeune femme puisse en occulter la présence.
Est-ce pour cette raison qu’elle se trouve ici ? En partie sans doute. Au moment de recueillir ces informations dont elle aurait plutôt intérêt à se moquer, elle en a également retenu une, qui a attiré son attention plus que les autres. Un nom, celui d’une femme qui avait repris les affaires du Joker, du moins de ce Joker, en l’absence de ce dernier. Une femme désespérée de le retrouver, une femme sous emprise. Une femme comme elle. Harley ne devrait pas s’en mêler. Harley devrait s’en moquer royalement. Mais Harley est curieuse. Et Harley peut aussi se montrer plus empathique qu’on ne le soupçonnerait à première vue quand on ne sait rien d’elle et que l’on ne s’arrête qu’à cette façade qu’elle se plaît à afficher à la face du plus grand monde.
Elle a observé un long moment la façade du casino, un peu dépitée de constater ce qui a été fait à cet endroit. C’était sans doute logique. Cet endroit se devait probablement d’être dénaturé une bonne fois pour toutes, mais à l’idée de ne plus pouvoir explorer les ruines de ce qui a été sa prison, son lieu de travail, le théâtre de sa métamorphose, elle éprouve un certain élan de nostalgie. De la nostalgie pure. Cet endroit transpire l’apparat, le clinquant, l’argent plus ou moins sale passé de main en main, un théâtre d’avidité, de concupiscence… Un théâtre tout court. L’idéal pour un Joker en constante représentation.
Au moment de demander à rencontrer Padmé Amidala, on lui fait « gentiment » comprendre que ce ne sera pas possible sans rendez-vous. Au moment d’enfoncer le canon de son flingue dans la tempe de son interlocuteur, la prise de rendez-vous est tout à coup devenue beaucoup plus simple. Son arme toujours braquée sur l’agent qui l’avait préalablement rembarrée, elle se laisse guider jusqu’au bureau de la propriétaire des lieux.
« C’est bon, tu peux détaler, tu me sers plus à rien. Allez, casse-toi, je veux lui parler en privé. » Mais Harley comprend bien vite que le type a appelé du renfort. Harley lève les yeux au ciel, et dégaine le flingue qu’elle venait à peine de rattacher à sa ceinture. « J’ai vraiment pas le temps pour ces conneries », soupire-t-elle en même temps que s’ouvre le bureau de Padmé.
Padmé n’était pas plus en forme que les autres jours. Ses cernes violacés cerclaient un peu plus ses yeux tiraillés de tristesse. Elle avait trop pleuré, trop encaissé, à tel point que plus rien ne s’écoulait de ses prunelles si ce n’est une complainte silencieuse et invisible qu’un œil avisé discernerait le plus aisément du monde. Elle pleurait l’absence d’un homme qui n’est plus. Il avait disparu aussi simplement qu’il avait envahi sa vie. Le Joker était un véritable écran de fumée, un mirage auquel Padmé s’était accrochée et avait cru dur comme fer. Leur histoire n’avait pourtant pas duré une éternité, mais le Joker était si intelligent et manipulateur qu’il avait réussi à rendre Padmé dépendante de lui. Chaque jour qui passait, elle espérait le revoir à un coin de rue, à une terrasse d’un café ou à tout autre endroit qu’il aurait pu fréquenter en éternel vagabond qu’il était. Chaque nuit, elle espérait le voir passer le portail de son manoir dans la forêt et arpenter l’allée menant à sa porte, mais la vie ne lui apportait que du vide. Elle crut le combler quand, un jour, elle croisait Ennis Del Mar au centre-ville. Elle se souvient avec ardeur du battement de son cœur qui s’était affolé en apercevant cet homme qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à celui qu’elle attendait si sagement et avec impatience. C’est seulement au moment où elle s’était approchée de lui que Padmé découvrit avec déception qu’il n’était pas l’homme qu’elle recherchait — le coin de ses lèvres n’était pas scarifié par ce sourire éternel. Elle en pleura pendant des jours et des nuits entières, peinant à surmonter cette énième déception. Padmé Amidala était clairement en manque de sa drogue, la pire d’entre toutes. Une addiction dont elle ne parviendrait sûrement jamais à se sevrer. Le poison instillé par le Joker était d’une efficacité redoutable, s’infiltrant presque jusque dans votre ADN pour que jamais votre organisme ne se risque à l’oublier. Parfois elle suppliait le ciel : « Reviens, je t’en supplie. » En vain. Comme tout le reste. Sa mine d’aujourd’hui était donc l’issue fatale, mais sans surprise d’une énième nuit d’enfer faite de crises de colère et de larmes.
Malgré sa dépression que Padmé ignorait depuis des semaines, voire des mois, la vie et ses obligations suivaient leur cours. Elle fonctionnait comme un robot, laissant très clairement ses responsabilités de mère, mais aussi de chef d’entreprise la guider sans qu’elle n’objecte. Elle haïssait clairement cette existence qui la chevillait encore au Joker. Ce casino était le sien, son business aussi. Rien de tout cela n’était pleinement à Padmé. Elle n’avait été qu’un moyen pour arriver à ses fins, un vulgaire objet malléable entre ses mains sadiques, mais qu’elle avait tant aimé. Elle jalousait cette force du Joker — réussir à manipuler les autres à un tel point qu’ils croyaient que leurs actions étaient guidées par leur volonté propre, qu’ils consentaient à cette folie alors qu’elle n’était que l’œuvre du Joker. Sa dépression était également liée à cette colère qu’elle nourrissait à son propre égard — elle ne supportait plus cette place de victime — d’Anakin, de Nolan, de Tom, du Joker — et surtout cette faiblesse d’esprit ainsi que sa naïveté alors qu’elle n’avait jamais été ainsi. Parfois, elle voulait tout foutre en l’air et disparaître de la surface de la Terre. Parfois, elle regrettait de ne pas être restée au fin fond de ce tombeau dans son mausolée sur Naboo. Qui diable l’avait entraînée ici alors qu’elle avait trouvé le repos éternel ? L’esprit de Padmé était gangréné par tout un tas de pulsions suicidaires, mais jamais elle ne trouva le courage de le faire — que se passerait-il si le Joker revenait enfin alors qu’elle était morte ? Cette perspective la rendait malade de chagrin. Impossible de mourir donc. Pas pour sa famille. Pas pour ses nouveau-nés ni pour Anakin. Mais pour le Joker et personne d’autre. Elle devait être la pour lui avec le risque de ne jamais être témoin de son retour éventuel.
Cette envie de mort lui traversa à nouveau l’esprit aujourd’hui quand elle daignait enfin regarder par la fenêtre et vit une flopée d’oiseaux s’échapper d’un toit pour coloniser le ciel de leur vol élégant. Et si elle aussi se jetait dans ce vide tentateur… ? Ses pensées noires furent cependant interrompues par le raffut qui avait lieu derrière la porte de son bureau. Padmé la fixait d’un air sévère comme si elle était l’autrice de ces bruits intempestifs avant de sursauter quand on toquait et que la voix de sa secrétaire perçait avec inquiétude le pan de bois. « Un… rend… rendez-vous… Mad.. madame Skywalker. » Padmé enrageait en poussait un soupir. Elle attrapait sa tête entre ses mains, maugréant qu’elle ne s’appelait plus Skywalker et surtout qu’elle n’avait pas de rendez-vous. Si elle s’apprêtait à vaquer à ses occupations — soit continuer d’arpenter le ciel pour alimenter ses envies morbides — elle fut néanmoins interrompue par une autre voix inconnue et féminine qui l’interloquait. « J’ai vraiment pas le temps pour ces conneries » Qui diable osait troubler sa tranquillité glauque de la sorte ? Pour en avoir le cœur net, Padmé se levait d’un bon de sa chaise, se déplaça à grande enjambée, mais toujours avec élégance, jusqu’à sa porte puis l’ouvrit d’un grand geste empreint d’un agacement plus que prononcé. Elle tombait alors sur sa secrétaire qui s’enfuyait en poussant des cris apeurés tout en pleurnichant, sur cette femme à l’allure bien étrange, mais surtout, Padmé tombait sur les agents de sécurité qui arrivaient comme un cheveu sur la soupe. « Je peux savoir ce que vous faites ?! » L’ancienne sénatrice s’adressait avec colère non pas à Harley, mais au cortège pitoyable des agents. L’un d’eux bredouillait qu’ils avaient été appelés en renfort pour une agression et qu’ils venaient voir ce qu’il en était. Ce à quoi Padmé répondit, toujours aussi irritée. « Mais continuez de briller par votre inefficacité tandis que j’aurais pu mourir six fois avant que vous n’arriviez. Déguerpissez ! On requiert votre incompétence à d’autres endroits du casino. » Le petit groupe repartit clopin-clopant après les remarques acerbes de Padmé, un ton auquel Harley n’échappait pas. « Pourrais-je savoir ce que vous faites ici également ? Auriez-vous l’obligeance de ranger votre arme par la même occasion ? Si vous aviez l’intention de me tirer dessus, veuillez revenir plus tard, j’ai deux ou trois choses urgentes à régler avant de mourir. » En plus d’être hautaine et condescendante dans son ton et dans son regard, Padmé était foutrement cynique. « Je tiens à souligner que je n’ai absolument pas rendez-vous avec vous, Madame… ? » Elle ne cachait pas son air blasé à Harley qu’elle détaillait avec une curiosité nonchalante. Elle se demandait bien ce que cette femme lui voulait ou ce qu’elle attendait d’elle. Une partie de son cœur lui hurlait de se méfier, car la beauté éclatante et presque innocente de Harley cachait quelque chose de plus dangereux et étrange tandis que l’autre moitié voulait justement qu’elle creuse dans cette part d’énigme, car Padmé l’ignorait encore, mais cette femme avait tant à lui apporter…
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Dernière édition par Padmé Amidala le Sam 21 Jan - 17:48, édité 1 fois
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Sam 22 Oct - 11:28
Les fiancées de Frankenstein
feat. Padmé
« Je menace tes agents de sécurité, chérie, ça se voit pas ? » réplique Harley avec son charmant sourire dément aux lèvres. Oh, elle sait que ce n’est pas à elle que Padmé s’adresse en cet instant, mais elle trouve plus amusant de répondre à leur place, d’autant qu’elle trouve son propos bien plus pertinent que les hésitations absurdes de ces types qui ont les muscles mais visiblement pas le cerveau. Harley ne peut s’empêcher d’apprécier l’autorité de cette femme qui force son respect en peu de mots, en soulignant l’évidente incompétence de ses employés. « Tu devrais vraiment penser à revoir ton personnel, y en a pas un pour rattraper l'autre, mais c’est peut-être ton monsieur J qui les a choisis, pas vrai ? »
Ça ne la surprendrait pas. Le Joker s’entourait pour la forme, mais il avait toujours eu tendance à vouloir faire les choses par lui-même quoi qu’il en soit. Harley pense que peu importe la version du Joker à laquelle elles puissent avoir affaire, c’est une chose qui ne change pas spécialement. Dans tous les cas, Harley obtient son dû, les agents de sécurité détalent comme des lapins, et la blonde peut profiter d’un entretien privilégié avec celle qu’elle avait été si curieuse de rencontrer.
« Oh ne t’en fais pas, ma belle, je n’ai pas l’intention de te tuer, je veux juste papoter un peu avec toi. Une petite conversation entre filles, rien d’autre », affirme Harley en rangeant son gun dans sa ceinture avant de lever les mains au ciel afin de témoigner de sa bonne foi.
Elle ne fait aucun commentaire quant aux intentions suicidaires dissimulées derrière ses propos, mais le fait est qu’elle se sent sincèrement alarmée, parce qu’elle a connu ça, le sentiment de ne pas pouvoir exister indépendamment de l’autre, elle avait dû batailler pour admettre que sa vie avait de la valeur indépendamment de celui à qui elle avait tant donné d’elle-même qu’elle s’était retrouvée presque sans rien toutes les fois où il s’était séparé d’elle, l’avait abandonnée, l’avait fait souffrir, l’avait méprisée, humiliée, torturée… si bien qu’elle revenait toujours vers lui malgré tout. C’était comme une manière de survivre pour elle… Avant d’admettre qu’elle pouvait valoir mieux que ça, pensée réconfortée par l’image qu’Ivy sait si bien lui donner d’elle-même. C’est parce qu’elle est familière de tels sentiments qu’elle a voulu voir Padmé. Cela ne se remarque peut-être pas sur le moment, mais ses intentions ne sont réellement que sincères et pures envers la jeune femme. Elle veut l’aider autant qu’elle le peut, vraiment.
« … Quinzel », complète-t-elle quand son interlocutrice lui demande de décliner son identité. « Mais appelle-moi Harley », ajoute-t-elle alors tout en prenant les devants et en forçant le chemin jusqu’au bureau de son interlocutrice.
Une fois à l’intérieur, elle prend soin de le détailler avec soin du regard avant de prendre confortablement place dans un fauteur terriblement confortable.
« Je viens en amie. Tu ne me connais pas, mais moi je te connais. » Elle la fixe avec intensité. « Je te connais parce que je suis exactement comme toi. Enfin non, j’étais comme toi. » Elle jette un nouveau regard autour d’elle. « Y a à boire dans ton bureau ? Je dirais pas non à un verre. » -
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