Différent, si différent. Cet univers plongé dans l’étrange effraie les rêves de Xingchen et lui fait craindre l’avenir, songeant au passé. Une vie nouvelle, une page qui se tourne, et le voilà vivant. Vraiment ? N’est-ce pas là une sorte de vie après la mort, l’endroit où l’on se rend lorsque le cœur a cessé de battre ? Tous décédés dans un même geste car tous arrivés au même moment, des questions plein la tête. Mais cessons de philosopher, le papier est en train de sécher cette encre sombre inscrite au pinceau, pure tradition qu’il ne pourrait abandonner. Des recettes sagement notées, des idées qui germent, une expérience à accomplir. Le vent se lève, le soleil disparaît, la rencontre se rapproche et le palpitant mort se fait plus léger. Xingchen a hâte.
Il y a des rencontres qu’on ne peut ignorer. Tous dans ce tanguant bateau, accrochés aux cordages et aux rambardes, ils supportent cette existence de nouveautés qui les laissent sans voix. Mais parfois, les sons se mêlent et des sourires s’échangent. Xingchen ne veut plus être seul. Ça fait trop mal. Tous ces mois, ces années peut-être où il a erré, dépourvu de tout but, la justice au bout de son épée, aveugle, abusé par la douceur d’un homme qui s’est moqué de lui, loin de son ami. Oh, la fin viendra de lui. Mais Xingchen n’a vécu que peu accompagné, heureux lorsque son chemin croisait par hasard une autre route, que les mains se rejoignaient. Il ne peut détester ces souvenirs si douloureux. Le moment où il y croyait, vraiment. Il ne reverra pas Song Lan. Mais Tails, lui, existe ici-bas.
Il a recouvré la vue, leurs regards se sont croisés et il a souri. Ça dure depuis si longtemps, cette petite histoire dans laquelle il avance pas à pas, encore timide, les pieds se posant là où il est sûr de ne pas chuter. C’est un garçon tout simple, si sympathique, une rencontre due au hasard de ses incroyables expéditions. Il a voulu découvrir ce monde, Tails l’a pris par la main. Reconnaissance, amitié sincère qu’il sent poindre sur le côté de son cœur fatigué. Avec ce garçon, il n’a presque plus peur.
Il a abandonné sa tenue traditionnelle qu’il porte avec fierté lorsqu’il se rend à l’herboristerie, en-dessous de chez lui, pour des vêtements plus conventionnels. Un jeans sombre, un t-shirt blanc. Une veste le protège de la fraîcheur du début de soirée. Il abandonne la sécurité de l’appartement, file dans les rues faiblement éclairées, le regard aux aguets, un sourire fin sur le visage, calme, détendu. Tails… si heureux de le revoir encore une fois. De l’écouter. Il ne s’en lasse pas. Xingchen a oublié comment on aimait les autres. Tout cela est très effrayant, et la trahison guette. Mais ce monde n’est pas mauvais. Il y croit.
Il lui a donné rendez-vous sur un banc au parc, l’esprit rempli de la suite du programme, terriblement prometteur, alléchant. Manger. Encore. Une tradition qui est la leur, leur petit secret. Découvrir des cuisines nouvelles, des restaurants qui timidement ouvrent au grand public. Xingchen et Tails assis à une table, baguettes ou fourchette au creux de la paume, léchage de babines. Il sourit tout seul en les imaginant dévorer un plat nouveau. Il a l’air bête, Xingchen, mais il profite de ce moment de bonheur à songer innocemment qu’il pourrait être bien.
@M. Tails Prower