|
Mar 21 Juin - 16:04 |
| Du vide. Unique chose qui t’envahissait depuis que le Joker avait pris l’égoïste décision de disparaitre aussi mystérieusement qu’il n’était apparu dans ta vie. Tu le savais pourtant que le crash tant attendu finirait par arriver. Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien… C’était ce que tu te répétais inlassablement pour te rassurer. En vain. Parce que l’angoisse de ne plus jamais le revoir du jour au lendemain trainait toujours au fond de ton estomac durant tous les moments aux allures d’éternité passés avec lui. Tu ne te faisais pas à ce silence d’une grandiloquence effrayante. En l’espace de quelques semaines muées en mois, tu avais vécu à plus de trois cents à l’heure à ses côtés, une vie qui brouilla les limites entre le bien et le mal, le raisonnable et l’irraisonné, le réel et l’imaginaire… Et là, d’un coup abrupt, d’une violence rare, tu retrouvais la banalité de ta vie d’antan, ta vitesse de croisière dont tu ne voulais plus. Tu étais mal. Ton estomac se tordait à cause du stress permanent dans lequel tu vivais désormais — constamment dans l’attente de le revoir. En chaque homme croisé, tu espérais revoir le visage de celui qui t’avait fait flancher, toi, Padmé la grande, l’inébranlable sénatrice bien sous tous rapports. L’incorruptible corrompue par le Joker tout droit sorti d’un enfer violent. Il t’avait rendu accro à lui, à sa folie qui avait dégoulinée sur toi et possédée en s’immisçant dans chacune de tes cellules. Tu en tremblais, tu hurlais. Tu te débattais avec ton propre corps dans l’attente de ta dose quotidienne. Suffocante, tu avais l’impression de crever. Littéralement. Le jour, tu tenais le coup tant bien que mal. Tu joues des apparences en offrant ton plus beau sourire à ton auditoire pour faire croire que tout va bien. Il n’en était rien — tes nuits étaient façonnées par tes larmes et tes supplications au ciel pour qu’on te délivre de ce mal qui te rongeait, te dévorait et te tuait. Pitié, que quelqu’un te donne cette dose dont tu avais tant besoin… Tu ne comptes plus le nombre de nuits où tu attendais à la fenêtre, guettant le retour de ton bourreau dans votre demeure qui n’était plus que la tienne désormais. Mais jamais le principal intéressé ne vint. Tu avais le vertige — le néant t’avalait. Il n’était plus qu’un fantôme autant dans ton cœur que dans ton esprit. Un fantôme trop présent, te suivant inlassablement dans chacun de tes moments de vie.
Le Joker avait été un poison dans ta vie. Et tu ne t’en rendais même pas compte, encore aujourd’hui, malgré tous les signes. Pourtant, ce n’était pas faute de t’avoir prévenu. Satine, une amie à toi venant du même monde que le tien, était la seule à s’être farouchement opposée à cette débâcle : « Est-ce que tu es sûr que ça ne t’apportera que du bien ? » Tu avais répondu que non, mais que tu t’en moquais. Parce que pour une fois de toute ta vie entière, tu avais la sensation de vivre, d’être toi, celle Padmé libérée de tous les carcans et de toutes les étiquettes dont elle avait été affublée toute sa vie. Mais c’est bien cela le problème avec la drogue, qu’importe sa nature — elle vous donne une sensation de toute-puissance et de liberté au point que rien ne peut vous atteindre, mais quand la redescente pointe le bout de son nez… C’est pire que tout. Vous passez de tout à rien, de la plénitude au vide. Et tu n’échappais pas à cette implacable règle qui n’épargnait aucun être sur cette terre. Deux fois que tu vivais ça. Anakin. Puis le Joker. « Tu as vraiment quelque chose pour les hommes violents, hm ? » Ce n’est pas la violence qui t’attirait en eux, mais cette lumière, aussi faible soit-elle, cet espoir de bon en eux. Tu avais cru en Anakin. Jusqu’au bout. Au point de lui être dévouée jusque dans ta mort. Tu avais cru en Joker. À cause de ses moments d’amour rare qu’il te donnait où il savait se montrer étrangement doux et tendre. Mais ce dernier avait feint la lumière dont il était entièrement dépossédé pour te faire tomber dans ses filets. Et maintenant, tu ne te retrouvais avec rien, simplement avec ta solitude à laquelle tu devais faire face.
Pourtant, tu t’entêtais à le chercher. Il ne pouvait pas t’avoir abandonné. Non. Non, non. Ce n’est pas possible. Impossible ! Cette éventualité échappait tout simplement à la logique de ton esprit gangrenée par le Joker. Il s’était rendu indispensable, et voilà le résultat : tu errais comme une âme en peine dans les rues de la ville dans l’espoir de revoir son visage fou. Et si jusqu’à présent, les cieux t’avaient abandonné dans ta quête, ils te graciaient enfin en te mettant sur sa route. Devant toi, sur le trottoir d’en face, se dressait l’entrée de la fête foraine « À mourir de rire ». Rien qu’en lisant le panneau, tu ne pus t’empêcher d’en lâcher un. Ça ne pouvait que venir de lui, ça. Un signe. Tu y croyais dur comme fer. Le doute n’était plus permis quand tu vis un homme avec la même stature que ton Joker s’engouffrer dans la fête foraine. Le monde semblait s’arrêter le temps d’un instant. C’est lui ! C’est lui ! Crie ton cœur en s’emballant dangereusement au point de manquer d’air. Tu restes figée, tétanisée par la joie de l’avoir entraperçu. Sans faire attention à la circulation (ce qui te valut quelques coups de Klaxon au passage), tu traversais en criant : « J’ ! Monsieur J’! » Tu courais vers lui, euphorique à l’idée de prendre ton nouveau shot en te glissant bientôt dans ses bras. Il t’avait manqué. Tellement. Mais tellement. À sa hauteur, tu vociférais : « Mais tu étais où, bon sang ?! Des semaines que je te cherche ! Des semaines que je t’attends ! Ne me refais plus jamais ça, j’ai cru que tu étais mort, espèce de con ! » Tu lui donnais une tape sur le torse avec la même violence qu’un moustique qui s’attaquerait à un éléphant. La pauvresse était au bord des larmes. Sa mort aurait été une possibilité tout bonnement envisageable compte tenu de la vie que le Joker menait. Mais Dieu merci pour toi, il était bel et bien là. Enfin…
Trop aveuglée, sans parvenir à faire la distinction entre le réel et l’imaginaire, tu ne voyais pas les différences notables entre le Joker devant toi et le tien avec lequel tu avais vécu. C’était ça aussi, le problème avec la drogue émotionnelle : elle ne vous faisait voir que ce que vous vouliez bien voir. Et puisque tu croyais, sans l’ombre d’un doute, que l’homme en face de toi était ton monsieur J, ton mec, ton tout, forcément, tu agissais en conséquence : tu l’embrassais avant de t’effondrer dans ses bras. « Ne me fais plus jamais ça, j’ai cru que j’allais crever. » Une illuminée, on vous dit. À la merci de tout et n’importe qui, mais surtout du Joker. @Gwynplaine Clancharlie |
|