Récemment, la vie de Penny dans ce monde étranger s'était trouvée bouleversée lorsqu’elle avait retrouvé l'aînée de ses petites-filles, Prue. Il s'avérait qu'une bonne partie de sa famille était venue dans ce monde à l'aide de cette lune rouge et que les différents membres de la famille avaient été mis en présence les uns des autres, selon une logique qui la dépassait complètement. Le fait était que, lorsque Prue et elle avaient renoué le contact, elle avait réussi à réunir tous les membres de la famille pour qu'elle les retrouve tous en même temps, qu’elle les retrouve, ou pour certains, qu’elle les rencontre.

Elle n'avait jamais pu s'imaginer que sa fille, loin d'être stérile, allait donner naissance à deux autres ravissantes princesses, de véritables trésors qui étaient ici, elles aussi. Et puis, il y avait les enfants de Piper, Chris, Wyatt et Melinda, dont l'existence lui semblait déjà moins perturbante. Cela dit, elle n'avait pas manqué d'être perturbée par le fait que Melinda et elle se fréquentaient déjà depuis un bon moment sans avoir la moindre idée de leurs liens de parenté. La vie était décidément étrange dans cette ville où les choses ne se déroulaient jamais comme on l'aurait pensé au départ.

Mais il y avait une pensée qui troublait Penny par-dessus tout. Si elle avait été ravie de rencontrer tous les membres de sa petite famille, elle n'avait pas osé leur dire qu'elle avait trouvé ici une personne qui avait su la convaincre de partager quelque chose avec elle, quelque chose qu'elle n'avait encore jamais partagé réellement avec un autre que Allen. Mais comment dire à toute sa famille qu'elle vivait une relation passionnée avec une femme ? Ce n'était pas lors d’un événement tel que celui que sa petite Prue avait organisé qu'on pouvait dire ce genre de choses. Cela dit, elle ne savait pas encore s'il y avait une bonne façon pour le dire.

Elle en était là de ses pensées quand la cloche de l'entrée se fit entendre. Elle releva aussitôt la tête pour savoir quel client venait de pénétrer dans son apothicairerie. Un mélange de surprise et de joie se peignit sur son visage en reconnaissant celui de sa petite Patty. Elle aussi, elle ne l'avait retrouvée que lors de cet événement organisé par sa petite-fille, et elles n'avaient pas vraiment eu l'occasion de parler pendant les festivités. Penny était donc contente qu'elle soit passée la voir, et espérait qu'elle accepterait de passer un agréable moment à bavarder entre mère et fille.

« Bonjour ma chérie, bienvenue dans ma modeste officine. »

Elle lui sourit, un peu gênée sans savoir exactement comment l'accueillir dans cet endroit si particulier. Pour le moment, croiser sa propre famille semblait n'avoir rien de normal dans ce monde étrange, mais elles s'y feraient et retrouveraient bientôt leur complicité, Penny en était persuadée. En attendant, il fallait briser la glace et cessez de créer de la gêne, là où il n'y avait finalement qu'une relation aussi naturelle que celle d'une mère et de sa fille, telle que Penny et Patty l’avaient toujours été. La quadragénaire décida de rompre le malaise avec un sourire tendre.

« Je suis contente que tu sois là. »

Il n'était pas évident de se retrouver après des années de silence, mais cela ne rendait pas légitime la gêne des deux femmes, comme si c'était volontairement qu'elles avaient décidé de perdre le contact. Jamais Penny ne serait restée éternellement sans parler à sa fille, même si elle avait été en colère contre elle. Et cela dit, son séjour dans cette ville et l'éloignement qui en avait été la conséquence directe, elle aurait préféré les éviter. Il n'y avait donc aucune raison d'être mal à l'aise, même si elle ne pouvait s'empêcher de se dire qu'elle lui avait manqué.

Patty la complimenta sur le style de son magasin. Penny n'était pas peu fière de ce qu'elle avait réussi à accomplir. L'endroit était agréable et ne manquait pas de charme et de douceur. On avait l'impression d'entrer chez une grand-mère ce qui était un peu l'esprit que la vieille dame avait essayé d'insuffler à son endroit. Elle aimait toutes ces personnes qui venait dans son antre comme chez un membre de sa famille, se confiant parfois à elle et lui demandant des conseils dans différents domaines. Le fait que ce soit sa fille qui fasse cela aujourd’hui était encore plus doux à son cœur.

« Je te remercie. Cela me fait drôle de ne plus avoir mes pouvoirs, mais en faisant des potions, j'ai au moins ce sentiment de continuer à travailler avec mon héritage. Et je ne suis pas si mal ici, auprès de la forêt, plutôt qu’au cœur de la ville. »

Le fait de rompre la glace eut au moins l'effet sur Patty de la dérider un petit peu. Elle avoua être contente d'être là et sa mère lui sourit gentiment. Sa fille lui demandant comment elle allait, Penny lui offrit un grand sourire. Elle n'était peut-être pas au mieux de sa forme. Elle était réellement chamboulée par ses retrouvailles avec sa famille et par tout ce qu'elle avait découvert. Elle était heureuse de savoir que sa famille était plus grande que ce qu'elle avait cru au départ mais cela restait déroutant. Elle devait déjà vivre avec le fait que tout ce qu'elle savait sur sa fille ne semblait pas être vrai et de plus, que ses filles avaient grandi. Tout cela ne manquait pas d'être difficile à assimiler.

« Je vais bien… je n'en reviens pas que tu aies eu deux autres filles. Dont une avec ton être de lumière. A croire que tu as oublié tout ce que je t'ai appris. »

Elle dit cela avec un sourire malicieux sur les lèvres, cependant. En ce qui concernait les hommes, Penny avait probablement beaucoup plus expérimenté de choses que sa fille, mais cela ne l'empêchait pas de critiquer le moindre choix que l'une des filles de sa famille aurait fait, pour peu que ce soit un homme dont il soit question. C'était peut-être pour ça que, finalement, elle avait décidé de porter son choix sur une femme, un moyen de prendre sa revanche sur tous ces hommes qui l’avaient déçue. Mais Minnie était bien plus qu'une revanche, elle était celle qui avait réussi à faire vibrer son cœur à nouveau.

« A ce propos il y a une chose dont il faudrait que je te parle… »

Mais avant qu'elle ne puisse en dire plus, sa fille lui demanda si elle avait quelque chose contre le mal à l'estomac. La matriarche se rendit dans ces étalages et dénicha rapidement la potion idéale pour soulager la douleur de sa fille. Elle finit par trouver ce qu'elle cherchait et le tendit à la jeune femme. C’était une potion qui figurait dans le Livre des Ombres, et Penny ne put s'empêcher de faire un clin d'œil à sa fille en la lui tendant.

« Ca m'étonne quand même, j'aurais pensé que tu te souviendrais de la recette. Il va falloir que je te refasse travailler », plaisanta-t-elle.

Patty lui avait toujours causé beaucoup de souci petite quand elle imaginait des formules pour contrecarrer sa magie, mais dans un sens, elle était fière d’avoir une enfant aussi douée. En revanche, elle n’avait clairement pas le même niveau en terme de potions. Les potions avaient toujours été la grande force de Penny, qui avait su inventer des recettes et obtenir des résultats toujours plus concluants. Elle avait concocté une série de remèdes et de potions dévastatrices dont elle avait fait profiter les futures générations en les inscrivant dans le Livre des Ombres de la famille. Sa propre fille avait puisé dedans parfois.

La perte de ses pouvoirs dans ce monde ne l’avait clairement que partiellement décontenancée. Elle n’était pas complètement heureuse, sachant qu’elle ne pouvait plus utiliser la télékinésie, ni faire d’incantations, mais elle avait trouvé un point de chute avec ses potions. Des ingrédients, on en trouvait toujours, même s’il lui manquait les plus spécifiques qu’elle n’était pas certaine de pouvoir retrouver un jour. Elle avait quand-même réussi à refaire un certain nombre de recettes et à en adapter d’autres qui n’étaient que légèrement moins efficace. Cet endroit était riche, même s’il demeurait une certaine limite. Pour le moment, la magie semblait peu présente.

« L’avantage, c’est que c’est bien utile dans un contexte comme celui-ci. Tes pouvoirs ne te manquent pas trop ? »

Le Pouvoir des Trois. Penny avait toujours du mal à y croire. Ses petites-filles avaient donc le Pouvoir des Trois. Cela dit, elle ne savait pas comment cela allait se manifester avec les quatre filles présentes. Mais cela ne pourrait être que plus puissant. Les sorcières qui possédaient le Pouvoir des Trois passaient pour être les plus puissantes. Si on adjoignait une quatrième sœur, leur puissance allait sûrement monter d’un cran supplémentaire. Penny était fascinée et heureuse, quand elle pensait que sa descendance possédait ce puissant pouvoir. Voilà qui mettait les Halliwell sur le devant de la scène.

« C’est si excitant ! J’ai toujours su que j’accoucherai des sorcières qui ont le pouvoir des trois. Oh, par ton intermédiaire, bien-sûr », précisa-t-elle en voyant le regard qu’elle lui faisait.

Il valait sans-doute mieux que personne n’écoute les conseils de Penny sur les hommes, si elle était totalement objective. Elle avait une telle rancœur contre eux, probablement uniquement dû au fait que le seul qui ait été à la hauteur de son amour n’ait pas vécu. Les hommes avaient souffert de la mort de Allen Halliwell, clairement, mais jamais elle ne l’aurait admis. En revanche, que la naissance de Paige ait préparé le terrain pour que Wyatt soit accepté par la communauté magique, elle ne pouvait pas nier que c’était une bonne chose. Elle n’en revenait pas que soient nés des fils, mais ils étaient plutôt sympathiques et bien élevés. Piper avait fait du bon boulot.

« Tu as été heureuse, ma fille ? C’est tout ce qui compte à mes yeux. »

Elle lui tendit une fiole de potion tout en lui disant qu’elle avait une nouvelle à lui communiquer. Elle avait aussi bien l’intention de lui faire travailler les potions, non seulement parce qu’elle aurait sûrement été capable de se préparer seule une potion contre les maux d’estomac, mais aussi parce qu’elle avait envie de lui montrer les alternatives de plantes qu’elle avait trouvé dans ce monde. La sorcière grimaça en avalant sa potion et commença à sortir des billets. La matriarche leva une main pour interrompre son geste.

« Pas de ça entre nous, tu es ici chez toi, et tu le sais », dit-elle d’une voix sans appel avant de poursuivre sur la potion. « Et ce n’est pas fait pour être bon, mais efficace. Je suis sûre que tu te sens déjà mieux. »

Et il faudrait, si elle ne voulait pas tout recracher en entendant la nouvelle que sa mère était sur le point de lui communiquer. La vieille dame n’était pas tellement à l’aise de parler de ça avec sa fille, et surtout, elle se demandait comment elle réagirait face au fait que Minnie était une femme, mais elle ne voulait pas le lui cacher plus longtemps. Et puis, en parler avec elle permettrait sûrement de réfléchir à la manière d’aborder le sujet avec ses petites-filles et ses arrière petits-enfants. Ils n’étaient pas vraiment fermés, mais elle ne pouvait pas s’empêcher d’être nerveuse.

« Je sors avec quelqu’un, actuellement… c’est plutôt sérieux pour une fois », dit-elle, laissant planer un temps de silence pour lui permettre d’assimiler l’information, avant de lâcher la bombe. « Elle s’appelle Minerva. »

Sa fille n'avait pas fini de lui réserver des surprises. Si elle n'avait pas pu prévoir que le fait qu'elle ait d'autres filles que Prue et Piper surprendrait sa mère, il était évident qu'elle devait se douter que le dernier aveu qu'elle lui fit allait l’étonner bien davantage. Cela dit, elle était contente que sa fille ait pu retrouver ses pouvoirs. Penny aurait elle-même donné cher pour retrouver le don de faire bouger les objets. Sa télékinésie n'était peut-être pas la plus importante de ses caractéristiques et de ses compétences, mais elle lui avait servi à protéger ses filles à de nombreuses reprises.

« Je suis contente pour toi. Ce n'est malheureusement pas mon cas. En revanche, cela signifie qu'il va te falloir travailler sérieusement pour te remettre au niveau. Je compte sur toi. Tu as eu la chance de recouvrer des pouvoirs magiques, mais un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Et il est important de travailler dur pour avoir la maîtrise de ce que tu fais. C’est ce que je t'ai toujours appris et j'espère que tu ne l'as pas oublié. »

Elle lui proposerait bien de reprendre son entraînement avec elle, mais elle ne pouvait s'empêcher de se dire qu'elle n'avait pas le niveau étant donné que, pour sa part, elle n'avait encore que ses potions pour agir. Cela ne l'empêchait pas de se battre pour protéger les innocents, mais c'était infiniment réducteur. On ne pouvait pas tout faire avec des potions et c'était la raison pour laquelle elle réservait ses plus rudes combats aux instants où elle avait Minnie à ses côtés. Mais il y avait une époque où Penny Halliwell pouvait être vraiment indépendante et autonome et elle regrettait que ce ne soit plus le cas.

Elle se permit une petite fantaisie en se vantant d'être à l'origine du pouvoir des trois. La vérité, c'est que ce n'était ni elle ni Patty qui en étaient à l'origine mais bel et bien Melinda Warren, la fondatrice de la lignée. Mais l'idée que ses petites filles en soient détentrices, en sachant qu'elle avait participé à leur éducation, c’avait quelque chose de grisant. C’est encore plus vrai pour Patty qui était leur mère. Mais elle pouvait toutes les deux se comprendre sur l'excitation qu'elles éprouvaient face à cette nouvelle. La présence du pouvoir des trois dans ce monde, même s'il ne serait complet que lorsque toutes les filles auraient retrouvé leurs pouvoirs étaient des plus rassurantes.

« Tu as fait du bon boulot avec ces petites », affirma-t-elle. « Elles sont toutes exceptionnelles. Cela dit, j'espère que j'ai eu ma part aussi dans cette réussite. Je serais bien triste de penser que je n'ai pas eu l'occasion de transmettre quoi que ce soit à mes petites filles. »

Ce qui était certain, c'était que parmi les valeurs partagées par la mère et la fille, il y avait la tolérance. Penny fut touchée quand sa fille s'approcha d'elle en lui disant que seul son bonheur comptait. Le fait qu'elle ait jeté son dévolu sur une femme était peut-être surprenant, mais Patty semblait refuser de se laisser choquer par cette nouvelle. La quadragénaire ne put retenir un doux sourire en entendant sa fille lui dire cela. Elle resta muette sous l'effet de la joie, jusqu'à ce que la jeune femme se mette à poser mille et une questions à-propos de celle qui avait su conquérir le cœur de sa mère.

« Minnie est très courageuse. C’est une femme exceptionnelle. Nous chassons les démons ensemble. En fait, c'est au cours d’un de nos combats, ou du moins, juste après que l'évidence s'est imposée à nous. Depuis, nous avons une relation suivie. Elle est enseignante, et elle ‘létait déjà dans son monde d'origine. Je sais qu'elle est très aimée de ses élèves. Elle a aussi adopté une petite fille de l'orphelinat. Elle s'appelle Sarah et nous nous entendons très bien. »

Dans une famille normale, c’est à la mère de consoler sa fille quand elle est tourmentée, mais rien n’était normal chez les Halliwell. Et puis, Penny avait toujours pu compter sur Patty pour être là dans les coups durs, même si la matriarche s’efforçait de toujours prendre la vie du bon côté. Elle n’aimait pas se confronter au chagrin et à la peine. Cela lui rappelait trop la mort de son cher Allen, alors elle se réfugiait dans une attitude où les larmes n’avaient généralement pas leur place. Et c’était mieux pour tout le monde, mais surtout pour elle et ses objectifs.

Le fait de ne pas posséder ses pouvoirs dans ce monde étrange où quelqu’un avait décidé de l’enfermer n’avait pas été un obstacle insurmontable pour la grand-mère, qui avait décidé de se rabattre sur une autre partie d’elle-même, centrée sur la connaissances et ses propres compétences. Ne plus laisser la vie vous imposer son rythme était devenu une maxime pour elle et elle avait décidé d’affronter le monde avec la conviction qu’il irait mieux au fil du temps, et qu’elle contribuerait à le faire progresser. Elle tenait à toujours être du bon côté de la barrière. C’était son credo à elle.

« Je ne me fais pas de souci. Il n’est aucune magie qui pourrait me faire perdre mes connaissances en potions. C’est bien pour ça que tu aurais dû les travailler davantage. Tu aurais un atout que personne ne pourrait te prendre. »

Radoteuse, Penny ? Complètement. Et tête de mule, par-dessus le marché. Quand elle avait quelque chose en tête, on ne l’en faisait pas facilement démordre. Et quand il s’agissait de son éducation de sorcière, Penny était aussi têtue avec sa fille qu’elle l’avait été dans l’éducation de ses petites-filles. Et même maintenant qu’elles étaient adultes et sorcières confirmées, Penny avait envie de les faire évoluer sur le chapitre des potions. La quadragénaire pouvait parfois être obsessionnelle quand elle ne faisait pas attention. Mais Patty le savait. Elle la connaissait par cœur et elle avait plutôt tendance à faire comme si de rien n’était.

« Evidemment que je t’aiderais, ma chérie. Prue m’a demandé de l’aide aussi. Cela m’a fait plaisir de constater qu’elle se sentait proche de moi. Je suis heureuse d’avoir pu créer un lien avec mes petites-filles. »

Son sourire tomba soudain à la réponse de Patty concernant l’éducation des filles. Son propos n’était pas clair, mais le sens qu’il y avait derrière sonnait étrangement aux oreilles de la matriarche. Sa fille venait de dire que c’était principalement elle qui avait élevé les filles, toutes sauf Paige, évidemment. Mais c’était impossible, ce n’était pas son rôle sauf si… Elle ne parvenait pas à imaginer que sa fille soit morte si jeune et pourtant, la mention de ses années de fantômes lui revint en mémoire, notion qu’elle avait laissé passer sans tiquer, étonnamment. Mais cette fois, elle avait compris.

« Tu… tu es morte ? Quand… ? Co… Comment ça s’est passé ? Quel âge avaient les filles ? »

La conversation dévia sur les amours, et Penny reprit une certaine contenance, assez pour lui avouer son histoire avec Minnie. Patty fut bienveillante, autant qu’elle pouvait l’espérer, et elle était soulagée de constater que sa fille accueillait son histoire avec autant de bienveillance. La question sur la nature de la sorcellerie de Minnie aurait pu surprendre la sorcière, mais non, car elle avait elle-même pu constater que la magie s’était exprimée de bien des façons différentes chez les gens de ce monde et la curiosité de sa fille trouva un écho dans ce qu’elle savait de ce monde.

« elle possède une baguette magique et n’a pas de pouvoirs personnels, même si elle pourrait se métamorphoser en chat de ce que je sais. Néanmoins, la métamorphose animale est courante dans son monde, enfin pas si courante que ça, mais pas unique comme nos pouvoirs à nous, si tu vois ce que je veux dire. »

Patty n’avait retrouvé aucun de ses partenaires de vie, mais sa mère la regarda avec circonspection. Elle avait son propre avis sur la question.

« Tu es mieux sans eux, si tu veux mon avis. Les hommes sont des larves. »

Penny ne put s'empêcher de jauger sa fille d'un regard qui lui signifiait son manque de crédibilité quand elle lui affirma qu'elle avait toujours adoré les potions. Au cours de l'apprentissage qu'elle lui avait donné, elle se souvenait parfaitement d'une Patty, qui était complètement fascinée par les incantations au mépris de formes de magie un peu moins impressionnante, mais tout aussi efficaces, même si elles agissaient plutôt dans l'ombre. Elle était beaucoup plus proche de cette période de leur vie commune que ne l'était sa fille, mais elle avait la certitude qu'elle s'en rappelait tout aussi bien. Cela lui faisait du bien de retrouver son enfant après tout ce temps, toujours aussi friponne et facétieuse.

« Tu sais que je ne suis pas née de la dernière pluie, n'est-ce pas ? » demanda-t-elle en haussant un sourcil, avant de pouffer de rire. « C'est agréable de constater que, même dans un autre monde, et avec quelques années de plus, il y a certaines choses qui ne changent jamais. »

Mais la douceur de ce moment d'humour s'interrompit avec la révélation que Patty était sur le point de lui faire. La matriarche avait toujours désiré veiller sur sa famille et l'idée qu'elle n'ait pas réussi à le faire pour sa propre enfant lui faisait beaucoup de peine. Malheureusement, la vérité était ce qu'elle était et un tel choc ne pouvait pas être atténué. Penny venait d'une époque où sa fille était encore en vie, et ce n'était que plusieurs années après, alors que Phoebe et Paige étaient venues au monde, qu’elle avait perdu la vie. L’apothicaire dut se retenir au comptoir en entendant cette nouvelle, complètement sous le choc.

Patty lui raconta comment elle avait perdu la vie, au cours d'une lutte contre un démon. Il était évident que c'était le moyen le plus récurrent pour une sorcière de finir sa vie. Il était rare que ceux qui combattaient les Forces du Mal puissent survivre éternellement, alors que les forces de ces derniers finissaient toujours par renaître. Bien entendu, il y avait toujours des personnes qui parvenaient à échapper à un tragique destin. Ce n'était pas toujours qu'elles soient meilleures que n'importe qui, mais généralement, elles se retrouvaient simplement à une période où les forces du mal étaient moins menaçantes. Cela dit, certaines étaient effectivement plus fortes, et Penny était persuadé que c'était le cas de ses petites-filles.

« Je suis désolée que tu airs du perdre la vie, et quelle horreur de se dire que Prue y a assisté. Elle était si jeune à cette date. Tes filles n'ont pas eu beaucoup le temps de profiter de toi, c'est bien triste. »

Elle se rendit bien compte que sa fille était sur le point de lui dire quelque chose mais qu'elle n'osait pas. Après le choc d'apprendre que sa fille n'avait pas vécu suffisamment longtemps pour élever ses enfants elle-même, rien ne pouvait choquer davantage la matriarche et elle l’encouragea aussitôt à lui dire ce qu'elle avait sur le cœur. Après tout, il serait infiniment plus facile d'en parler plutôt que de conserver l'une pour l'autre un secret. Autant repartir en ayant la même base de connaissances de leur vie commune.

« Dis-moi, qu’est-ce qu’il y a ? »

Ce n'était jamais sérieusement que Penny avait reproché à sa fille d'avoir des sentiments sincères et d'éprouver du bonheur auprès de certains hommes. Sa rancœur envers eux venait de son expérience personnelle et c'était davantage la vie elle-même à qui elle faisait des reproches. C’est la raison pour laquelle elle eut plutôt un sourire quand Patty insista en disant qu'elle les aimerait toujours que si quelqu'un les avait fait fuir, c'était probablement sa mère. Un petit sourire fier se peignit sur le visage de la quadragénaire au moment où sa fille lui faisait cet aveu.

« Voilà qui serait une profonde fierté pour moi », répondit-elle, le nez en l'air, avec un regard profondément malicieux.

Le regard que la matriarche des Halliwell lança à sa fille était éloquent. Il était clair qu'elle ne reconnaîtrait jamais combien les chamailleries avec elle pouvaient lui manquer. C’était pourtant un fait. Mais ce serait la porte ouverte à toutes les fantaisies que Patty Halliwell pouvait avoir en tête. Et pour avoir élevé cette petite, elle savait pertinemment qu’elle était capable d'inventer presque tout ce qu'elle pouvait pour faire enrager sa mère. La quadragénaire se souvenait de bien des bêtises qu'elle préférait ne pas voir se reproduire parce qu'elle aurait manqué de vigilance. Cela dit, elle devait bien s'avouer heureuse que sa fille ait su conserver son tempérament malgré la difficulté que c'était de se retrouver séparé de sa famille.

Elle avait su rester tel qu'elle était et prendre soin d'elle-même tout en gardant sa bonne humeur. Penny était fière de sa fille. Mais si la conversation se faisait sur un ton bon enfant, ce fut plus compliqué lorsque la matriarche comprit que sa fille était morte prématurément. C’était le cœur plus grave et l'humeur beaucoup moins réjouie qu’elle écouta sa fille lui parler de ce qu'elle avait fait pour ses petites-filles. Il était évident que dans un pareil cas, la vieille dame aurait fait tout ce qu'elle pouvait pour que ses petites chéries soient heureuses. Mais pouvait-on vraiment trouver le bonheur quand sa mère n'était plus ?

« Cela doit représenter un bonheur sans nom pour elles de pouvoir partager un peu de temps avec toi, à présent que le sort vous a réuni d'une certaine façon. Je ne peux que te conseiller d'en profiter au maximum. »

Les regrets qu'elle éprouvait étaient compréhensible mais le temps qu'elle pouvait passer avec ses filles maintenant n'avait pas de prix. Quand les difficultés se présentaient et qu'une solution, même temporaire, ou même étrange, se présentait, il fallait en profiter et la savourer autant que faire se pouvait. Cette ville semblait vouloir dire quelque chose et il apparut évident que cela avait un rapport direct avec les regrets qu'elle avait formulés un instant auparavant. Sa mère n'était pas innocente et elle ne mit pas longtemps à comprendre ce que son enfant semblait être en train de suggérer.

« A l'époque d'où tu viens, je suis morte moi aussi. Est-ce bien cela ? »

Cela expliquerait la réaction que ces filles avaient eue en la revoyant en vie et en un seul morceau. Elle se fichait d'être morte, fondamentalement. Après tout, elle était certaine d'avoir vécu assez longtemps à pour élever ses filles jusqu'à l'âge adulte. Elle avait donc fait son job. Elle avait toujours su qu'elle n'était pas éternelle et se confronter aux différences temporelles était un moyen assez franc d'en faire l'expérience. Malgré tout, elle ne tenait pas à s'appesantir sur le passé et préférait profiter de ce qu'ils avaient pu retrouver grâce à qui que soit le responsable de leur séjour ici.

Elle comprenait tout de même l'envie que Patty avait de retrouver ceux qui avaient mis du sens dans sa vie. Malgré tout l'amour qu'elle éprouvait pour Minerva, elle savait qu'un sentiment particulier lui étreindrait le cœur s'il s'avérait que son regard croise celui de Allen une nouvelle fois. Elle avait dû renoncer à lui bien trop tôt et s’il réapparaissait soudainement, il était plus que probable que son cœur se mettrait à battre infiniment plus fort qu'il ne l'avait encore jamais fait depuis de nombreuses années. Et puis, elle devait bien avouer que son envie était grande de présenter leur grand-père à ses petites-filles.

« Quelques fois, je me dis que les caprices de cet endroit pourraient bien me ramener ton père. Et quand j'y pense, je ne peux pas m'empêcher de me dire ce que ce serait un précieux cadeau. Eh oui, ma fille, cela t'étonnera peut-être, mais il y a au moins un homme sur terre que je ne déteste pas. Il s'avère seulement qu'il est mort. »