La journée avait été longue et j’étais content qu’elle soit terminée. Seul dans la salle des titulaires, je prenais le temps de me changer. Je rêvais d’une douche bien chaude. J’étudiais la possibilité d’en prendre une ici avant de rentrer chez moi mais j’avais vraiment envie de rentrer à la maison. Je faisais le choix de ne pas prendre ma douche à l’hôpital finalement et je me hâtais de finir de m’habiller avant de prendre le chemin de mon chez moi. Heureusement, la maison où nous habitions était proche de mon lieu de travail. Pourtant, il m’arrivait parfois de rester dormir sur place plutôt que de rentrer. Souvent parce qu’en cas d’urgence, il valait mieux que je sois sur place. Et parfois, parce qu’il m’était difficile de rentrer. J’aimais ma femme, c’était une certitude et j’étais toujours heureux de la retrouver et de retrouver notre fille. Simplement, j’avais du mal à passer au-dessus de certaines choses qui s’étaient passées il y a maintenant un petit moment. J’en voulais toujours à April d’être partie après la mort de notre fils. Une partie de moi comprenait son chagrin mais je n’avais jamais réussi à comprendre, ni vraiment pardonner, pourquoi elle avait choisi de me tourner le dos. Pour moi aussi, la perte de notre fils avait été une grande souffrance mais je comptais sur le fait que nous soyons deux pour surmonter cette épreuve et se soutenir l’un, l’autre. A mon sens, on ne déserte pas son couple sans un mot. Je soupirais. De l’eau avait coulé sous les ponts, pourtant par moments ils me revenaient en mémoire et j’avais du mal à les remettre de côté. Y penser ravivait ma colère, même si elle était bien moins forte avec le temps. Je savais que je trouverais la force de pardonner mais je ne savais pas quand. Et j’espérais que cela viendrait rapidement car je voulais être pleinement heureux et laisser le passé derrière moi.
J’arrivais devant la maison et pris un petit moment avant de pousser la porte. J’étais heureux de retrouver ma femme et ma fille mais il me fallait un moment pour oublier les pensées qui me polluaient l’instant d’avant. Quand je fus prêt, je rentrais. La lumière était allumée et mon regard s’attardait sur l’intérieur qui me paraissait vide. A mesure que je parcourais les pièces, je finis par trouver April en train de cuisiner. Cette scène m’arrachait un sourire. Elle était magnifique. Je m’approchais d’elle et l’embrassait furtivement. Assez rapidement, je m’éloignais pour aller poser mes affaires sans vraiment lui parler. Je savais que mon attitude n’était pas celle que j’aurais dû avoir et celle que je voulais mais je n’arrivais pas à me comporter autrement et à être aussi enjoué que je le devrais. Pourtant, j’aimais April et je n’aurais quitté la famille qu’on avait créer pour rien au monde. Je savais qu’elle était la femme de ma vie mais je savais qu’il allait rapidement falloir que je trouve un moyen de surmonter tout ça…
La journée d'April n'avait pas été trop longue. Elle était pourtant contente de rentrer à la maison avec sa fille et y retrouver son mari qui rentrerait sans doute un peu plus tard. Si elle avait eut un cas un peu compliqué, la rousse ne s'était pas laissé faire. L'homme s'était montré violent et l'avait poussé. Rien de méchant, elle n'avait rien eut. Mais même sur le coup ça avait été surprenant, elle avait continué sa journée comme si de rien était. Tant mieux, elle ne voulait pas se laisser abattre. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne s'était pas montrée inattentive au travail ou même triste, démoralisée. Si ça se trouve Jackson en avait entendu parler. Sinon ce n'est pas très grave, April avait l'ambition de ne pas y repenser. Elle avait donc récupéré Louna à la garderie de l'hôpital. Ce petit ange ressemblait énormément à son père. Elle avait presque tout de lui. Si elle ne l'avait pas conçu et porté, on pourrait se demander si elle était vraiment la mère. Mais peu importe. Elle était fière de sa petite famille. Bien sûr, même s'ils avaient eut Louna, Jackson et elle, cette dernière n'oubliait pas Samuel. Son bébé qu'elle avait tenu dans ses bras durant toute sa courte vie. Elle avait pleuré. Encore et encore. Mais elle était tombée amoureuse de ce petit être dès qu'elle a eut dans ses bras. Ca avait été dur et, même si cela semblait insensé, elle avait été heureuse durant un court laps de temps. Elle ne l'oubliait pas. Pourtant il n'y avait ni photos, ni vêtements qui pouvaient leur rappeler cet être cher. Aujourd'hui, bien que triste d'y repenser, elle avait toujours un léger sourire en pensant à leur beau Samuel.
Peu importe -enfin...non-, la chirurgienne avait laissé ce tablier pour porter celui de cuisine. Entendant la porte s'ouvrir, April regarda Louna qui s'endormait sur son petit fauteuil princesse à côté d'elle. « Papa est rentré. » chuchota-t-elle. Louna ne réagit pas. Elle était épuisée. A la garderie, ils lui avaient dit qu'elle avait joué toute la journée. Elle n'avait pas eut le temps de s'ennuyer et pas l'envie de dormir. Ça lui arrivait, de temps en temps, de ne pas dormir. Et, alors que Jackson s'approchait et l'embrassait furtivement, April garda, durant une petite seconde, les yeux fermés, avant d'ouvrir un œil et de constater qu'il s'était éloigné. Elle regarda ce qui était en train de cuir sur le feu, remua le mélange et haussa le ton, sans négativité aucune puisqu'il n'était plus à côté d'elle : « Chéri ? Tout va bien ? ». Il n'avait pas l'habitude de s'éloigner ainsi. Il avait même l'habitude de lui dire quelque chose.
Je me connaissais assez pour savoir que qu’il fallait que j’en parle. Mais je savais que je ne le ferais pas. Malheureusement, comme tout homme, la communication ce n’était pas mon truc. Ou disons que je n’étais pas doué pour ça. C’est en partie pour cela que nous avions eu tant de problèmes. Ça et le fait qu’on avait eu du mal à se comprendre. Nous avions mis les choses à plat et pourtant ça n’avait pas suffit pour moi. Preuve que nous n’en avions peut-être pas suffisamment parler. Mais je n’avais pas vraiment envie de revenir dessus. Je n’avais pas envie qu’on se dispute. Pas ce soir. Ni aucun autre soir d’ailleurs. Je la regardais me sourire. Elle était si belle. Et je m’en voulais d’être aussi froid. Pourquoi est ce que cela me revenait maintenant alors que jusqu’ici tout allait bien ? Je n’arrivais pas à trouver la réponse. Je cherchais s’il s’était passé quelque chose aujourd’hui mais rien ne me venait spontanément en tête. Je me rappelais l’instant d’après ce bébé mort-né dans l’après midi dont Karev avait parlé. Est-ce que c’était ça qui m’avait replongé dans mes souvenirs et fait ressortir tout ce que je ressentais maintenant ? Oui, c’était sans doute ça…Pourtant, il allait falloir que je passe au-dessus de tout ça même quand je rencontrais une situation similaire.
April me regardait, guettant une réaction de ma part. Elle sentait bien que quelque chose n’allait pas et me le demandait l’instant suivant. Il est vrai que j’avais une attitude différente. Habituellement, quand je rentrais j’étais plus enjoué. Mais voilà, je n’arrivais pas à faire autrement et à masquer ce que je ressentais vraiment. Pourtant, je décidais de faire un effort. « Oui, ça va…Pourquoi ? » Je marquais une pause, elle n’était pas dupe. Et j’étais un piètre menteur. « Tu as passé une bonne journée ma chérie ? » Pour ne pas l’inquiéter outre mesure, je passais mes bras autour de sa taille et l’embrassait furtivement une seconde fois. J’espérais ainsi qu’elle passerait à autre chose et excuserait cette attitude différente. Pourtant, je savais que je me leurrais. April était une femme déterminée, toujours en quête de vérité et qui ne lâchait jamais l’affaire. C’était d’ailleurs une des choses que j’aimais vraiment chez elle. Mais pas aujourd’hui.
April connaissait très bien Jackson et les hommes en général. On lui a toujours rabâché qu'ils avaient toujours du mal à se confier par rapport aux femmes. Qu'ils s'enfermaient dans une sorte de grotte. Et la rousse avait pu constater cela sans peine en apprenant à connaître et, surtout, comprendre Jackson. Parce qu'avant lui...Et bien avant lui il n'y avait pas eut grand monde dans sa vie. Mais comprendre n'est pas toujours facile. Une amie lesbienne lui avait dit, un jour : « C'est tellement plus simple de communiquer ! ». Et April voulait bien la croire, mais le temps qu'elle aimerait son mari, elle se bâterait pour que la communication ne soit pas (totalement) rompue. Et si Jackson ne savait pas ce qu'il avait, April si. Elle savait qu'il n'avait pas tout à fait digéré son départ, même si il le disait. Elle savait, parce qu'elle-même n'avait pas digéré sa propre fuite. Parce que, quelque part, c'était cela. C'était une fuite. Et elle non plus ne voulait pas se disputer avec lui ce soir. Mais elle voyait bien que quelque chose n'allait pas. Alors elle allait creuser un peu. Sans être violente ou trop le forcer. Sinon, la chirurgienne traumato savait comment le chirurgien plastique réagirait.
« Une journée folle, mais plutôt bonne. Enfin...j'ai eut le droit à une petite bousculade de la part d'un patient mais rien de grave. Il n'était pas tout à fait lui-même. » Elle marqua une pause. « Toi tu as passé une bonne journée ? Rien de grave n'est arrivé ? ». La question était assez à double tranchant. Tout pouvait arriver dans leur métier, absolument tout. Mais la question devait être posée avant de creuser un peu plus. S'il se montrait coopératif. Elle avait beau être borné, elle détestait les disputes. Avec elle, les larmes coulaient facilement dans ces moments là. Et elle détestait ça. Parce qu'elle disait souvent que cela la faisait passer pour la victime alors qu'il n'y en a même pas forcément une. « Tu veux bien aller coucher Louna pendant que je surveille le repas ? Je lui ai donné un petit yaourt mais elle n'a rien voulu avaler d'autre, elle est épuisée la pauvre. ». Posant sa cuillère, elle se tourna vers Jackson qui avait toujours ses bras autour d'elle et l'embrassa sur le nez rapidement, avant de tourner la tête vers leur si précieuse petite fille. Sa maman se dit alors, comme souvent, dans sa tête « Qu'est-ce qu'elle est belle. ». C'était la fille la plus jolie du monde à ses yeux. Bien sûr qu'avant que son mari aille mettre leur fille au lit, April lui fera un gros câlin et lui déposa un baiser sur le front.