C'est devenu davantage un rituel qu'autre chose au sens où mes recherches n'avaient jamais abouti au moindre résultat. Je le sais bien, c'est en insistant que j'y parviendrai, et pas en baissant les bras, mais c'est difficile de garder la tête haute et froide alors que les jours se sont changés en semaines, les semaines en mois, les mois en années sans que rien ne change ni n'évolue, sans qu'aucun indice ne sache me mener à Klaus, Prunille et Béatrice. Je continuerai, parce que je le dois et le leur dois. Je ne peux pas prétendre, en revanche, que ce soit chose facile. Je tiens seulement bon, autant que je le peux, en tout cas... pour ne pas me résigner, pour ne pas me figurer un monde duquel ils ne feraient pas partie, même si mon monde est vide d'eux depuis trois ans déjà.
C'est donc toujours comme ça, dès que j'ai fini les cours, je me réfugie à la bibliothèque, celle de l'université, celle de la ville, je scrute Internet, j'interroge, je me renseigne, me rends à l'orphelinat, au lycée, comme si soudainement, l'éternelle question que je pose à ceux que je croise trouverait une autre réponse, et finalement, parce que je ne serais rien parvenue à élucider, je détache mes cheveux et rentre bredouille... au moins, à présent, je me retrouve au sein d'un foyer où je me sens aimée, protégée...
Comme si ma vie précédente n'avait pas suffi, et même en l'absence du comte Olaf pour faire planer au-dessus de moi la menace constante qu'il représente, je ne peux pas prétendre que ma vie ait été beaucoup plus sereine qu'autrefois. J'ai enchaîné les mauvaises expériences, les tuteurs abominables, jusqu'à finalement trouver le chemin de Miss Peregrine. Fantasque mais attentive à ses protégés, elle me fait beaucoup penser à Oncle Monty... ce qui au demeurant ne me rassure pas franchement. Chaque jour, je m'attends à ce qu'Olaf revienne à la charge, attifé de je ne sais quel déguisement, endorme la vigilance de Miss Peregrine, et me réveiller un matin, en la retrouvant morte, comme ce fut le cas... d'oncle Monty, de tante Joséphine, et de tant d'autres à l'évocation de qui mon coeur se serre constamment... ça me rend parfois paranoïaque, trop vigilante, surprotectrice, mais je ne sais pas m'en empêcher. S'il devait arriver quelque chose à Alma Peregrine, je m'en sentirais tout naturellement responsable.
Je traîne les pieds au moment de rentrer, ce soir-là, un rien démoralisée par la vacuité de mes recherches... c'est une constante, et c'est épuisant. Malgré tout, je force un fin sourire quand mon regard croise celui de Miss Peregrine.
❝Bonsoir. Désolée, je rentre tard, je n'avais pas vu le temps passer.❞
Tous les week-ends et dès que le temps m’était donnée, je partais en volant pour essayer de retrouver mes enfants. Essayer était clairement le seul mot que je pouvais utiliser, surtout que ma faculté à me changer en oiseau venait de m’être rendue depuis peu. Certes, c’était beaucoup plus utile et plus rapide que la voiture ou même que marcher mais cela ne changeait rien au fait que je n’avais toujours pas retrouvé mes pupilles, ni Jake, ni Emma, ni Enoch, ni Claire, ni Hugh, ni même les Jumeaux. Personne. J’étais seule, vraiment seule et même si cela me faisait mal, je ne le montrais pas. Je ne devais pas le montrer, je ne pouvais pas le montrer parce que d’autres enfants comptaient sur moi, tous ceux que j’avais auprès de moi, qui avait besoin d’une tutrice qui réussisse à gérer la situation. En tant qu’Ombrune, c’était mon cas même si c’était difficile, je réussissais toujours à m’en sortir sans trop de problème.
Nous étions la fin de journée, même presque de la soirée. Le dîner avait été servi et tout le monde était à présent en séance lecture ou dans leur chambre ou encore devant la télévision étant donné que je permettais trente minutes de télévisions par soir. Sauf le week-end bien sûr mais je préférais toujours qu’ils soient dehors plutôt qu’ici, devant la télévision. Assise sur le fauteuil, près de la fenêtre, ma pipe en bouche, je souris en voyant Violette apparaître dans l’entrée. Je me lève et m’approche d’elle avant de lui sourire, je sentais qu’elle en avait cruellement besoin. « Ne t’excuses pas. » énonçais-je à la jeune femme « Tes recherches n’ont rien données encore aujourd’hui ? » demandais-je alors à la jeune fille avant de reprendre « Je suis désolée Violette. Viens, nous allons prendre le thé, je sens que tu en as besoin. » ajoutais-je alors tandis que je me dirigeais vers la cuisine.
J'esquisse un fin sourire. Je n'ai pas toujours eu affaire à la bienveillance de ceux qui auraient dû me soutenir et me protéger. Par conséquent, je me sens toujours prise au dépourvu quand Alma fait preuve de compréhensivité et de gentillesse à mon égard. J'ai tendance à émettre des réserves à ce sujet. Toutes les personnes qui se sont montrées bienveillantes envers moi ont mal fini... s'il devait arriver quelque chose à Alma, je crois bien que je ne m'en remettrais pas... Mais je tente d'occulter cette pensée, quand bien même elle me fait du mal. Je ne peux pas vivre comme ça. Je dois arrêter de me laisser hanter par mon passé. Mais mettre le passé de côté, c'est oublier mes proches, ce serait renoncer à ma fratrie : vous pensez bien que ça ne peut qu'être absolument hors de question.
❝Toujours rien.❞
J'affiche une légère esquisse de sourire. Je n'ai pas envie de m'apitoyer, je n'ai pas envie de montrer mon défaitisme, mais dans le fond, c'est plus facile à dire qu'à faire. Mais je sais bien que ce n'est pas me laisser envahir par ce genre de pensées qui va arranger mes affaires, pas le moins du monde. Il faut que je me raisonne un peu, sans me laisser gagner par le doute trop inutilement. Donc je me contente de cette remarque concise. Non, mes recherches n'ont pas abouti. Dans le cas contraire, Alma l'aurait vu immédiatement.
❝Je reconnais qu'un thé ne sera pas de refus.❞ Je viens m'installer auprès d'Alma. ❝Ce n'est pas comme si je ne m'y attendais pas. D'autant plus que je ne sais plus vraiment où chercher. Maman disait que je ne manquerais jamais de ressources, mais c'est Klaus qui avait toutes les connaissances, pas moi.❞ Je marque une légère pause. ❝Et toi Alma, comment vas-tu ?❞
C'est une diversion : une manière de ne pas m'apitoyer plus longtemps sur mon sort, je pense très sincèrement que cela vaut mieux, et je pense qu'elle sera exactement du même avis de son côté. C'est une diversion, mais une diversion honnête : je veux savoir comment elle va, car même si elle est sans doute supposée être celle qui protège l'autre. On veille sur l'autre, un point c'est tout.
the last shelteralma & violette« Ne désespère pas Violette. Je suis sûre que tu finiras par les retrouver, ce n’est qu’une question de temps. » énonçais-je à l’adolescente.
Bien sûr pour une femme comme moi, c’était clairement plus facile à dire qu’à faire en tenant compte que moi-même, je n’avais toujours pas retrouver mes propres pupilles. J’avais ouverte ma porte à de nombreux enfants, des âmes égarées qui avaient eu besoin qu’on les aide à retrouver la bonne route mais pour ma part, c’était bien plus complexe et malgré mes recherches aériennes depuis que j’avais retrouvé mes ailes, les choses étaient les mêmes. Pas de traces de mes enfants.
Je souris à Violette et referme la porte derrière elle avant de lui proposer une tasse de thé. Je sentais bien que la jeune fille en avait besoin. Nous installant donc dans la véranda après que le thé fut servie, je pose mon regard sur la plus jeune qui m’explique qu’elle ne se formalisait pas de tout ça étant donné qu’elle savait à quoi s’attendre. J’hausse les épaules alors que je porte ma tasse à mes lèvres. Buvant un peu, je reprends finalement la parole.
« Tu es bien plus maligne que tu ne le penses ma jolie, ai simplement confiance en toi et en ce que tu ressens. Tu verras, ça t’aidera beaucoup. » énonçais-je avec douceur, telle une mère qui parlerait à sa fille.
Buvant un peu, je finis par reprendre la parole par la suite quand elle me demande comment je vais. Je soupire.
« On fait aller. » énonçais-je à la plus jeune « Je ne sais pas si je te l’ai dit mais j’ai retrouvé une de mes capacités d’autrefois, je suis à nouveau capable de me changer en faucon pèlerin. Je continue de chercher mes enfants en prenant de la hauteur mais même de là-haut, rien. J’ignore même s’ils se trouvent en ville, après trois années à les chercher, je ne me résigne pas à arrêter mais c’est assez dur de vivre chaque jours en me demandant s’ils vont bien et s’ils sont eux aussi à ma recherche. » énonçais-je à la plus jeune avant de reprendre « mais à côté de ça, au travail tout se passe bien, mes cours de soutien à l’université aussi. Je rencontre chaque jours de nouvelles personnes et ça me plaît même si…même si ce n’est pas pareil. » avouais-je à la plus jeune. ️ 2981 12289 0
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The last shelter || Alma Peregrine
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