Baker Street Avenue, étude notariale de Drago. Soirée du 8 mars 2022.
Trésorier : Drago Malefoy.
Elle crut que sa vue lui jouait des tours ou que son cerveau lui faisait une farce. Le temps s’était arrêté autour de Pansy quand elle rencontrait ce patronyme qu’elle connaissait si bien et qu’elle ne pensait pas revoir un jour. Elle était totalement figée, cette feuille visée entre ses mains. Seule sa bouche restait entrouverte pour évacuer cet air suffoqué qui s’emmagasinait dans sa gorge au rythme de ses battements cardiaques qui s’accroissaient dangereusement. Nolan lui avait simplement demandé de mettre de l’ordre dans les papiers et statuts de son club très select’ et en non-mixité. Comment avait-elle pu passer à côté ? À sa décharge, l’administratif du Boss Men Club était à l’abandon depuis de nombreux mois. Elle ne croit pas avoir déjà mis son nez dedans d’ailleurs. Sinon, elle aurait immédiatement vu le nom de son premier amour qui l’aurait laissé dans le même état de choc qu’aujourd’hui. Jamais elle n’aurait pu le manquer, elle qui désirait depuis son arrivée ici le revoir plus que tout au monde.
Drago. Malefoy.
Elle le relisait plusieurs fois. Cent fois. Mille fois. Elle ne saurait dire. Drago Malefoy. Elle se souvient de sa petite tête blonde prétentieuse qui lui tendait sa main pour sceller des présentations en bonne et due forme le jour où elle s’était assise à côté de lui à la table des Serpentard, lors de leur première rentrée à Poudlard. Pansy avait envié son assurance tandis qu’elle fut écrasée par le poids de sa timidité. Elle avait même eu un peu honte en lui disant son nom à elle, mais elle se souvint surtout de l’immense sourire de Drago quand il fit le lien entre les Parkinson et les sangs purs. Il l’avait reconnu comme l’une des siens et pour la petite fille de onze ans qu’elle fut, il n’y avait pas eu plus grand honneur pour elle que celui-ci. Tout comme aujourd’hui où elle avait l’honneur et le bonheur de recroiser sa route. Si elle s’était quelquefois moquée de la magie approximative et des sciences divinatoires de la professeure Trelawney, elle devait bien admettre que sa théorie au sujet des signes du destin et des âmes vouées à se retrouver encore et encore devenait subitement plausible à ses yeux avec cet énorme coup de pouce qui se présentait à elle.
Pansy aurait pu questionner Nolan au sujet de Drago. C’est d’ailleurs la première idée qui lui vint en tête après celle où elle se vit débouler dans son bureau, tout affolée par son amour fraîchement réanimé. Drago avait toujours été là, quelque part, dans son cœur, dans son âme, mais la présence de ce nom avait tout fait remonter à la surface avec une violence indescriptible. Elle était tout bonnement incapable de se lever avec ses jambes chancelantes. De plus, elle se ravisait rapidement : même si Nolan et elles étaient très proches, pour rien au monde elle ne voulait l’importuner avec des questionnements aussi futiles. Puis, elle craignait qu’il la fustige : comment osait-elle être aussi intrusive avec l’un des membres de son club ? Pansy se connaissait et elle savait qu’elle passerait rapidement pour une fanatique dénuée de jugeote si elle en venait à trop parler de Drago et de leur relation tumultueuse passée. Elle ne voulait pas que Nolan statue sur cette relation en supputant que Pansy n’avait tout simplement jamais réussi à passer au-dessus de cette amourette d’adolescence et que si elle voulait revoir Drago, c’était simplement pour le harceler. Ce n’était rien de tout cela et bien plus grand que ce qu’il pouvait imaginer. Ce n’était pas qu’une histoire d’amour d’adolescent — Pansy était tout bonnement privé de l’un de ses membres vitaux depuis ses dix-sept ans. Elle se sentait coupée en deux, incomplète, maudissant le dieu qui lui avait arraché cruellement cette part en elle. Parfois, Pansy se surprenait elle-même en se demandant comme elle avait réussi à vivre jusqu’ici sans lui. Sans son regard froid posé sur elle. Sans ses gestes discrets qui lui montraient qu’il l’aimait bel et bien à défaut d’être éloquent sur cette passion.
Pansy abandonna sa feuille de papier et prit la décision de ne pas importuner Nolan. Au lieu de cela, elle tapait frénétiquement sur son clavier d’ordinateur et se servit de ce magnifique outils moldu qu’était internet pour entrer le nom de Drago et voir si cela donnait de quelconques résultats. Bingo. Le cœur de Pansy tambourinait si vite cette fois-ci dans sa poitrine qu’il manquait un ou deux battements, la faisant hoqueter. À sa grande surprise, le nom de Drago ressortait : il avait une étude de notaire ici en ville. Il fallait qu’elle s’y rende. Elle devait s’y rendre. Cet endroit l’appelait, lui fit comprendre que si elle laissait passer une nouvelle fois sa chance… Pansy avait loupé le coche une fois en ne se battant pas pour l’homme qu’elle aimait en le laissant partir à l’issue de la Seconde Guerre. Elle ne reproduira pas cette immense erreur. Jamais. Elle notait l’adresse à la hâte sur un morceau de papier qu’elle venait de déchirer et partait sur les chapeaux de roues. « Monsieur Sorrento, j’ai une urgence. Je rattraperai mon heure demain. Excusez-moi. » C’était tout ce qu’elle daignait dire à Nolan avant de s’éclipser. Mais elle ne pouvait vraiment pas attendre : son cœur l’appelait. Il était dix-huit heures quarante-cinq. Elle aurait déjà dû être chez elle depuis dix-sept heures trente, mais Pansy ne comptait plus son temps passé au secrétariat du Doyen. L’étude de Drago fermait dans un quart d’heure. Elle n’avait pas une minute à perdre.
Dix-huit heures cinquante-cinq. Pansy était devant l’office. Elle était essoufflée. En sueur. Elle avait parcouru la ville à vive allure, perchée sur ses hauts talons et coincée dans son tailleur de circonstance. Au travers de la porte d’entrée vitrée, elle regardait par curiosité dans le fond du hall d’accueil et remarquait une faible lumière inonder la naissance du couloir — preuve ultime que quelqu’un était encore ici. Pansy avait bien du mal à réaliser que seuls quelques mètres la séparaient de son amour de toujours, de l’homme qu’elle avait tant admiré et idéalisé et qui possédait encore la totalité de son cœur, s’offrant ainsi le titre de Dieu dans le royaume corporel de la jeune femme. Elle passait son temps à relire la plaque à l’entrée sur laquelle était joliment apposé ce nom qu’elle avait toujours rêvé de porter. Cela ne l’aidait nullement à s’ancrer dans le réel — il fallait qu’elle voie Drago de ses propres yeux pour comprendre qu’il était bel et bien là. Elle poussait la porte d’entrée et le bruit de ses talons contre le parquet trahissait sa présence en brisant le silence monacal de l’office. À pas de loup, elle s’engouffrait dans le couloir faiblement éclairé. Elle n’eut pas davantage de pas à faire : Drago était là, sortant à peine de son bureau.
L’univers entier s’arrêta de tourner le temps d’un instant. Ils étaient les deux seuls humains restants sur terre.
Pansy était fébrile, mais se tenait droite, fière. En silence. Seuls quelques mètres les séparaient, mais aucun des deux ne semblait vouloir bouger. Pansy, à cause de la surprise, du choc de le revoir, mais aussi pour faire monter la tension entre eux. La dernière fois qu’ils s’étaient quittés, ils sortaient à peine de l’adolescence. Là, ce n’était plus le même contexte : deux adultes se confrontaient, avec des sentiments plus matures. Plus puissants. Pansy se moquait bien de l’idée que Drago l’aimait plus ou l’avait oublié. Dans ce silence lourd de sens, elle se contentait de l’admirer, de se faire à cette nouvelle image de lui avec treize ans de plus. Elle n’entendait que son cœur battant à tout rompre résonner agréablement dans ses oreilles. Elle laissait son amour l’envelopper et la posséder totalement — si Drago pensait l’avoir perdu ne serait-ce qu’un jour, il fallait qu’il sache que Pansy lui était acquise. Une nouvelle fois. Encore. Toujours.
Elle ne s’était jamais sentie aussi vivante.
Elle était instantanément tombée amoureuse de lui à onze ans. En un éclair, il était devenu son monde entier.
Elle retombait instantanément amoureuse de lui à trente ans. En un éclair, il était redevenu son univers.
« Tu n’as pas changé. » Elle avait une envie irrépressible de se jeter sur lui. De se fondre dans ce corps qu’elle avait tant désiré et qui lui avait tant apporté au détour d’un couloir, d’une porte dérobée ou de lieux plus intimes encore à Poudlard. Mais Pansy n’était plus cette adolescente impétueuse soumise à ses pulsions les plus primaires. La femme qu’elle était devenue savait jouer avec le feu désormais, se faire attendre et désirer. Un sourire malicieux ornait ses lèvres après avoir prononcé ces quelques mots qui brisèrent définitivement le silence. Pas un seul instant elle ne quittait Drago des yeux alors qu’elle consentît à avancer d’un pas vers lui. « Juste une ride, ici et là. Mais t’as de la chance, t’es comme un bon vin : prendre de l’âge te sied bien. » Un rire mélodieux, bref, discret et pourtant chargé d’une légère taquinerie, prit possession de l’air bien trop chargé, à deux doigts de craquer en un orage grondant. Pansy réduisait encore un peu plus l’écart entre eux en s’avançant d’un pas supplémentaire, lent, presque lascif. Le parquet craquait sous son talon acerbe. Elle laissait ensuite son flanc s’échouer contre l’un des murs du couloir prenant une pose sensuelle sans manquer de lâcher un soupir presque las, parfumé d’une certaine chaleur ensorcelante. Qu’importe l’état d’esprit de Drago, Pansy voulait qu’il soit séduit par elle. Son regard ne se limitait plus au visage de ce dernier : tels des crocs acérés, il se plantait dans son regard glacé qui arrachait un frisson délicieux à Pansy. Énième soupir. Elle lâchait « J’espère que tu m’as pas oublié. » presque comme un ordre comme le suggérait la légère pointe d’autoritarisme dans sa voix. Cette question indirecte sonnait presque comme une menace : Drago n’avait pas intérêt de l’avoir chassé de sa mémoire, sinon elle se chargerait de lui rappeler son bon souvenir. Le regard de la jeune femme s’habillait d’une certaine prédation. Elle n’avait qu’à tendre le bras pour se perdre dans les siens, mais pour une fois, c’était à lui de venir la chercher. Elle espérait du plus profond de son cœur qu’il le fasse, parce que malgré son assurance affichée, Pansy craignait d’être perdue dans ses oubliettes mémorielles — un fait qui la rendrait assurément malade.
08.03 ▵ office "malefoy & sons" ▵ baker street avenue.
“what are the things that i want to say, just aren't coming out right? i'm tripping on words, you got my head spinning. i don't know where to go from here, 'cause it's you and me. and all of the people with nothing to do, nothing to prove. i can't keep my eyes off of you, there's something about you now, that i can't quite figure out.” ▵ ‘you and me’ -- lifehouse
Les semaines passent et les jours se ressemblent tous. Drago Malefoy commence à sérieusement trouver le temps long sur cette île. Cette vie est loin de lui convenir ; elle est artificielle et inintéressante. Elle est surtout ravagée par une amnésie partielle. Combien de fois il a lutté de toutes ses forces pour se rappeler du visage de son épouse décédée ? Scorpius lui en parle souvent, c’est un besoin viscéral pour lui d’extérioriser ses sentiments, contrairement à lui. Drago est une vraie tombe. Préférant de longues journées à l’office des Malefoy plutôt que d’affronter les yeux mélancoliques de son fils, entre les quatre murs de son manoir. Ses journées sont interminables et ses soirées solitaires. Cela semble suffire à occuper son esprit pour ne pas avoir à se confronter plus que nécessaire à son fils. Les souvenirs de leurs échanges cette soirée-là, alors qu’il se trouvait à l’intérieur de sa voiture, alcoolisé et visiblement drogué, restent encore gravés dans sa mémoire comme sur du marbre. Drago n’en a plus jamais reparlé et les mois ont passés, mais certaines phrases l’obsèdent encore déraisonnablement. Est-ce vraiment de sa faute si Astoria est morte ? Peut-être… Peut-être… qu’il avait les mêmes défauts que sur cette île. Peut-être qu’il passait aussi toutes ses journées sur son lieu de travail, au ministère. L’esprit de Drago est embrouillé, et la rigueur qui fut longtemps la sienne n’est désormais plus qu’une ébauche de plan désorganisé. Aujourd’hui encore, Drago souffre de cette absence comme une articulation manquante, une pièce de puzzle disparue, un trou béant dans ses souvenirs. Pourquoi spécialement elle ? Drago suppose que sa mort a sûrement dû être si atroce que son inconscient s’en est protégé. C’est en tout cas l’explication la plus rationnelle face à l’incongruité de cette situation. Soupirant durement en roulant les yeux, le jeune Malefoy s’empare de quelques actes notariés afin de les porter jusqu’à son bureau pour les signer. En chemin entre deux couloirs, un léger tintement de cloche vient bourdonner dans ses oreilles. Un client ? Tous ses sens sont aux aguets, il s’est lui-même stoppé dans son élan, une main refermée sur la poignée en cuivre de la porte. Un bruit succède à celui d’une porte que l’on referme, des talons. Une femme. Ces talons claquent contre le parquet dans un rythme parfaitement chronométré. Clac, clac, clac. Réguliers et légèrement distancés ; Drago imagine que la propriétaire de ses talons doit posséder des jambes interminables. Quelque chose lui dit vaguement, une intuition sans doute, que cette femme est également jeune et particulièrement belle. Fatale. Une femme pleine d’assurance et probablement de condescendance pour entrer sans avoir été invitée. Drago n’est pas supposé avoir de rendez-vous de toute la demi-journée. Pour marcher avec des talons, il faut en tout cas avoir une bonne dose de confiance en soi. Ses sourcils se froncent alors qu’une silhouette féminine, perchée sur des talons aiguilles et habillée d’un élégant tailleur s’engouffre dans son bureau.
Non… C’est impossible.
Pansy.
Pansy Parkinson.
Drago reste hébété devant cette apparition presque irréelle. Comme un fantôme s’échappant de son passé, cette femme est absolument tout ce qu’il a cherché à éviter jusqu’à maintenant. Maintenant, Drago regrette profondément d’avoir pris la fuite. Dans leur monde, les deux anciens amants se sont quittés en très mauvais termes, au lendemain d’une terrible et sanglante guerre ayant fait éclater le vernis parfait de leurs ressemblances pour faire naître deux parcours de vie radicalement différents. Maintenant qu’elle se tient là, sous ses yeux, toutes ses envies de fuite disparaissent miraculeusement. Drago Malefoy a envie de se confronter à ses démons. Il meurt plus que tout d’envie de se noyer dans ses beaux yeux tentateurs qui le dévisagent avec une rare intensité. Quelque chose semble se rallumer en lui. La flamme des premiers instants, ces doux émois d’adolescent, ces vertiges insoutenables qui le faisaient perdre pied. Pansy. Pansy Parkinson. Comment l’oublier ? Qu’importe leurs différences, qu’importe le fait qu’ils aient opéré des changements de vie radicaux après leur rupture. Pansy est toujours la même, avec quelques années de plus. Il est bluffé par le fait que le temps semble n’avoir aucun effet sur elle, mis à part celui de magnifier un physique proche de la perfection. Lorsqu’elle s’étend longuement sur son physique en offrant une comparaison entre ce dernier et le bon vin, ses lèvres tremblent en voulant retenir un rictus. S’il n’a pas changé, elle non plus. Elle est toujours aussi insolente, sensuelle et lascive. Drago lève fièrement le menton, un mécanisme d’auto-défense, afin de se protéger des tentatives de séduction de son ancienne petite amie. Pansy et Drago se sont connus à Poudlard, et se sont aimés relativement vite. Si dans les premières années de son adolescence, il n’avait cure d’elle, son avis a bien vite évolué. Pansy avait toujours été cette amie omniprésente, exubérante et extraordinairement harcelante. Drago s’en était lassé à plusieurs reprises, c’était un garçon avec des problèmes autres que ceux de sa vie sentimentale. Ils se sont aimés, dans un corridor, dans les sous-sols, dans les salles de classe désertées en pleine nuit, et dans leur lieu favori qu’elle avait spécialement aménagé pour l’occasion. D’un ennui mortel, cette adolescente est passée au stade de créature de rêve en l’espace de quelques années. Drago se souvient du jour où il a réalisé qu’elle était bien plus qu’une amie encombrante et excessivement fidèle ; c’était en quatrième année, quelques semaines avant le bal de Noël. Alors qu’elle vantait le nombre astronomique de ses courtisans, sans pour autant avoir accepté une invitation pour le bal, Drago s’était étranglé dans un ricanement moqueur. Pansy essayait continuellement de développer des sentiments affectifs chez lui, comme de la jalousie ou du désir sexuel. Ce qu’elle ignorait, c’est qu’il avait déjà commencé à éprouver toutes ces émotions mélangées. Ils étaient seuls devant le feu de cheminée de leur salle commune, située dans les cachots, et il lui avait sorti une phrase bien énigmatique. Elle s’en était offusquée en pensant qu’il se moquait d’elle, avant que le couperet ne vienne à tomber. « Dis, Pansy. Lorsque tu auras terminé d’éconduire tes prétendants, tu m’accompagneras. »Un sourire en coin, narquois avait suivi son invitation au bal de Noël. Pansy s’en était réjouie comme une enfant devant son premier cadeau. Leur relation amoureuse avait enthousiasmé bon nombre de leurs condisciples ; Drago et Pansy incarnaient le couple parfait, le Roi et la Reine de la maison Serpentard. Pour toujours, il serait son Roi des serpents. Pour toujours… Jusqu’à ce que vienne leur sixième année d’études, la marque des ténèbres, et la guerre à Poudlard un an après. Tout avait basculé, conduisant Drago dans les bras d’une autre étudiante : Astoria. Différente, pure et surtout bien éloignée des idéaux traditionnels des grandes familles de sang-pur. Au lendemain de la fin du règne de Lord Voldemort, après tout ce qu’il avait subi, l’héritier Malefoy recherchait quelque chose d’équilibré, dénué de toute noirceur ou d’ambiguïté. Une relation simple, facile, paisible et sans heurts. Astoria Greengrass représentait ce moment de quiétude. Un moment qui s’est avéré de courte durée, puisqu’après quelques années de bonheur, les astres décidèrent de lui enlever violemment toute trace de l’existence de sa douce épouse. La lune rouge opéra en lui un changement radical, comme si toute la part d’humanité qu’il avait acquise grâce à sa femme vint à s’évaporer.
Et le voilà, ses yeux d’acier plantés dans ceux de son ancienne petite amie, le dos droit, les mains pleines de documents notariés et l’esprit pollué par des pensées d’une rare obscénité. La force de ses émotions le dépossède de toutes ses capacités de réflexion habituelle. Drago laisse ses yeux se promener furtivement sur les lignes parfaites de ses courbes voluptueuses. Pansy est comparable à une sulfureuse sirène, ainsi moulée dans un tailleur coûteux. Treize ans de plus et pas une ride ne vient entacher la perfection de son visage. Treize années passées loin l’un de l’autre, mais le simple son mélodieux de son rire vient raviver les braises de cette relation d’adolescents. D’un simple regard, c’est comme s’il l’avait déshabillée, après l’avoir scrutée avec une certaine cupidité. « Bonjour Pansy. » dit-il enfin, après un court moment de silence, une fois que la jeune femme eut terminé de faire les salutations. « Tu as l’air surprise. » Leurs corps sont déjà très proches, mais Dragon rompt les derniers millimètres qui les séparent, afin que leurs vêtements puissent se frôler. Cette proximité est dangereuse, elle renvoie à toutes les nuits passées l’un contre l’autre, l’un dans l’autre. Tous ces instants dérobés où leurs corps se fondaient dans une symphonie de gémissements et de râles de plaisir ; leurs deux corps en parfaite symbiose, brûlants et transpirants. Il ne parvenait pas exactement à se souvenir de ce qui rendait leurs échanges si uniques, si spéciaux, jusqu’à maintenant. Maintenant, Drago comprend ce qu’il y avait de si beau entre eux. C’est parce que c’était eux. « Tu pensais que je t’avais oubliée ? » Ses lèvres se courbent en un sourire narquois, désagréable rictus d’une arrogance détestable, ce sourire signature. Drago a bien senti une pointe d’espérance dans le son de la voix de Pansy, lorsqu’elle a cherché à découvrir s’il avait conservé des souvenirs d’elle. Pansy lui a toujours été acquise. Obsédée, comme au premier jour. Amoureuse au point de se montrer excessivement jalouse et intraitable envers ses consoeurs. Passionnée, dans chacun de ses gestes, de ses battements de cil, de ses moues, de ses baisers brûlants. Pansy Parkinson est maintenant son point d’ancrage dans cette nouvelle réalité, tout comme elle l’a été à Poudlard. Elle est ce qui le ramène à ses plus bas instants, à ses ténèbres, à ses préjugés et à ses hontes.
Tout chez elle est un appel au crime sexuel. De son regard empreint d’une certaine prédation, au flanc de ses hanches négligemment posé contre l’un des coins, au son de sa voix sensuelle avec une pointe d’autoritarisme. Pansy. Sa chère et impulsive Pansy. Il ne peut que la féliciter de ses efforts, elle est pleine de maturité, débarrassée de ses pulsions primaires et infantiles. Pansy Parkinson est devenue une vraie femme. Une femme fatale. Une femme que l’on n’oublie pas, même si cela n’avait jamais été le cas à Poudlard. Les raisons pour lesquelles Drago s’est fiancé, puis marié à Astoria Greengrass, en lieu et place de sa petite amie de l’époque sont encore bien obscures ; puisque lui-même ne conserve aucuns souvenirs d’elle. Cette vision est presque trop parfaite pour être ancrée dans la réalité, mais quelque chose le dérange. Drago Malefoy est agacé par la teneur de leur conversation. Pourquoi faut-il qu’il se souvienne dans tous les moindres détails d’elle et non pas de la mère de son fils unique, de sa femme légitime ? Pourquoi Pansy et pas Astoria ? Pendant quelques secondes, c’est une véritable hécatombe. Drago éprouve la sensation désagréable de s’être fait duper. Est-ce que Pansy est plus ou moins responsable de cet odieux coup du sort ? Non… Quelle drôle d’idée. Drago est dépassé par ses émotions, tant par leur contraste flagrant que par la fulgurance de leur apparition. En un battement de cil, le voilà à ses pieds, se remémorant les dessous les plus intimes de leur relation avec une certaine délectation. Seuls les bons moments l’obnubilent, les mauvais ayant été balayés du revers de sa main, non pas qu’il les ait oubliés, mais Drago ne souhaite pas que leurs retrouvailles soient entachées par ce genre de détails. Drago est mystérieusement fou de rage. Pour une raison inconnue, Pansy est dans sa mémoire et dans sa peau, alors qu’Astoria n’est malheureusement pas là. C’est à en perdre la tête. Son expression faciale est sévère et concentrée ; ses yeux rencontrent les siens, après des instants semblables à une éternité à contempler la structure osseuse de son visage si harmonieux. Pourquoi elle et non pas Astoria ? Pourquoi est-ce qu'un flot ininterrompu de souvenirs le submergent vis-à-vis d'elle et non pas de sa femme légitime ? Pourquoi est-ce que le simple fait de la voir dans son office déclenche en lui de violents vertiges ? Elle est la clé de sa mémoire, sans doute.
Malefoy se débarrasse de ses affaires en les balançant sur le coin d’une table et brise les millimètres qui les séparent avec la ferme intention de se remémorer de force des choses, de s’ancrer surtout dans la réalité. Plus que tout, Drago désire se sentir enfin vivant. D’un mouvement brusque, il vient plaquer la paume de sa main contre le mur d’en face, à quelques millimètres du visage parfait de Pansy. De l’autre, il attrape son menton entre deux doigts. Son index et son pouce viennent effleurer sa lèvre pulpeuse inférieure, délicatement maquillée. Une bouche parfaite, acerbe lorsqu’elle propage ses rumeurs et mielleuse lorsqu’elle s’adresse à lui. Pansy est comme une cuillère de miel en bouche. On ne s’en lasse jamais. « Ne joue pas à ces petits jeux avec moi. » murmure-t-il comme une menace, contre son oreille, avant de s’en éloigner dans une lente agonie. Drago impose son puissant magnétisme en dominant leurs échanges, à la fois par son corps pressé contre le sien et par l’intonation autoritaire de sa voix. « Treize ans… Et te retrouver dans cet endroit, maintenant. Qu’as-tu fait pendant tout ce temps ? » Ce n’est pas très judicieux de sa part de poser cette question, étant donné qu’il n’a que moyennement l’envie de connaître cette réponse. Une peur gronde en lui comme un avertissement, le priant de ne pas remuer les cendres de cet amour de jeunesse. Drago n’est pas certain qu’il en appréciera tous les dessous. Cette tension autour d’eux est palpable, elle les enveloppe dans sa tourmente. En plantant ses deux orbes bleu acier dans les siens, le menton fièrement levé, l’héritier espère obtenir d’elle une confirmation. Pansy lui est acquise et elle l’a toujours été. Pansy, elle, au moins, n’est pas morte ou dans les méandres de ses souvenirs disparus. Elle existe puisqu’elle se tient, droite et fière, devant lui. Maintenant qu’elle lui est apparu, comme une succube des flammes démoniaques de l’Enfer, Drago s’interroge vaguement sur l’existence réelle de cette fameuse Astoria. Peut-être n’est-ce qu’une foutue hallucination, peut-être qu’il n’y a toujours eu que Pansy. Elle est, d’un coup, ce qui le ramène à quelque chose de tangible. Elle est la preuve qu’il attendait depuis ces trois années passées sur cette île méprisable. Il ne la touche pas, mais ce n’est pas l’envie qui lui manque. Il ne fait que l’effleurer du bout de chacune de ses extrémités, mais l’envie de la ravager toute entière est de plus en plus vivace. Elle dévore sa raison comme si le son de son rire ou le parfum de sa peau soufflaient en lui comme sur des braises ardentes. Drago lutte désespérément pour ne pas se fondre en elle, faisant fi des convenances. « T’es réelle, Pansy. » souffle-t-il enfin, en échouant lamentablement dans ses tentatives de self-control. Elle, elle est réelle. Astoria ne l’est pas. Astoria n’existe pas. Pansy existe, elle a toujours existé. Cette confusion dans son esprit fait éclater toutes ses barrières mentales. Tout ce qu’il demande, c’est de se souvenir. Il veut se souvenir, et soudain, c’est alors comme si Pansy avait été une évidence. Toutes leurs rencontres dans les couloirs de Poudlard s’imposèrent à lui. Toutes leurs étreintes, leurs baisers et leurs caresses lui revinrent en mémoire comme si Poudlard remontait à hier. Ce qu’il réprime avec autant d’ardeur finit par lui exploser en pleine figure. Pansy est réelle. Il doit s’en assurer, à tout prix. Si elle est bien réelle, si ce n’est pas une hallucination, elle doit s’étrangler dans ses gémissements pour lui. Il désire tant, il a tant besoin d’être rassuré dans l’existence médiocre qu’il mène sur cette île. Pansy est comme une bouffée d’air iodé et pur, un éclat scintillant. Et presque machinalement, ses lèvres s’écrasent brutalement sur les siennes ; tandis que sa main libre, celle qui ne maintient pas son corps appuyé contre le sien, se perd dans les mèches soyeuses de ses cheveux bruns, en les étreignant avec force entre ses doigts.
Jamais tu ne lui répondis. Entretenir le silence était une tactique mesquine pour réveiller le démon en lui. En agrémentant ce mutisme de sourires narquois et de regards en coin las et détachés, tu voulais lui montrer que, pour une fois, tu étais celle qui dominait cette situation que tu avais provoquée. En revanche, cette assurance n’était que pure ostentation puisque, au fond de toi, tu te mourais dans un feu incontrôlé et incontrôlable. Tu laissais l’homme qui se tenait devant toi l’entretenir de diverses façons pour constamment éveiller cette folie amoureuse que tu avais alimentée à son égard depuis l’éternité. Il te confortait dans cet embrassement en s’amusant de ses doigts sur toi, touchant à peine ce corps qui le désirait à un point indescriptible après tant d’années où tu t’étais habituée, malgré toi, à son absence. Malgré tout ce contrôle que tu t’imposais, il y avait cependant certains soupirs que tu n’arrivais malheureusement pas à réprimer. Parce que Drago était électrisant, envoutant. Tu voulais lui arracher ce foutu sourire qui t’avait fait tant de fois sombrer dans ses méandres et pour lequel tu tombais encore. Dieu qu’il était énervant. Dieu qu’il te plaisait quand il se comportait de la sorte. Pour contre-attaquer lors de ce combat intérieur dont il ignorait probablement tout, tu ne lui offrais que mépris et condescendance. Bloquée entre lui et ce mur, tu refusais même de le toucher de crainte qu’il prenne cette conquête corporelle pour une reddition de ta part. Il n’obtiendrait rien de charnel pour le moment, si ce n’est des effleurements et une tension qui ne cessait de s’accroître entre vous à mesure que les secondes se délitaient dans le vide. Le seul traitre était ce cœur qui battait à tout rompre, forçant ta respiration à s’accélérer et devenir plus forte que jamais. Tes yeux le dévoraient aussi — il était comme un bon vin, s’affinant et s’embellissant avec l’âge. Drago était euphorisant, aphrodisiaque et comme il était bon et effrayant à la foi de retrouver ce sentiment d’emprise qu’il avait toujours eu naturellement, sans trop faire d’effort, sur ta petite personne. L’adolescente énamourachée remontait doucement à la surface, mais la femme rancunière que tu étais parvenait à la contrôler.
Pourtant, tu faiblissais à vitesse grand V. Tu le sentais malgré toi. Parce que Drago savait te ramener vers tes plus bas instincts, surtout lorsque cela le concernait. « T’es réelle, Pansy. » Soufflait-il presque douloureusement. L’ogive qu’il venait de balancer sans une once de pitié éclatait ton cœur en un milliard de morceaux tout aussi souffrants. Oui, tu étais réelle. Plus que jamais. Il n’avait pas idée de l’effet que sa présence avait sur toi. Près de ta source de lumière et de vie, tu avais renaquis. La simple inscription de son nom sur des papiers sans importances avait suffi à te faire renaitre de tes cendres dans lesquelles tu te morfondais depuis si longtemps. Seul Drago avait le pouvoir de te rendre réelle, de te doter d’une existence avec un but. Après son mariage avec Astoria, lorsqu’on t’avait arraché à sa vie, tu n’avais tout simplement plus été. On t’avait condamné à l’état d’âme errante qui se battait autant qu’elle le pouvait pour subsister sur cette terre sans l’autre moitié de son âme et voilà… Voilà que Drago venait de te redonner une légitimité dans ce monde en te gratifiant d’une existence propre par le simple fait de poser ses yeux sur toi. Tu es réelle… Tu en avais presque les larmes aux yeux. Tu voulais le couvrir de mots d’amour, le rassurer, mais le silence était encore une fois la seule chose que tu lui offris, drapée dans ta fierté éternelle. À peu de chose près, tu hoquetais ta joie, ta tristesse, ton trouble. Tu haïssais l’adolescente en toi qui reprenait le dessus. Tu tentais de la rejeter, mais Drago ne faisait que l’appeler inconsciemment au travers de son toucher, de son souffle si tentateur. Tu laissais tes sentiments te consumer, surtout lorsque ton amour de toujours détruisait la dernière barrière entre vous de la plus belle des façons.
Tes lèvres s’écrasaient avec une violence déconcertante contre les siennes. Ton corps s’entrechoquait également contre le sien sans aucune retenue. Tu manquais même à plusieurs reprises de t’étouffer, complètement enivrée par ce panache qu’il avait à nouveau insufflé en toi. Tu te nourrissais de ses lèvres, t’abreuvais avec gourmandise de ses baisers qui n’étancheraient jamais cette soif éternelle de lui que tu avais. Il y avait bien longtemps, depuis tes dix-sept ans pour être exact, que tu ne t’étais pas sentie aussi complète, aussi vivante. Enfin tu retrouvais cette étoile qui t’avait tant fui malgré elle. Enfin l’astre perdu que tu étais retrouvait son point d’ancrage dans l’univers. Il arrivait à tes soupirs enivrés et chauds de mourir dans un faible gémissement et sans honte dans le creux de ses lèvres. Tu le désirais plus que tout depuis qu’il avait réveillé la vile pécheresse en toi. Tes mains n’étaient pas en reste non plus en prenait à l’assaut sa nuque dans laquelle tes ongles parfaitement manucurés s’enfonçaient. C’était plus fort que toi, il fallait que tu laisses à tout prix une marque de ton passage, de cette reconquête sur ce corps qui fut toujours tien en dépit de ce mariage frauduleux avec cette autre sang-pure qui ne méritait point de partager le lit de ton roi. L’une de tes mains remontait dans ses cheveux blonds que tu empoignais férocement pour le maintenir constamment contre toi durant ce baiser qui se voulait passionné, langoureux et plus que tout luxurieux. L’une de tes jambes avait même pris la liberté de remonter le long de la sienne pour se caler contre sa hanche pour le ramener à toi, signe manifeste que tu n’allais pas te contenter d’un baiser avec lui.
Toutefois, tu ne comptais pas lui simplifier la tâche pour autant en lui offrant ce privilège immédiatement. Malgré toi, tu ne pouvais pas t’empêcher de nourrir une certaine rancœur et aigreur à son égard : tu n’oubliais pas qu’il avait choisi la pathétique Astoria plutôt que toi en guise de partenaire de vie. L’existence de Scorpius était, à tes yeux, tout simplement une insulte à votre histoire, à ce que vous aviez vécu, construit et tout ce que vous auriez pu bâtir encore si le destin ne s’en était pas mêlé. Alors, sans crier gare, tu le repoussais de toutes tes forces, avec brutalité d’ailleurs. Essoufflée, tu t’échappais de lui, filant vers son bureau — tu voulais le fuir, mais pas trop. Tes yeux perçants se voilaient de noir, s’embrumant de colère et de rage fulminante dès qu’ils rencontraient Drago. Pourtant, jamais tu ne succombais pleinement à tes démons, restant dans cette froideur d’émotion qui te rendait plus que tout dangereuse. À ton tour de le torpiller sans aucune pitié. « Dis-moi, Drago. Où est ta chère épouse ? » La question était légitime puisque tu avais constaté depuis ton arrivée dans ce monde mystérieux que les morts pouvaient revenir à la vie. « Si tu as faim, c’est avec elle que tu dois te perdre. Tu sais parfaitement bien que je ne me contente pas des miettes. Surtout des siennes. » Tout ton mépris à l’égard d’Astoria était palpable à la façon dont tu modulais le son de ta voix à la fin de ta phrase. Pendant que tu parlais, tu fis le tour de son bureau d’un pas las et nonchalant, faisant claquer régulièrement tes talons incisifs contre le parquet de la pièce. Tu caressais le bois du meuble du bout de tes doigts, te contentant de l’effleurer comme tu aurais pu le faire sur la peau de ton amant. Mais il ne le méritait pas. Pour preuve, ces regards assassins, mais néanmoins enivrés de lui que tu lui lançais jusqu’à ce que tu eusses l’audace de t’asseoir sur son bureau. « Tu m’as laissé tomber comme une moins que rien après la guerre et tu crois que je vais te laisser me sauter comme ça, en un claquement de doigts ? » Tu joins le geste à la parole avant d’emplir l’air de ton rire insupportablement arrogant, mais tout autant séduisant. « Tu es si amusant Drago… Si amusant. » Et toujours avec cette même langueur, l’ignorant volontairement en regardant ailleurs, tu glissais ta main dans tes cheveux bruns pour les repousser en arrière, sans perdre cette note de mépris sur ton visage. Et l’air de rien, parce que tu adorais être dans l’outrance et la provocation avec lui, tu profitais de ta position sur son bureau pour écarter subtilement, mais avec appétit ses cuisses que tu ne voulais décidément pas garder fermées malgré ce que tu en disais.
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Never tear us apart ((Drago x Pansy))
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