Il ne restait pas grand-chose du Scorpius que Sissi avait toujours connu. Au départ, malgré les difficultés qu’il traversait, il avait toujours été un garçon jovial, positif et optimiste, toujours là pour aider les autres et sérieux dans ses études. Bon, il lui arrivait aussi d’être mesquin et arrogant quand il se moquait des autres avec son amie, mais l’adolescent restait foncièrement quelqu’un de sympathique. Mais depuis quelques semaines, une tout autre personne semblait l’habiter. Il avait appris par l’intermédiaire de son petit ami, qui faisait partie du nouvel Ordre du Phoenix, qu’un de leur vieil ennemi (Lord Voldemort) était de retour. Cette nouvelle avait plongé le jeune Scopius dans une panique soudaine. Il ne voulait pas vivre dans un monde sous l’égide de ce terrible sorcier dont le seul but était de mettre le monde à feu et à sang et établir une dictature où seuls les sorciers et sorcières de sang pur auraient droit de cité (une ironie folle quand on sait que le dénommé Voldemort est lui-même un sang-mêlé, mais ça, un cercle très restreint de personnes le sait). Scorpius était aussi terriblement apeuré à l’idée que la rumeur à son sujet soit vraie avec la présence du mage noir ici — que sa paternité soit confirmée. Scorpius avait beau être à cent pour cent persuadé d’être le fils de Drago Malefoy (parce qu’il avait exactement la même tête que lui), il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir ce doute nauséabond qui courrait dans son esprit. Ces deux points paraissaient cependant être des détails dans ce monticule d’angoisse parce que deux autres étaient bien plus perturbantes pour le jeune homme : il était d’une part terrorisée que Lord Voldemort s’en prenne à Albus, fils de son pire ennemi (après Dumbledore) en guise de vengeance. Après tout, sa chute est due en grande partie à Harry Potter, le Survivant. Et d’autre part, il craignait que Vous-Savez-Qui retrouve son père, lui et le reste de sa famille pour les torturer et les tuer par vengeance. Les Malefoys ne sont que synonymes d’échec et de traitrise, incarnée en majorité par Drago. Scorpius s’en fichait pas mal de son propre sort. Pur de cœur, il voulait simplement que les êtres qu’il aimait le plus sur cette planète soient en sécurité.
Cette panique le poussait donc à faire absolument n’importe quoi. Il avait décidé de céder au chant des sirènes de l’affreux Grindenwald alors que l’avenir qu’il promettait était tout aussi funeste que celui brandit par Voldemort. Scorpius sentait que sa place n’était pas ici, et pourtant il avait préféré ses rangs à ceux de Dumbledore, persuadé que seule la magie noire pourrait définitivement éradiquer le Seigneur des Ténèbres. Bouffé par le stress, il devenait mutique, s’isolait ou se noyait dans ses pensées mortifères qui le rendaient très agressif et acariâtre avec ses amis, même les plus proches, comme Sissi ou Aelita par exemple. Il finissait par sécher beaucoup de cours, pas pour se la couler douce, mais pour filer à Poudlard et tenter de rattraper les quatre années qui lui manquaient pour avoir un niveau en magie digne de ce nom, sinon il ferait un piètre combattant face à Voldemort et sa nouvelle armée. Son sommeil devint alors chaotique : il rattrapait le retard qu’il prenait dans ses cours moldus la nuit. Mais ça, c’était quand il était un tant soit peu assidu. Sinon il était possédé par un tout autre démon : celui de la fête, de la tourmente de l’alcool saupoudré d’un peu de drogue. Il savait que cette échappatoire extrême était mauvaise et qu’elle mettait dans un sale état, jouant gravement sur son humeur (la preuve en est qu’il s’était écharpé avec son père, une nuit, quand ce dernier était venu le chercher par la peau des fesses), mais ce fut la seule solution qu’il avait trouvée pour palier à ses problèmes et les oublier le temps de quelques heures. Scorpius voulait s’échapper de sa condition, redevenir cet adolescent normal, enviant presque la vie insouciante de ses camarades moldus. Parfois, il rêvait d’être à leur place.
C’était d’ailleurs le lendemain de son altercation avec son père que Scorpius revint en cours, pas très frais, après des semaines de désertion sporadique. Il n’avait pas dormi, décuvait et avait eu la prétention de se ramener avec des lunettes de soleil parce que la lumière aveuglait ses pauvres yeux fatigués. Il avait un mal de crâne du tonnerre, était ronchon et ignorait tant bien que mal les regards intrigués de certains élèves. Il allait tout de suite se réfugier auprès des casiers dès qu’il avait vu Sissi, sa grande amie, occupée dans le sien. Après plusieurs jours d’absence, il ne prit même pas la peine de lui dire bonjour ou de s’expliquer correctement. Il s’était contenté de s’appuyer contre les casiers et de lui dire avec une certaine nonchalance. « Désolé. J’ai pas vu tes messages. Mon père m’a pris mon portable. » Et en plus, il mentait mal. Si Drago lui avait réellement pris son portable, jamais il n’aurait su qu’Aelita et elle lui avaient envoyé des messages et surtout, il ne se serait pas disputé avec Albus par ce biais. Scorpius ne s’attardait pas pour autant sur le sujet. Il n’y tenait pas. « J’ai manqué beaucoup de trucs ? » Le manque de sommeil le poussait à être sec, assez infect et son impolitesse se ressentait cruellement dans son ton de voix. Il semblerait que Scorpius avait quand même hérité de quelques trucs mauvais de son père.
because of you, i laugh a little harder, cry a little less, and smile a lot more
Sissi avait changé. Il lui avait fallu du temps, elle avait fait des erreurs en chemin, mais maintenant elle essayait réellement de faire mieux. D'être plus agréable, de ne pas faire sa peste tout les jours. Il avait fallu passer outre une sacrée période pour qu'elle obtienne gain de cause. La jeune femme avait passé un début de scolarité dans ce monde compliqué. Heureusement, elle avait eu de l'aide. Sauf qu'elle ne savait pas ce que c'était que d'obtenir de l'aide, que d'être le centre de l'attention d'une personne. Alors forcément ça avait monté rapidement dans sa petite tête, avant qu'elle comprenne qu'Anakin n'était pas un Ulrich 2.0, il était juste un très bon ami. Un soulagement énorme pour la brune, elle avait un ami, son véritable premier ami. Bon et puis après elle avait eu un petit-ami, et là fallait l'avouer, elle avait fait une énorme connerie. Elle avait pris peur, réalisant qu'il pourrait la rejeter comme Ulrich l'avait fait tant de fois, alors plutôt que d'avoir son cœur brisé, elle avait préférer briser le sien. Pas cool. Mais c'était son instinct de préservation. Et puis elle avait rencontré Scorpius. Un véritable rayon de soleil pour la brunette. Une bouffée d'air frais. Les deux s'étaient rapprochés rapidement.
Il comptait énormément pour la brunette. Alors lorsqu'elle pris conscience que quelque chose n'allait pas, elle s'inquiéta. Une première pour elle. Elle avait été témoin de ce genre de comportement, le sien. Elle savait qu'il était entrain de se refermer mais elle n'avait aucun moyen de l'atteindre. Elle avait beau avoir changé, elle restait Sissi, une humaine ne rivalisant clairement pas contre un sorcier. Et puis elle le vit de moins en moins, celui-ci séchant une partie des cours qu'ils avaient en commun. Chaque jour, elle lui envoyait des messages, essayant de lui apporter son aide, sur un problème qu'elle ne connaissait même pas. Son cœur se serrait à la simple pensée de son meilleur ami dans un mauvais état. Elle imaginait littéralement tout les scénarios possibles et imaginables. Du fait qu'il s'était barré avec un amant jusqu'au fait qu'il était mort et que personne ne l'avait prévenu. Très sincèrement, elle paniquait de dingue. Alors lorsqu'elle le vit se poser près d'elle, un soupir de soulagement lui échappa malgré elle. Et puis elle fronça les sourcils en voyant la dégaine de son ami, mais surtout la façon dont il lui parlait. Avec un sourire digne de ses années collège, complètement faux, elle se tourna totalement vers le blondinet. « Bonjour à toi aussi oh soleil de mes journées !» Le sarcasme dégoulinait de ses paroles alors qu'elle redonnait son attention à son casier dans lequel elle rangeait ses bouquins pour la fin de la journée. Elle haussa les sourcils à l'entente de la demande de son ami. Un ricanement franchit ses lèvres tandis qu'elle le foudroyait du regard. « Sérieusement Scorp, tu te pointes comme ça et c'est comme ça que tu me traites ?!»
Elle n'en croyait pas ses oreilles. Elle leva les yeux au ciel. « Si tu veux des informations il va falloir que tu demandes à quelqu'un d'autre. Je suis pas ton bouche trou. Je suis pas là quand tu décides que ah oui j'existe et je pourrais être utile.» Elle fulminait de rage. Elle referma violemment la porte de son casier, réajustant son sac sur son épaule avant de regarder Scorpius à nouveau. « Tu sais très bien ce que j'ai vécu dans le passé. C'est bas de me le refaire vivre.»