(Terminé) Une violette pour une autre || Dash [FB]

J'ai tourné et retourné la question dans tous les sens, mais je dois me faire une raison, j'en ai peur : je suis arrivée à bout. A bout de tout ce que mon esprit pourtant ingénieux est capable d'envisager. J'ai tourné et retourné l'affaire dans tous les sens, elle n'est pas devenue plus claire pour autant. Mes stratégies se font de moins en moins élaborées à mesure que l'espoir s'essoufle. Je sais, on me l'a dit et répété, je ne dois pas abandonner. Je le sais, certains ont mis des mois, des années, à retrouver mes proches... Alors baisser les bras reviendrait à les laisser tomber... Mais difficile de rester positif quand de recherches en recherches, rien n'a abouti.

Klaus, Prunille et Béatrice me manquent. Mes parents me manquent. Tout me manque. J'en viendrais presque à espérer retrouver le comte Olaf dans un de ses sempiternels déguisements, seulement parce qu'en le retrouvant, je parviendrais peut-être à remonter la piste qui me conduirait à ma famille. Mais rien... Je suis seule... Je dois avancer seule... du mieux que je le peux.

Heureusement, dans mon malheur, il n'y a pas que du mauvais dans cette malheureuse successions de déplorables aventures qui n'ont de cesse que de jalonner mon chemin. J'aime mes études, l'ambiance à l'université, mes quelques amis, et je parviens à trouver des repères solides qui pourraient presque me rendre ce monde agréable si je n'étais pas si inquiète pour ma fratrie. Comment vont-ils ? Sont-ils en sécurité ? On me dira peut-être qu'il ne sert à rien d'envisager le pire, mais croyez bien que quand on a connu les désagréments que j'ai vécus, que nous avons vécu, on apprend à présumer le pire, pas par goût du pessimisme mais pour savoir pallier à des contrariétés qui pourraient éventuellement nous coûter cher.

Comme bien souvent, c'est vers eux que mes pensées s'égarent tandis que je reviens de la bibliothèque universitaire et traverse le campus. Il y a là multitude de livres que Klaus aurait pris plaisir à dévorer au sens figuré (et Prunille à dévorer au sens propre). J'en emprunte souvent plus que je peux en lire, comme dans l'espoir que leur compagnie me rendra partiellement celle de mon frère... mais bien sûr, rien ne se passe. Dans un soupir, je rejette cette pensée et poursuit ma traversée du campus universitaire, jusqu'à ce qu'une voix masculine m'interpelle. Enfin... je crois ? Perdue dans mes pensées, je n'en suis pas tout à fait sûre mais... j'ai bien entendu le nom de Violette, j'en suis quasiment certaine. Je me retourne et tombe nez à nez avec un jeune homme que je ne reconnais pas.

❝Tu m'as appelée ?❞ je demande, incertaine, tout en me demandant si je devrais ou non le reconnaître.

Je vois immédiatement dans son regard que ce garçon, qui qu’il soit, et déçu… ou ne s’attendait pas à me voir moi au moment de m’interpeler. J’affiche une mine légèrement surprise au moment de l’entendre affirmer que je ne suis pas Violette… Aux dernières nouvelles, c’est bien mon nom, pourtant. Je veux dire quelque chose mais rien ne me vient, et le pire, c’est que je crois que mon interlocuteur est aussi décontenancé que moi. Il n’a pas voulu me mettre dans une situation embarrassante, mais il y a quelque chose qui m’échappe encore, en fin de compte.

Il m’explique alors les raisons de sa confusion. De dos, je lui ai fait penser à une autre Violette. Sauf que ce n’est pas moi. Immédiatement, un sourire triste étire mes lèvres, parce que réaliser que je ne suis pas sa sœur a dû être pour lui un ascenseur émotionnel que je ne peux que comprendre. De mon côté, ce genre de situations m’est arrivé aussi… sans avoir besoin que le nom de Klaus soit prononcé. J’ai eu tendance à vouloir retrouver sa silhouette dans tous les bruns à lunettes qui croisaient ma route, même s’ils ne lui ressemblaient que de très loin. Il me manque à ce point-là, c’est aussi simple et douloureux que cela, en fin de compte. Certes, il n’a pas dit qu’il n’avait pas retrouvé sa sœur, mais quelque chose dans l’expression de son visage, dans son attitude et le ton de sa voix, te laisse à penser que tu vois malheureusement juste.

❝Je suis désolée.❞

Je ne peux m’empêcher de m’excuser. Certes, je n’y suis pour rien, mais ça n’empêche pas. Je ne voulais pas causer de problèmes, mais j’ai souvent tendance à en provoquer presque malgré moi. J’aurais aimé être la Violette qu’il recherche. Tout comme il tente de retrouver sa sœur, je cherche à retrouver les miennes. Et mon frère. Sans succès.

❝Je m’appelle Violette – enfin, tu le sais déjà, du coup.❞ J’esquisse un fin sourire, comme pour éluder ma maladresse du mieux que je le peux. ❝Violette Baudelaire.❞ Elle marqua une pause. ❝J’espère que tu retrouveras ta sœur rapidement… Je sais combien c’est difficile, d’être loin de sa famille.❞

Je ne devrais sans doute pas me confier ainsi à ce garçon dont je sais trop peu de choses, mais en lui faisant comprendre que je n’ai rien à lui reprocher et que je peux me mettre à sa place, j’ai bon espoir de dissiper un peu de son embarras.

❝Enchantée, Dash❞, je réponds, peut-être trop poliment, quand Dashiell se présente en retour.

Dashiell, ce n'est pas un nom courant, ou en tout cas, pas courant d'où je viens, j'envisage de lui en faire la remarque, mais je m'en abstiens de crainte qu'il ne trouve cette remarque blessante, alors que le vexer serait bien la dernière de mes intentions, surtout que je me rends bien compte que même s'il est remis de sa surprise, ça a dû être un ascenseur émotionnel pour lui que de croire se retrouver en présence de sa soeur pour finalement réaliser qu'il ne s'agit pas d'elle : je ne veux surtout pas heurter ses sentiments plus que ça. Le civisme est la politesse sont le maigre héritage que j'ai encore pu conserver de mes parents quand j'ai été privée de tout le reste : je n'ai définitivement pas l'intention d'y renoncer si facilement.

❝J'ai un frère un peu plus jeune que moi, Klaus. Et deux soeurs, Prunille et Béatrice, mais elle sont encore toutes petites...❞ Je baisse les yeux, songeant à cette famille que j'avais réussi à reconstruire en dépit des intempéries, comment nous avions pris la petite Béatrice sous notre aile... Je songe aussi à Quigley, à tous ceux que nous avons perdus en chemin... ❝Je ne sais pas où ils sont... S'ils sont ici, j'espère qu'ils sont ensemble, au moins.❞ Je marque une légère pause. ❝Mes parents sont morts... ça fait longtemps, ne t'en fais pas❞, je me rattrape aussitôt pour qu'il ne culpabilise pas d'avoir posé la question.

Cela fait longtemps, et en même temps j'ai l'impression que c'était hier que Poe l'austère (et stupide, n'ayons pas peur des mots) banquier venait nous annoncer sans y mettre les formes à Klaus, Prunille et moi-même que nos parents avaient péri dans un incendie. Un léger frisson me traverse à cette pensée, mais je chasse ces nuages au profit d'un sourire que j'adresse à Dash quand il me propose d'aller boire une boisson chaude.

❝Tu n'as rien à te faire pardonner du tout, mais avec plaisir❞, je réponds avant de le laisser engager la marche vers l'endroit le plus proche où nous serons en mesure de boire un bon chocolat. ❝Et toi, ta famille ?❞

Comme parler de la mienne revient à s'aventurer sur un terrain peu heureux, il en est peut-être de même pour Dash. Je sais déjà qu'il a une soeur, et qu'il ne sait pas où elle est... Peut-être y a-t-il d'autres membres de sa famille présents ici ? Je lui souhaite de tout coeur d'avoir ses parents auprès de lui. Je ne jalouse jamais le bonheur des autres, il me rappelle qu'il est accessible, et ça me rassure, en général.

J'esquisse un fin sourire et prie de tout coeur pour que Dash ait bel et bien raison. Si je dois m'en sortir par mes propres moyens en attendant de les retrouver, je serais déjà rassurée si je pouvais avoir la certitude que Klaus, Prunille et Béatrice sont ensemble et sont là pour veiller les uns sur les autres. En tant qu'aînée de la fratrie, j'ai le sentiment de manquer à un devoir personnel en n'étant pas là pour eux, mais malheureusement, il n'y a rien que je puisse vraiment y faire pour le moment, si ce n'est espérer que mes recherches finiront par me mener à eux, ou réciproquement, car je suis sûre qu'eux aussi me recherchent. En attendant, je m'accroche... Trois ans sans eux, c'est long. Béatrice doit tenir sur ses deux jambes maintenant, et que dire de Prunille, elle doit avoir tellement grandi... J'espère qu'ils ont trouvé un foyer humain et n'ont pas, tout comme moi, subi la compagnie successive de foyers désastreux qui devaient nécessairement me rappeler le... bon vieux temps.

Je me laisse entraîner dans cette pâtisserie, Anavrin. Je ne connais pas, mais je décide de me fier dans le jugement de mon interlocuteur. Son caractère amène et sympathique me fait penser à Quigley, je sens que je peux lui faire confiance. Je le laisse donc mener la marche et je l'écoute me parler de sa famille. Lui aussi est seul. J'affiche une mine contrite en l'apprenant.

❝Miss Peregrine ? Qui est-ce ?❞

Je l'ignore encore, mais cette femme me tendra la main bientôt, et me permettra de reprendre confiance dans ces figures parentales que j'ai toutes perdues quand elle ne m'ont pas fait du mal ou déçues, même si, par conséquent, j'aurais aussi constamment peur pour elle.

❝C'est important de savoir avoir des repères solides❞, je confirme doucement quand il me parle des amis qu'il s'est faits et de l'équilibre qu'il s'est trouvé... Je suis moi-même trop affectée par ma propre expérience, je crois, pour réussir à m'ouvrir de ce point de vue-là.

Nous arrivons à l'intérieur de l'Anavrin et nous trouvons une table, une fois installés, Dash propose de m'inviter. Je réponds à cette invitation avec un fin sourire.

❝Je vais prendre un chocolat chaud, dans ce cas. Et encore merci.❞

Puis je me reconcentre sur lui... je me rends compte que d'office, nous n'avons pas abordé les sujets les plus joyeux qui soient, tous les deux, mais il est encore temps de se rattraper.

❝Alors Dash, qu'est-ce que tu fais dans la vie ? T'étudies quoi ?❞

Une mère de substitution... Si quelqu'un peut comprendre ce désir sincère et continu de trouver dans certains adultes des figures parentales de compensation, c'est définitivement moi, mais une telle aspiration a été si dangereuse pour tous ceux qui se sont attachés à nous, d'une manière ou d'une autre, que j'ai préféré, autant que je le pouvais, essayé de me tenir à distance de n'importe quel adulte susceptible de m'apporter l'affection et l'attention que mes parents ne pourront plus jamais m'offrir. Ces parents de substitution que j'ai tous vus disparaître dans des circonstances absolument atroces, par la faute du comte Olaf et de ses sbires, mais à d'autres moments - ne puis-je m'empêcher de le penser - par la mienne ont fait que j'essaie de m'absoudre de tels liens. Mais ces liens me manquent. Et quelque part, j'envie Dash de s'être trouvé une telle figure maternelle compensatoire, sans savoir que moi-même je finirais par rencontrer Miss Peregrine, et tiendrait à mon tour un discours similaire à celui qu'il m'adresse, reprenant doucement confiance dans la possibilité de pouvoir être un tant soit peu heureuse.

❝Je te crois sans mal. Peut-être que je la rencontrerais un jour ? J'ai remarqué que ce monde pouvait être très grand et très petit en même temps, quand il s'agit de rencontrer certaines personnes.❞

Et Dash, qui lui aussi est à la recherche de sa fratrie, a forcément conscience de cela, je sais bien que je ne lui apprends rien, mais c'est un constat que je me fais régulièrement, plus encore quand il est question de Klaus, Prunille et Béatrice.

Installés autour d'une table agréable et confortable, nous apprenons à mieux nous connaître, je suis curieuse de son parcours, et m'y intéresser me semble revenir à m'engager sur un terrain bien moins glissant plutôt que de m'intéresser à sa vie plus avant.

Il fait donc des études de sport. Cette idée me fascine, je n'avais jamais trop envisagé ce genre de voie, mais d'un autre côté, j'ai toujours été plus cérébrale que physique, même si j'ai de l'endurance, il en fallait pour escalader des cascades gelées, traverser des mères agitées et trimer à courir des nuits entières dans cette institution de malheur où il n'était pas question pour nous de fermer l'oeil de la nuit. J'ai donc affaire à un sportif. Cette pensée me le rend immédiatement très sympathique.

❝C'est une qualité, d'être hyperactif. Mieux vaut avoir de l'énergie à revendre que l'inverse, pas vrai ?❞ J'affiche un sourire. ❝Moi j'étudie la physique, mais comme toi, je ne sais pas encore vraiment ce que je veux faire. Mon truc, c'est d'inventer des choses, je fais ça depuis que je suis petite. La mécanique, la réparation, ça me plaît beaucoup. Si un jour t'as une idée de machine à fabriquer sans savoir comment faire, ou encore si tu as quelque chose à réparer, tu pourras me faire signe.❞

J'admets combien il peut être présomptueux de présenter les choses ainsi mais il n'y a pas de mal à être fier de ses atouts, après tout.

C'est vrai que quand on y pense, il n'y a rien de franchement logique au fait que nous ne nous rencontrions que maintenant alors que nous devons fréquenter les mêmes endroits tous les jours. Je ne serais pas franchement surprise, d'ailleurs, qu'en définitive, maintenant que nous avons fait connaissance, Dashiell et moi nous croisions constamment. Allez savoir à quoi cela est dû et quelles conclusions en tirer exactement. Je su
ppose que nous ne le saurons jamais précisément... mais cela peut être déconcertant et nous redonner espoir dans le même temps. Espérons que ce ne soit pas en vain. Mais je continue de vouloir y croire. Dashiell retrouvera sa Violet. Et moi, je retrouverai Klaus. Et Prunille. Et Béatrice.

❝Un petit génie, n'exagérons pas❞, je fais humblement avec un léger sourire. Mais au fond, est-ce que je suis si humble que cela ? J'ai conscience d'avoir un talent, et je le mets à profit. On a tous un talent, et il faut bien évidemment savoir le cultiver. ❝Mais je me débrouille pas mal, c'est vrai.❞

Je me débrouille mieux que bien, en réalité, mais mes parents m'ont toujours appris à me vanter le moins possible. Dans le cas contraire, on m'attaquera sur mes points faibles. Quoi qu'il en soit, ce don est tout ce que je possède, et c'est absolument tout ce que j'ai à l'heure actuelle.

❝T'as un solide appétit, toi, dis donc❞, je remarque avec un sourire amusé en voyant la manière dont Dashiell engouffre son cookie. ❝Tu t'entendrais bien avec Prunille, ma petite soeur. C'est une mordeuse❞, je ris en sachant qu'il ne comprendra peut-être pas tout. En même temps, Prunille est une enfant pour le moins... particulier. ❝Ben... la mécanique, les inventions, c'est ça, ma passion❞, je fais avec un sourire amusé. ❝J'aime bien lire, aussi.❞ Mais clairement pas autant que Klaus, qui lui est un vrai rat de bibliothèque. ❝J'aime le cinéma, aussi, on y allait souvent, avec mes parents.❞ Je songe au dernier film que j'ai vu, pas vraiment un film, un métrage cryptique au sens premier, aux côtés d'oncle Monty... Ah, Monty... si seulement cet endroit pouvait le ramener à la vie. ❝J'aime la plage, aussi. Par contre le sport, je dois t'avouer, j'en fais pas beaucoup, même si je suis pas mauvaise en alpinisme... Mais c'est pas comme s'il y avait beaucoup de montagnes où se faire les crampons, ici.❞ Je l'observe. ❝C'est quoi tes sports de prédilection, à toi ?❞

J'affiche un sourire amusé quand Dash affirme qu'il comptera sur moi s'il doit avoir besoin d'aide intellectuelle. La manière qu'il a de présenter les choses m'amuse beaucoup, même si elle n'est pas tout à fait vrai. Si vraiment, Dash voulait ce genre d'aide, Klaus lui serait certainement d'une utilité bien plus grande, lui et sa connaissance encyclopédique liée à tous les livres qu'il a lus au cours de son existence. Mais Klaus n'est pas là, et je dois cesser de me lamenter à chaque prétexte qu'il m'est donné de penser à lui.

J'affiche un sourire quand Dash justifie son solide appétit par tous les efforts qu'il fournit en temps normal, lui et son énergie débordante. ça ressemblerait presque à une excuse, mais je le crois sans problème, cela dit. J'affiche un fin sourire quand il affirme qu'il apprécierait de rencontrer ma mordeuse de soeur. Je songe que cela a peu de chances d'arriver, mais je décide de garder cette pensée pour moi malgré tout.

❝Emily Dickinson est une très bonne autrice, tu as de bons goûts. Je n'y connais pas grand-chose en mangas, pas contre, mais tu sais, il n'y a pas de sous-littérature. J'aime bien la bande dessinée aussi, d'ailleurs.❞ Je marque une pause. ❝La prochaine fois que j'irai au cinéma, je te ferai signe, ça m'évitera d'y aller toute seule, pour une fois❞, j'ajoute avec un sourire en coin.

Au final, je ne le connais pas ou très peu, c'est une étrange idée que de suggérer d'aller au cinéma avec lui. Mais il m'est sympathique, et je n'ai pas tant d'amis que cela... Alors pourquoi ne pas me saisir des amitiés que le parviens à le créer.

❝Le truc avec l'alpinisme, c'est de ne surtout pas regarder en bas❞, je fais en souriant. ❝Mais oui, peut-être que je n'ai pas cherché aux bons endroits. Cette ville est tellement étrange ! Je suppose que l'on peut finir par tout trouver si l'on cherche bien, mais c'est toujours plus facile à dire qu'à faire.❞

J'en sais quelque chose, car je n'ai de cesse que d'explorer cette ville dans l'espoir de trouver quelque chose, mais même comme cela, je découvre toujours de nouvelles choses. C'est stimulant, par certains aspects... mais angoissant par de nombreux autres.

   

J'affiche un sourire amusé, prenant davantage la remarque de Dash comme une boutade que comme un signe de prétention quand ce dernier affirme qu'on lui dit souvent qu'il a bon goût. Une chose est certaine en tout cas, c'est qu'il ne manque pas de confiance en lui, et j'estime pour ma part que c'est une excellente chose. La confiance, je l'ai gagnée et conservée à force de devoir y compter pour ni plus ni moins que survivre. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est la clé de tout, mais en tout cas, c'est quelque chose d'important, et je suis d'avis qu'il ne faut surtout pas transiger là-dessus, sous vraiment aucun prétexte.

Plus je parle avec lui, plus je pense me faire une bonne idée d'à qui j'ai affaire. D'expérience, je sais que les apparences peuvent être trompeuses, mais l'expérience m'a aussi appris à voir au-delà de ces mêmes apparences, et à passer du temps avec Dashiell, je me dis que j'ai affaire à un garçon simple, sympathique, sans prise de tête, et c'est vraiment agréable que de pouvoir bavarder avec lui sans se poser plus de questions... Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autorisée à juste bavarder avec quelqu'un, éventuellement à me faire un nouvel ami. Les personnes auxquelles je m'attache ont par trop souvent tendance à disparaître, mais pour Dash, je ne m'en fais pas, étrangement, il me met à l'aise, et c'est tout simple de papoter avec lui.

❝Tu sais, il y a des histoires que j'ai trouvées bien meilleures en film qu'en livre, comme quoi.❞

Je songe avec amusement que Klaus désapprouverait certainement un tel discours de ma part, lui qui n'a toujours juré que par sa multitude de bouquins. Dans tous les cas, tromper ma solitude avec la perspective d'un ciné en bonne compagnie, je reconnais que ça ne me déplaît pas, et surtout, ça me changera à coup sûr agréablement.

❝Tu veilles au grain, rien que ça ?❞ je fais avec amusement. ❝Tu fais comme ces justiciers avec des superpouvoirs qu'on voit aux infos, c'est ça ?❞ je suggère avec un léger rire sans réaliser du tout que je ne suis vraiment pas loin de la vérité, au final. ❝Je ne te trouve pas chiant du tout. Et j'ai rien de prévu. Pourquoi ? T'avais quelque chose en tête ?❞
   

Peut-être qu'au final, je n'ai de commun avec Violet que le nom et quelques traits communs, car visiblement, la soeur de Dash aurait protesté à l'idée que l'on puisse préférer une adaptation à l'oeuvre originale. Peut-être qu'à ce titre, elle ressemble davantage à Klaus. Va savoir. J'espère qu'un jour, les deux auront l'occasion d'en discuter si cela doit signifier que j'aurais retrouvé mon frère (et mes soeurs) et que Dash aura retrouvé sa soeur (et son frère). Enfin, autant ne pas revenir aux sujets qui fâchent. Ceux que l'on aime et que l'on recherche nous reviendront, je l'espère, tôt ou tard. En attendant, nous faisons pouvons bien décider de nous changer les idées pour notre part, n'est-ce pas ?

J'ai envie de poser plus de questions quand j'entends Dash me parler de façon assez laconique de sa manière de jouer les justiciers, comme ces héros que l'on voit à la télé, mais j'ai peur de me montrer trop insistante, et je ne suis pas sûre d'obtenir une réponse pour autant, alors à la place, je décide de garder cette information de côté. Peut-être que je la lui ressortirai, en temps et en heure, à un moment ou à un autre. Certains moments sont adéquats pour cela, d'autres moins. Là, après tout, et même si Dash m'est d'office sympathique, je dois bien reconnaître que je le connais à peine. J'ai encore plein de chose à apprendre sur lui, et en ce qui me concerne, là, tout de suite, j'ai surtout envie de m'amuser sans me poser davantage de questions.

❝Je pense pas qu'une montagne va surgir du néant pour satisfaire à nos besoins, cela dit, on pourrait viser une salle d'escalade, si t'es partant ?❞ je suggère avec un sourire tandis que j'en découvre un peu plus sur le caractère de mon interlocuteur. Le genre à directement vouloir respecter les idées qu'il lance sans les laisser mûrir mais surtout sans leur donner l'occasion de se laisser oublier. Je dois reconnaître que j'apprécie ça. Dans certaines questions, il ne sert à rien de se poser un milliard de questions, il faut juste se lancer dans la mêlée et voir ce que ça donne, c'est tout. Je tire mon téléphone de ma poche et fait mes rechercher. ❝Apparemment, il y en a une du côté de Raccoon Square.❞ Je lève les yeux vers Dash. ❝Vous aviez ça, d'où tu viens ? Les smartphones ? C'est incroyable comme invention.❞