Une couleur criarde colorait le coin de sa vue. Plongé dans l’écriture d’un chapitre important de sa thèse, Tom tentait d’éluder cet élément perturbateur. Mais, il avait beau écrire, penser à autre chose, la distraction ne daignait pas disparaître. Il exprimait son agacement en claquant sa langue contre son palais alors qu’il tournait sa tête vers l’objet de son obsession : des tracts politiques. C’est vrai que les Moldus avaient organisé cette chose — une futilité qui lui était totalement sortie de la tête. En clair, il avait été détourné de sa thèse pour des broutilles. De quoi exacerber son irritation. Il rejetait immédiatement la faute sur Jo, chez laquelle il logeait en attendant de mettre la main sur son horcruxe que Regulus Black lui avait chapardé et qui était absente aujourd’hui. Il estimait qu’elle était bien trop désordonnée contrairement à lui qui avait un sens unique (pour ne pas dire psychorigide) de la maniaquerie. Vivement qu’il s’en aille d’ici parce qu’il ne supportait plus cette moldue et il savait que l’envie de l’assassiner pouvait surgir à tout moment, d’autant plus qu’il en avait déjà tué pour moins que cela. Espérons pour Jo March que l’agacement de Tom Jedusor se soit dissipé quand elle reviendrait. Il valait mieux que ce soit le cas pour elle, en tout cas.
Puisque sa concentration s’était évaporée dans le néant et qu’il était incapable de fouiller dans ses propres ténèbres pour la retrouver, il abandonnait son stylo et attrapait sa baguette magique qu’il ne sortait jamais en présence de son hôte. Accio. Les papiers quittaient la surface plane de la table pour virevolter jusqu’à lui. Le vert typique du parti écologiste lui écorchait la rétine. Voilà donc le trouble fait ! Tom n’en fit pas cas et lui offrir le feu. Incendio. Après avoir considéré brièvement le second tract d’un parti de gauche quelconque, celui-ci trouva le même sort que son prédécesseur après que le sorcier avait jugé les idées prônées stupides. Incendio. Les partis de droite n’avaient guère plus de chance. Incendio. Il poussait un soupir, plutôt condescendant, en observant le petit tas de cendre à ses côtés. Pas étonnant que le monde moldu soit aussi chaotique avec des idées politiques pareilles : faiblardes, enfantines, superficielles et manquant cruellement d’ambition. Et dire que certains de ces esprits simplets osaient se prétendre sorciers… Tom se demandait encore comment une telle ignominie était possible. Il se rappelait avec dégoût des élèves nés de parents moldus, ces sangs de bourbe, qui avaient arpenté les couloirs de Poudlard en même temps que lui. Rien qu’en y pensant, il avait la nausée et puisque tout était théâtral chez lui, même quand il était seul, il ne put réprimer sa révulsion et posait sa main contre sa bouche. Il ferait sûrement un ulcère en apprenant qu’une des leurs, Hermione Granger, était même devenue ministre de la Magie… Une sang de bourbe à la tête du Ministère ! Quelle horreur.
Il lui restait cependant un tract dans les mains. Plus sobre, plus percutant que les autres avec ce slogan très accrocheur et surtout annonciateur de changement par le chaos. Dans la Bible, les anges alertaient les mortels de l’Apocalypse en sifflant conjointement dans sept trompettes. Le parti de Daenerys était la première et pour Tom qui attendait dans l’ombre depuis trop longtemps à son gout, il n’avait qu’à tendre le bras vers le Parti patriotique de l’Antique Valyria pour être la seconde. Il ne doutait pas un seul instant de trouver les cinq autres trompettes pour mettre à feu et à sang cette île de malheur et rétablir un ordre où seule une poignée très restreinte d’élus serait aux commandes. Plus de pouvoir au peuple. Gloire aux élus érigés au rang de dieux. Il se faisait déjà le film dans sa tête. Il imaginait déjà son courroux vengeur ainsi que celui de celleux assoiffé·e·s de pouvoir s’abattre sur les plus faibles et épurer la terre de ce sang inutile. L’imagerie était si belle… Il entendait déjà ses victimes le supplier de les épargner. Mais malheureusement pour elles, il songeait à ce temps où Voldemort redeviendrait le plus grand des tabous alors. Même s’il n’y avait jamais eu une once de pitié en lui, tout espoir serait alors englouti et sa violence et sa cruauté triplées en comparaison au Voldemort qu’il fut jadis. Il voyait déjà les flammes des ténèbres danser devant ses yeux — elles le séduisaient, l’enchantaient pour qu’il retrouve sa gloire d’antan. Et fort heureusement, il était seul en ses lieux, car Jo March aurait probablement pris peur en voyant son sourire sadique, ponctué d’un rire fou, s’ancrer sur son visage. Que les moldus et autres créatures profitent bien de ces derniers instants de Paix, car Tom le sentait au plus profond de ses entrailles que cet âge d’or était révolu. Place à l’enfer.
Une date, une heure posée sur le tract : aujourd’hui en fin d’après-midi. Un rassemblement politique était organisé pour que Daenerys propage sa parole sainte. Il n’en fallut pas plus à Tom pour se décider à aller écouter cette nouvelle prophétesse.
Il s’était installé en retrait au fond de la salle, appuyé contre l’un des poteaux, parce que Tom favorisait encore la discrétion. Caché dans l’ombre, il buvait pendant plus d’une heure les paroles lugubres de Daenerys. Plus d’un·e aurait été scandalisé·e par les idées qu’elle brandissait avec verve et conviction. Mais pas lui. Pas les personnes présentes dans la salle qui galvanisaient leur icône sainte par leurs cris qui firent office de sacrifice de chair à leur déesse. Si Tom ne s’épanchait pas comme ses pairs, un feu d’excitation morbide vint consumer les dernières barrières qu’il s’était imposées pour avoir l’air d’un gentil parfait moldu fade et informe — les démons étaient libérés. Ils submergeaient Tom de pensées plus folles les unes que les autres au rythme du discours de Daenerys. Il voyait les choses en grand, immense, et son sourire déformait cruellement son visage charmant pour ne laisser qu’entrevoir la bête assoiffée de sang qui sommeillait en lui.
Une heure plus tard, la tête pensante du Parti de l’Antique Valyria terminait son discours sous les acclamations. La salle se vidait peu à peu pour qu’il ne reste que Tom tapi dans l’ombre. Daenerys s’était également hâtée, mais il attendait que le couloir soit désert pour sortir à son tour et tomber sur la jeune prophétesse qui s’éclipsait de sa loge. Situé à quelques mètres derrière elle, il lui emboitait lentement le pas, calant ses applaudissements, qui résonnaient à travers le couloir, sur ce rythme. « Mademoiselle Targaryen. Quelle éloquence ! » Il attendit que Daenerys se tourne vers lui pour lui adresser un sourire plein de charme dont lui seul avait le secret. Son habituelle théâtralité ne l’avait pas quitté. Il levait légèrement ses bras pour accentuer physiquement la grandiloquence de ses propos et de son ton sophistiqué. « Je suis impressionné. Très impressionné. » Étrangement, sans pour autant considérer Daenerys comme son égale ou supérieure à lui, il était plutôt sincère. La jeune femme avait su titiller sa curiosité et l’intérêt en lui. Les esprits aussi complexes que le sien le fascinaient toujours, la preuve avec Albus Dumbledore qui l’effrayait au plus haut point puisque Jedusor n’avait jamais réussi à le cerner et le soumettre à son bon vouloir. Tom s’avançait encore vers elle, toujours avec cette même prudence. Ce petit jeu lui permettait de l’analyser, de retenir les moindres tics et gestes nerveux ou non de la demoiselle pour en retirer une possible faiblesse chez elle. C’est dans ce genre de moment qu’il regrettait de ne pas avoir encore récupéré ses facultés de legilimens pour fouiller en parallèle chaque recoin de sa tête. Par précaution, il fermait son esprit puisqu’il ne savait pas à qui il avait à faire et que Daenerys tenterait surement de percer également tous ses secrets au travers d’un sens de l’observation aiguisé. « Jamais je n’aurais cru trouver quelqu’un avec les mêmes pensées et idées que moi. Mais surtout, qui les assume jusqu’au bout comme vous. Comme moi. » Il tendait sa main vers elle quand il prononçait ce « vous » puis se désignait quand il parlait de lui pour faire physiquement la jonction entre Daenerys et lui. « Mais voyez-vous Mademoiselle Targaryen… Des personnes telles que nous avec autant de pouvoir et de force d’action… avec des idées comme les nôtres… attirent les personnes mal intentionnées… De la jalousie qu’ils n’arrivent pas à dépasser parce que ce genre de personne n’arrive pas à voir plus loin que le bout de son nez, mais soit. Pardonnons-leur leur simplicité d’esprit. » Un bref rire moqueur et méprisant à l’adresse de ses faibles s’échappait de son sourire charmant. Il reprenait plus sérieusement. « En clair, prêcher la bonne parole attire de potentiels ennemis qui se croient plus intelligents que vous et moi. » Tom n’était plus qu’à quelques mètres d’elle désormais. Et malgré la douceur de son ton, on distinguait la menace. Violente. Enrichie par la colère et la frustration qu’il avait accumulées depuis le jour de sa naissance. « Dans ce genre de bataille, mademoiselle Targaryen, il est impossible de s’en sortir sans alliés. Laissez-moi être votre bras armé pour mener à bien votre croisade qui est aussi la mienne. » Le bleu de ses yeux se dissipait pour laisser place à cette noirceur grimpante. Tom s’était habillé de sa robe de tueur sanguinaire et il ne cachait pas ses penchants sadiques à son interlocutrice. Il était prêt à tout pour semer le chaos. Même au pire des obscénités, à perdre toute humanité qu’il n’avait jamais eue. Il tendait délicatement l’une de ses mains vers elle pour sceller le début de cette union. Il poursuivait sa séduction en plongeant son regard dans le sien afin de mieux la capter et la captiver. Pourtant Daenerys ne le connaissait ni d’Ève ni d’Adam : pourquoi devrait-elle lui faire confiance ? Sa possible méfiance faisait partie du plan de Tom, d’autant plus qu’elle serait loin d’être la première à avoir ce genre de sentiments à son égard. Il comptait sur divers éléments extérieurs comme son pouvoir d’attraction et de persuasion pour la faire flancher. Ce plan avait fonctionné des centaines de fois avec de pur·e·s inconnu·e·s qui n’avaient pas hésité à apposer la marque des ténèbres sur leur avant-bras gauche en des temps plus troublés. Et Daenerys était une femme redoutable et intelligence — son ego le poussait à penser qu’elle ne fera pas le mauvais choix de refuser sa main.
Code by Laxy
Invité
Sam 23 Avr 2022 - 12:28
L'odeur de l'essence
Tom Jedusor & Daenerys Targaryen
Salle polyvalente non loin du QG de l'Antique Valyria, le 10/03/2022.
Deux mots écrits dans une langue étrange et exotique en grandes lettres rouges sur fond noir. Sous ces deux mots, trois dragons rouges formaient un cercle de leurs longs cous, de leurs ailes et de leurs queues. Leurs gueules ouvertes de laquelle une flamme en sortait, ils semblaient eux aussi répéter les deux mots imprimés sur le tract noir et scandés par la foule des partisans du parti de l’Antique Valyria.
Valar Morghulis
« Tous les hommes doivent mourir », mais celle qui était à la tête de ce parti totalitaire comprenait ce proverbe sous un autre sens, celui qui englobe en réalité tous ses opposants. Hommes, femmes ou même enfants, la Khaleesi – comme elle était appelée par ses partisans – comptait bien réduire au silence quiconque voudrait réduire à néant ce qu’elle avait construit ici, sur cette île et dans cette ville. A Port-Réal, elle avait été sur le point de mettre pareil régime dictatorial en place. Mais la trahison ultime de Jon Snow l’en empêcha. Ici, elle ne ferait certainement pas deux fois la même erreur. Ici, elle n’accorderait sa confiance à personne, hormis à celles et ceux qui lui ont prouvé leur dévotion la plus totale en s’engageant complètement pour l’Antique Valyria, laissant derrière eux leurs biens, leurs proches qui ne partageaient pas leurs opinions politiques et même, selon certains, leur âme tant on qualifiait ce régime d’être aussi dur, dominateur et même exterminateur que purent l’être certains des régimes politiques du passé. D’ailleurs, au départ, lorsqu’elle entendait qu’on comparait allègrement ses idées à celles d’hommes répondant au nom de Fidel Castro, Augusto Pinochet ou encore Adolf Hitler, Daenerys arquait un sourcil circonspect, ignorant tout de ces hommes et de leurs actes, et même s’offusquant qu’on daigne la comparer à eux. Et puis la curiosité l’avait poussé à effectuer des recherches à leurs sujets et alors, elle avait compris. Elle adora le côté révolutionnaire de Fidel Castro, le régime de dictature militaire d’Augusto Pinochet et celui, exterminateur, d’Adolf Hitler. Elle dévora des livres comme Les chemins de la victoire du révolutionnaire cubain ou encore Mein Kampf du terrible dictateur allemand, éditions traduites de leurs langues d’origine. C’est à partir de cet instant-là, lorsqu’on sut sa fascination pour ces êtres au passé sordide et glaçant, que les médias de la ville la qualifièrent d’extrémiste, de dangereuse et que, bizarrement, tous les autres partis politiques qui y sont représentés se trouvèrent soudain un point commun en voulant à tout prix la discréditer. Jusqu’au jour où, lors d’un précédent rassemblement de ses adeptes, Daenerys avait prononcé les mots suivants :
- Certains m’accusent de promouvoir le néonazisme, un régime terrible, exclusif et, disons-le clairement, meurtrier…Je vais prendre cela comme un compliment car cela veut dire qu’ils nous craignent. Ils craignent ce que cet endroit pourrait devenir si nous gagnons de nouveaux adeptes et nous en gagnons tous les jours. Alors oui….ils font bien de nous craindre.
Et comme l’Antique Valyria se trouvait dans une phase montante en termes de renommée, il était hors de question de s’arrêter en si bon chemin. Les meetings politiques se répétèrent, souvent au quartier général du parti et parfois, comme c’était le cas aujourd’hui, ailleurs, dans des salles polyvalentes servant pour tout type de rassemblements et autres festivités des habitants de la ville. Ses militants avaient distribué des tracts à un grand nombre de locaux et en avaient même glissé dans leur boîte aux lettres. Bien sûr, tous étaient conscients qu’une bonne quantité d’entre eux finiraient déchirés et aux ordures sans même avoir pris le temps de lire certaines des grandes lignes directrices du parti imprimées au dos des tracts. Mais tandis qu’elle se préparait dans sa loge, un de ses plus proches conseillers et collaborateurs l’informa que la salle était pleine et qu’il y avait, selon le petit questionnaire que les personnes présentes avaient rempli avant de prendre place dans la salle, un grand nombre de nouveaux venus. Face au miroir, Daenerys sourit puis se leva, apposa sa broche en or noir et à l’emblème de sa maison près de son cœur et se dirigea vers la scène. Un tonnerre d’applaudissements et de voix criant son prénom ou son titre de Khaleesi accueillirent son entrée. Toute de noire vêtue, ses longs cheveux argentés nattés en une lourde et longue tresse dans son dos à la mode des Dothraki, Daenerys prit de longues secondes pour saluer la foule à grands renforts de gestes de la main, de sourires et de signes de tête. Puis elle s’approcha du micro et du pupitre où se trouvaient ses fiches de notes disposées dans l’ordre de son discours et entama son speech du fameux « Valar Morghulis », auquel les adeptes de la première heure répondirent en cœur « Valar Dohaeris », « Tous les hommes doivent servir ».
Les nouveaux venus avaient l’impression d’assister à une messe présidée par un maître de cérémonie d’un nouveau genre et cela, pas uniquement parce qu’il s’agissait d’une femme. Des mots forts étaient utilisés dans le discours de l’ancienne Reine de Meereen. Libération des opprimés. Extermination des oppresseurs. Un seul parti. Un seul être à la tête de l’île dont toutes et tous connaîtraient le visage et l’identité. Un culte de la personnalité – la sienne –, un jour dans la semaine dédié au culte du Dieu Rouge, celui que Daenerys avait choisi et qui passait pour être le Maître de la Lumière, ou R’hllor, dans la langue de la Khaleesi. Daenerys promettait des temps de paix et d’harmonie, des temps de lumière où toutes et tous vivraient dans l’équité et l’égalité. Dans la liberté. Mais avant cela, ils devraient vivre des jours sombres, des jours de terreur où leur conviction, leur foi, seraient mises à l’épreuve par leurs détracteurs, ces mêmes détracteurs qu’il fallait réduire au silence immédiatement, quitte à employer la plus vile et la plus cruelle des manières. Car la nuit est sombre et pleine de terreur, prêchait-elle, rajoutant : Mais dans votre foi et votre confiance en moi, en vous, en nous tous, nous nous libérerons du joug de cette obscure personne qui nous gouverne et siège sur le Trône de la Mairie. Ce n’est que par sa mort et par celles de tous ses fidèles, que nous pourrons vivre dans la lumière du Maître, en harmonie. En paix. VALAR MORGHULIS !
- VALAR DOHAERIS ! cria la foule, si fort que les murs en tremblèrent. Daenerys resta encore quelques instants sur la scène pour saluer la foule et poser pour les photographes de presse présents pour couvrir son apparition en public en-dehors de son QG, puis elle s’éclipsa dans sa loge avec ses notes et un grand bouquet de fleurs remis par une jolie petite fille aux cheveux blonds et tressés comme les siens. Une fois dans le calme de ces quatre murs, Daenerys s’assit, seule, face au miroir et tâcha de retrouver une respiration normale, moins saccadée par l’excitation de la foule. Et comme on vint l’informer que la salle s’était finalement vidée et qu’elle pouvait à son tour partir sans risque, elle se leva, fit savoir à ce que ce bouquet de fleurs lui soit porter à son appartement personnel puis quitta sa loge, seule, lorsqu’elle entendit des applaudissements dans son dos qui la firent sursauter tant elle s’imaginait être la dernière personne présente dans cette partie-là de la salle. Le reste de son équipe l’attendait à l’extérieur, près de la voiture qui la ramènerait au quartier général de l’Antique Valyria.
- Mademoiselle Targaryen. Quelle éloquence !
Daenerys se retourna vivement, faisant danser sa longue tresse dans son dos, pour faire face à un homme bien plus grand qu’elle. Des cheveux sombres, des yeux clairs hypnotiques et un sourire magnétique. Si sa peur soudaine finit par se dissiper, elle restait cependant assez mal à l’aise et sur ses gardes face à cette rencontre inopinée. Sa bouche s’entrouvrit pour répondre quelque chose mais l’inconnu la devança, déclamant à quel point elle l’avait impressionné. Flatteur…Mais est-ce vraiment sincère ? songea-t-elle tout en se figeant sur place.
- Qui êtes-vous ? Vous n’avez rien à faire ici… finit-elle par dire d’un ton sec, quoiqu’il ne sonnât pas aussi sec qu’elle l’aurait espéré. La raison à cela était l’aura étrange qui se dégageait de cet homme. Daenerys aurait voulu pouvoir bouger mais son regard sur elle semblait l’avoir privé de tout mouvement. Elle se sentait comme paralysée par ce regard et ce sourire. Et puis sa voix…Les mots qu’il employait. Tout en lui faisait comprendre à la Mère des Dragons qu’il ne s’agissait pas là d’un simple curieux ou d’un type lambda désireux d’échanger seulement quelques mots avec elle pour pouvoir ensuite aller se vanter chez ses amis en disant : « J’ai parlé avec Daenerys Targaryen ». En l’occurrence, pour l’instant, c’était surtout lui qui parlait. Il n’y avait pas de réel échange entre eux. Pas encore du moins. L’inconnu parlait, se rapprochait, usait de gestes et de mots adroits et justes, la fixait du regard comme s’il voulait voir en elle et il lui souriait. Toujours. Sans cesse. Et ce n’était pas n’importe quel sourire. Daenerys le reconnaissait bien, ce sourire-là. C’était celui d’un homme excessivement sûr de lui, de son charme, de l’aura qu’il dégage. Il avait beau avoir l’air plus jeune qu’elle, Daenerys devinait que, dans son autre vie, cet homme avait vécu longtemps, plus longtemps qu’elle en tout cas, et avait vu et fait des choses allant bien au-delà de ce qu’un jeune homme d’une vingtaine d’année, estimait-elle, pouvait avoir vécu. Alors elle resta figée sur place, la tête haute, le regard braqué sur lui, et écouta. Et le moins que l’on puisse dire, c’était que les mots de cet homme trouvèrent un écho plus que vibrant dans le cœur et l’âme de la fille du Roi Fou.
Elle avait presque l’impression de s’entendre parler, d’écouter une bande-son ou de voir un de ses discours en vidéo sur les réseaux sociaux tant ce qu’il disait était juste. De la jalousie que quelqu’un comme elle, comme lui, peuvent inspirer aux plus mal intentionnés de ce monde à la nécessité de s’entourer d’alliés de confiance en passant par sa proposition de devenir…De devenir quoi exactement ? Son bras armé. Tels avaient été ses mots pour se qualifier et ce fut pour elle la preuve qui lui manquait. Il n’est pas ce qu’il semble être…Mais alors, qui est-il ? Qui a-t-il été ?. Peu à peu, à mesure qu’il avait parlé et qu’il s’était rapproché d’elle, l’appréhension et la méfiance qu’elle avait initialement ressenti à son encontre s’étaient transformées en une curiosité et un intérêt profond envers lui. Et lorsqu’il eut terminé son monologue et qu’il ne restait entre eux que sa main tendue vers elle, ce fut cette fois à son tour de faire un pas vers lui.
- C’est étrange, fit-elle, la tête légèrement inclinée sur le côté tandis qu’elle retrouvait la faculté de se mouvoir. Vous me rappelez un homme que j’ai connu autrefois. Vous ne lui ressemblez certes aucunement, mais vos mots…Ils résonnent en moi comme un vieux souvenir. Un souvenir si vieux qu’il en est presque devenu un rêve tant il me semble irréel et lointain désormais. Daenerys se souvenait pourtant encore très bien de ce jour au Dosh Khaleen où, entourées des plus proches représentants du Khalasar de Drogo, de ses Sang-Coureurs et des plus anciennes et respectées veuves des grands Khals de jadis, elle avait mangé un cœur d’étalon cru afin de prouver à tous que la prophétie allait effectivement se réaliser. Alors enceinte, elle prouva, en avalant et surtout en conservant en elle ce repas atypique qu’elle portait bien en son sein l’Etalon qui montera le monde, leur fils à elle et à Drogo. Ce jour-là, elle avait gagné le respect de tout le Khalasar avant d’entendre, quelques jours plus tard, après qu’un traître ait voulu attenter à sa vie, le serment profond, violent et barbare de son époux à son encontre. Pour elle, il traversera la grande Mer de Sel Noire sur les chevaux de bois. Pour elle, il tuerait les hommes de fer, brûlerait leur demeure, violerait leur femme et réduirait leurs enfants à l’état d’esclaves. Pour elle. Pour son héritage et celui de leur fils. Pour la mémoire de son père et de sa famille dont les terres ont été injustement volées par des hommes sans honneur. Les mots de cet homme étaient presque identiques à ceux que Drogo eut ce jour-là. Et pendant qu’elle se remémorait tout ceci, Daenerys avait suffisamment réduit la distance pour se retrouver face à lui, avec pour seule frontière entre eux cette main qui n’attendait que la sienne pour les relier officiellement. Daenerys abaissa le regard vers cette main puis le releva vers le visage confiant et serein de l’inconnu. Un fin sourire orna le coin de ses lèvres.
- Vous deviez être un grand orateur dans votre vie passée. Quel dommage que nous ne nous soyons croisés plus tôt. J’aurais assurément évité la mort en ayant un homme tel que vous dans mon conseil. Vous, vous auriez eu une reine…et trois dragons. Puis lentement, elle glissa sa main droite dans la sienne. Elle qui d’ordinaire rechignait à tout contact physique, sentir la peau chaude de cet homme sur sa main lui fut une sensation étrangement agréable. A qui ai-je l’honneur ? Un frisson électrique lui parcourut la main et le bras lorsque ses doigts se refermèrent autour de sa main. Etait-ce un signe du Maître de la Lumière ? Lui avait-Il envoyé cet homme pour qu’enfin, elle puisse venir à bout de son rêve de conquête ? Je me rends au centre de l’Antique Valyria. Je pense que nous avons beaucoup à nous dire. M’accompagneriez-vous ? lui avait-elle demandé, sa main toujours fermement liée à celle de l’homme disposant de l’âme la plus noire de toute cette île.