You're in trouble [PV Prudence Halliwell]

Dissimulée derrière un amas de rochers, Fantômette regardait la jeune femme sur la plage, un appareil à la main, le regard plongé vers le large. Elle ne connaissait pas son nom, mais elle était contente d’avoir réussi à lui remettre la main dessus. Elle n’avait pas mis trop de temps à la retrouver et dans les circonstances actuelles, c’était plutôt une chance. Mais la jeune justicière avait toujours pu bénéficier de la chance et elle ne pouvait s’empêcher de compter dessus au fil du temps. Il suffisait de voir le nombre de fois où elle avait échappé de peu à la mort. Elle ne les comptait plus.

Mais cette fois, ce n’était pas elle qui était en danger. C’était la jeune femme qu’elle avait cherché dans toute la ville avant de la retrouver sur la plage de Racoon Square, ici-même, ayant apparemment certaines choses en tête, mais sans que la justicière ne sache exactement de quoi il retournait. Après tout, cela ne la concernait pas vraiment et elle n’avait pas à se montrer indiscrète. Pour le moment, sa seule intention était de protéger la brune qui ne se doutait probablement pas de ce qui était sur le point de lui tomber dessus. Si elle n’avait pas l’habitude de se battre, elle pourrait y perdre la vie.

Fantômette était depuis quelques temps sur la piste de bandits qui faisaient du trafic et qui avaient l’habitude de se retrouver dans des endroits discrets, et toujours différents. Elle avait réussi à les suivre et à épier un certain nombre de transactions illégales, mais elle n’avait pas encore tous les éléments pour les confondre et les livrer à la police. Nul doute que Ted pourrait ensuite avoir le privilège de tout raconter dans son journal, mais pour le moment, il fallait être discrets, autant que faire se pouvait. Et Fantômette, la discrétion, ça la connaissait.

Quelques jours plus tôt, elle était en train d’épier dans un parc les personnes qu’elle soupçonnait quand elle avait aperçu cette femme. Elle était en train de photographier le parc, avec d’évidentes innocentes intentions. Peut-être s’agissait-il d’un reportage sur les infrastructures de la ville, ou peut-être faisait-elle ça pour son plaisir. C’était arrivé à Ficelle à une époque et la suite avait été des plus fâcheuses. Ayant pris en photo le Furet, par inadvertance, elle avait été enlevée et séquestrée et Fantômette avait dû la secourir. C’était à peu près la même histoire qui se répétait.

La jeune photographe avait pris en photo les hommes que Fantômette surveillait, par inadvertance, et elle était presque certaine que ceux-ci l’avait repérée. Si tel était effectivement le cas, elle était en danger. Décidant que le moment était venu de l’avertir, Fantômette bondit sur la plage en une gracieuse cabriole. Elle atterrit sur ses mains, se projeta et réattérit sur les pieds à proximité de la jeune femme. Ce n’était pas pour l’impressionner. Elle restait une jeune femme qui aimait s’amuser, ce qui expliquait qu’elle ne faisait jamais les choses comme les autres justiciers de la ville.

« Bonjour, Madame, excusez-moi de vous importuner, mais je dois vous parler, c’est très important. Votre vie en dépends. Au fait, je me présente, on m’appelle Fantômette. »

Elle était relativement connue et peut-être que la femme savait déjà qui elle était, mais dans le doute, se présenter était la moindre des politesses.

La jeune justicière n’était pas surprise d’apprendre que la jeune femme qu’elle venait conseiller avait entendu parler d’elle. Fantômette ne recherchait pas la popularité, mais il s’avérait qu’elle l’avait. Les bandits avaient envie de connaître son identité secrète pour utiliser ses proches contre elle. Les policiers avaient envie de savoir qui était la mystérieuse consultante qui leur livrait des bandits pieds et poings liés. Et elle avait des admirateurs dont la plupart aurait aimé savoir qui se cachait derrière son masque et son bonnet à pompons. Mais pas question de se trahir. Elle mettrait les Tonks en danger, sans compter ses nombreux amis.

Ce qui la surprit davantage, en revanche, c’était la tranquillité de la jeune femme en apprenant que sa vie était en danger. Elle avait le flegmatisme de quelqu’un qui était habituée à cette situation et la jeune justicière ne pouvait s’empêcher de se demander quels secrets se cachaient derrière ses yeux noirs rieurs et cette confiance remarquable en elle-même. Quand elle lui dit qu’elle avait l’habitude d’être en danger, Fantômette ne put s’empêcher de penser à toutes ses personnes aux mystérieux pouvoirs qui avaient de puissants ennemis. Elle la toisa un instant avant de se permettre de lui poser la question qui lui brûlait les lèvres.

« L’habitude ? De risquer votre vie ? Etes-vous de ces sorciers ou justiciers à pouvoirs qui se baladent en ville ? »

Justicière ou pas, puissante ou non, la jeune femme avait le droit de savoir ce qui la menaçait. Si elle avait la force et le courage pour réagir, elle ne pourrait le faire qu’en ayant les informations dont elle avait besoin. Et puis, si elle était aussi puissante, habituée à enquêter, habituée à se battre, elle pourrait peut-être aider Fantômette dans son enquête actuelle. Elle s’y retrouvait impliquée par accident, du moins, cela restait encore à établir, mais si elle choisissait de se battre au côté de l’adolescente, celle-ci ne refuserait pas un tel coup de main, bien au contraire.

« Il y a quelques ours, vous avez pris des photos dans un parc de la ville, non loin des quartiers un peu dangereux. Vous ne le saviez peut-être pas, mais des trafiquants étaient en train de magouiller dans ce parc, et je suis à peu près certaine qu’ils apparaissent sur vos photos. Vous n’étiez pas discrète, ce n’est pas une critique, attention, vous n’aviez aucune raison de l’être, et ils vous auront sans-doute remarquée. Ils pourraient s’en prendre à vous. »

Et elle ne le coulait pas. Cette jeune femme n’avait rien fait de mal, à sa connaissance. Et des yeux si doux ne pouvaient cacher une vile malveillance. Elle ne méritait aucunement de voir sa vie menacée par une bande de trafiquants sans scrupules qui n’hésiteraient pas à la torturer et la tuer, ou à faire de sa vie un enfer. Elle savait qu’ils avaient bien des façons de faire disparaître les gens et, dans une ville aussi curieuse que celle où ils étaient, il y avait fort à parier que faire disparaître quelqu’un était encore plus facile, aussi terrible que cela puisse être.

« C’est arrivé à une de mes amies par le passé. Elle a failli y laisser la vie. Je ne voudrais pas que ça vous arrive. »

Elle aurait dû s'en douter. Elle essayait de prévenir quelqu'un d'un danger immédiat et il fallait qu'elle tombe sur le genre de personne qui était habitué à ce genre de combat. Ce n'était pas plus mal puisqu'elle ne rencontrerait aucune difficulté à croire la jeune justicière quand elle lui disait qu'elle était en danger. Et puis, cela lui permettait de rencontrer quelqu'un qui pourrait peut-être l'aider à affronter ses autres ennemis. Au final, c'était probablement mieux pour tout le monde. La jeune fille avait souvent rencontré des gens qu'elle avait tenté de prévenir d’un danger et qui lui avaient ri au nez. Ça ne serait au moins pas le cas de cette personne.

Elle se demanda à quelle genre de personne elle avait affaire et ce dont elle était exactement capable, mais le moment était d'autant mal choisi pour lui poser la question qu'elle n'avait certainement pas encore réussi à gagner sa confiance. Pour le moment, l'urgence était de lui démontrer qu'elle n'était pas venue l'embêter pour des broutilles, tout en lui faisant comprendre qu'elle pouvait lui venir en aide si elle en avait besoin. Dernièrement, la jeune justicière s'était rendu compte que les enquêtes en solo étaient beaucoup plus dangereuses ici que dans son monde d'origine. Elle n'était pas tellement certaine de vouloir continuer sur cette voie et n'aurait pas été mécontente de trouver quelqu'un avec qui elle pourrait affronter les obstacles qui se présenteraient à elle.

« Au moins, vous saurez de quoi je parle en termes de danger. Vous saurez peut-être mieux vous défendre que la majorité des gens, mais il valait quand-même mieux que vous sachiez ce qui vous attend. »

Elle avait eu raison de se méfier car il semblait que la jeune femme ne se soit absolument pas rendu compte de ce qui était en train de se passer, pourtant sous son nez. Mais elle ne pouvait pas le lui reprocher. Les individus concernés n’étaient pas spécialement en train d'agir au vu et au su de tous et contrairement à Fantômette qui était venu pour les pister, la jeune femme était là pour son propre loisir. Malheureusement, elle s'était mise en danger et la justicière n'avait aucun moyen de savoir si les individus l'avaient repérée ou non. Il était possible qu'elle ne soit pas réellement en danger, mais comme elle ne pouvait en être sûre, elle avait préféré l'avertir.

C’était une photographe qui faisait ça professionnellement, mais aussi pour le plaisir. La passion était intéressante et la justicière était curieuse de ce dont elle était capable. Cela dit, si elle prenait des photos pour un magazine, Françoise aurait sûrement l'occasion d’en voir tôt ou tard. Pour le moment, le plus important était cette photo qui témoignait du trafic. La brunette était tout aussi intéressée que les bandits car il s'agissait d'une preuve qu'elle ne pouvait pas négliger. Mais encore fallait il que son interlocuteur accepte de la lui faire partager.

« Ce sont des trafiquants. Il semblerait que nous soyons dans un système fermé dans cette ville, et le résultat, c'est que certaines choses deviennent difficiles à se procurer dans les milieux mal intentionnés. S’ensuit pas mal de trafics, dans lesquels on implique pas mal de gens innocents, qui sont ceux que je défends. J’essaie d'arrêter tout ça, mais c'est difficile sans aucune preuve et votre photo pourrait bien être un élément clé pour y arriver. J’ai conscience que vous pourriez ne pas me faire complètement confiance, si vous n'avez jamais entendu parler de moi. Mais je suis certaine que si vous faites une petite enquête rapide, vous comprendrez bientôt que je ne vous ai pas menti. »

Cette jeune femme n'était clairement pas une personne novice dans l'art de composer avec des personnes dangereuses. Fantômette ne savait pas encore quel genre de personne elle était et de quelle façon elle avait été confrontée aux forces du mal, mais ce qui était certain, c'était qu'elle savait ce que c'était de se battre et qu'elle était assez éveillée pour comprendre la nature grave d’un danger tel que celui auquel elle pourrait être confrontée avec cette photo. Cela soulageait la justicière de se voir face à une personne qui la prenait au sérieux et n'essayait pas de minimiser le danger.

Sa façon de lui dire qu'elle avait eu raison de la prévenir sonnait comme un remerciement aux oreilles de la jeune justicière qui ne manqua pas d'esquisser un sourire. Si elle avait tendance à faire profiter les bandits de son humour décapant, elle allait se montrer un peu plus délicate vis-à-vis d'une personne qui pourrait être la cible de la menace de deux personnes particulièrement dangereuses. Il n'était pas impossible, à terme, qu'elle se mette à plaisanter avec elle, surtout si elle gardait un certain contact, mais pour le moment, elle était tout ce qu'il y avait de plus sérieuse.

« Je vous en prie. C’était normal. »

Mais comme toute justicière qui se respectait, ou quelque chose d'équivalent, l'inconnue lui proposa alors son aide. En se rendant compte que ce n'était pas la première fois qu'elle était confrontée à des soucis de cette nature, Fantômette aurait dû s'attendre à cette proposition. Une aide ne serait pas superflue, encore fallait-il s'assurer de la fiabilité de cette femme. Elle n'avait pas l'air dangereuse, mais elle ne la connaissait pas du tout et son intuition lui avait déjà joué des tours, même si elle était relativement fiable la plupart du temps. Elle décida de lui faire confiance, du moins, dans un premier temps.

« C'est vrai que je commence à faire pas mal parler de moi dans le coin, j'ai plusieurs contacts au sein de la police. De mon côté, je ne sais toujours pas votre nom. Si nous voulons coopérer, autant que nous nous présentions. »

Fantômette avait rarement aidé quelqu’un avec autant de bienveillance de la part de la personne concernée, pas depuis qu’elle était ici. La plupart des gens semblaient avoir envie qu’on leur fiche la paix, même quand ils étaient en train de se faire attaquer ou ennuyer. Bien entendu, elle continuait de venir en aide à ceux qui en avaient besoin. C’était un peu sa raison d’être, mais elle devait avouer que la reconnaissance n’était pas vraiment à l’ordre du jour. Cela dit, plutôt que de rechercher de la reconnaissance, elle se contentait de sa propre autosatisfaction. C’était un bon moyen pour ne jamais être déçue de la nature humaine.

Mais c’était agréable de rencontrer quelqu’un qui redorait un peu cet aspect de sa vie. Cette personne lui était non seulement reconnaissante mais elle l’estimait d’aider son prochain comme elle le faisait. La façon dont elle se comportait laissait penser à Fantômette qu’elle aussi avait l’habitude de défendre les innocents. Si tel était le cas, elles allaient bien s’entendre. En tout cas, elle lui proposait son aide et Fantômette n’oubliait pas la promesse qu’elle avait faite de s’efforcer de se trouver des alliés. Dans ces circonstances, il lui serait difficile de refuser. C’était la réflexion qu’elle se faisait au moment où le jeune femme se présenta.

« Enchantée. Vous pouvez m’appeler Fantômette. Bien-sûr, ce n’est pas mon vrai nom, mais j’évite de le donner, question de sécurité élémentaire. »

Son aide envers la police était en place depuis le tout début. Elle était entrée en contact avec les autorités directement afin de pouvoir leur livrer les bandits. Du coup, elle s’était fait des amis dans la police et elle avait de bons contacts là-bas. Prue avait l’air intéressée par cette annonce et Fantômette se demandait pourquoi. Elle avait peut-être aussi des contacts dans la police. Dans tous les cas, la jeune justicière était curieuse de sa curiosité et il n’y avait pas de meilleur moyen de calmer sa curiosité que de poser la question.

« Je travaille énormément avec la police, depuis le tout début. Je leur livre pas mal de voyous pour leurs petites cellules », plaisanta-t-elle. « Vous aussi ? »

Pour la plupart des personnes, elle était soit Françoise, sois Fantômette. Elle ne donnait jamais les deux identités à la même personne afin que le lien ne puisse pas être fait. Si on savait qui se cachait sous son masque, on aurait pu s'en prendre à Ted et Andromeda pour la faire plier. Évidemment, le couple qui l’avait accueillie dans leur maison était capable de se défendre, d'autant plus qu'elle avait intégré une famille de sorciers. Mais Françoise continuait de conserver la logique qu'elle avait toujours eu en ce qui concernait son identité secrète. Elle avait protégé ses amis, autrefois et elle protégeait sa nouvelle famille aujourd'hui.

Bien évidemment, il y en avait qui savaient. Ted, le premier, l’avait secourue au moment où elle avait surgi dans cette ville. Elle était inconsciente et rien ne lui avait empêché d’ôter son masque. Elle avait beau vouloir protéger son identité, une fois démasquée, il avait bien fallu qu'elle se présente. Finalement, ce n'était pas plus mal puisqu'elle se retrouvait avec un véritable allié et quelque part, c'était un peu comme si Œil-de-Lynx était présent ici aussi, sous une autre forme. La douceur et la bienveillance de cet homme avait convaincu la jeune fille qu'elle ne risquait rien en lui ayant dévoilé involontairement son secret.

« Ce n'est pas tellement pour moi. Mais il y a bien des personnes que l'on pourrait utiliser pour me nuire si l'on savait la vérité. Et cela voyez-vous, je ne le supporterais pas. »

Fantômette avait l'impression que cet homme dont elle parlait et qui était dans la police avait une importance particulière dans le cœur de cette femme. Elle pouvait se tromper mais elle était certaine qu'il s'agissait de quelqu'un qui avait une place à part dans son cœur et pour qui elle avait même peut-être des sentiments amoureux. Si c'était le cas cela devait être très difficile de ne pas savoir où il se trouvait en ce moment. Françoise n'avait jamais encore eu de tendres sentiments pour quelqu'un, mais elle devinait que perdre une telle personne devait être extrêmement douloureux.

« C'était quelqu'un que vous aimiez beaucoup, j'ai l’impression. »

Ce n'était jamais pour soi-même qu’un justicier devait laisser ignorer à son entourage qui il était. Ce n'était pas parce que c'était plus facile que cela donnait le droit de mentir et de tricher. Françoise ne l'aurait jamais fait dans ce but. Mais il s'agissait ici de protéger les gens qu'elle aimait et de leur éviter de souffrir à cause de choix qu'elle avait fait, elle. Ce n'était pas parce qu'elle pourchassait les bandits que les autres devaient obligatoirement souffrir du danger dans lequel elle se mettait. Ses amies n'étaient plus là pour être des cibles, mais il y avait toute la famille Tonks.

Son interlocutrice comprenait parfaitement ce choix et semblait l'accepter, ce qui confirma à Françoise qu'il s'agissait d'une alliée à la hauteur de la situation. Certains de ses alliés finiraient peut-être par connaître le secret de son identité, et peut-être serait-ce aussi le cas pour elle. Mais pas aujourd'hui. Elle avait accepté de la protéger et de lui dire qu'elle était en danger. Elle avait également accepté qu'elle l’aide dans ses combats contre les Forces du Mal. C’était déjà beaucoup en ce qui la concernait. Une idée lui vint pour qu'elles puissent travailler ensemble sans que la jeune justicière n’ait à lui dire où elle vivait.

« Je pourrais vous communiquer le moyen de me contacter si cela vous intéresse. Si je peux vous contacter aussi, nous pourrons ainsi travailler ensemble. »

Elle éprouva un profond sentiment de compassion alors que la jeune femme lui évoquait un amour ancien perdu, un homme auquel elle ne pouvait cesser de penser et dont elle ne savait pas s'il avait été lui aussi amené dans cet endroit. L'amour n'avait jamais été la priorité de l'adolescente et intégrer quelqu'un dans sa vie à ce niveau n'était pas simple pour une justicière qui devait protéger chaque personne qu'elle aimait d'un secret qui pouvait leur coûter la vie. Mais pour tous ceux dont le cœur vibrait à une douce chanson, elle ne souhaitait que le bonheur de la concrétisation d'un tel amour.

« Je vous souhaite qu'il soit ici quelque part et que vous parveniez à le retrouver. »