C’était pourtant une belle journée qui s’annonçait ce matin. Drago s’était rendu comme à son habitude sur son lieu de travail fictif. Fictif, parce qu’à ses yeux, sa vie sur l’île mystérieuse n’est qu’une piètre mascarade. Les murs glacés de son manoir dans le comté du Wiltshire lui manquent atrocement, tout comme l’étreinte de ses draps de satin et les murmures de ses partenaires commerciaux dans le monde magique. Il est forcé de jouer le rôle du notaire de cette ville, certes, ce rôle lui convient comme un gant. Il ressort de Drago Malefoy un charisme époustouflant. On se rue dans son office depuis deux ans, même si dans ses nouveaux souvenirs, cela fait en réalité bien des années que cet endroit existe aux yeux des habitants de la ville. Malefoy & Sons est une office notariale qui existe depuis quelques générations, probablement depuis la fondation de cette ville imaginaire. Drago refuse de concevoir l’idée folle que rien de tout cela ne soit réel. Ce qui le trouble d’autant plus, c’est l’accumulation de connaissances juridiques en droit des successions et en droit de l’immobilier qui lui sont apparues comme par magie en se réveillant dans cette ville au courant du mois de janvier 2019. Il y a probablement une part de vérité dans cette île mystérieuse, mais le trentenaire refuse d’admettre cette possibilité, car cela implique, d’une certaine manière, de s’y attacher. Drago Malefoy refuse obstinément de s’attacher à une vie pareille dans une province, entouré de Moldus. Non pas que ses préjugés soient toujours aussi…violents que par le passé, mais un Malefoy ne change jamais véritablement du jour au lendemain. De plus, seule Astoria avait la capacité de renverser une partie de son éducation et de lui faire admettre ses torts. Astoria n’étant plus de ce monde, et encore moins de ses souvenirs…
Drago est en proie depuis quelques années à cette dualité, la chance d’avoir pu conserver ses véritables souvenirs et la malchance de côtoyer ses nouveaux souvenirs. Si on peut appeler cela de la chance, bien évidemment, ce n’en est pas une. Drago aurait préféré tout oublier de son monde, du vrai lui, qui se trouve en Angleterre. Il ignore encore combien de temps cette mascarade compte durer, et surtout, s’il est en mesure de rentrer dans sa vraie maison. En apercevant un visage familier au détour du corridor donnant sur la salle d’attente de son office depuis sa bibliothèque, Drago se ferme presque instantanément comme une huître.
Impossible. Elle… ici ? En revanche, ses souvenirs sont parfaitement intacts concernant Bellatrix. Un cauchemar éveillé, voilà ce que Drago parvient lentement à marmonner en extirpant quelques ouvrages de l’une des étagères pour les attirer sous le coude, avant de les coincer entre sa hanche et l’intérieur de son avant-bras. C’est un euphémisme que de dire qu’il est surpris de croiser la route de sa bien-aimée tante, après toutes ces années, et surtout après tout ce qu’ils ont traversés ensemble. Drago est tout simplement choqué, voire traumatisé, par la vision de sa détestable tante Bellatrix. Les derniers souvenirs d’elle remontent comme un tsunami en lui, défiant toutes ses barrières mentales et le poussant à ériger des murs afin de se protéger d’elle. Drago ressent le besoin de laisser croire qu’il ne se souvient pas de leur monde ou de sa véritable identité. Celle que l’île mystérieuse a fabriquée pour lui est bien plus rassurante, elle le protège des explications interminables et des comptes à rendre. Il souffle intérieurement pour se donner le courage nécessaire de dévoiler sa présence en quittant le seuil de sa bibliothèque.
Lorsqu’il s’approche d’un pas lent mais décidé de Bellatrix Lestrange, la sœur aînée de sa tendre mère, ce n’est pas sans quelques arrière-pensées. Drago sent qu’une certaine tension est palpable dans l’air, alors qu’il s’aventure entre les couloirs étroits de son office de notariat.
« Que puis-je pour vous ? » se risque-t-il à demander sur un ton traînant, le même que lorsqu’il n’avait encore que seize ans. A vrai dire, Drago a fortement l’impression d’être encore un enfant en présence de sa tante. Elle en impose tant par sa prestance, une autorité et un charisme naturel se dégage d’elle comme de sa chevelure brune et bouclée. Elle est exactement comme dans ses souvenirs, si ce n’est pas quelques années plus jeunes. Elle lui fait hérisser les poils de ses bras sous sa chemise blanche.
« Il ne me semble pas que nous avions rendez-vous… » Drago se félicite intérieurement pour être capable d’autant de finesse dans ses mensonges. C’est qu’il est même sur le point de croire ses propres mensonges. Contrairement à ce que beaucoup ont dit de lui, le jeune Malefoy est bien plus malin qu’on ne le pense. Même Lord Voldemort et Severus Rogue n’ont jamais soupçonné ses facultés innées en occlumencie. Drago bluffe son entourage avec une facilité déconcertante, notamment en raison de ses propres traits caractériels. Après tout, on ne passe pas une enfance en compagnie d’un homme comme Lucius Malefoy sans développer de sérieuses compétences en introversion et en blocage de ses émotions. Il est le plus à même à garder des secrets. Drago bride ses sentiments, ses émotions comme un mécanisme d’auto-défense.
Seulement… Malgré sa bonne foi évidente, est-ce qu’elle se laissera prendre au piège ?
Drago se dirige presque nonchalamment jusqu’au comptoir en bois vernis, afin de poser deux livres en droit des successions près d’une lampe plaquée or très vintage. Il lève finalement ses beaux yeux bleus acier dans ceux de sa tante Bellatrix, défiant son regard du sien, sans même prendre le temps de sourciller devant son incrédulité. Drago fait mine d’ouvrir un chapitre au hasard en attendant qu’elle se décide à le rejoindre.
« Nous sommes complets. » Froid et incisif. Drago ne manque pas de jouer son rôle de chef d’une office notariale comme étant le rôle de sa vie. Il marque une courte pause avant de reprendre sur un ton plus doucereux :
« A moins que votre affaire ne réclame toute mon expertise… » MADE BY @ICE AND FIRE.
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