La nature, trésor inépuisable des couleurs et des sons, des formes et des rythmes, modèle inégalé de développement total et de variation perpétuelle, la nature est la suprême ressource. (Olivier Messiaen)
La saison hivernale le rendait à la fois heureux et nostalgique. Heureux puisqu’il retrouvait son élément, en fier viking qu’il était, mais aussi nostalgique puisqu’il avait perdu toutes les personnes auxquelles il tenait. Son père, sa mère, ses amis étaient décédés, de même que la majorité des personnes formant son peuple. Et même si le claquement de doigts de Thanos n’avait pas eu lieu en hiver, l’Asgardien ne pouvait s’empêcher d’y songer durant cette saison, alors qu’il faisait le point sur son existence. Il avait failli. Lamentablement. Quant à Loki, il parvenait uniquement à oublier sa mort parce qu’il l’avait retrouvé ici. Bon, peut-être pas sain et sauf puisqu’il l’avait revu à l’hôpital après qu’il se soit fait tirer dessus, mais bel et bien vivant. Un miracle et une consolation, au vu de tous ceux qu’il avait déjà perdu. Regarder les flocons tomber alors qu’il n’avait presque rien à faire avait tendance à faire remonter des souvenirs autant agréables que douloureux. En hiver, tout tournait au ralenti et ça n’était pas spécialement bon pour le moral. Heureusement, Thor pouvait compter sur son frère pour l’empêcher de tomber trop profondément en dépression, ainsi que sur ses boulots et les gens qu’il connaissait. En l’occurrence, Aloy était toujours en pleine forme, dynamique et prête à découvrir de nouvelles choses. Aujourd’hui, son caractère impétueux et enthousiaste se traduisait par l’envie de faire une balade en pleine nature enneigée. Plus qu’heureux d’avoir enfin quelque chose à faire et de pouvoir se sortir de ses sombres pensées, le colosse avait accepté l’invitation avec joie. Après tout, quoi de mieux qu’une promenade avec les chevaux qui avaient rejoints récemment l’écurie pour se lier encore plus avec eux et chasser la mélancolie ? Se dégourdir les pattes dans la neige leur ferait du bien, tout comme à lui et à Aloy. A ses côté, l’Asgardien savait qu’il pourrait oublier ses tracas durant tout le temps qu’ils passeraient ensemble. Et ça, ça n’avait pas de prix.
Dans l’écurie, les deux cavaliers s’attelaient à préparer leur monture pour la balade. Sa boss avait choisi Gaïa, la nouvelle venue au caractère malicieux, tandis que Thor avait décidé de prendre Orion, un cheval calme. Ce choix lui semblait judicieux vu qu’il était d’humeur rembruni. Il pourrait ainsi le guider en toute facilité, sans devoir gérer et corriger un comportement caractériel. « Comme vous êtes un dieu nordique, la neige ça doit être votre truc ? Autrefois je vivais dans les montagnes, c'était magnifique ! J'adore la neige ! Dès que nous arrivons en hiver ici, j'ai l'impression de replonger en enfance. » Thor lui sourit. Il comprenait parfaitement ce qu’elle voulait dire et, une fois de plus, c’était l’occasion d’en apprendre plus sur elle. Et d’échanger. « J’imagine qu’on peut dire cela, oui. Après, comme je faisais partie de la famille royale, mes gestes étaient surveillés. Ceci étant, ça ne m’a jamais empêché de m’aventurer dehors et d’expérimenter les batailles de boules de neige. » continua-t-il de sourire en se replongeant dans ses souvenirs d’enfance et d’adolescent quelque peu immature et fougueux. « Puis ça a été les aventures loin du palais. Les premières péripéties, les premiers vrais combats. La rencontre d’autres mondes… Du coup, je comprends ce que vous voulez dire. Et ça fait du bien de se dire qu’il nous reste nos bons souvenirs. » Même si les moins bons n’étaient jamais loin non plus. La jolie blonde reprit. « Je pense qu'on peut aller jusqu'à la rivière ? On peut s'arrêter pour pique-niquer là-bas ? » Thor resta pensif un instant. Il y avait longtemps qu’il n’avait pas fait ce genre de balade en plein air, avec l’option feu de camp. Trop longtemps même. L’idée était donc d’autant plus alléchante. Mais voilà, il fallait de quoi se nourrir et l’Asgardien ignorait si Aloy avait déjà tout prévu ou si c’était simplement une proposition. « Pourquoi pas ? Mais du coup, il va nous falloir emmener des vivres. A moins qu’on ne se débrouille avec ce qu’on trouvera sur place ? » Que ce soit pour la chasse ou pour l’eau, rien ne serait un problème pour lui. En effet, Thor avait recouvré certaines de ses capacités et il comptait bien les utiliser au besoin.
La nature, trésor inépuisable des couleurs et des sons, des formes et des rythmes, modèle inégalé de développement total et de variation perpétuelle, la nature est la suprême ressource. (Olivier Messiaen)
Affairée à préparer les chevaux, Aloy initia la conversation en s’intéressant un peu plus aux origines de son employé. En effet, depuis le temps qu’ils travaillaient ensemble et maintenant que la belle blonde avait cessé de l’éviter, ils avaient pu apprendre à se connaître et, chaque jour qui passait, leur relation se renforçait. Possédant un tempérament impulsif et aventureux, les deux cavaliers s’entendaient très bien. Ils avaient généralement la même vision des choses et un caractère similaire, même si Thor était désormais quelqu’un qui faisait preuve de plus de prudence qu’auparavant. Ils se racontaient ainsi des bribes de leur existence antérieure et prenaient le temps de comprendre l’univers de l’autre. L’Asgardien avait cependant la chance de bien connaître Midgard et sa façon de vivre, ce qui l’aidait beaucoup à vivre ici, sur cette île. Car pour une raison inconnue, c’était principalement de cette planète que l’environnement s’inspirait. Thor pouvait ainsi venir à la rescousse de sa cheffe, qui se posait des questions sur nombre de nouvelles choses qu’elle découvrait, sur certains modes de vie ou encore sur des schémas de pensée différents des siens. Dans cet assemblage d’horizons et de personnalités distincts, chaque insulaire pouvait revendiquer son unicité avec force. Que ce soit son monde originel, sa race, son expérience, ses pouvoirs et capacités, ses mœurs et ses us et coutumes, il y avait de quoi étudier et écrire une kyrielle de livres sur tout ce qui se passait sur cette île. Néanmoins, sans trop de surprise, les gens qui se ressemblaient et venaient du même univers se recherchaient et se regroupaient. Fallait-il encore les trouver... De son côté, Thor avait de nouveau son frère Loki à ses côtés et avait retrouvé quelques membres des Avengers. Pourtant, il préférait se consacrer à sa nouvelle vie et laisser l’ancienne derrière lui. Sa culpabilité se ravivait à leurs contacts et il préférait donc les éviter. Tourner la page était nécessaire dans son cas.
Pour l’heure, son attention se concentrait sur Aloy et sa question, à laquelle il répondit le plus simplement possible. Inutile de se noyer dans des détails sans importance. Et puis, il n’aimait pas trop parler de son passé de prince. « Oh, je vois... D'ailleurs votre frère n'est pas un dieu de la glace ? Il doit s'y connaitre, enfin il devait avoir besoin de froid. Après, pour la surveillance, j'imagine que pour les personnes importantes, surtout les enfants, c'est... ainsi. » Certains diraient une prison dorée mais à vrai dire, Thor ne l’avait jamais ressenti comme ça. Il s’était toujours senti libre de ses mouvements et de ses pensées. Seuls ses parents avaient l’autorité suffisante pour le restreindre. Et encore. Véritable tête brûlée qui ne tenait pas en place, Odin avait dû employer les grands moyens plus d’une fois pour le faire rentrer dans les rangs. De toute cela, l’Asgardien en gardait un excellent souvenir. Un sourire étira attendri étira alors ses lèvres. « Oui, Loki. Mais il n’a appris sa véritable nature que plus tard. Sinon, il me semble normal de veiller sur les enfants, surtout celui que j’étais. C’est fou ce qu’on peut faire comme bêtise quand on est jeune. » déclara-t-il avec amusement. Et puis il y avait eu les aventures lorsqu’il avait grandi, voulant découvrir le monde et faire ses preuves, rendre fier son père et prouver qu’il pouvait prendre sa suite. « Oh alors par la suite il y a bien eu des aventures, j'aurais le droit d'en connaitre ? » Le colosse se tourna vers elle et lui sourit, complice. « D’accord, mais ce sera donnant-donnant. Je suis sûr que vous avez des histoires à raconter vous-aussi. » Son bonheur augmentait lorsqu’il repensa à sa dernière aventure. Détournant le regard, un voile de remord passa dans ses yeux. Trois plus tard, ça le hantait toujours. Est-ce que ça finirait par passer ? Thor en doutait. Sa colère aveuglante avait tué trop de monde. La voix d’Aloy le sortit de ses sombres pensées et il s’obligea à se concentrer sur elle. Il finit par lui demander s’ils devaient emporter des provisions avec eux, ou si elle avait prévu de chasser ou de pêcher sur place. « J'ai préparé de quoi manger. » s’exclama-t-elle, triomphante, en levant un sac, ce qui ramena instantanément un sourire sur le visage de l’Asgardien ainsi qu’une vague de chaleur dans son corps. Thor mesurait la chance qu’il avait d’avoir un employeur aussi dynamique et attachant, qui lui proposait des sorties loin du monde. Ces temps-ci, il avait vraiment besoin de se changer les idées et elle y arrivait parfaitement avec son attitude naturellement drôle et adorable. « Bon, ça reste du pain avec une tranche de jambon et fromage mais... Visiblement ici c'est ce qu'on mange en pique-nique. » De manière totalement pragmatique, Thor se demanda s’il y avait assez pour eux-deux. Parce que juste du pain, une tranche de jambon et de fromage pour un grand gaillard comme lui, ça allait être compliqué. Il s’abstint cependant de tout commentaire, conscient qu’Aloy faisait tout son possible pour qu’ils passent un bon moment ensemble, et ce alors qu’elle ne connaissait pas grand-chose aux manières de vivres de la majorité des gens d’ici. « Vous avez pensé à tout. Et effectivement, c’est le moment d’essayer ces fameux sandwichs. Mais j’y pense, on devrait peut-être emmener quelque chose pour les chevaux aussi, non ? » Parce qu’avec la neige, pas sûr que les pauvres bêtes trouveront de quoi se sustenter et reprendre des forces une fois sur place. Bon, ils ne partaient pas pour un voyage de plusieurs jours mais le colosse était très attentif aux soins qu’il apportait aux équidés. « En tout cas, si on n’a rien oublié, je suis prêt à y aller. Je te suis. » déclara-t-il finalement, une fois Gaïa et Orion harnachés, et les provisions positionnées sur les selles.