Il aura fallu trois ans, trois longues années à te construire sans eux, pour que ta famille te revienne, petit à petit. Dès l'instant où tu as retrouvé ton frère, tu as senti l'espoir grandir en toi tel que cela ne t'était jamais arrivé auparavant, la chance de retrouver tes proches, et peut-être quelque chose qui ressemblerait un tant soit peu à ta vie d'avant.
Tu te doutes bien, évidemment, que tu ne retrouveras jamais Casita, que les Madrigal ne vivront plus jamais sous le même toit, tout comme tu as fini par te dire que tes pouvoirs, après tout ce temps, ne reviendront jamais, tu t'y es faite, mais tu as davantage de difficultés à mener une vie qui ressemble si peu à celle que tu as toujours connue. Vous, les Madrigal, vous avez toujours vécu en communauté, c'est comme ça que les choses se passent chez vous, c'est normal, c'est naturel, les générations passées et futures sous un même toit...
Tu en oubliais que cette tradition pouvait sembler intrigante à d'autre. Ici, tu es entourée, certes, et tu es parvenue à te faire un nouveau cercle d'amis, c'est vrai, mais ta famille te manque, elle te manque tellement... On ne réalise jamais tant la valeur de quelque chose que quand on pense l'avoir perdue, n'est-ce pas ? En retrouvant Camilo, tu t'es fait un aperçu de ce que ta mère et Tia Julieta ont dû ressentir au moment de retrouver Tio Bruno... Tu te sens un peu plus complète, mais tu sais malgré tout que tu ne le seras totalement que lorsque ta famille sera à nouveau réunie.
Grâce à Camilo, tu sais au moins où trouver deux d'entre eux, et ça te soulage, car s'ils sont là, tu sais que les autres finiront par vous revenir. Entre Isabela et Bruno, ton choix est rapidement fait, c'est Isabela que tu veux retrouver en premier. Oh, tu aimes ton oncle bien sûr, mais disons que vous n'avez pas vraiment eu le temps de construire de véritable relation, tous les deux, même si tu l'as protégé en protégeant son secret pendant de nombreuses années. Isabela, c'est comme une soeur pour toi, une soeur dont tu as pu être jalouse, parfois, c'est vrai, surtout quand tu voyais Mariano n'avoir d'yeux que pour elle, mais avec qui tu n'étais pas moins proche et complice. Et oh, comme tu as hâte de la voir.
Et hâte de découvrir sa réaction aussi ! Tu as fermement demandé à Camilo de ne rien dire à Isabela, tu as l'intention de la surprendre, et tu espères ne pas manquer ton effet. Et tu espères qu'elle sera tout aussi heureuse de te retrouver que l'inverse. Tu passes donc le pas de sa boutique et la reconnaît immédiatement, et tout en la gratifiant d'un large sourire, tu viens à sa rencontre.
"Bien sûr que tu devais être fleuriste ! Je n'en reviens pas de n'avoir jamais trouvé cette boutique avant !"
Elle avait retrouvé son cousin, et apparemment même Bruno était là. Même si Isabela avait fini par se faire à l’absence de toute sa famille, savoir qu’elle était en train de retrouver une partie des Madrigal lui faisait tellement plaisir. Et ça se voyait, elle était tellement plus souriante, agréable avec littéralement tous ses clients, même ceux qu’elle envoyait en général chier parce qu’ils lui manquaient de respect. Isabela avait passé la majeure partie de sa vie à être parfaite, à être serviable, bienveillante et paraître quelqu’un qu’elle n’était pas. Bien-sûr certaines facettes de sa personnalité ressortaient lorsqu’elle jouait Senorita Perfecta comme dirait Mirabel, mais tout autour, ce n’était que des mensonges.
En attendant les deux Madrigal avait échangé leurs numéros histoire de pouvoir garder contact. Et il avait apparemment décidé de ne pas lui dire que sa grande sœur était en ville. Mais l’ainée des petits-enfants Madrigal allait bientôt découvrir la chose. Elle était en train d’arranger un bouquet commandé sur le comptoir lorsque la clochette retentit. Elle répéta instinctivement sa phrase tout en levant la tête pour offrir un beau sourire à la clientèle. Mais sa phrase se transforma en voyant le visage de sa cousine. « Bienvenue à l’Encanto ! Qu’est ce que je peux… Dolores ? » Elle lâcha directement ce qu’elle faisait et contourna le comptoir pour s’approcher d’elle. « Oh mon dieu Dolores ! Milo va être tellement content !»
Puis elle ricana doucement aux paroles de sa cousine. « Tu es exactement comme ton frère. Je n’ai pourtant pas choisi de vous compliquer la tâche de me retrouver ! » Elle la prit dans ses bras, la serrant contre elle tendrement. Dolores était probablement celle dont elle était le plus proche. Après tout elles étaient les deux plus âgées. Et Isabela devait l’avouer, elle se sentait mal d’avoir failli épouser l’homme dont sa cousine était amoureuse.
"Je te le confirme, Milo a sauté de joie", tu réponds pour faire comprendre à ta cousine que tu as bel et bien retrouvé ton frère. C'est même le premier que tu as retrouvé, et ça a été un soulagement incomparable d'avoir retrouvé son chemin.
A partir du moment où tu as de nouveau eu la conviction que tu allais pouvoir retrouver les membres de ta famille, tu t'es demandée d'autant plus comment tu as vraiment pu passer tout ce temps loin d'eux... Bien sûr, ils t'ont manqué, et tu as terriblement ressenti ce manque, mais tu en ressens le poids comme à rebours, à présent que tu les retrouves tous, un à un.
C'est un plaisir de voir Isabela dans cette boutique, dans son élément. Elle a l'air plus épanouie qu'elle ne l'a jamais été, et c'est compréhensible : elle a vécu si longtemps conditionnée par la nécessité d'être parfaite qu'elle était sans doute celle qui bénéficiait le plus de trouver, dans ce nouveau monde, une indépendance, une autonomie. Tu songes que tu aimerais avoir trouvé ta place aussi bien qu'elle, et tu t'en sentirais quelque peu jalouse. Mais ta jalousie envers Isabela ne t'a jamais rien apporté, et tu le sais très bien également. Tu resserres votre étreinte.
"Je ne comprends vraiment pas comment j'ai fait pour ne pas trouver cette boutique avant", tu la gratifies d'un sourire émue. "Tu as l'air d'aller vraiment bien. On dirait que cette nouvelle vie te va comme un gant." Et même si tu ne veux pas la presser de questions, tu le fais presque malgré toi : il faut croire que c'est beaucoup trop tentant pour toi. "Tu as revu d'autres personnes ? A part Camilo ? ... Mariano ?"
« Quoi ?! Et il me l'a pas dit ! Milo ne changera jamais !» Répondit-elle en pestant après son cousin. Bien-sûr que Camilo avait retrouvé sa sœur et avait décidé de ne pas lui en parler. Elle se doutait qu'il préférait qu'elle l'apprenne de Dolores. Mais savoir qu'il lui avait caché l'information lui faisait tout de même un peu mal au cœur. Elle pensait que les non-dits étaient désormais proscrits dans la famille qui en avait tant souffert. Mais heureusement pour le cadet de ses cousins, le fait de retrouver Dolores était bien plus important que quoi que ce soit.
Dolores et elle s'étaient toujours bien entendus, étant les deux plus âgées. Et savoir qu'elle blessait sa cousine en ayant à se marier à Mariano l'avait détruite. Déjà qu'elle n'avait pas la moindre envie de l'épouser, mais parce que voir la peine apparente sur le visage de sa cousine l'a peinait énormément. Sauf que c'était son rôle et elle se devait de le respecter, pour la famille. Pour Abuela. Heureusement, tout ça était derrière eux maintenant.
« Cette ville est bien étrange, ça ne m'étonne même pas. Si ça se trouve ma boutique se transformait en garage quand tu passais devant.» Lui répondit-elle en riant. C'était la seule explication possible, car Isabela avait pourtant fait en sorte qu'elle soit tout de même visible pour sa famille, rien que le nom de sa boutique devait porter la puce à l'oreille. Un sourire remplis de tendresse se déposa sur le visage d'Isabela. « Plus que bien, je suis libre. C'est triste quand je me dis qu'il a fallu que je perde la famille entière. Mais j'ai été capable de faire ce que je voulais. Pour la première fois.»
Isabela attrapa la main de sa cousine, caressant le dos de celle-ci avec son pouce. « Non... Désolé. J'aurais aimé t'apporter de bonnes nouvelles concernant Mariano...»
"Il voulait te laisser la surprise", tu fais avec un sourire en coin quand Isabel comprend que tu as déjà retrouvé Camilo et qu'il s'est bien gardé de te l'apprendre.
Evidemment, il fallait s'y attendre, mais toi, tu es contente de cette décision, et qu'il ait su tenir sa langue, parce que tu aurais regretté de ne pas pouvoir faire la surprise à Isabela. Tu voulais voir la stupeur puis la joie sur son visage au moment de vous retrouver.
Tu ris légèrement quand Isabela suggère que sa boutique changeait peut-être de forme quand tu passais devant, avant. Tu as beau avoir vécu dans une maison "vivante" et tu as beau avoir vécu dans une famille dotée de pouvoirs uniques, la logique de cette ville étrange continue de t'échapper complètement. Tu ne sais pas trop si tu réussiras à te faire une raison un jour... c'est tellement étrange, tellement inattendu... qu'est-ce que vous êtes sensés faire de toutes ces variables impossibles à maîtriser, exactement ?
"Le pire, c'est que c'est bien possible", tu confirmes en fin sourire en réponse à ses suppositions fantasques.
Ton sourire s'agrandit en voyant à quel point Isabela semble heureuse dans cette nouvelle vie. Elle est totalement libre, enfin libérée pour de bon du fardeau qui avait pesé sur elle, cette injonction à la perfection qui l'avait tant fait souffrir. Tu es d'accord, c'est triste qu'elle ait dû en arriver à perdre les siens pour se trouver, mais vous en êtes peut-être tous au même point, à ce stade. Vous aviez besoin de vous comprendre et de vous trouver indépendamment du cadre familial, et si tu te fies à ce que tu as découvert des membres de ta famille que tu as retrouvés, ça a été plutôt efficace. Enfin... Bruno est un cas à part. Mais Bruno a toujours été un cas à part.
"Je suis heureuse de te voir épanouie, vraiment. Tu méritais cette vie, peut-être plus que nous tous." Encore que ça se discute. Vous le méritiez sans doute tous.
Ton sourire se fige et tu te forces de ne pas le perdre quand Isabela s'excuse de ne pas avoir de nouvelles de Mariano. Tu ne tombes pas des nues, tu t'en doutais... malgré tout, cette pensée te serre le coeur.
"Je ne sais pas pourquoi je m'accroche autant à lui. Même s'il est là, il a sûrement dû passer à autre chose", tu énonces, défaitiste.
Comme il est finalement passé facilement d'Isabela à toi. Mariano, en éternel romantique, a peut-être trouvé nouvelle apparition après qui soupirer.