Toutes les voix s’étaient tu. Un souffle s’éleva à ses oreilles, le sien. Il était seul. Un porte-plume reposait dans sa main droite. Sa prise relâchée le conduisit à glisser hors de ses doigts. Il roula alors sur la table, attirant l’attention de son propriétaire. Un poing s’abattit sur une extrémité. Le choc ébranla le bureau. L’eau déborda de son verre et tacha la feuille de papier qui gisait sous ses yeux. L’encre commençait à baver. Une ligne entière se brouilla, puis une autre. Il resta là, à contempler le désordre qu’il avait semé en l’espace d’une seconde, interdit. Enfin, le bon sens vint à son secours et d’une main, il attrapa un morceau de buvard. Il était déjà trop tard, bien sûr. Le mal était fait. En pure perte, il essuya la feuille imbibée, causant probablement plus de dégâts qu’il n’en réparait. Le parchemin chuinta, claqua sous ses traitements. Soudain, il rompit. C’était une fibre fine, un grain délicat destiné aux travaux de minutie. À sa décharge, il n’avait pas prédit d’inondation. Résigné, Ben souleva la logue détrempée pour la jeter dans la poubelle la plus proche. Un soupir las s’échappa de ses lèvres. Il contemplait le chantier laissé sur la table avec une seule envie en tête, balayer son sommet, jeter ses affaires au sol. La frustration grimpait telle une vrille. Il avait dépassé le délai pour cette commande. Ben n’accusait jamais de retard, rendant toujours ses projets en temps et en heure. Avant peut-être, mais plus aujourd’hui. Il avait d’ores et déjà demandé un sursis pour s’acquitter de cette maquette destinée à une petite entreprise, laquelle était en train de se monter. Il planchait sur l’ébauche d’un logo, l’image de la marque… C’était important. Important pour eux, mais aussi pour lui… Il engageait son nom, sa réputation, son sérieux… Une "réussite", s’il en est ! Il y travaillait depuis une semaine. Plus exactement, il s’efforçait de… Trouver un instant à lui relevait du miracle. Il courait à hue et à dia, tentait de faire tout ce qui devait être fait, seul. Il s’efforçait de tenir un centre. Ça, il le tenait, oui… À bout de bras ! Ben se démenait pour un rêve stupide. Il s’évertuait à vouloir donner un sens à ce qui n’en avait pas. Est-ce que quelqu’un au moins s’en souciait ? Il n’aidait personne, pas même lui. Ô bien sûr, ils étaient nombreux à franchir les portes du Temple. Mais le soutien apporté était insuffisant face aux besoins. Ben n’était pas suffisant. Il croulait sous le travail et fatiguait. La situation ne pourrait durer.
Néanmoins, plutôt que de céder à un vieux travers, il quitta ce qui lui tenait lieu de bureau. Quelques pas au sein des locaux suffirent à confirmer sa pensée. Il était bel et bien seul. Aussi, il s’approcha d’un présentoir, attrapa l’un des bâtons d’entrainement, puis gagna la grande salle. Les mannequins se trouvaient en place. Habituellement, il insistait toujours sur la nécessité de ranger le matériel, après en avoir fait usage. C’était l’une des règles de la "maison". Aujourd’hui, cependant, il ne comptait pas s’en plaindre. Sans y penser à deux fois, Ben s’élança au-devant d’une cible et frappa avec une rare violence. Les coups s’enchainèrent. Il était inarrêtable, sa furie s’épanchait. « Je t'ai aimé comme mon fils et je t'aime encore comme mon fils, même si je ne devrais sûrement pas. Ma plus grosse erreur fut de ne pas te l'avoir dit ni montré assez et de t'avoir considéré comme un étranger sur la fin… » Les assauts redoublèrent sous le poids du souvenir. Dents serrées, il délogea le mannequin de son socle par l'estoc. « Menteur ! » hurla-t-il. Se saisissant du pantin désarticulé, il le jeta à l’autre bout de la pièce. « Lorsque j'ai eu cette brève pensée délirante, oubliant l'importance que tu avais dans ma vie. » Le bâton restait scellé à son poing. Il le serrait fermement. Son souffle saccadé répondait au silence. Le visage ruisselant de sueur, il porta une main à son front, puis s’essuya promptement à l’aide d’un linge. Sur le bout de sa langue, il crut relever une note de sel, comme s’il avait pleuré. Il écarta rapidement cette pensée, laquelle fut diligemment remplacée par une autre. Un avertissement à travers la Force. Les sens en éveil, il percevait une signature. Elle ne lui était pas inconnue. Prestement, il acheva de se rafraichir, ramassa le mannequin et le refixa sur son socle. Il eut tout juste le temps de se retourner pour l’accueillir. « Que me vaut ce plaisir ? » demanda-t-il alors, une pointe d’ironie dans la voix. Finn ou F-2187 se tenait devant lui.
Choisir Ben Solo comme maître ne s’était pas imposé comme une évidence. Loin de là. Autour de toi planait encore le souvenir amer et douloureux de Kylo Ren qui avait égratigné ta personne ainsi que Poe et Rey. Si vos enveloppes charnelles s’en étaient remises, les choses étaient tout autres pour vos âmes. Poe était de loin celui qui avait le plus de mal à digérer la chose. Compréhensible puisqu’il avait subi les tortures de l’ancien disciple de Ren. Juste pour cette simple raison, Ben ne pouvait pas assurer ton apprentissage. Mais si on l’éliminait de la course, qui restait-il pour prétendre à une telle responsabilité ? Il y avait Anakin Skywalker en premier lieu. Tu avais eu l’occasion de le rencontrer au cours de ce repas de famille où Poe et toi aviez seulement fait acte de présence, mais l’homme semblait plus occupé par sa future paternité qu’autre chose. Puis, au regard de son passé et de son lien encore fragile avec la Force, tu ne préférais pas. Tu étais aussi bien trop impressionné par celui qui avait toujours été désigné comme l’Élu de cette prophétie énigmatique. Anakin avait tellement souffert de son attachement à la Force et de son exploitation, autant du côté Jedi que Sith, qu’il ne voulait peut-être plus en entendre parler de toute sa vie. Alors il valait mieux s’abstenir. Il y avait aussi son fils, Luke Skywalker que tu avais également croisé au cours de ce fameux diner, mais également sur Crait, brièvement cependant, quand il avait usé de la technique du similfuturus pour vous aider. Malheureusement, tu étais également trop impressionné pour oser lui faire une telle demande. Tout comme Rey, tu étais subjugué par la légende qu’il représentait autant en tant que soldat que Jedi. Tu te disais qu’il n’avait sûrement pas de temps à perdre avec un padawan aussi vieux que toi qui n’étais même pas sûr d’être réellement sensible à la Force. Il restait donc Rey. Mais cette dernière semblait bien trop accaparée par sa nouvelle vie. Puis, tu n’oubliais pas qu’elle t’avait confié aimer vivre dans cette normalité qu’elle n’avait jamais connue. Le seul point noir dans sa vie était cette mésentente entre Poe, Ben et toi. Cette situation te désolait autant qu’elle. Et surtout, tu étais moins buté que ton amant. Certes, tu étais encore loin de pardonner à Solo tout ce qu’il s’était passé, mais tu voulais au moins essayer de voir ce que Rey avait vu en lui. Puis, tu en avais marre de toutes ces rancœurs. Tu voulais mener une vie simple toi aussi tout en suivant ton apprentissage qui était important à tes yeux. C’est à ce moment-là que Ben s’est imposé comme une évidence pour tenir ce rôle de maître. Tu étais sûr que Rey apprécierait l’effort que tu faisais et tu espérais surtout que Ben accepte.
C’est alors que tu te rendis au temple ce jour-là. Tu n’allais pas mentir : tu étais très anxieux. D’une part, parce que tu n’avais pas confiance en tes capacités liées à la Force. Tu doutais même de leur présence en toi, malgré les signes qui prouvaient le contraire de ta pensée. Et, d’autre part, parce que te retrouver à nouveau nez à nez avec ton ancien supérieur ne t’enchantait pas et accentuait cette nervosité latente. Puis, tout cela, tu le faisais aussi derrière le dos de Poe et cela ne t’aidait en rien à être serein. Tu prenais une grande bouffée d’air frais. Tu tentais de rassembler tes pensées pour reprendre contenance, puis tu te décidais enfin à rentrer dans le temple battis par celui que tu souhaitais rencontrer aujourd’hui.
Suivant les indications que l’on t’avait données, tu te rendais dans un premier temps vers son bureau. Toutefois, du mouvement dans une salle adjacente arrêta ta course, surtout lorsque tu entendais la personne qui s’y trouvait pester. « Menteur ! » Cette voix, tu la reconnaitrais entre mille, surtout après l’avoir côtoyé autant d’années « Traitre ! » Souvenir douloureux sur Starkiller qui te revenait en écho après avoir sombré dans un coma relatif à cause des coups qu’il t’avait assénés. Pure folie que d’avoir osé l’affronter, mais tu avais juste voulu sauver Rey pour laquelle tu entretenais de très vague attirance à ce moment-là. Malgré la peur qui te paralysait à la suite de ce hurlement qui avait réveillé en toi des souvenirs douloureux, tu osais pousser la porte et pénétrer dans la pièce tombant sur Ben en plein acharnement sur ce pauvre mannequin qui n’avait strictement rien demandé. Face à cette scène, le courage avait fui de ton corps. Tu n’arrivais même pas à ouvrir la bouche pour lui signifier ta présence. Tu avais vraiment eu la pire idée du monde en venant ici pour avoir l’envie délirante de lui demander d’être son padawan. Tu n’avais cependant pas le temps de te dérober en même temps que ton courage : Ben avait senti ta présence au travers de la Force. Merde. Tu ressemblais à un lapin pris dans la lumière des phares d’une voiture. Tu n’avais qu’une seule envie : fuir, t’enfoncer dans un trou et qu’il oublie ton existence. Quand tu voulais lui répondre, tes propos étaient d’ailleurs peu clairs, se résumant à de simples balbutiements. « Euh… mh… Je… Ahem… Je peux repasser plus tard, si tu veux. Parce que tu as l’air… euh… occupé ? » Tu passais nerveusement ta main contre ta nuque. Mais vu le regard appuyé que Ben t’adressait, tu te doutais qu’il n’y avait pas moyen que tu reviennes plus tard. Tout penaud, tu t’expliquais alors en te rapprochant de lui de quelques pas. « Je… Je pense être sensible à la Force et je… je pensais… que tu pourrais devenir mon maître. » Tu hochais un peu la tête pour appuyer tes propos, paraissant pendant un bref instant plus confiant. « Je me voyais mal demander à ton grand-père ou à ton oncle. Ils m’impressionnent trop. » Tu haussais les épaules, comme si tu n’avais pas eu d’autres choix que de te tourner vers lui.
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