Un regard à la montre fixée au mur m'apprend qu'il est quatorze heures. Quatorze heures seulement... S'il n'y avait le ciel lumineux qui se laisse apercevoir par la ridicule fenêtre de mon bureau, je penserais que l'horloge a été déréglée tant je garde en moi le sentiment qu'il devrait être beaucoup, beaucoup plus tard. Il faut dire que j'ai le nez dans la paperasse depuis beaucoup trop longtemps, et cela n'aide pas ma fatigue, déjà affectée par le manque de sommeil. Je dors toujours très peu - les cauchemars -, mais c'est pire, ces derniers temps, pour des dizaines de raison, y compris la présence de Daryl et Judith chez moi. Je ne regrette en rien de m'être proposée de les héberger, et ils sont charmants, vraiment, ils ne font pas de vague, n'empiètent pas sur mon minime espace, mais cela reste un changement, même si temporaire, qu'il me faut parvenir à gérer tout de même, ce qui n'est pas toujours chose simple.
Bref, je peux trouver toutes les justifications possibles à ma fatigue, cela ne changera pas grand-chose au fait qu'elle ne me quitte pas, violente, tenace, et je me sens épuisée, à bout de force. Et je dois tenir jusqu'au soir encore... Après un nouveau soupir et avoir relu trois fois la même ligne, je renonce en partie. Je n'arriverai à rien tant que je n'aurais pas fait le plein de caféine, c'est une évidence. Aussi, dans un soupir un peu las, mais tout de même satisfaite à l'idée de me dégourdir un peu les jambes, même quelques minutes, j'en ai définitivement besoin.
Arrivée en salle de pause, je suis soulagée de constater que celle-ci est pratiquement vide. Affirmer que je m'entends avec très peu de mes collègues serait un doux euphémisme, j'ai toujours eu le don d'entretenir des relation professionnelles difficilement cordiales. Je salue la seule personne présente d'un "bonjour" qui trahit sûrement mon état de fatigue avant de faire couler mon café. J'observe alors la femme qui se trouve là plus attentivement. Je n'ai encore jamais eu l'occasion de parler avec elle, mais j'ai en revanche eu vent de son recrutement. J'avais alors songé à avoir une conversation avec elle, mais l'occasion ne s'était pas réellement présentée. Peut-être que c'est maintenant. Elle me semble sympathique, abordable, et cela m'encourage à engager la conversation.
❝Eve Polastri, c'est bien ça ? La nouvelle profileuse ?❞ J'hésite à lui serrer la main, ça me paraît un peu trop formel. A la place je la gratifie d'un sourire. ❝Clarice Starling. Bienvenue parmi nous.❞ Je récupère mon gobelet de café, en bois une première gorgée. ❝Ça se passe bien ? Vous réussissez à vous acclimater ?❞
Je sais à quel point cela peut être compliqué, et aussi, je sais avec qui elle travaille.
Dernière édition par Clarice Starling le Mer 22 Fév 2023 - 11:24, édité 1 fois
Invité
Ven 15 Oct 2021 - 23:47
Profiling the profiler
CLARICE & EVE ▬ "I think we all have monsters inside of us. It’s just that most people manage to keep theirs hidden."
Il n'y avait rien de tel pour connaître l'ambiance à laquelle on pouvait s'attendre dans un nouveau travail que de se fier à la salle de pause. Si elle était trop austère, il y avait de fortes chances pour que les employés ne s'y réunissent pas et donc, pour que les liens sociaux se forgent difficilement. Si elle était au contraire accueillante, il aurait été bien naturel de s'y sentir à son aise et donc, cela aurait favorisé l'entente.
Or, c'était plutôt l'inverse qui se jouait là. La salle de pause était déserte, et donc cela la rendait austère.
C'est pourquoi Eve accueillit avec une satisfaction évidente l'apparition de sa collègue. Elle qui s'était installée dans un canapé, elle leva les yeux vers la jeune femme et acquiesça à sa première question.
- Enchantée, Clarice, répondit-elle poliment et - pour le moment - sobrement.
Elle l'observait, avec une attention toute particulière. Si bien que lorsque Clarice prit sa gorgée de café, Eve par mimétisme fit de même. Elle semblait être aimable, à en juger par la manière dont elle l'accueillait. Sa dernière question amusa la nouvelle arrivée, qui adressa un sourire à sa collègue.
- Oui. J'ai l'habitude des changements d'environnement de travail... Ou d'équipe.
Elle ne développa pas davantage. Ses propos s'expliquaient par son âge, sans qu'elle n'ait besoin d'entrer dans un récit concernant sa vie passée et chaotique. A quarante ans passés, il n'était guère étonnant qu'elle soit passée par différentes positions dans sa vie professionnelle.
Clarice Starling. Le nom ne lui était pas inconnu. On avait dû lui parler de cette femme, lorsque l'on avait brièvement présenté l'équipe à Eve. Mais puisque cette dernière préférait connaître ses collègues par elle-même plutôt que par les propos d'autrui, elle s'installa de sorte à pouvoir plus confortablement croiser le regard de son interlocutrice, avant de l'interroger à son tour :
- Je suis navrée, je n'ai pas retenu le poste de chacun ici. Êtes-vous également dans le profiling ?
Invité
Mar 9 Nov 2021 - 14:12
❝Clarice & Eve❞ Profiling the profiler
Ne jamais se fier à sa première impression, c'est la règle. Certains individus, élégants, aux paroles rassurantes et enjôleuses, peuvent dissimuler une âme sombre, un instinct violent, cannibale. Non, il ne faut jamais se fier à sa première impression, et ne jamais oublier de creuser davantage. Mais si je devais me fier à ma première impression concernant Eve Polastri, je reconnaîtrais qu'elle est, pour l'heure, tout à fait positive. La profileuse est aimable, sociable, elle ne fait pas de manières, bref, je pourrais aisément l'impression. Oui, cela peut donner l'air de rien, mais ça a son importance, d'autant qu'auprès de mes collègues, j'ai toujours eu plutôt du mal à m'intégrer, soumise soit à ma réputation, soit à ce que peut laisser, à tort, mon apparence présumer de moi. Même ici, m'intégrer n'a pas forcément été plus facile, alors que le dialogue est aisé avec une de mes collègues, je le prends déjà comme une petite victoire.
Elle m'apprend qu'elle est habituée à changer de cadre de travail et d'équipe, je ne l'interroge pas davantage sur la question, j'y vais de mes propres déductions. Elle est plus âgée que moi, la quarantaine, certainement, elle a forcément un bagage professionnel bien assez dense pour avoir roulé sa bosse dans plus d'un domaine, sans oublier que cet endroit, dans tous les cas, a mis nos habitudes et nos convictions à tous à rude épreuve. Je ne commente donc pas et lui laisse plutôt me poser une nouvelle question.
❝Oh non, je suis simple agent de police, et ça me va très bien comme ça❞, je réponds avec un léger sourire. ❝Avant, je travaillais pour le VICAP, le programme d'arrestation pour actes criminels violents du FBI❞, j'ajoute sans avoir pourquoi je m'autorise tant de précisions, et sans être sûre qu'Eve ait jamais entendu parler du VICAP ou du FBI, peut-être parce que le caractère détendu de la conversation m'invite à m'exprimer sans trop de détours sur certaines choses qui me concernent, même si je n'entrerais pas, à l'évidence, dans certains détails. ❝On m'appelait la grande spécialiste des tueurs en série, en vérité j'en ai arrêté très peu, mais...❞ On m'appelait aussi la fiancée de Frankenstein, dû à ma relation singulière avec Hannibal Lecter, celui de ma dimension, du moins, mais je vais éviter de m'arrêter à ce genre de détails. ❝... j'ai un certain bagage en matière de profilage, qui explique pourquoi j'ai préféré ne pas rempiler ici❞, j'ajoute avec un fin sourire.
Ce qui ne m'a pas empêché malgré tout de retrouver un poste au sein de la police, mais j'aurais été incapable de me détourner de ce milieu... même en sachant que ce serait le mieux pour moi, même quand mes crises d'angoisse m'y exhortent.
CLARICE & EVE ▬ "I think we all have monsters inside of us. It’s just that most people manage to keep theirs hidden."
Un immense soulagement envahit Eve, qui accueillait tout élément familier avec gratitude. Clarice mentionnait le FBI, elle mentionnait donc une organisation qu'elle connaissait. Après toutes ces discussions autour du surnaturel, elle aurait pu s'émouvoir aux larmes d'entendre parler de tout cela, qui était si... Banal, si... Normal.
- Oh, je vois ! Ca a dû être... Passionnant. J'aurais adoré y travailler, du temps où je faisais mes études, confia-t-elle avec un sourire bien plus large.
Elle l'écouta avec plus d'attention encore lorsqu'elle mentionna sa spécialisation au sujet des tueurs en série. Là-dessus, elles se rejoignaient... Même si Eve, pour sa part, s'était principalement intéressée aux tueuses en série. Par fascination, et sans doute un peu par envie également. Pour elle, ces femmes-là incarnaient à la perfection l'indépendance, la sauvagerie, la fougue. Mais elle ne pouvait pas décemment confier cela à sa collègue dès la première rencontre, d'autant moins depuis qu'elle vivait avec l'une des tueuses qu'elle avait admirées... C'aurait été la propulser au rang de complice - qu'elle était, pourtant - et de suspecte bien trop tôt. Ce qui aurait été dommage, car Eve appréciait déjà ce nouvel emploi. Et ses nouveaux collègues. Même Will, qui avait pourtant été bien taciturne lors de leurs premiers échanges.
- C'est amusant, mon parcours est similaire au vôtre, mais... Ce serait plutôt l'inverse.
Elle eut un nouveau sourire avenant, avant de préciser :
- Mes études me dirigeaient tout droit vers le profiling, mais je me suis rapidement retrouvée au MI5 et MI6... Où le profiling continuait de faire partie intégrante de mon emploi sans pour autant être ce que l'on attendait de moi. C'est donc ma première fois en tant que profileuse officielle !
Elle eut un petit rire pour marquer son enthousiasme et sa satisfaction au sujet de ce nouveau métier. Puis elle se calma et but une nouvelle gorgée de café, laissant tout loisir à son interlocutrice de reprendre la parole. Eve s'intéressait aux raisons qu'aurait pu avoir Clarice de renoncer au profiling. Certes, la police, c'était intéressant... Du moins, elle supposait. Mais ça ne pouvait pas être aussi passionnant que de côtoyer de près les tueurs en série. Même si Eve supposait qu'une pareille expérience pouvait également être traumatisante.
- Vous en aviez assez des criminels de haut niveau ? l'interrogea-t-elle donc avec une curiosité qu'elle ne sut pas contenir.
Invité
Ven 3 Déc 2021 - 13:03
❝Clarice & Eve❞ Profiling the profiler
Passionnant, oui, je ne peux pas retirer à Eve Polastri le fait que oui, en dépit de tout ce que j'ai traversé, l'adjectif demeure approprié : passionnant et dangereux, passionnant parce que dangereux. L'un ne va sans doute pas sans l'autre, et parfois, l'attrait naturel de ce danger me manque (même si à mon poste déjà, il n'est pas complètement absent), mais c'est aussi parce que je sais jusqu'où peut me conduire un tel attrait que je m'exhorte à la prudence. Tout ceci ne me mènerait à rien de bon, ni à rien de sain, et je le sais. J'ai emprunté des chemins sinueux, que je ne veux plus jamais avoir à parcourir.
Eve me confie que pour sa part, son parcours a suivi la trajectoire inverse. Si je voulais être cynique (et il peut aisément m'arriver de l'être), je pourrais lui répondre qu'elle en reviendra et que ça lui passera, mais je n'ai guère de raison de saper ses attentes et son enthousiasme. Il en faut bien pour accomplir ces besognes que je ne me sens plus capable d'accomplir moi-même. Elle a donc travaillé pour le MI5 et le MI6... intéressant comme le simple fait de trouver chez autrui des points de référence en commun peut être une inexprimable source de soulagement. Ici, elle fait ses débuts en tant que profileuse. On pourra définitivement dire qu'elle n'a pas choisi le contexte le plus évident pour plonger dans le grand bain. Cela dit, quand on s'emploie à examiner les tréfonds de l'âme de tueurs notoire, il n'y a jamais de contexte évident... L'horreur d'un crime, peu importe le crime, reste intrinsèquement horrible, et c'est une chose qu'on ne peut pas occulter.
❝Bienvenue dans le grand bain, dans ce cas. On a le plus grand besoin d'éléments tels que vous.❞ Surtout si l'on considère combien ils sont rares, ici... et que dans le cas de son unique collègue... disons que la confiance n'est pas totalement de mise. ❝Et oui... disons que mon expérience avec les criminels en question a été plutôt...❞ Traumatisante ? Oui, c'est le mot, mais ce n'est pas celui que j'utiliserai, en dépit du frisson qui parcourt mon échine et de ce tremblement tout à coup incontrôlable que je tente de dissimuler. ❝rédhibitoire❞, je choisis à la place. ❝Disons que j'ai réussi à faire très fort avant même d'avoir terminé mon parcours à l'Académie du FBI. J'étais sûrement trop jeune.❞ Et ça, Jack le savait... il en a même joué. ❝Vous avez déjà rencontré votre collègue ? Will Graham ?❞
Le changement de sujet est si peu subtil que c'en est ridicule mais peu importe, je ne peux m'empêcher de poser la question malgré tout.. Ne serait-ce que pour la mettre, éventuellement, en garde.
CLARICE & EVE ▬ "I think we all have monsters inside of us. It’s just that most people manage to keep theirs hidden."
L'accueil de Clarice avait le don d'être plus chaleureux que celui auquel elle avait eu droit, de prime abord, auprès de son collègue profiler. "Le grand bain", c'était une belle image pour ce retour à son intérêt premier.
- Je vous remercie, sourit-elle tout en se demandant si ce qu'elle avait perçu chez Clarice était un doute concernant ses compétences, ou un doute quant à son enthousiasme.
Elle décida, pour le bien de son ego, de ne pas s'attarder plus longuement sur la question et se concentra plutôt sur ce que sa collègue avait à lui apprendre sur son parcours. Elle devinait que Clarice en avait vu beaucoup, sans doute trop. Ce qu'elle lui confirma aussitôt. Un léger haussement de sourcils rompit l'expression concentrée d'Eve après que sa collègue ait évoqué des événements qui avaient eu lieu avant même la fin de son parcours académique. Effectivement, elle avait dû être bien jeune.
- Je suis navrée pour vous, lui assura-t-elle avec sincérité. La désillusion n'a pas dû être agréable.
Elle ne pouvait qu'aisément deviner son état psychologique. Même si Eve, pour sa part, avait choisi d'embrasser ses démons - sa démone de compagne -, elle ne connaissait que trop bien la déception qui pouvait accompagner la découverte d'horreurs inimaginables et le manque de réaction de ses supérieurs.
La question au sujet de Will la prit de court. Elle eut plusieurs battements de cils successifs, avant de retrouver une expression plus neutre. De toute évidence, sa jeune collègue n'avait guère de désir de s'attarder sur sa situation. Compatissante, Eve accepta donc le changement de sujet sans rechigner et répondit avec un léger hochement de tête :
- Oui, ce matin-même. Nous avons trouvé un début de belle dynamique de travail, je crois.
Ce qui, visiblement, la réjouissait.
Invité
Jeu 30 Déc 2021 - 13:03
❝Clarice & Eve❞ Profiling the profiler
❝Pas vraiment, non...❞, je confirme sans expliciter quand Eve me fait remarquer que la désillusion n'a pas dû être agréable.
C'est le moins que l'on puisse dire, en effet. La chute a été aussi dure que vertigineuse. Et je n'en suis toujours pas convenablement remise, en témoignent les cauchemars que je prétends, en vain, savoir occulter et dépasser. Certains traumas nous poursuivent plus que de raison. Non, la désillusion n'a pas été agréable, elle a été violente, brutale. Pas au point que je renonce totalement à faire partie des forces de l'ordre.
Ce qui m'aurait fait du bien, plutôt que de mettre seulement un pas de côté, aurait clairement été préférable, mais je sais bien ce que cela serait alors, pour chaque crime impuni, je me serais demandée si ma présence aurait pu y changer quelque chose. Ce poste fait partie de moi, c'est aussi simple que cela. Même si ça ne me fait pas que du bien, même encore aujourd'hui. Ces bons vieux PTSD accompagnent ma trajectoire incertaine, et ne me lâchent pas.
Quand elle m'apprend que Will Graham et elle ont bel et bien fait connaissance et se sont bien entendu, je reste sur ma réserve. Pour les quelques conversations que j'ai eues avec lui (et que j'essaie d'éviter d'avoir, à présent), j'ai pu constater combien il est peu affable, mais ce n'est pas ce qui m'interroge le plus.
Mon premier réflexe est de vouloir mettre mon interlocutrice en garde contre lui, tant que je ne serais pas fixée sur ses intentions, mais à part passer pour présumément folle et certainement paranoïaque, je n'y gagnerais définitivement pas grand-chose, pour ne pas dire rien du tout. J'ai plutôt intérêt, subtilement, à obtenir d'elle les réponses aux questions que j'ai peut-être posées trop directement pour espérer une réponse franche de la part de mon interlocuteur.
❝Je dois reconnaître que j'ai plutôt du mal à le cerner. Peut-être que c'est la preuve que le profilage n'était pas fait pour moi❞, j'ajoute avec un léger rire sans franchement de joie.
Est-ce que je n'y gagnerai pas à poser mes questions franchement, ou à lui expliquer la situation dans son ensemble ? Mais si c'est pour qu'elle la répète immédiatement au concerné, je n'y gagnerai, à l'évidence, rien du tout.
CLARICE & EVE ▬ "I think we all have monsters inside of us. It’s just that most people manage to keep theirs hidden."
Clarice avait quelques réserves. D'abord au sujet de son ancien métier, ensuite au sujet de Will. Ce dernier point intrigua Eve, qui porta plus d'attention à l'observation de son interlocutrice. Elle continua de se montrer aimable et avenante, mais s'interrogeait silencieusement sur ce que cette jeune femme cherchait à savoir sans oser poser les questions. Il était évident qu'elle était en recherche d'informations. Et Eve l'aurait volontiers aidée, si elle avait su de quoi il en retournait exactement.
- Ou au contraire, c'est peut-être la preuve que le profiling vous hante, fit-elle remarquer avec un léger sourire.
Ce ne devait pas être simple que de prendre la décision de s'écarte de ce qui nous passionnait à la base pour choisir une voie plus sûre. Mais elle pouvait comprendre. Elle-même avait été incapable de rester raisonnable suffisamment longtemps pour rester en-dehors des voies les plus dangereuses pour elle, mais elle savait reconnaître que parfois, la meilleure chose à faire était de s'écarter et d'apprendre à trouver sa voie autre part.
Concernant Will, s'ils devaient tous deux travailler ensemble, elle espérait néanmoins en apprendre davantage à son sujet.
- Avez-vous des raisons de vous méfier de lui ?
Elle eut un nouveau sourire. Elle décroisa les jambes et se redressa légèrement, une position destinée à lui accorder son attention la plus totale. Elle prit une gorgée de café afin de laisser le temps à son interlocutrice de lui répondre ou de réfléchir puis baissa son gobelet et reprit :
- Je sens que vous avez des questions. Tout en gardant à l'esprit que je suis nouvelle et qu'il y a des choses qui m'échappent encore, vous pouvez les poser si vous le souhaitez.
Ce n'était pas dans le caractère d'Eve de tourner autour de pot, surtout lorsqu'elle-même voulait obtenir des réponses. Car en l'encourageant à l'interroger, elle ne pouvait qu'en apprendre davantage au sujet de sa collègue. C'était donnant-donnant.
Invité
Lun 14 Fév 2022 - 14:13
❝Clarice & Eve❞ Profiling the profiler
❝Peut-être bien...❞, je veux bien admettre avec un fin sourire poli quand mon interlocutrice suggère que, peut-être, le profiling me hante.
J'ai bien peur que cette affirmation soit un peu trop réelle. Et dans mon cas, le verbe "hanter" n'est peut-être pas employé à tort, en effet, car j'ai bel et bien le sentiment que c'est là quelque chose qui m'habite et me poursuit. Mais c'était, de toute évidence, une raison supplémentaire de faire un pas de côté, encore que je ne suis pas certaine d'y être brillamment parvenue pour autant. Il y a une contradiction certaine à prétendre fuir ses démons tout en cédant constamment à la tentation d'attirer ces mêmes démons à soi.
❝Je n'ai pas dit que je me méfiais de lui❞, je réponds peut-être un peu trop directement pour être tout à fait crédible à la question de ma collègue au sujet de Will Graham.
Je mens, n'est-ce pas ? Je ne me méfiais pas de lui pour commencer, parce que je pensais deviner en partie qui il était, à présent, je me rends compte que je n'en ai pas la moindre idée et c'est, à l'évidence, un constat désarmant. Hannibal est une menace angoissante, mais que je parviens à cerner, qu'importe qu'il ne soit pas tout à fait celui que je connais. Mais Will Graham, quant à lui, est aussi imprévisible dans ses intentions que dans ses capacités d'action. Je m'autorise un léger soupir, accompagné d'un fin sourire, bien consciente du fait que je ne dois pas avoir l'air très crédible en cet instant.
Eve Polastri semble de nature frontale, pas le genre à tourner autour du pot. Je peux admettre que c'est un constat qui ne me déplaît pas. J'ai été une habituée des approches insidieuses, mais elles n'ont jamais eu ma préférence, loin de là. Et c'est presque un retournement de situation pour moi que de me retrouver dans cette position inattendue, où voilà que j'hésite à me montrer parfaitement directe, quand poser mes questions sans détour serait sans doute la manière la plus efficace d'obtenir, par la même, des réponses sans plus de détour.
❝Disons que je m'inquiète surtout de certaines de ses fréquentations❞, je décide de reprendre sans être complètement certaine d'aborder les choses sous le bon angle, mais il s'agirait de ne pas passer pour folle après quelques secondes de conversation non plus. ❝Vous a-t-il déjà parlé d'un certain Hannibal Lecter ?❞
CLARICE & EVE ▬ "I think we all have monsters inside of us. It’s just that most people manage to keep theirs hidden."
Le sujet Will Graham était, de toute évidence, un sujet délicat. Eve remarquait que la jeune femme était à la fois intéressée par ce qu’elle pouvait lui apprendre sur cet homme tout en tâtonnant pour ne pas trop en révéler sur ce qui l’intéressait réellement.
Et, étant donné la vitesse de réponse, Clarice semblait être sur la défensive. Eve se contenta tout d’abord de lui adresser un sourire aimable, dubitative quant à l’affirmation selon laquelle son interlocutrice ne se méfiait pas de Will, mais ne voulant pas la braquer. Ce n’étaient pas ses affaires, après tout. Et, si Will lui avait laissé une première impression plutôt agréable, cette jeune femme-ci aussi lui semblait être quelqu’un d’appréciable. Eve ne voulait pas avoir à choisir de camp.
Néanmoins, malgré sa résolution de rester neutre et de ne pas se mêler de ce qui ne la regardait pas – ce qui, pour être honnête, était une résolution légèrement trop ambitieuse pour Eve Polastri, dont la curiosité atteignait des seuils démesurés -, la précision que finit par donner Clarice concernant le fait que ce soit l’entourage de Will qui l’intéresse la surprit et l’intrigua assez pour que son intérêt pour la conversation reparte de plus belle.
- Non, il ne m’en a pas parlé, répondit-elle finalement après un temps de réflexion. Qui est-ce ?
Là encore, ce n’était probablement pas ses affaires. Mais… Le nom avait été cité, et elle avait été interrogée dessus, alors c’était tout naturel qu’elle cherche à en apprendre davantage.
Invité
Mer 9 Mar 2022 - 14:03
❝Clarice & Eve❞ Profiling the profiler
J'ai bien conscience de ne vraiment pas m'y prendre de la bonne manière, mais j'ai le sentiment de n'avoir que deux possibilités : soit j'explique toute la situation de but en blanc et je cours le risque de passer pour une folle et d'attirer inutilement l'attention de celui dont je m'efforce d'éviter la présence, soit je passe par d'improbables chemins de traverse qui rendent mon attitude autrement suspecte.
On dirait bien que j'ai choisi la deuxième option, et je n'ai besoin de personne pour me rendre compte du fait que tout ça a définitivement l'air d'être d'un ridicule tout à fait consommé. Je ne sais vraiment pas de quelle manière m'y prendre, j'en ai peur, et mon interlocutrice est trop intelligente pour être dupe, même si je la remercie intérieurement de me questionner sans donner l'impression de considérer la piètre qualité de mes manœuvres.
❝Un homme dangereux❞, je réponds presque trop naturellement, d'un ton sombre, quand elle me demande qui est Hannibal Lecter. ❝Je crois que Will le fréquente.❞ Une manière comme une autre de laisser entendre que je n'ai pas vraiment su définir la nature de leurs relations, ou plutôt que je n'ai pas vraiment voulu la définir. ❝C'est quelqu'un que j'ai connu dans mon ancienne vie et il m'a laissé de très mauvais souvenirs.❞
Je devrais peut-être préciser qu'il n'est pas exactement celui que j'ai rencontré, mais je préfère ne pas faire ce genre d'affirmations à la légère, je l'ai fait à certaines occasions, et j'ai vu le résultat... Je ne peux pas dire que ça m'est vraiment plu.
❝Je ne crois pas avoir fait une excellente première impression à monsieur Graham, alors je doute fort qu'il écoute mes mises en garde❞, je reprends seulement avant de décider que je m'égare définitivement sur un terrain qui est glissant et que je ne maîtrise pas. Je n'aurais pas dû aborder ce sujet si légèrement. Je sirote ma tasse de café, songeuse. ❝On vous a mis sur quelle affaire ? ❞ je lui demande alors sans transition aucune, comme une manière de noyer le plafond.
Et c'est exactement ce que je fais : je tente, du mieux que je le peux, de bel et bien noyer le poisson.
CLARICE & EVE ▬ "I think we all have monsters inside of us. It’s just that most people manage to keep theirs hidden."
Ce n'était pas une accusation qui pouvait être faite à la légère, et pour cette même raison, ce n'était pas non plus un avertissement à prendre en dérision. Eve en avait conscience, et prit grand soin de noter mentalement le nom d'Hannibal Lecter. S'il fréquentait Will, nul doute qu'elle finirait par en entendre parler de la part de son collègue, voire à le croiser. Et mieux valait, dans cette ville encore plus qu'ailleurs, savoir à qui l'on avait affaire. Surtout lorsque l'on était soi-même impliquée dans des affaires peu prudentes et que l'on "fréquentait" une tueuse à gages.
- Je vois, répondit-elle sobrement avec un sourire de courtoisie.
Ce n'était pas une information qu'il était bon d'ignorer, mais ce n'aurait pas été très prudent que de s'attarder sur cette conversation. Les premières impressions pouvaient être trompeuses, mais en cet instant, Eve se faisait une tout aussi bonne opinion de Will qu'elle ne s'en faisait de Clarice. Là où Will était taciturne, il était tout de même professionnel, et terriblement intelligent. Et là où Clarice était avenante, elle était aussi quelque peu maladroite, ou en tout cas tourmentée par son passé au point de mettre une presque inconnue en garde contre cet Hannibal Lecter. C'était terriblement intéressant.
- Will fait-il aussi partie de votre ancienne vie, dans ce cas ? l'interrogea-t-elle avec curiosité.
C'était le plus vilain défaut d'Eve, mais quitte à ce que le sujet soit abordé, autant obtenir toutes les informations...
Même si, de toute évidence, son interlocutrice souhaitait changer de sujet. Eve comprenait également cette réaction, pour être la première à éviter les conversations déplaisantes. Elle esquissa donc un sourire.
- Une histoire de vampire, je crois ? Ca y ressemble, en tout cas. C'est la première fois que j'enquête sur du paranormal, donc je suis encore un peu... Novice en la matière.
Invité
Mar 3 Mai 2022 - 14:18
❝Clarice & Eve❞ Profiling the profiler
Je ne sais pas trop si je dois continuer sur ma lancée ou m'arrêter là. Plus je parle, plus j'ai le sentiment que je vais passer pour une folle. Ce n'est pas Eve qui m'en donne l'impression, c'est moi-même qui m'en inquiète, en l'occurrence. La réponse sobre et courtoise de mon interlocutrice ne me permet pas de savoir ce qu'elle pense vraiment de ce que je lui dis. Peut-être décide-t-elle seulement de faire preuve d'une certaine forme d'indulgence polie à mon adresse, pas davantage. Ou peut-être en sait-elle plus sur Will Graham qu'elle ne le laisse supposer - non, vraiment, je suis une fois de plus rattrapée par ma paranoïa flagrante.
❝Plus ou moins❞, fais-je sans doute trop évasivement quand Eve suppose que Will a donc fait partie de mon ancienne vie. Dois-je me lancer dans le récit de ces individus qui sont des versions alternatives de celles et ceux que j'ai connus par le passé ? Je ne suis pas certaine de le vouloir... Je pense que je manquerais considérablement de crédibilité. ❝Je ne l'ai connu que de réputation, à l'époque.❞
Ce qui est un demi-mensonge mais qui, dira-t-on, fera l'affaire dans ces circonstances. Je peux disperser quelques informations, semer le doute si je le peux, mais je ne peux sans doute pas faire davantage, et j'en ai au fond bien conscience. Et je m'arrête là... Pour le moment, du moins, et je préfère m'intéresser à quelque chose sur quoi j'ai l'impression d'avoir davantage de prise, ce qui n'est jamais, au passage, rien d'autre qu'une illusion.
❝Une histoire de vampire❞, je répète avec un sourire qui ressemble davantage à une grimace. ❝Quand le surnaturel devient naturel...❞ Je pousse un soupir. ❝Je vous souhaite bon courage, mais j'ai cru comprendre que ce genre d'affaires finissaient bien rapidement classées sans suite. C'est déjà assez de s'en tenir aux monstres normaux pour se frotter aux monstres paranormaux.❞
Je me suis souvent trouvé face à des scènes dont la nature et l'horreur pouvaient aisément faire penser à des phénomènes surnaturels, pour tout dire, mais ici, l'on a atteint un niveau bien différent, et on ne peut rien faire d'autre que de... faire avec. Comme pour tout dans ce monde.
CLARICE & EVE ▬ "I think we all have monsters inside of us. It’s just that most people manage to keep theirs hidden."
La réponse évasive de Clarice acheva d'accentuer la curiosité d'Eve à l'égard de sa collègue. Mais puisqu'elle-même n'était pas exempte de secrets, elle ne voulut pas la tourmenter davantage en continuant de l'interroger davantage et elle se contenta donc de remarquer calmement :
- Ce doit être une situation déconcertante. Retrouver des noms familiers sans réellement les connaître pour autant.
Devinant que le sujet Will Graham était clos, de même que le sujet de leur passé respectif, Eve accepta cordialement de changer de sujet de conversation et détailla ce qui, finalement, aurait dû retenir son attention dès le départ : l'instant présent et surtout, les cas déjà bien complexes qui lui étaient confiés.
- Je vous remercie, soupira-t-elle. J'ai bien peur que cette affaire-ci se retrouve également dans les affaires classées, mais j'espère que ce ne sera pas une situation régulière. Je ne sais pas si je suis réellement habilitée à... Plonger dans l'esprit de créatures surnaturelles.
Même si ç'aurait été un mensonge que d'affirmer que l'expérience ne la tentait pas. Bien au contraire. La monstruosité humaine était pour elle plus intéressante que la monstruosité d'une autre nature, mais pour ce qui concernait ces êtres qui oscillaient entre humanité et bestialité, c'était une toute autre affaire. Ils l'intriguaient, même si sa curiosité naturelle commençait déjà à s'estomper à leur égard. Elle avait bien assez d'esprits humains et complexes à décortiquer avant de s'intéresser à ce que, par essence, elle ne pourrait jamais totalement comprendre car ne pourrait jamais totalement éprouver d'empathie avec.
- A quoi bon faire ce métier si l'on ne peut ni comprendre nos criminels, ni les attraper ? reprit-elle d'une voix plus légère. Si ces créatures ne laissent pas de traces ou sont impossibles à arrêter... Nous sommes impuissants, je suppose.
Cette fois-ci, ses propos sonnaient comme des réflexions exprimées à voix haute mais seulement comme des esquisses de raisonnement. Mais effectivement, Eve comme tous les autres devait simplement faire avec tous ces changements et tous ces phénomènes inexpliqués et inexplicables. Ce qui était une profonde source de frustration.
Invité
Jeu 18 Aoû 2022 - 13:42
❝Clarice & Eve❞ Profiling the profiler
Je réponds à Eve d'un hochement de tête, accompagné d'un léger sourire quand cette dernière remarque que ma situation doit être déconcertante. Elle l'est, oui. Et je ne sais pas si elle cessera de l'être un jour. Comme si nous trouver dans ce nouveau monde ne suffisait pas, il faut aussi que j'accepte cette situation que je trouve particulièrement compliquée. Retrouver des noms familiers que je ne peux pas mettre sur des visages familiers, c'est perturbant... ça me pousse à tout remettre en question... au point de ne plus savoir ce qu'il en est. Au point de douter même de ma propre vie et de ce que je pense savoir de mon passé.
Je sens Eve sincère quand elle me remercie de mes encouragements. Ils sont en effet sincère. Se frotter à tant d'affaires paranormales quand on y a jamais été exposé soi-même, c'est tout sauf quelque chose de facile. Je lui souhaite que ce ne soit pas une situation régulière, mais comment en être sûr ? Ici, rien n'est normal et tout est singulier.
❝Qui sait, ces créatures surnaturelles n'ont peut-être pas un esprit si différent du nôtre ?❞ je suggère, indécise. Au fond, c'est difficile à dire. Ceux qui se comportement le plus monstrueusement, ceux à qui l'on demande aux personnes comme Eve Polastri de "pénétrer l'esprit" ont rarement une manière de raisonner similaire au commun des mortels, et quand on sait trop bien se rapprocher de leur réflexion... on prend le risque de perdre au passage une partie essentielle de soi-même. ❝Leurs méthodes sont à l'évidence très différentes, mais leur mode de raisonnement peut-être pas tant que ça, va savoir.❞ Elle marque une pause. ❝Je crois qu'une part de moi, de celle que j'étais avant, aurait considéré ça comme un challenge. J'ai toujours été beaucoup trop curieuse pour mon propre bien❞, j'ajoute avec une finne esquisse de sourire.
Eve a raison, bien sûr. A quoi bon faire ce métier si l'on ne trouve pas de réel intérêt à comprendre les criminels afin de les attraper. Malheureusement, même des analyses comme celle-ci exigent des preuves, vraiment.
❝Dans tous les cas, je sais que c'est l'un des pires sentiments qui puisse être - l'impuissance.❞
Et contre cette dernière, il n'y a pas grand-chose à faire. C'est justement cela, l'impuissance.
CLARICE & EVE ▬ "I think we all have monsters inside of us. It’s just that most people manage to keep theirs hidden."
Tout en continuant de réfléchir aux cas qu'elle mentionne, Eve acquiesce sobrement lorsque Clarice partage avec elle ses propres réflexions et suppositions. Elle est, d'instinct, d'accord avec elle. Mais elle est tout de même tenter de développer et partager ses propres hypothèses :
- Ce n'est pas tant l'esprit que leurs limites et leur sens de la priorité. Pour un être habitué à boire du sang humain, ses agissements ne sont pas répréhensibles s'il se "contente" de se nourrir. En théorie. Certains sont au contraire parfaitement conscients des dilemmes moraux que leur conduite et leurs habitudes imposent, et s'amusent à jouer avec les limites. Celles de la monstruosité et de l'humanité, réelle ou fictive, qui subsiste en eux.
Ce sont des questions complexes, trop, sans doute, pour l'esprit chaotique et buté d'Eve, qui pousse donc un soupir.
- Ici comme ailleurs, surnaturel ou non, chaque cas est unique. J'espère juste que les cas de vampirisme ne seront pas monnaie courante. Je doute que nos agents soit équipés pour lutter contre de telles forces de la nature.
Et lorsqu'elle exprime cette pensée, son ton change. Il reste sérieux, mais il y a désormais une légère fluctuation, comme si elle y songeait non pas par nécessité professionnelle, mais par intérêt personnel. Une forme de prémices de fascination pour des cas incompréhensibles, redoutables et donc, exaltants.
Mais Eve revient à elle au moment où Clarice revient sur le sujet de l'impuissance, et à la manière dont son interlocutrice l'exprime, elle devine que sa collègue comprend réellement ce qu'est l'impuissance. Naturellement, cela éveille la curiosité d'Eve, qui ne peut s'empêcher d'énoncer sa réflexion à voix haute :
- Vous semblez connaître ça intimement.
Au ton de sa voix, l'on devine une question implicite, destinée à l'encourager à s'ouvrir à elle. Eve se contente cependant de l'observer attentivement, se doutant que les chances pour que Clarice développe ce sujet sont minces - mais même si sa collègue fait le choix de ne pas se dévoiler, Eve saura en tirer quelques conclusions et mieux cerner cette femme, ce qui est toujours avantageux.
Invité
Mar 10 Jan 2023 - 12:49
❝Clarice & Eve❞ Profiling the profiler
Je prends le temps de réfléchir posément aux arguments de mon interlocutrice, et je dois admettre qu'elle a très probablement raison. En effet, quand nos limites et notre sens des priorités sont différents, notre mode de raisonnement l'est aussi... J'ai connu des hommes, des psychopathes devrais-je dire, qui partageaient un tel raisonnement sans pour autant être des créatures surnaturelles... Si la dissociation que ces individus sont capables de faire entre eux et le commun des mortels est telle qu'elle démarque une limite très franche, alors les considérations morales de l'être humain moyen ne les concerne pas.
❝L'un des psychopathes auxquels j'ai eu affaire, à l'époque...❞ Je marque une pause, songeuse, sans trop savoir quoi faire ni comment le dire. ❝Il était aussi humain que vous et moi, mais il considérait la plupart de ses congénères, ce qui ne correspondaient pas à ses critères très élevés, comme du bétail, tout juste bon à être dévoré...❞ Je prends le temps de réfléchir une fois encore, avant de me molester mentalement... Pourquoi dois-je me révéler à ce point incapable de me tenir à l'écart de tout ça ? Je commence à penser que c'est plus fort que moi, vraiment. ❝Je vois ce que vous voulez dire. Et je pense que vous avez raison, en effet.❞
Je ne sais pas pourquoi je m'exprime autant en présence de mon interlocutrice. Je suis quelqu'un de naturellement secret, ou du moins ai-je appris à l'être pour ne pas laisser libre accès trop facilement à mes pensées, quelle que puisse être la nature... Malgré tout, je ne suis pas exempte de faire des erreurs, loin de là. Et je m'en rends plus que jamais compte, en cet instant.
❝Une remarque de la sorte de plus et je commencerai à croire que c'est mon profil, que vous cherchez à dresser❞, je lui fais remarquer avec un léger sourire.
Je ne le lui reproche pas car je suis, en réalité, tout sauf différente d'elle. Moi aussi, j'ai tendance à suranalyser le comportement et les paroles des personnes autour de moi, semble-t-il que l'on nomme cela la déformation professionnelle... Je n'en suis pas exempte du tout. Ce n'est pas pour autant que je suis à l'aise avec le fait de goûter à mon propre médicament, comme ce n'est jamais le cas de grand-monde d'ailleurs.
CLARICE & EVE ▬ "I think we all have monsters inside of us. It’s just that most people manage to keep theirs hidden."
Finalement, la mystérieuse Clarice se dévoile un peu plus, et ceci pour lui donner son propre avis sur l'affaire. Eve l'écoute avec intérêt, y trouvant une utilité à la fois personnelle, pour mieux connaître celle qui lui fait face, et professionnelle, puisque ce qu'elle lui confie tend à confirmer ses soupçons.
- Je vois... C'est très révélateur de son état psychologique. Et de ce que vous avez dû endurer, aussi.
Car oui, loin d'elle l'idée de minimiser le passé de l'enquêtrice, ou les traumatismes subis. Elle-même a vécu l'horreur, à une autre échelle. Et si elle a souvent trouvé que cette horreur était séduisante, mais elle a plus longuement subi des nuits d'insomnie, des migraines et des crises d'angoisse. Elle peut donc prendre en sympathie la femme qui lui fait face, instinctivement et sans hésitation... jusqu'à un certain point, toutefois. Cette conversation lui permet d'apprécier véritablement Clarice, mais Eve sait bien que le temps de l'insouciance et des amitiés avec ses collègues est révolu, pour de nombreuses raisons, la principale étant sa propre monstruosité.
Rappelée à l'ordre par la dernière phrase de sa collègue, Eve émet un rire, sans doute un peu trop sonore, sans doute un peu trop enthousiaste pour être totalement convaincant. Elle admet volontiers, pourtant, qu'elle se fait particulièrement curieuse.
- Déformation professionnelle, je suppose. Je pense qu'on a tous tendance à tenter de cerner les personnes que l'on rencontre. Désolée si je vous ai brusquée.
Elle aborde le sujet avec légèreté, sirotant son café comme pour couper court à ce bref instant de suspicion. Elle lui adresse ensuite un sourire avenant, avant de reprendre aimablement :
- J'ai été ravie de faire votre connaissance, quoi qu'il en soit.
Et elle sort de cette discussion avec plus de questions que de réponses, mais ce n'est pas pour lui déplaire.
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[Terminé] Profiling the profiler || Eve Polastri
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