L’asgardien adorait venir au ranch et s’occuper des chevaux. Ça lui rappelait sa vie d’avant, lorsqu’il était encore insouciant et qu’il partait à l’aventure aux côtés de ses amis. Ce temps lui paraissait désormais être à des centaines d’années-lumière. Alors oui, ce travail – qui n’en était pas un pour lui – lui plaisait énormément alors qu’il pourrait se faire plus d’argent ailleurs, comme on le lui avait déjà fait remarquer. Mais si Thor était obligé de payer des factures, choses nouvelles pour lui lorsqu’il était arrivé sur cette île, il ne courait pas après les richesses. Il avait beau être un prince, et même un roi dans une autre dimension, il n’estimait devoir vivre dans le luxe. Au contraire, ce retour à la simplicité auprès de la faune et de la flore lui procurait le plus grand bien, et il ne l’échangerait contre rien au monde. C’est pour ça que, lorsqu’un jeune homme s’était présenté pour travailler au ranch, le palefrenier avait accepté. Même si ce n’était que pour quelques semaines et qu’il n’avait pas fondamentalement besoin d’aide pour gérer les chevaux, il se disait que les bienfaits qu’on ressentait au contact de la nature devaient être partagés.

C’est ce jeune homme qui était venu l’informer qu’une demoiselle était présente, mais qu’elle ne lui avait pas dit ce qu’elle voulait. Il lui avait pourtant demandé si ça concernait une balade ou un achat, mais il affirmait qu’elle était restée coi devant ses questions, raison pour laquelle il était venu le chercher. Intriguée, Thor se dirigea aussitôt vers l’entrée. Sur place, personne. Il entra alors dans l’écurie, se doutant que cette personne était ici pour voir les chevaux. Depuis son arrivé et depuis qu’il travaillait ici, c’est-à-dire depuis que le ranch avait ouvert, l’asgardien avait vu débarquer pas mal de personnes qui étaient en mal de leur vie originelle. Lui-même éprouvait cela – du moins cela dépendait quoi – et il ne pouvait donc que les comprendre et les aider à retrouver, l’espace d’un instant, cette joie passée. « Mademoiselle bonjour. » la salua-t-il en hochant la tête. « Je vois que vous avez trouvé l’endroit où se trouve nos trésors. » sourit-il, faisant référence aux équidés et au fait qu’ils lui étaient précieux. « Excusez mon impertinence d'être entré sans permission. Mais cette jolie demoiselle semblait m'appeler. » Le sourire du colosse s’agrandit. Comme il l’avait pensé, la nouvelle venue avait besoin de se reconnecter avec la faune. Et vu son apparence et ses paroles, elle semblait s’y connaître. Après plusieurs années ici, Thor savait à peu près reconnaître qui venait d’où grâce à leurs vêtements. « Ça, je veux bien vous croire. Cette belle demoiselle se nomme Freya, et elle a bon caractère. Elle est à la fois puissante, intelligente et maligne. Une vraie perle noire donc. » Le grand blond prit ensuite le temps d’observer la visiteuse et la relation qu’elle établissait naturellement avec la jument. « Vous voulez la monter ? » s’enquit-il, curieux de voir le comportement de Freya au vu du lien tacite qui semblait être né entre la jument et la jeune femme.

La jeune demoiselle semblait vraiment connectée à la jument, au point qu’elle faisait abstraction du reste du monde. Être témoin de cette fascination entre l’humaine et l’équidé fit naître un sourire à la fois tendre et amusé sur les lèvres de l’Asgardien. Elle semblait d’ailleurs ne l’écouter que d’une oreille distraite alors qu’il lui décrivait le tempérament de Freya. S’étant retournée vers lui pour poser un regard sur son nouvel interlocuteur, la visiteuse en revint rapidement à la jument qu’elle caressait avec affection. Toute son attention était portée sur elle, et ce n’est que lorsqu’il évoqua la possibilité d’harnacher l’animal pour faire une balade que la jeune femme sortit définitivement de sa rêverie. « C’est possible ? » demanda-t-elle avec un sourire qui illumina son visage. « Enfin je veux dire, ça ne vous dérange pas ? Parce que j’en serais plus que ravie. Je ne veux juste pas déranger. » Thor secoua la tête. « Non, au contraire, le ranch est là pour ça. » Que ce soit pour partager le bonheur d’être reconnecté à la nature, ou tout simplement par besoin de relaxation, de se changer les idées, l’Horizon Ranch accueillait tout le monde. Et c’était toujours un plaisir pour le blond de voir de nouvelles têtes émerveillées par ces puissantes créatures. Ainsi, lorsqu’un visiteur était intéressé par une éventuelle balade, Thor se proposait chaque fois pour satisfaire ce souhait. Il préparait l’équidé – ou laissait le futur cavalier le faire s’il s’y connaissait, mais toujours sous son contrôle – et l’assistait ensuite durant leur escapade en pleine nature. « Je me doute un peu de la réponse mais… Vous savez déjà monter ? » demanda-t-il en l’observant brièvement, ses vêtements montrant qu’elle était déjà équipée pour monter en selle. « Vous voulez peut-être la brosser et la harnacher si vous vous y connaissez ? » proposa-t-il ensuite. Puis il partit chercher l’équipement adéquat et propre à chaque cheval, avant de revenir vers la jeune femme. Il ouvrit le box, mit le mord dans la bouche de Freya et l’attacha dans le couloir afin que la visiteuse puisse s’en occuper. « Voilà, je vous laisse faire le reste. » déclara-t-il en lui laissant la place, avant de s’approcher d’un autre box où un étalon l’attendait. « Au fait, je me nomme Thor, je suis palefrenier et un peu tout ce qu’il faut pour gérer l’endroit donc si vous avez une question ou besoin de quelque chose, n’hésitez pas à me demander. » L’Asgardien s’occupa ensuite de brosser Tyr, puis de placer le tapis de selle, la selle et les étriers ainsi que les rênes. Il ajusta le tout à sa taille, tout en vérifiant régulièrement que la demoiselle s’en sortait aussi de son côté. Puis il monta sur son cheval, paré à y aller. « Prête, miss ? » s’enquit-il, tout aussi heureux et joyeux à la perspective de cette sortie que pouvait l’être la brune.

Bien que cela fasse effectivement quelques années que différents mondes s’étaient croisés et avaient emporté certains de leurs habitants sur cette île, chacun avait plus ou moins conservé sa façon de vivre. Et quoi de plus normal ? Il ne semblait pas y avoir de règles spécifiques ici, et poursuivre son quotidien avec ses habitudes dans cet inconnu donnait un sentiment rassurant de sécurité. Il était ainsi courant de rencontrer des personnes de tous types, de tous horizons et de toutes classes sociales. De par sa longévité et son caractère aventurier, Thor avait la chance d’avoir déjà vu pas mal de choses, ce qui lui permettait ainsi d’évaluer à plutôt correctement à qui il avait affaire. En l’occurrence, la jeune demoiselle qui se tenait devant lui semblait être habituée aux chevaux. Sa manière d’approcher Freya, et l’attractivité qui semblait naître entre elle et la jument lui faisaient comprendre qu’elle avait déjà dû être une cavalière émérite, ou tout du moins qu’elle provenait d’un monde où leur utilisation était courante. « Vous êtes un fin observateur. Mais oui je sais monter, les voitures n’étaient pas encore courantes à mon époque donc j’ai toujours fait avec les chevaux. » Thor tenta d’évaluer de quelle époque et de quel siècle elle pouvait venir, mais il devait avouer qu’il était beaucoup moins assidu à l’étude de l’Histoire que son frère Loki. Le plus simple était donc de lui demander directement. « Ah ? Vous venez de quelle période de l’histoire ? Enfin, si je puis dire cela ainsi. Si ça se trouve, vous n’êtes même pas du même monde que moi. » s’esclaffa-t-il doucement, alors qu’il se remémorait les rencontres qu’il avait faites de personnes n’ayant rien à voir avec Asgard, Midgard, ni aucun autre des Neufs Royaumes. Si ça avait été déstabilisant au début, Thor devait désormais avouer que toutes ces différences étaient une source de richesse inépuisable.

Lui proposant de préparer la jument pour la balade, l’Asgardien s’enquit de savoir si elle savait le faire ou si elle aurait besoin d’aide. « Je ne suis pas sûre de savoir encore le faire mais avec plaisir. » Thor hocha la tête. « Pas de souci, on va voir tout ça ensemble. » Puis il partit chercher l’équipement adéquat pour Freya et Tyr. Une fois revenu, il commença par sortir la jument de son box et, après l’avoir attachée, tendit les différentes brosses et accessoires à la demoiselle. « Voilà le matériel de pansage de notre miss. » fit-il en désignant l’équidé. « Il faut commencer par cette brosse qu’on appelle l’étrille. Elle permet de décoller les saletés par des mouvements circulaires assez amples à rebrousse–poil. Elle doit être utilisée seulement sur les flancs et l’encolure. Vous avez ensuite celle-ci, appelée le bouchon. Il permet de retirer la saleté que vous venez de décoller avec l’étrille. Il doit être manié de manière dynamique dans le sens du poil et il se passe sur tout le corps, sauf la tête. Enfin, la dernière brosse, la brosse douce. Elle se passe dans le sens du poil et sur tout le corps, y compris les jambes et la tête. En dernier, on s’occupera de lui enlever la saleté sous les sabots avec le cure-pied. » Thor avait donné ses instructions comme il lui arrivait souvent de le faire. A force, son discours était bien rôdé. Court et concis, à la portée de n’importe qui désireux d’apprendre à s’occuper d’un cheval. Il laissa ensuite la future cavalière s’occuper de la jument, tandis qu’il partait faire de même avec Tyr. Quand soudain, il se souvint qu’il ne s’était pas présenté. Le blond y remédia immédiatement, tout en précisant ses fonctions dans le ranch. S’il n’en était pas le propriétaire, il s’occupait d’à peu près tout et pourrait donc la renseigner si elle avait la moindre question. « Enchantée Thor, je m’appelle Joséphine, mais tout le monde m’appelle Jo ! » Un diminutif, c’était quelque chose de très midgardien. Il n’avait jamais compris ce besoin d’entailler un bout du prénom. Pourquoi dans ce cas ne pas directement appeler la personne par ce surnom à sa naissance ? Une subtilité qui lui échappait, à coup sûr. D’un autre côté, vu qu’il possédait un nom à une seule syllabe, il serait difficile de faire plus court dans son cas.

S’occupant de Tyr tout en gardant un œil bienveillant sur la visiteuse, Thor finit par lui demander si elle était prête à partir à l’aventure. « Parée ! » s’exclama-t-elle en levant un pouce dans sa direction, ce qui le fit sourire. Joséphine, Jo, rayonnait de cette énergie et de cette joie typiques des jeunes gens. L’espace d’un instant, ça lui rappela sa propre fougue et sa témérité d’il y a quelques années, avant que tout ne dérape au moment il allait se faire couronner roi. Il avait l’impression que cet épisode de sa vie datait d’il y a des années-lumière. « Parfait, allons-y. » déclara-t-il. Et tous deux sortirent du bâtiment, traversèrent la cour et atteignirent les bois jouxtant le ranch. Ne voulant troubler la paix des lieux et encore moins le plaisir de se balader aux sons du vent léger dans les branches d’arbres, des pépiements des oiseaux et du bruit des sabots sur le sol, l’Asgardien avançait en silence. Jusqu’à ce que la brune décide de briser le silence. « Je peux vous poser une question ? Vous avez toujours fait ça ? Vous avez toujours été palefrenier ou bien après être arrivé ici vous vous êtes dit tiens je vais le devenir ? » La question était aussi inattendue qu’intéressante. Parce qu’il est vrai qu’en le voyant, on pouvait facilement accepter l’idée qu’il avait été autre chose dans son ancienne vie. Et ça avait été le cas. Mais suite à son erreur qui avait couté si cher, l’Asgardien avait ressenti le besoin de se retirer du monde et de se concentrer sur la nature, sur les petites choses de la vie qui donnent de l’espoir, du courage. Sur celles qui réparent les cœurs brisés. « Non, c’est vrai, ce n’était pas mon métier lorsque je suis arrivé. Néanmoins, lorsque le ranch a ouvert et que j’ai croisé Aloy Sobek, la propriétaire, et qu’elle m’a parlé de ce projet, la rejoindre dans cette aventure m’a paru être une évidence. J’avais mon propre cheval dans mon ancienne vie, alors je m’y connaissais déjà. Depuis deux bonnes années maintenant, j’ai appris à connaître encore mieux les chevaux, à être à leur écoute et à savoir comment bien m’en occuper. » Un travail salutaire qui lui avait permis de s’extraire de la pente dépressive sur laquelle il se trouvait alors. « Et vous ? Vous avez pu retrouver le travail que vous effectuiez avant d’arrivée sur cette île ? » s’enquit-il à son tour. Vu que la demoiselle avait l’air ouverte à la discussion, autant profiter de la balade pour apprendre à la connaître. Qui sait ce qu’il pourrait advenir par la suite ? Les amitiés se trouvaient toujours là où l’on les attendait le moins, comme il avait déjà pu en faire l’expérience.