Tu fais aucun commentaire quant au nom que ton interlocuteur a donc décidé de lui-même de se donner. T'as pas envie de te montrer désobligeante ou autre, vraiment pas, d'autant qu'autrement, il t'est vraiment sympathique, ce type, mais quand même... se faire appeler "Lucifer" pour emmerder ses parents quand on est un ado gothique de treize piges, pourquoi pas, mais de ce que t'en vois, ce type n'a rien d'un ado gothique de treize piges. A moins qu'il ne se paie ta tête ? Ce serait pas forcément étonnant, en vrai.

T'en as plus dans la cervelle que ce que beaucoup soupçonneraient, mais ça ne t'empêche pas de te montrer un peu trop naïve et crédule, parfois, et ça s'arrange pas, ici, parce que la frontière entre ce qui peut être réelle et ce qui n'a aucune chance de l'être est tellement ténue que ça devient franchement difficile, voire impossible, de faire la part des choses.

T'insistes pas là-dessus. Y a peut-être pas d'âge pour être en rogne contre ses parents. Pour ce que t'en sais... tes parents ont tellement été absents de ta vie que tu te soucies à peine de les retrouver, au profit de tes amis, alors t'as de leçons à donner à personne sur la question.

Et à ce sujet, t'as accepté de te montrer un peu honnête sur les raisons qui te poussent à fixer l'écran de ton téléphone comme si ta vie en dépendait (pas que ça change énormément de d'habitude, mais un tout petit peu quand même). Même si ça sert à rien, parce que même si tu t'accroches à tous les petits bouts d'espoir que tu peux, tu sais bien que c'est inutile.

"Je vois ce que vous voulez dire, à certains moments, je me demande si j'ai pas rêvé tout ce qui m'est arrivé avant de me réveiller ici... ça aide pas franchement que personne ne me croit jamais quand je tente de leur expliquer", tu réponds avec sincérité.

Encore que c'est pas vrai, il y a des exceptions. Mutt, par exemple, t'a crue sur parole. Mais c'était donnant-donnant. Fallait croire à ses histoires d'aliens en retour. Ce qui ne t'a pas demandé tant d'efforts, au final. Parce que pourquoi pas ? Mais tu sais que généralement, c'est pas l'accueil que tu reçois. Les commentaires de ta chaîne YouTube le prouvent assez bien, pour le coup.

Puis Lucifer reprend, et il dit plein de choses que tu comprends pas tout à fait, et t'essaies d'y mettre de l'ordre, et c'est pas facile du tout. Un frère qui n'est pas vraiment son frère mais soit, un don qu'il aurait retrouvé... elle ne pige rien.

"Je prends toute l'aide que je peux trouver, et si vous voulez que je vous aide à retrouver cette personne qui vous manque, je peux peut-être aider aussi ? Passer une annonce sur mes réseaux, par exemple ?" Tu reprends presque aussitôt, parce que t'as trop besoin de clarifier certaines choses. "Faut que vous reveniez sur ce que vous venez de dire, parce que j'ai absolument rien compris. C'est quoi cette histoire de frère qui est pas vraiment votre frère ? Et de don ?"

Personne ne le croit jamais quand il dit qu'il est le diable. Tu m'étonnes. Toi non plus t'as pas spécialement envie de le croire. Tu te dis que ça peut qu'être une blague et que tu vas passer pour une vraie débile naïve si tu le prends au mot. Mais en même temps, comment tu peux te permettre de remettre en question tous ses propos comme tu peux pas t'empêcher de le faire quand lui-même croit à tes histoires de dinos sans discuter ?

T'en as entendu d'autres, entre les histoires d'aliens de Mutt, et les histoires de fantômes et d'apocalypse de Klaus, mais t'arrives quand même à avoir du mal à croire certaines choses. C'est difficile de savoir où placer le curseur entre ce qu'on doit croire sur parole et le reste. Tu te dis que "jouer le jeu" ne te coutera pas grand-chose. Au pire tu passeras pour une cruche, ce sera pas la première, ni la dernière fois.

"Alors je le ferai ! Passez-moi toutes les infos que vous avez sur elle, et je ferai tourner sur mes réseaux, on la retrouvera", tu affirmes avec assurance, même si t'es pas du tout certaine que ça puisse vraiment être aussi simple. "J'ai pas de photos, malheureusement, mais je peux vous parler d'eux si ça peut aider", tu réponds, un peu dépitée quand Lucifer te pose la question.

Si y a bien une chose que t'aurais aimé voir te revenir ici, c'est ton téléphone en parfait état de marche, avec tes photos et vidéos dessus, et donc celles de toute la team, mais faute de mieux, tu décides de décrire tes amis à Lucifer. Tu les décris dans le détail, physiquement, mentalement : Darius, Yas, Kenji, Sammy et Ben. T'en parles en long, en large et en travers, quitte à devenir franchement agaçante. Si Lucifer doit croiser leur route, tu veux qu'il sache, à coup sûr et sans la moindre hésitation, qu'il s'agit d'eux. Une fois que t'en as fini avec ta description à rallonge, tu t'intéresses plus longuement à ton interlocuteur et à l'histoire de dingue qu'il a à t'apprendre. A côté, tes histoires de dino auraient presque l'air ridicules - presque.

"Alors vous voulez dire qu'avant tout ça, vous viviez en enfer... ?" Tu laisses passer un temps de silence, intriguée. "Je vous imaginais franchement pas comme ça, je dois bien admettre... Vous avez l'air beaucoup plus sympa que je l'aurais imaginé, mais vous cachez peut-être bien votre jeu." Tu marques une pause. Faut pas jouer avec le diable, c'est pourtant connu. "Donc là, vous connaissez mes désirs les plus enfouis ? Chuis pas sûre de les connaître moi-même."

Tu affiches un sourire satisfait quand ton interlocuteur te brosse dans le sens du poil en assurant que tu es la meilleure, et qu'il ne dit pas ça à grand-monde. C'est pas spécialement que tu le crois sur parole, mais ça fait toujours bien à l'ego, et cette part narcissique de ta personnalité, sans doute un peu trop prononcée, a tendance à franchement apprécier, tu dois le reconnaître. Dans tous les cas, que tu sois la meilleure ou pas, t'as bien l'intention, oui, de l'aider autant que tu le pourras. En espérant pour Lucifer qu'il réussira vraiment à trouver celle qu'il recherche grâce à toi.

Tandis qu'il te donne toutes les infos dont il dispose, t'essaies de tout mémoriser, mais c'est plus facile à dire qu'à faire, ça. T'as envie de tout noter directement sur ton téléphone, le souci, c'est que le niveau de batterie de ton appareil est encore trop faible pour pouvoir compter là-dessus. Heureusement, ce sans-gêne de Lucifer te sauve la mise et, tout en venant embarrasser une fois de plus ce pauvre gars qui doit se dire qu'il aurait vraiment dû choisir son heure et son jour pour venir réviser à la bibliothèque, prend de quoi noter. Tu le laisses faire. T'as qu'une parole, tu feras bel et bien ce que tu peux pour aider cet homme que tu connais pourtant à peine et qui se paie en plus de ça le luxe de se présenter comme étant le diable à retrouver cette femme. Avec un peu de chance, t'auras plus de chance avec lui que t'en as pour toi-même.

Tu hoches la tête quand Lucifer remarque que tes amis ont l'air intéressants. C'est effectivement le cas. C'est même un euphémisme que de le dire. Ils sont exceptionnels. T'es pas spécialement objective, peut-être, mais en même temps, tu penses aussi les connaître mieux que personne. T'as vécu H24 avec eux pendant des mois, vous avez fait face à la mort tellement de fois que c'en est assez ridicule, alors au bout du compte oui, t'es la mieux placée pour savoir leur valeur. Et t'espère vraiment que ton interlocuteur réussira à t'aider, comme tu veux l'aimer toi-même. Echange de bons procédés.

Puis Lucifer te raconte son histoire, et c'est toujours aussi difficile pour toi d'accepter que ce type ait vraiment régné sur les enfers avant de... prendre des vacances à LA ? Sérieusement ? Il a l'air très sérieux quand il parle, mais tu te demandes quand même un peu s'il te mène pas en bateau... M'enfin, au point où t'en es, pourquoi pas le croire sur parole.

"Alors vous gagnez au change, ici, pas vrai ? Quoique je me suis demandé un paquet de fois si j'étais pas en Enfer, justement, en ce qui me concerne." T'as tellement de questions : c'est comment, l'enfer ? Qu'est-ce qu'il fiche ici ? Pourquoi le diable rechercherait si activement une "simple" lieutenant de police de Los Angeles ? Mais tu gardes ça pour toi pour le moment. Parce qu'il te propose une démonstration, et tu veux pas dire non. "Allez-y, prouvez-le moi."

Mettre le diable au défi, c'est pas forcément le bon plan, mais au point où t'en es, Brooke.

"Si le diable lui-même se met à supposer qu'on est en enfer, on est pas sortis", tu remarques sur ce qui veut être le ton de l'humour, mais avec quand même une légère pointe d'angoisse, en vérité.

T'es toujours pas sûre de pouvoir complètement croire au fait que t'as bel et bien Lucifer en face de toi, mais si c'est vraiment le cas (est-ce que ce serait la chose la plus improbable que tu aurais vu dans ta vie, hein ?), et que ce qu'il dit est vrai alors... Alors, ça réduit encore tes perspectives qui étaient déjà pas bien grandes. Faut pas trop que tu te focalises là-dessus, sinon tu sais pertinemment quand tu vas paniquer magistralement, c'est couru d'avance.

Car mettons que tu sois en Enfer (tu aurais tout à fait pu finir dans le ventre d'un dino sans même t'en rendre compte ou t'en souvenir, ce serait pas improbable du tout), là, tout de suite, et que le diable en personne y soit coincé lui aussi, ça veut dire que tu ne peux même pas compter sur lui, qui devrait être le candidat le plus approprié pourtant, pour te tirer de là. Clairement, c'est pas du tout rassurant. C'est même tout l'inverse. Te focalise pas trop là-dessus, Brooke. Si ton expérience sur Isla Nublar t'a appris quelque chose, c'est à garder la tête froide. Et d'ailleurs, Lucifer te confirme finalement que non, ce n'est pas l'Enfer, ici. On ne va pas se mentir, ça reste quand même une très maigre consolation, et ça te dit pas grand-chose de l'endroit où tu te trouves pour autant mais... c'est mieux que rien...

"Même si c'est pas l'enfer, vous me convaincrez pas si facilement que mon âme est pas damné. Cet endroit, ça ressemble quand même sérieusement à une malédiction", ajoutes-tu même si ça ne sert à rien.

En fait, tu devrais juste chercher à partir sans plus te demander où tu te trouves, sauf qu'à tes yeux, les deux sont intrinsèquement liés. Tu n'arriveras pas à prendre la fuite si tu ne comprends pas ce que tu fuis, ça semble logique... Tu oublies ça un temps, ceci dit, quand Lucifer accepte de te faire une démonstration de ses pouvoirs. Tu sais pas trop à quoi t'attendre, mais dans tous les cas, tu joues le jeu. T'aimes pas trop la manière bien sérieuse avec laquelle il te fixe, mais tu joues le jeu, tu détourne pas les yeux, tu soutiens son regard. Alors il te pose sa question. Et toi, tu te surprends à lui répondre presque directement. Les mots qui coulent de tes lèvres, c'est comme si tu les contrôlais pas. Ils s'échappent de toi avec naturel.

"Je veux retourner sur Isla Nublar, je veux retrouver Darius - et Yas, et Sammy, et Ben, et Kenji... je veux plus être seule."

Tu prononces ces mots, et même si ton désir le plus cher n'est pas vraiment un secret pour qui que ce soit, leur expression si directe, si sincère, te fait monter les larmes aux yeux.

"Wow... c'est bizarre..."

Est-ce que s'attirer la sympathie du diable en personne est la meilleure manière de se convaincre du fait que l'on n'a pas sa place en enfer ? Peut-être pas. Mais au moins, cette conversation a le don de te mettre un peu de baume au cœur, et c'est plutôt apprécié. Tu ne sais pas si tu te qualifierais toi-même de "très belle âme", tu aurais tendance à penser que c'est forcément exagéré, mais c'est plutôt appréciable malgré tout d'être considérée ainsi, tu ne vas pas le cacher, Tu apprécies le compliment à sa juste valeur. Au terme de cette conversation, tu seras toujours coincée sur cette île maudite, mais tu auras tout de même le sentiment, au moins un peu, d'avoir trouvé un semblant de réconfort... dans une conversation avec le Diable ? Eh bien, on fait avec les moyens du bord, écoutez.

Quand il utilise son pouvoir sur toi, t'es un peu soufflée. Peut-être que ça pourrait juste être une sorte... d'illusion ? Un tour de passe-passe que te joue ton cerveau ? Mais non, tu ne goûtes pas à cette hypothèse. Même si l'idée te met très mal à l'aise, t'acceptes de croire, oui, que ton interlocuteur a juste été capable de percer à jour tes plus grands désirs et à les exposer. Certes, tu n'en as jamais exactement fait un secret, mais la manière dont tu l'as formulé, si directement... ça ne ressemble à rien de ce dont tu t'imaginais capable. Tu acceptes le mouchoir que ton interlocuteur te tend et t'essuies les yeux avec un petit sourire désolé aux lèvres. T'avais pas l'intention de craquer comme tu viens de le faire, mais il faut croire que ça a été plus fort que toi en fin de compte.

"Non, c'est rien, c'est..." Tu soupires. "Je pleure tout le temps, en vrai. Enfin, généralement, j'évite d'avoir du public, mais... Bref, vous avez compris, hein. Je me sens seule, c'est tout. Mais tout le monde se sent seul ici, c'est pas comme si..." Ta souffrance n'a rien d'unique, alors tu la gardes pour toi et tu ronges ton frein mais... à certains moments, comme maintenant, ça ressort tout seul. Là, tu t'y attendais pas. T'as entendu les mots s'échapper de tes lèvres comme si c'était quelqu'un d'autre qui les prononçait, et ça a remué quelque chose d'inattendu en toi. C'est tout, c'était pas... "Merci...", t'ajoutes quand Lucifer confirme qu'il ne tient que d'autant plus à l'aider à retrouver tes amis. "Vous savez, vous devriez vraiment profiter d'être ici pour réhabiliter votre nom. On vous fait vraiment une sale réputation pour rien."

Et dire que le diable est certainement l'une des personnes les plus attentives et compatissantes qu'elle ait rencontrées jusqu'ici. Ou bien elle est juste très naïve. Oui, c'est bien possible.

T’affiches un fin sourire quand Lucifer, monsieur le diable, te dit qu’à lui aussi, il arrive d’être vulnérable. Tu sais pas trop si tu peux te permettre de le croire ou pas. T’as pas l’impression qu’il soit capable de l’être, quand tu le vois comme ça, mais c’est possible qu’il le cache juste très bien, après tout. Tout le monde a ses failles, c’est bien connu, mais t’as quand même du mal à croire, tandis que tu éponges tes yeux avec le mouchoir qu’il te tend, que ce puisse être complètement vrai. T’as l’impression d’avoir affaire au genre de type qui serait capable de se tirer de n’importe quelle situation. C’est un peu désarmant mais tu gardes l’impression que c’est le cas malgré tout.

Les paroles qu’il t’adresse te font du bien. C’est pas simple d’accepter sa propre douleur quand on a l’impression qu’elle n’est pas légitime, mais oui, ça lui fait du bien de parler, de pouvoir enfin s’exprimer. Ça fait aussi du bien d’entendre dire qu’elle n’est pas seule, et que personne ne mérite d’être seule. Oui, c’est vrai, personne ne mérite d’être seul. Mais combien sont exposés à cette fatalité ? Encore que tu es peut-être un peu injuste, Brooke. Malgré tout ça, en dépit de toutes les difficultés, t’es quand même entourée… Tes amis ne sont pas là, mais tu n’es pas seule pour autant.

Tu souris quand il affirme que réhabiliter son nom, c’est ce qu’il essaie de faire depuis la nuit des temps. Tu ne sais pas vraiment comment prendre la chose, mais ça t’amuse, parce qu’il n’a pas tort, pas le moins du monde : c’est toujours plus simple d’imputer la faute au diable plutôt que de se remettre en question, pas vrai ?

"Promis, je ne vous blâmerai pas trop rapidement. Et je n’ai pas l’intention de devenir une criminelle, donc normalement, je suis tranquille."

Tu hésites un instant, tu te demandes vraiment si tu ne devrais pas décider d’arrêter là la conversation, mais ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de se taper la discute avec le diable, alors quelque part, force est de reconnaître que c’est assez irrésistible, vous n’êtes pas d’accord ? Toi, en tout cas, t’arrives pas à taire ta discrétion, et puisque ton interlocuteur n’a pas vraiment l’air de trouver problématique le fait de t’en parler en long, en large et en travers et semble assez ouvert sur la question, tu te dis qu’il serait capable de t’en dire plus.

"Je peux vous poser une question ?" Ouais, c’est déjà ce que tu viens de faire, on connaît la chanson. "Comment c’est, l’enfer, exactement ?"

Tu t’aventures sur un terrain dangereux, Brooklyn…

Quand le diable vous dit que votre place n'est pas en enfer, tu supposes qu'il faut le prendre comme un compliment, hein. Et oui, tu n'as pas l'intention de commettre des crimes, et tu n'es pas une horrible personne. Tu n'es pas toujours morale, car personne ne l'est, n'empêche que si l'enfer doit véritablement exister, tu es ravie d'avoir trouvé le moyen d'y échapper... Quoi qu'ici, enfer ou purgatoire, tu as parfois l'impression de te retrouver dans un endroit qui y ressemble...

Enfin, ça, c'est encore une autre affaire. Et à ce sujet, tu ne peux t'empêcher de laisser parler ta curiosité. Et tu as beau savoir que tu as de fortes chances de le regretter tôt ou tard, tu ne peux définitivement pas t'empêcher de l'interroger. Tu supposes qu'il doit l'entendre souvent, cette question : la curiosité morbide, c'est difficile de lutter contre, en réalité.

Il t'apprend alors que l'enfer n'est pas exactement comme on se le représente, c'est-à-dire, une espèce de feu ardent dans lequel tout le monde cramerait joyeusement sous le rire de beaux diables. Tu grimaces tandis qu'il te donne plus de détail. Un endroit lugubre et sombre, où tout le monde est enfermé dans sa cellule et subit son propre enfer personnel. Eh oui, ça a l'air absolument horrible.

"Non, vous en faites pas, et puis c'est moi qui ai demandé. Puis, si vous promettez que j'ai aucun risque de finir en enfer, alors j'ai plus de raisons de m'inquiéter." Tu marques une pause. "Cela dit, si vous êtes ici, alors qui s'occupe de diriger les enfers ?" tu demandes alors en t'étonnant toi-même du sérieux dont tu fais preuve en posant cette question.

Quand tu y réfléchiras plus tard, à tête reposée, tu réaliseras à quel point cette situation est dingue, mais pour tout dire, pour le moment, tu ne te rends pas vraiment bien compte, en fait... C'est difficile de faire la part des choses avec tout ce qui t'arrive, avec tout ce qui vous arrive. Tu n'es pas certaine que qui que ce soit en soit véritablement capable au bout du compte.

Pas d’enfer pour toi, Brooklynn ! C’est pas mal, non ? Oui, on va dire ça, enfin, en attendant, tu sais pas si c’est complètement une bonne nouvelle pour autant, c’est pas une raison pour vouloir mettre un pied au paradis de sitôt… et ça, c’est encore s’il est vraiment possible de s’y rendre, au paradis. T’as entendu des rumeurs bizarres, de gens qui disent qu’il est impossible de mourir ici. T’en es pas convaincue, en ce qui te concerne (et tu vas pas tenter pour voir), mais dans tous les cas, oui, on va dire que dans ton malheur, c’est tout de même un bonheur de savoir ça, c’est vrai. Tes questions sur l’enfer posées, t’en as plein d’autres qui te viennent en tête (par exemple : est-ce que les dinosaures vont au paradis ?) mais tu t’abstiens et tu en laisses d’autres se poser à la place.

Tu souris quand il suggère que tu ferais une bonne journaliste. Au fond, ça te déplairait pas : journaliste d’investigation, le genre caméra à l’épaule à interviewer des pourris qui prennent tranquillement leur déjeuner pour leur poser des questions compromettantes, ou reporter animalier qui irait explorer la faune locale. En vrai, Brooke, t’as trop d’idées et trop d’envies, c’est ça ton vrai problème. Mais pour l’instant, c’est vers ton interlocuteur que toute ta curiosité est orientée. En même temps, le gars, c’est Lucifer en personne, logique que tu veuilles lui poser tout un tas de questions.

Et le mieux, c’est qu’il accepte de te répondre. Longue histoire, qu’il te dit. Apparemment, il avait refusé de revenir en enfer, si bien qu’on s’en était pris à son neveu. Donc les demi-anges, ça existe aussi ? T’en as des choses à apprendre, Brooke ! Tes vagues notions de mythologie sont gentiment en train de prendre du plomb dans l’aile, là.

« Ça a l’air d’être quelque chose, votre famille », tu observes alors qu’il te parle de ses frangins et du bordel engendré par son frère jumeau. Donc Lucifer a un frère jumeau, aussi. Bordel, t’y connais vraiment rien, hein, Brooke ! Bon, ceci dit, si c’est quelque chose, sa famille, au moins il en a une… Toi, t’as à peine l’impression d’en avoir une, et ça depuis bien longtemps. « C’est le comble, et c’est un bordel sans nom, surtout. » Tu l’observes un instant. « Je voulais pas remuer des pensées douloureuses ou compliquées, je suis désolée, je sais que je suis souvent indiscrète », tu ajoutes avec un fin sourire. « Mon côté journaliste manquée », tu reprends. Légère pause. Puis finalement : « Il y a des dinosaures au paradis ? »

La réflexion de Lucifer te décoche un sourire amusée. C'est sûr que la famille non dysfonctionnelle est en réalité davantage l'exception que la règle, quoi qu'on puisse en dire et qu'importe les images dont vous abreuvent les publicités pour faire comme si c'était la norme. Toi-même, tu en sais quelque chose, avec tes parents trop occupés pour prendre soin de toi, et qui ne t'avaient pas assez protégée quand tu as commencé à te lancer, toute jeune adolescente, sur les réseaux sociaux, avec tous les risques que ça représentait forcément.

Tu as conscience de t'être montrée intrusive et indiscrète, mais ton interlocuteur ne t'en tient pas rigueur le moins du monde, et tu te sens soulagée de le constater. Tu affiches une fine esquisse de sourire quand ton interlocuteur te fait remarquer tout de go que s'il n'avait pas voulu te répondre, il ne t'aurait pas répondu. Pour le coup, tu ne te fais aucune illusion là-dessus, tu vois bien que t'as affaire à quelqu'un de franc et de direct, donc tu imagines bien que s'il te le dit, c'est bel et bien que c'est vrai.

Et donc, tu ajoutes de nouvelles questions. Et oui, ta première question, spontanée, c'est de savoir s'il y a des dinosaures au paradis, et ça t'amuse parce qu'au final, ton interlocuteur te répond vraiment très sérieusement. Cela t'amuse un peu de songer que la prochaine fois que tu reverras des dinos en chair et en os, ce sera au moment où tu repasseras l'arme à gauche. Pas que tu sois spécialement pressée d'en arriver là pour autant. Paradis ou pas, c'est hors de question.

"Ce serait top", tu confirmes avec un sourire amusé quand il te dit qu'un jour, tu auras peut-être l'occasion de chevaucher un dinosaure. En somme, rien n'est impossible. "Vous ne m'ennuyez pas du tout", tu reprends quand il te demande si tu as d'autres questions. Tu te dis que c'est plutôt toi qui vas finir par l'ennuyer, au bout du compte. "Mais vous devez avoir à faire, pas vrai. Et j'ai du boulot aussi." Tu souris. "Merci pour cette conversation, je pensais pas que ça pouvait être aussi fun de taper la causette avec le diable en personne."