Depuis qu’il était dans ce monde, Luke passait le plus clair de son temps à l’université. Il faut dire que les recherches pour son doctorat lui prenaient un temps infini. C’était pourtant loin d’être un problème pour lui, mais plutôt un plaisir, puisqu’il avait attrapé le virus de sa mère, celui d’avoir une passion pour les livres et la lecture de façon plus générale. Parfois, il se perdait même dans des sujets annexes qui ne méritait pas tant d’attention de sa part, comme ce fut le cas aujourd’hui, mais il avait une telle curiosité à assouvir que c’était plus fort que lui. Il se trouvait dans l’une des salles de l’immense bibliothèque réservée au département des sciences et plus particulièrement celui d’Astronomie et d’Études Spatiales. Rien que pour lui, il avait réservé une gigantesque salle qui disposait d’un tableau à craie s’étendant du sol au plafond et de quelques tables sur lesquelles Luke avait disposé un nombre incroyable de livres. Cette installation bordélique était agrémentée de feuilles de papier recouvertes des notes diverses et variées du jeune homme. Pour le moment, elles étaient à l’abandon, puisqu’il était perché, un livre à la main, sur l’échelle qui lui permettait d’accéder au haut du tableau. Il était occupé à dessiner le schéma d’un trou noir et la déformation de l’espace-temps provoquée par ce dernier après avoir recouvert la moitié du tableau d’un autre dessin qui supposerait l’interconnexion entre un trou noir et un trou blanc à l’aide d’un trou de ver. Pour rajouter du charabia au charabia, le tout était encadré par des équations complexes. Il faisait cela pour avoir une meilleure vue d’ensemble. Tout ça pour dire que Luke était très occupé et que cela expliquait pourquoi il n’avait pas vu Aloy entrer dans la salle.

Il ne la voyait pas non plus farfouiller dans ses papiers. Il remarquait bien du coin de l’œil qu’il y avait quelque chose qui s’agitait en bas de l’échelle, mais il estimait que ce n’était pas important. Il réévaluait la chose quand il entendait des cliquetis significatifs : quelqu’un était en train de toucher au sabre de son père qu’il gardait toujours dans son sac, bien qu’il ne fonctionnât pas avec Aloy. Il sortait alors la tête de son livre et remarquait cette femme qui observait le sabre tandis que lui la regardait avec les sourcils froncés. Un peu sec, après un petit moment de latence, il lui demandait du haut de l’échelle. « Ça va ? Je ne vous dérange pas ? Vous voulez de l’aide pour fouiller dans mes affaires peut-être ? »

Luke fermait son livre en marquant la page à l’aide de la craie qu’il laissait rouler à l’intérieur. Il descendait ensuite de l’échelle pour rejoindre la blonde. Il posait son livre sur la table, les yeux rivés sur l’arme. Il avait horreur quand d’autre personne que lui le manipule. Avec sa famille, il le tolérait, mais pour les autres… C’était une autre histoire. Il tendait sa main pour faire comprendre à la jeune femme qu’il le voulait, mais ses propos étaient plutôt contradictoires avec son attitude. « Il appartient à mon père. Faites y attention, j’y tiens énormément. » Il traitait les rares affaires de son père, la seule qu’il avait d’ailleurs, en sa possession comme des véritables reliques. C’était l’unique chose qu’il lui rappelait et qui matérialisait surtout les rares souvenirs, bien que violents, qu’il avait avec lui ou encore les histoires qu’on avait pu lui raconter à son sujet. C’est aussi pour cela que Luke ne voulait pas qu’on touche au sabre, parce qu’il avait peur d’être cassé et que cela annihile au passage ses souvenirs ou qu’il n’ait plus de moyen de le reconstruire, surtout ici. Toutefois, Luke n’était pas bête. Il comprenait bien rapidement qu’Aloy ne cherchait pas à lui voler ou à le casser, mais juste qu’elle était intriguée par cet objet. Il rangeait donc sa main et l’appuyait contre la table. Enfin, il était moins hostile avec elle, lui adressant même un bref sourire. « C’est un sabre. Il y a un cristal à l’intérieur pour l’activer. Vous voulez le voir ? Ça a l’air de vous intéresser. »