Le Piège À Shihtzu

Il la surveille depuis un moment.

Marie.

Marie Shihtzu, cette assistante sociale des plus... normales, en apparence. Mais en apparence seulement, car Albert le sait : elle est tout sauf normale.

Qui est normal en ces lieux, lui diriez-vous, cependant ? Personne. Ici, tout le monde paraît être un mortel des plus ordinaires, et pourtant, nombreux sont-ils à dissimuler une nature plus... étrange. Parfois plus sombre, comme lui, qui est tout sauf humain.

Enfin, était.

Car, d'une manière ou d'une autre, dans cette ville et sur cette île, Albert n'est rien de plus... qu'Albert, un homme de cinquante-six ans travaillant comme chercheur dans une boîte pharmaceutique quelconque. Serait-ce là la vie qu'il aurait eu s'il n'avait pas été assoiffé de pouvoir et de richesse ? S'il n'avait pas été manipulé par Spencer ? Oh, on ne le saura jamais - Wesker ne change pas. Jamais. Il a toujours été ce même manipulateur narcissique et égocentrique, et cela reste vrai ici bas. Avec ou sans virus.

Il soupire, cigarette à la main, longeant l'un des quelques parcs de Baker Street Avenue. Ses pouvoirs lui manquent - redevenir un simple mortel, lui ?! Il n'a pas fait tout ce chemin pour que ses efforts soient anéantis. Alors, depuis des années, il travaille en secret sur un nouveau virus, plus puissant que Progenitor, que le virus T ou qu'Uroboros réunis. Mais la recherche prend du temps, d'autant plus lorsqu'on travaille seul et qu'on repart de zéro - ou presque : il a toujours son sang et son patrimoine génétique parfait, après tout.

Ce qu'il lui manque, ce sont des sujets d'expérience - ce dont n'étaient pas dépourvus Umbrella et Tricell, songe-t-il amèrement en se rappelant ses jeunes années avec Birkin. Mais, heureusement pour lui, il lui est parvenu une information intéressante récemment.

Ce qui nous ramène à cette fameuse Marie citée un peu plus tôt. Cette Marie qu'il a pris en chasse voilà un bout de temps. Wesker n'est pas dénué d'informateurs au sein de la ville, et l'un d'eux lui a rapporté ceci : Marie ne serait pas une humaine de souche, mais un chien à l'origine.

Intéressant.

Mutation quelconque ? Croisement entre un chien et une humaine ? Le scientifique a vu des choses et d'autres, mais pas une telle transformation si... parfaite. La Shihtzu lui semble parfaitement humaine, autant que lui l'est maintenant. Quoi qu'il en soit, l'information a suffisamment attiré son attention pour qu'il s'intéresse à elle de près, et ce soir est le soir. Celui où il la fera sienne. Où il fera d'elle son premier cobaye.

Alors il l'a suivi jusqu'à cet endroit, aux abords d'un des parcs de la ville, où elle s'est installée sur un banc. Albert jette sa cigarette par terre, qu'il écrase du bout de sa chaussure parfaitement cirée, et tente une première approche. C'est cependant sa cible qui l'aborde en premier - ça facilitera les choses. Il feint la surprise, tournant la tête vers elle comme s'il ne faisait que passer sans intention aucune, et lui accorde un sourire charmeur.

« Bonsoir, commence-t-il en s'arrêtant face à elle. En avez-vous à proposer ? » lui demande-t-il alors, réajustant son veston sans manches. S'il faut user de ses charmes pour arriver à ses fins, alors soit - le blond sait qu'il en a à revendre, bien qu'il ne soit purement intéressé par une quelconque relation.

Il sait très bien comment capturer la jeune demoiselle devant lui, et ce n'est plus qu'une question de minutes avant qu'elle ne soit sienne.

La Shihtzu tombe dans son piège tête la première, elle lui répond et envisage complètement de lui fournir le quelconque réconfort dont elle parle. Parfait.

Wesker lui offre un nouveau sourire lorsqu'elle évoque son charme - une chance qu'il ait été aussi bien doté par la nature. Il faut dire aussi qu'il s'entretient bien, en témoignent ses muscles bien dessinés sous sa chemise et ses cheveux parfaitement gominés.

La jeune demoiselle évoque ensuite le monde dans lequel ils évoluent actuellement - celui qui l'a ramené des enfers, le propulsant presque dix années dans le futur en un mécanisme incompris de tous. Si Wesker n'en comprend pas encore totalement les rouages, il a cependant son avis sur la question. Le partagera-t-il avec Marie, cependant ?

La réponse est non, assurément. Pas maintenant. Pas comme ça.

« Il ne tient qu'à nous de le faire prospérer, lui répond-il alors, feignant une naïveté qui ne lui sied guère dès lors que l'on connaît un tant soit peu le personnage.

Après tout, ne désire-t-il pas voir le monde brûler ?

Marie est si pure qu'il n'a qu'une seule envie en la voyant : la défaire violemment de cette innocence immaculée dont elle fait preuve à chaque instant.

Patience, Albert. Patience.

- Oh, vous ne voulez pas savoir. Je suis bien plus heureux d'être ici, à vos côtés, lui sort-il de son ton le plus charmeur. Il ne peut décemment lui parler de ses origines, du projet eugéniste de Spencer ou des zombies qui peuplent son monde - cela la ferait fuir à coup sûr, et là n'est pas son but. Non, son but à lui, c'est de...

- Me permettez-vous de vous offrir un verre, charmante demoiselle ? » lui propose-t-il alors en tendant sa main d'albâtre vers elle.