Tu grimaces un peu quand l’infirmière nettoie ta plaie à l’arrière de ton crâne. Cela n’est pas une douleur insurmontable, mais c’est toujours désagréable quand elle vient nettoyer les points de suture et retirer, comme elle le peut, les petits cheveux qui ont réussi à se coller dessus. Cela fait maintenant une semaine que tu as quitté l’hôpital après avoir été percuté par cette voiture et t’être assommé en tapant ta tête sur le rebord du trottoir. La plaie sur ton crâne était grande et profonde. Elle avait nécessité une vingtaine de points. Les médecins avaient déclaré que tu avais eu une commotion cérébrale qu’il fallait surveiller de près pendant quelque temps. Quant au choc sur ton côté gauche, il t’avait laissé avec une jambe abîmée qui nécessiterait de nombreuses heures de kiné pour retrouver sa stabilité. Tu marchais donc avec une canne, avait troqué tes chaussures à talons pour des ballerines et un foulard sur la tête pour cacher la longue cicatrice qui traversait l’arrière de ta tête. Bunny, t’avait accueilli chez lui depuis ta sortie de l’hôpital. Vous aviez pris le temps d’expliquer tes blessures à Donovan et Damian pour qu’ils ne soient pas affolés par ce qui venait de t’arriver. Le petit Damian, avait eu peur, très peur même. Ton accident avait réveillé en lui sa peur de l’abandon, celle de perdre un être cher comme il avait perdu ses parents. Il était resté collé à toi pendant de longs moments. Tu avais passé de nombreuses heures à le cajoler, lui promettre que tu ne partirais pas. Sa confiance en toi avait été assez forte pour qu’il accepte de retourner à l’école au bout de quelques jours, mais il était encore fragile et tu ferais tout pour qu'il retrouve confiance en vous.

Tu n’avais pas quitté la maison depuis ton retour, mais tu commençais à tourner en rond, incapable de rester en place malgré tes blessures. Bunny, ronchonnait comme à son habitude. Les premiers jours, c’était contre Peter qu’il considérait comme le coupable de ce qui t’était arrivé, puis contre toi et tes allers et retours sans but entre le salon et la cuisine. Et maintenant parce que tu lui avais annoncé que tu allais reprendre le travail. A mi temps pour commencer et en t’organisant pour travailler de la maison le plus souvent possible mais aujourd’hui tu allais te préparer pour rejoindre la forteresse de Meropide. Tu remercies l’infirmiere avant qu’elle ne parte, tu poses un foulard coloré sur tes cheveux et attrapes ton sac d’une main et ta canne de l’autre.

« Je file. Je serais là avant le retour de Damian promis. »

Tu embrasses Aster longuement et tu t’installes doucement dans le taxi qui va te déposer devant l’entrée terrestre de la forteresse. Tu commences à bien connaître le chemin qui te mène dans les cette grande structure située dans les fonds marins. Tu prends appui dans le fond de l’ascenseur qui descend lentement puis t commence la longue marche dans les tunnels qui mène à l’entrée de cette prison pas comme les autres. Tu mets plus de temps pour parcourir la distance, ta canne claque sur le sol a chacun de tes pas et tu te fatigues facilement mais tu sais que tu pourras t’assoir et reprendre des forces bientôt.

« Bonjour»

Lances-tu d’une voix amicale à la femme de l’accueil.

« Comment allez-vous depuis ma dernière visite ? »

Tu as toujours du temps pour prendre de ses nouvelles depuis que tu viens ici.

« J’ai rendez-vous avec Monsieur Cerberus. Il m’attend. »

Tu lui laisses le temps de le prévenir et attends patiemment qu’il vienne te chercher en t’asseyant sur une des chaises prés de l’accueil.

« Wrio ! Quel plaisir de te revoir »

Tu te laisses avec difficulté du siège quand tu entends arriver le directeur de la prison.

« Je suis désolé de t'avoir fait faux bond la semaine dernière, mais je n’étais pas en état de me déplacer.»

T’excuses-tu en montrant ta canne du regard.

 Encore une fois la jeune femme de l’accueil parle de Monsieur le Duc en mentionnant le directeur de la forteresse. Elle n’était pas la seule à le faire et tu t’étais souvent interrogé sur cette étrange façon de l’appeler. Tu n’avais jamais pris le temps de poser la question au principal intéressé, mais tu allais réparer cet oubli au plus vite quand vous serez dans l'intimité de son bureau.

«Merci»

Tu poses ton bras sur la main gantée qu’il te tend, bien contente de trouver un peu d’aide même si tu refuses de le montrer ouvertement.

«Je vais bien mieux que la semaine dernière ne te fait pas. J’avais besoin de sortir et mon compagnon avait lui aussi besoin de me voir vaquer à mes occupations. Il prend soin de moi depuis ma sortie de l’hôpital mais il semblerait que je ne sois pas une bonne malade. » Fais-tu en rigolant « Je tiens difficilement en place même blessée. Je tourne en rond dans la maison depuis deux jours. Je ne voulais pas user sa patience plus longtemps et nos rencontres sont des moments que j’attends chaque semaine avec impatience. »

Car vos échanges au fil des mois ont évolué, et même si vous commencé toujours vos rendez-vous hebdomadaires en parlant des personnes que tu aides ou pourrais aider dans la forteresse, vous avez pris l’habitude de finir ceux-ci en abordant des sujets bien plus variés. Tu t’installes comme à ton habitude dans le fauteuil face à lui et tends ta main vers la tasse de thé pour souffler dessus, car tu n’aimes pas boire ton thé trop chaud.

« Je me sens bien, ne t’inquiète pas. Nous pouvons prendre le temps d’échanger. Je ne pourrai pas vraiment descendre dans la forteresse, si tu as besoin que je rencontre un de tes protégés. Mes déplacements sont encore assez limités. » Car pour toi, Wrio est un protecteur pour ceux qui sont ici « Je préférais le ou la  rencontrer à cet étage si cela est possible. »

Tu essayes de ne pas montrer la douleur que tu ressens après les efforts que tu viens de faire, mais la fatigue se lit sur ton visage malgré ton sourire.

« Peux-tu éclaircir un mystère pour moi ? Ta charmante secrétaire et d’autres employés de la forteresse ne cesse de t’appeler Monsieur le Duc. Peux-tu m’expliquer pourquoi ? Tu viens d’une famille noble ? »

 Tu n’en attendais pas moins de lui. Vous avez une vision commune du travail. Cela représente plus pour vous qu’un simple moyen de gagner votre vie. C’est plus un engagement, une mission à accomplir que vous pourriez remplir bénévolement s’il le fallait. Ce n’était pas une manière de voir facile à comprendre pour de nombreuses personnes et tu avais eu de la chance de trouver Bunny qui avait accepté sans sourciller ton engagement et les nombreuses heures que tu passais loin de lui et des enfants pour permettre à d’autres d’avancer dans cette vie et d’avoir leurs chances dans ce nouveau monde. Tu ne savais pas comment Wrio le vivait de son côté. Vous n’aviez pas abordé ce sujet, des plus intimes, qu’est sa vie amoureuse. Tu avais beau être très curieuse, tu savais quelles étaient les limites à ne pas dépasser. Votre relation avait passé un cap au cours des mois et de vos rencontres. Vous étiez passé de rendez-vous purement professionnels à un début d’amitié et de confiance. Peut-être qu’un jour, le sujet pourra être abordé et tu ne manqueras pas d’être une oreille attentive pour ton ami si le besoin s’en faisais sentir.

Tu t’installes une tasse de thé à la main et poses enfin cette question qui te brûle les lèvres depuis de nombreux jours. Son explication t’éclaire et tu comprends mieux le surnom que l’on lui donne à la forteresse.

« Je comprends beaucoup mieux le sens de ce titre maintenant et la marque de respect que j’entends dans le ton de la voix de ceux qui l’utilise. »

Même si tu vois bien qu’il n’a que faire de ce surnom. Pour toi, cet homme ne vit pas pour les hommages. Il se contente de faire ce qui doit être fait pour aider les autres et c’est ce qui te plaît chez lui et ce qui vous a rapproché.

« Je serai en bien meilleure forme la semaine prochaine, je pourrais m’occuper des personnes qui désire me voir. Est-ce que tu peux m’excuser auprès d’eux et les prévenir que je ne manquerais pas de passer les voir ? »

Il est important pour toi de ne pas perdre leurs confiances pour pouvoir mieux les connaître et les guider dans ce qui sera un bel avenir quand ils quitteront cet endroit. Tu viens poser ta tasse pour attraper le premier dossier dont vous devez discuter, bien contente de pouvoir rester assise pendant ce rendez-vous. Tu soupires doucement en entendant ce que vient de faire Timothé.


« Je commence à me dire qu’il ne veut pas quitter la forteresse. Qu’il y a ses repères et que le monde extérieur lui fait peur, mais sans vouloir se l’avouer. Qu’en penses-tu ? »

Car si c’est le cas, il vous faudra aborder sa réinsertion de manière différente. Cela ne vous posera pas d’énormes soucis de trouver une solution dans ce sens, cela a déjà été fait pour d’autres prisonniers, il faut juste être sûr qu’il s’agit bien de cela et pas d’un problème plus profond.

« A moins que tu n’aies eu vent d’une autre explication »

Tu ne veux pas croire qu’il cherche juste les ennuis, tu as longuement discuté avec cet homme et il a su se montrer un comportement exemplaire pendant plusieurs semaines. Tu aimerais bien comprendre ce qui le fait changer d’attitude comme cela.

« Et qu’en est-il de Jérémie Wax ? » Demandes tu en pensant à un autre des hommes que tu suis ici. « Je sais qu’il est proche de la nature et rêve de se retrouver à la campagne à la fin de sa peine. Penses-tu qu’il est prêt pour une sortie sous surveillance ? J’aimerais lui montrer des endroits où il pourrait trouver un emploi. Qu’il voit que l’on ne lui fait pas miroiter des rêves inaccessibles. »