S’il y avait bien une chose qui unissait Casca et Lilith sans qu’elles ne le sachent, c’est leur évolution dans des mondes violents où la guerre était une habitude. Si Lilith semblait s’en délecter, Casca n’avait jamais eu d’avis tranché sur cette routine belliqueuse. Il fallait se battre, pour gagner du terrain, pour que le royaume du Midland s’étende et domine le reste et basta. L’argent ? La gloire ? Les louanges ? La chevalière en avait toujours cure. Elle faisait juste ce qu’on lui demandait et tant qu’elle restait la plus forte, la plus douée et la plus combative du groupe, le reste n’était que du bonus à ses yeux. De fait, une fois arrivée dans ce monde étrange pour elle, quoi de mieux que de poursuivre cet élan de violence dans lequel elle excellait en devenant chasseuse de primes ? De toute manière, Casca ne savait rien faire d’autres que se battre et se perfectionner encore plus dans cet art. Extrêmement rares étaient ceux qui arrivaient à la défaire et à la toucher tant elle était douée. Ils n’étaient que deux en vérité, Guts son amour et Griffith son ancien commandant, à réussir cet exploit. De quoi profondément énerver la jeune femme. Rien de pire pour elle que de se faire battre par un homme, même si l’un des deux était celui qui faisait palpiter son cœur. Cependant, son activité criminelle dans ce monde a révélé une faiblesse chez elle — elle ne pouvait faire que des combats au corps-à-corps, doublant ses chances de se faire tuer. Le pire fut le jour où une de ses victimes avait pointé une arme étrange sur elle et qui avait manqué de l’achever si elle ne s’était pas esquivée à temps. Maligne, Casca se dit qu’il fallait absolument qu’elle se procure l’une de ces armes et qu’elle apprenne à s’en servir pour être beaucoup plus rentable et performante dans ses chasses. Casca voulait tout maîtriser et être encore et toujours la plus forte dans n’importe quelle situation.

C’est là que sa route croisa celle de Lilith et que cette dernière concéda à lui donner des cours bien qu’elle soit hallucinée que Casca ignore ce que sont les armes à feu. Si les deux femmes sont amenées à traîner régulièrement ensemble, il est certain que la rouquine transmettra son amour et sa fascination des armes à la chevalière. Casca adorait les épées et dagues d’orfèvres, alors il ne pouvait qu’en être de même avec ces armes plus modernes. C’est donc tout aussi excitée que son Maître que Casca se rendait à son rendez-vous d’aujourd’hui à la fameuse salle des fêtes. Elle était très curieuse de voir le programme que Lilith lui avait concocté et surtout, elle n’en pouvait plus d’attendre de se frotter aux revolvers et à leur puissance de frappe. Elle se demandait si Guts connaissait ces engins destructeurs. Si oui, elle s’en voulait déjà de ne pas lui avoir demandé de lui apprendre à les manier. Sinon, elle serait ravie de transmettre les enseignements de son Maître au guerrier. Même pour lui, ça pourrait lui être utile puisqu’il vit reclus dans la forêt et qu’il exerce le même métier qu’elle.

« Lilith ? J’suis là ! » Pas de chichis entre elles, surtout pas de « bonjour madame » et autre. Les deux femmes étaient brutes de décoffrage, aussi déjantées l’une que l’autre, quoique Lilith battait à plat de couture la chevalière sur ce terrain-là, alors pas besoin de toutes ces simagrées. Trop impatiente, la brune se dirigeait vers la table sur laquelle les armes étaient posées. Elle sifflait, impressionnée en voyant cet arsenal de pointe. Qu’est-ce qu’elle avait envie d’y toucher ! Curieuse, Casca passait ses doigts sur l’une des armes, celle qui l’appelait le plus et qu’elle saura plus tard qu’elle se nomme AK-47. La métisse fit plus que la toucher ; intrépide comme elle était, elle la prenait carrément entre ses mains, profitant que Lilith ne soit pas encore dans les parages. Elle admirait l’arme, éblouie par sa construction. Le bruit que ça devait faire ! Elle finissait d’ailleurs par la tenir correctement dans ses mains, visant un endroit au hasard sur le mur. Elle fermait un œil pour l’aider à viser, la langue tirée. Elle avait le doigt posé sur la détente, mais dieu merci Lilith faisait enfin son apparition avant que Casca ne fasse une bêtise.

Quel drôle de personnage cette Lilith. Si son côté déjanté et loufoque pouvait déplaire, ce n’était pas du tout le cas avec toi. Tu préférais les gens comme elle. Qui s’assument. Qui s’en foutent du regard des autres. Avec Guts, Lilith était bien l’une des rares à t’arracher un sourire ou un rire franc. Cette présence féminine, unique dans ton entourage, t’aidait à te sortir de tes problèmes et à ne pas y penser. Quand elle te suggérait de la rejoindre dans sa danse, tu ne pus résister à l’envie de faire quelque pas (avec le AK-47 dans les mains !) — deux foldingues en actions. Tu dansais en rythme avec elle, exagérant bien tes gestes pour rester dans la dynamique drôle installée entre vous. « Ah nan moi j’aime bien ! C’est comme t’as dit, ça m’est du piment dans notre tuerie d’affreux ! » Tu éclatais de rire avant de tourner sur toi-même dans ta danse endiablée. Mais Lilith te ramenait bien vite les pieds sur terre quand elle remarquait enfin quel genre d’arme tu avais entre les mains. Effectivement, tu étais une petite qui n’avait pas froid aux yeux. Tu voulais faire le plus de dégâts, le plus vite possible et dans ta logique, plus l’arme était grosse, plus elle t’emmènerait vers ce but. Ce qui n’était pas totalement juste : connaissais-tu le 357 Magnum ? Le Colt King Cobra ? Non. Et pourtant, c’était de petites armes pour un grand calibre. Une balle de la première logée dans le caisson et elle explosait tout, la victime finissait méconnaissable ou trouée de partout en fonction de l’endroit visé. « Je joue dans la cour des grands, moi. Je veux pas de tes petits machins Lilith ! C’est du gros gibier que j’ai à éliminer. Alors un œil contre une vie de moins et ma récompense financière, c’est pas cher payé. » Mais quelle insolence ! Tu haussais même les épaules d’un air nonchalant quand tu sortais tes inepties. Tu savais manier une épée, alors c’est pas une arme de presque ta taille qui allait te faire peur ! Tu ne savais pas ce que c’était cette histoire de recul, mais pour le moment, tu t’en moquais. Pourtant, Lilith avait raison : quand on n’est pas habitué, quand on n’a pas appris à gérer et absorber le recul d’une arme, elle pouvait vous démettre l’épaule. Une perspective qui n’avait pas l’air de t’effrayer tant que cela et pourtant, tu devrais !

Tu laissais néanmoins ton amie te glisser un plus petit calibre entre les mains, pas très convaincue par sa puissance de frappe. Tu écoutais attentivement ce qu’elle te disait, hochant la tête pour lui montrer que tu avais bien assimilé ce qu’elle t’avait dit : toucher la tête, nabot numéro un, se tenir bien droite et contrôler son corps pour absorber le recul. Okay. Tu hochais la tête quand elle te posait sa question. « Cent pour cent prête. » Un petit sourire fier se dessinait élégamment sur ton visage. Tu te positionnais face à Nabot numéro un et tendait les bras vers lui, le tenant en joue. Tu fermais un œil, tirais la langue comme si cela t’aidait à te concentrer dans ta visée. Puis tu tirais. Le choc. « Oh putain ! » Quel bruit ! Tu poussais un cri de surprise au même moment. Tu ne t’attendais pas à un tel chambardement ! Et même si Lilith t’avait prévenue, le cri poussé soulignait une certaine douleur : malgré le calibre raisonnable de l’arme, ton épaule était complètement partie en arrière, à deux doigts de se retrouver déboitée ! Bien entendu, la balle avait atterri dans le mur. Tu visais comme un pied et c’était normal. Mais tout ça, tu t’en foutais pas mal. Ce que tu retenais, c’était l’adrénaline que tu avais ressentie avant, pendant et après avoir tiré. Un shot d’une drogue puissante dont tu ne pourrais bientôt plus te passer. Rien à voir avec celle que tu ressentais dans tes combats à l’épée. Avec cette arme entre les mains, tu te sentais toute puissante, presque déesse. Si Femto avait le malheur de revenir ici, tu savais avec quoi tu l’attaquerais : avec ce petit bijou et certainement pas avec ton épée. Une fois remise de tes émotions, tu te tournais vers ton maître du jour, totalement exaltée avec une certaine excitation dans le regard. Tu en oubliais presque ta douleur à l’épaule. « Wow ! Mais vraiment… ! Wow ! » Une vraie gosse. Tu te repositionnais pour tirer même si tu avais mal. L’élève voulait rendre fier son maître et puis tu avais été dans des souffrances pires que celle-ci. En position, tu jetais un regard à Lilith. « Tu veux pas te mettre derrière moi pour m’apprendre à bien encaisser le recul ? » Cette fois-ci, tu voulais au moins toucher Nabot numéro un. Peu importe l’endroit, tu l’aurais.