Une attaque d'un autre genre ft. Abelforth Dumbledore

Oui, il arrivait à Abelforth de passer le balai de temps en temps. On pouvait dire ce qu’on voulait sur la tenue de la Taverne du Sanglier, mais il n’était pas du genre à ne pas nettoyer. C’était juste que quand on avait des chèvres et des clients plus poussiéreux que l’ensemble des chèvres réunies, il était difficile de maintenir la salle dans un état de propreté éclatant. Et puis, c’était une taverne, pas un de ces salons de thé ou tout devait briller pour les pimprenelles qui venaient se poser là avec leur galant pour un moment plein de romantisme.

Ici, les rendez-vous en tête-à-tête se faisaient entre les dealers et les dealés, ou alors entre ceux qui complotaient pour trouer les fesses d’un quelconque mauvais payeur. Les oreilles de Abelforth ne traînaient pas trop. Il n’avait pas envie de s’impliquer. Les flics avaient rapidement compris qu’ici, ça entrait dans une oreille et ça sortait par l’autre. Il conserverait sa clientèle à ce prix, vu le style majoritaire qui se trouvait dans sa taverne. Il faisait quand-même des exceptions parfois. Il le fallait bien. Quand la situation était trop grave, mais c’était plutôt rare. Bref, malgré l’allure de taverne mal soignée, il balayait.

Et alors qu’il balayait l’entrée, un gamin l’admonesta. Bon, c’était un gamin qu’il connaissait, et un vieux gamin, il avait la vingtaine. Mais quand-même. C’était un petiot. Il lui avait fait des prix sur la chambres pendant la fin de son adolescence, et il avait gardé un œil sur lui. Il ne pouvait pas l’empêcher de faire des conneries, mais il pouvait lui éviter trop d’ennuis, dans la mesure de ses moyens. Enfin, là, les ennuis allaient être durs à éviter. Ils lui couraient après sous la forme d’un lapin géant qui devait se gaver d’autres choses que de carottes, à priori.

« Dis donc, tu l’as nourri avec quoi, Bunny ? » demanda-t-il avant de sortir sa baguette magique.

Il l’avait retrouvée depuis peu dans un tiroir qu’il était pourtant certain d’avoir ouvert et refermé à plusieurs reprises. Mais il l’avait retrouvée. Et pas encore testée. Il fallait reconnaître que Abelforth n’avait jamais pratiqué la magie de façon permanente et intensive. Mais le moment semblait bien choisi pour tenter quelque chose. Il leva sa baguette en espérant imposer le calme à ce lapin un peu trop agité à son goût.

« Impedimenta ! »

Lapin agité ne daigna pas s’arrêter et il quitta subrepticement la devanture de sa taverne pour courir derrière le gosse, maudissant cette baguette inutile et ce gamin qui ne lui attirait que des problèmes. Il avait une folle envie de faire du civet de lapin, mais pour le moment, il n’était pas certain de ne pas devenir du ragoût de sorcier sans magie.

« Qu’est-ce que t’as fait pour le rendre colérique, ce truc au regard de fou ? » demanda-t-il en entretenant son cardio, de façon pas tellement volontaire, mais n’ayant pas le choix au vu de la situation qu’il subissait.

Abelforth essayait de le prendre avec humour et il était tombé sur un petit gars qui partageait son penchant pour la plaisanterie. mais ça n'empêchait pas que le vieillard pensait très peu probable que ce lapin se nourrisse exclusivement de carottes. Il avait l'air d'avoir envie d'un régime plus corsé baptisé vieillard et gamin. Si c'était le cas, et sachant qu'il n'avait pas réussi à lancer le moindre sort, ils étaient clairement dans la panade. Il ne savait pas pourquoi mais il avait des doutes sur le fait que le lapin se lasserait de la poursuite avant eux. En plus, il était vieux et commençait à ne plus avoir beaucoup d'endurance.

Le fait que le gamin n'ait rien fait d'idiot qui aurait pu offenser ce lapin anthropomorphe le convainquit qu'il était en train de chasser son dîner et si c'était le cas, il allait avoir du mal à résister bien longtemps. Mais il devait quand même y chercher des preuves de ce qu'il avançait et il n'y avait pas 36 solutions pour cela. Il ne pouvait s'en référer qu’au gamin qui l’avait entraîné dans cette triste histoire. Il aurait mieux fait de rester enfermé dans son bar et il ne lui serait rien arrivé. Cela dit, il devait reconnaître que ça ne lui aurait pas fait plaisir que le gamin se fasse bouffer.

« T'es sûr qu'il s'est rien passé au moment où ce truc aux oreilles pointues a commencé à te pourchasser ? »

Le gamin avait l'intention de tenter un truc mais le vieux tenancier n'avait pas la moindre idée de ce que ça pouvait être. Il n'était pas contre le fait de le laisser investiguer en l'aidant sur ce point, mais il ne voyait pas comment il pourrait détourner l'attention de la créature sans se faire bouffer, alors qu'il avait démontré qu'il ne pouvait pas se servir de sa baguette. Il jeta un coup d'œil aux gosses avec un air dubitatif. Il ne savait pas vraiment ce que le gamin espérait de lui, mais il était certain qu'il ne ferait pas de miracle et que même s'il parvenait à contenir la créature, ce ne serait probablement pas pour bien longtemps.

« Tu sais pas si t'as capté que ma baguette servait à rien. Tu veux quoi ? Que je le défie à la boxe ? Je vais faire de mon mieux, écoute, mais m’est avis que tu ne devrais pas trop compter sur mes talents pour détourner l'attention de ce bestiau-là. »

Lorsque Odd mentionna que le lapin devait aimer son style, Abelforth lui lança un regard éloquent. A son humble avis, le physique de Odd n’était pas en cause, hormis peut-être certains aspects un peu plus rebondis que d’autres. Ce lapin avait les dents longues et ça ne voulait pas dire qu’il avait beaucoup de monde qu’il connaissait non. C’était littéral. Il avait des dents avec suffisamment de motivation pour bouffer un Odd en bonne santé. Et pour quelle raison les lapins étaient devenus carnivores, ça il ne le savait pas. Mais ça promettait s’il y avait des monstres qui sillonnaient toute la ville.

« A mon avis, c’est pas ton charme qui fait fureur mais plutôt la quantité de viande que tu représentes. »

Et donc, il le laissait face au bestiau, sans protection, sans baguette, sans magie. Eh bah ça promettait. S’il ne se faisait pas bouffer, ça tiendrait du miracle. Et le gamin qui faisait son trip en bondissant sur le lapin. Malade, ce gosse. N’empêche, Abelforth n’était pas déterminé à mourir et il n’avait pas l’intention de se laisser massacrer pour les beaux yeux d’un gosse qui aimait faire de la grimpette sur une peluche aux dents longues. Il écarta les bras, tentant de focaliser l’attention sur lui, sans se faire manger. Un joli objectif mais tout un tas de problèmes en perspective.

« Hey ! Longues-oreilles ! Regarde ! Ya un joli petit casse-croute ! Viens, viens par là. »

Il vint. Un peu trop complaisamment et l’œil un peu trop gourmand à son goût. Il ne le sentait clairement pas. Servir de diversion était une chose, servir de casse-croûte en était une autre. Il n’avait pas tellement une allure de carotte, mais de toute façon, il avait l’intuition que ce truc ce se sentait pas vraiment attiré par tout ce qui ressemblait à une carotte. Il commença à s’imaginer courir, habillé d’une carotte. Fréquenter des gosses impossibles, ça ne l’aidait décidément pas à garder la tête sur les épaules. Mais il préférait que sa tête reste bien ancrée sur ses épaules, ça c’était sûr.

« Je te préviens, si tu t’approches trop près, je sors la lime à dents, le rongeur ! »

Ce gamin était physiquement dérangé, et la seule question qui trottait dans la tête de Abelforth à ce moment précis, c'était de savoir à quel point il tenait à la vie et à quel point c'était sincèrement suicidaire qu'il agissait. Alors qu'il attirait l'attention du lagopède agressif, le prenant pour le Mont Everest ou quelque chose du genre, le gamin lui sauta sur le dos, comme s'il avait l'intention de faire une course à dos de lapin. C'était sûrement une bonne idée pour gagner des victoires, parce qu'il y avait bien peu de choses qui pourraient concurrencer ce lapin, mais il avait de sérieux doutes sur la viabilité du petit gars à long terme.

« Dis, t'es sûr de ta chevauchée du lapin, là ? Je suis pas convaincu qu'il va t'emmener à l'hippodrome ! »

Il était vrai que l'on pouvait forcer un âne à avancer avec une carotte. La base de l'analogie de la carotte et du bâton utilisée dans pas mal de techniques sociologiques ou psychologiques, mais il était à peu près convaincu que ce lapin aurait autant d'appétit pour son Carrot-Cake que ces chèvres pour un steak haché. C'était sans-doute une manière de demander un coup de main, mais il était clair que, pour le coup, il se sentait un peu démuni, surtout sans avoir aucun pouvoir. Du coup, il ne voyait pas vraiment comment il pourrait détourner la situation à leur avantage.

« Si tu veux mon avis, cette chose aurait un peu plus d'appétit pour le Odd-Cake, même si je me doute que finir en friandises n'est pas vraiment le but ultime de ta vie. »

En même temps qu'il racontait ses bêtises, il cherchait autour de lui ce qu'il pourrait trouver pour désarçonner la bête. Il fallait reconnaître qu'il n'était pas convaincu par ce qu'il avait autour de lui. Il finit par dénicher une vieille corde qui ne tiendrait certainement pas la route très longtemps, mais il pouvait toujours essayer de s'en servir et voir ce que ça allait donner. Il n'était pas convaincu par le fait de projeter le lapin par terre pour la sécurité de Odd, mais si le gamin s'accrochait et que la bestiole tombait bien, ça pouvait peut-être donner un résultat pas trop dégueulasse. Pas très rassurant, le scénario ? Possible, mais c'était tout ce qu'il avait sous la main.

« Hé, Monstro ! e suis là ! Viens me chercher ! » lança t-il avec provocation de l'autre côté de la ficelle tendue.

C’était bien l’alternative la plus idiote qu’il ait jamais entendue. Quitte à se faire bouffer ? Non, mais la taille et la virilité du truc n’avait aucune importance. Se faire bouffer, ça craignait. C’était à se demander comment ce gosse avait pu rester en vie plus d’une heure ici. Mais bon, il tenait la route dans le quartier. Abelforth supposait donc qu’il devait avoir quelque chose de plus. Peut-être que sa frimousse avait un pouvoir magique qui donnait envie de fondre aux méchants. Non. Sinon, il aurait déjà souri au lapin. Le vieux songea qu’il ne valait sans-doute mieux pas voir ce lapin sourire. Ca ne devait pas être rassurant du tout.

« Tu sais, une fois que t’es boulotté, personne va se soucier de la taille de la merde que t’as produit. »

De son vivant comme de sa mort, d’ailleurs. L’analogie le fit sourire, il avait toujours eu un certain goût pour l’humour noir, il devait bien l’avouer. Enfin, le plus important pour le moment, c’était d’agir. Réussir à faire tomber le truc poilu, c’était géré. La retombée du gosse, c’était pour lui. En le voyant se relever et courir, Abelforth se dit qu’il n’avait pas trop à s’inquiéter. Pour les conséquences de la chute. Parce que pour le monstre blanc aux grandes oreilles, il allait finir par se réveiller. Et il était certain qu’il ne faudrait pas se trouver à proximité de ses dents.

Alors quand il se mit à courir du côté opposé à la direction qu’avait pris le lapin jusque là, Abelforth estima que c’était probablement le meilleur plan qu’ils pouvaient avoir. Il décida de le suivre sur ce chemin. Après tout, ils repartaient vers la taverne et s’ils pouvaient s’y glisser sans que la chose ne le voit, elle disparaitrait sûrement. La bestiole n’avait pas l’air très fûtée. Grande, monstrueuse et carnivore, oui, mais dotée d’un cerveau capable de conceptualiser la notion d’appartenance, c’était autre chose. Sauf pour dire que quelque chose lui appartenait à lui, ça aucun problème à son avis.

« La taverne ! Rentre à la taverne, Gamin ! »