Les journées sont de plus en plus remplies, pour Jayce. Sorti de sa torpeur quelques jours plus tôt, à peine, il s’est lancé dans une rétrospective complète de sa vie depuis son arrivée sur l’île. Il n’est pas fier de lui-même, loin s’en faut. A trop s’être laissé aller, il reconnaît à peine son comportement défaitiste et morose. Non, décidément, ce n’est pas lui, il doit reprendre les choses en main, ne plus les laisser glisser entre ses doigts. C’est avec cette perspective qu’il a commencé les démarches, les unes après les autres, pour aller mieux. Et comme il a déjà pu le constater, on commence par aller mieux en prenant un peu soin de soi-même. Il sait que cette motivation ne sera pas de courte durée, il ne s'inquiète donc pas ; mais il préfère avoir toutes les cartes en main pour assurer ce petit succès. C’est pourquoi il a pris contact avec un certain Terra Ono, un coach sportif. Jusqu’alors il ne connaissait même pas l’existence de ce métier qu’il trouve fascinant, et plutôt motivant. D’ordinaire, Jayce n’apprécie pas vraiment l’aide extérieure (exception faite de certaines personnes), préférant façonner lui-même son avenir. Or, ici, il a pris conscience de son incapacité à agir complètement seul. Il a besoin des autres, et c’est un fait qui ne le dérange pas vraiment, au bout du compte. C’est comme ça, il l’accepte. Avoir un coup de main est finalement rassurant, pouvoir compter sur quelqu’un aussi. Il préfère de loin ce sentiment d'équipe à celui d'une longue avancée solitaire, comme ce fut le cas ces derniers mois.

Jayce est plutôt curieux de savoir comment va se dérouler cette première séance, curieux aussi de rencontrer ce fameux coach. Le contact a été plutôt sympathique, fait positif aux yeux de Jayce qui préfère les bons rapports. Ils ne peuvent que devenir amicaux, non ? C'est en tout cas ce qu'il espère, à terme. Pour l'instant, le but n'est pas de se faire des amis mais plutôt d'avoir des résultats. Il s'est donc habillé comme on le lui a conseillé au magasin de vêtements, d'un jogging et d'un débardeur. Un ensemble vraiment très agréable à porter, dans lequel il se sent libre de tout mouvement. La plupart des tenues, ici, sont loin de celles qu'il a toujours connues : celles très officielles de l'Académie puis celles qu'il devait porter pour représenter le Conseil. Tout cela était certes très élégant, oui, mais il s'y sentait à l'étroit, presque prisonnier. A toute chose malheur est bon, souffle une petite voix dans sa tête, et cette pensée lui arrache un sourire un peu amer, bien malgré lui. Car il reste inquiet malgré tout le positif qu'il tente désormais d'instiller à sa vie.

Lorsqu'il sort, il est content d'avoir posé une veste sur ses épaules car l'air demeure encore vif. Le froid n'a vraiment pas sa préférence et il lui tarde que les températures se montrent plus clémentes. Il avance, les mains dans les poches, à travers les rues. Il commence à se repérer sans mal dans le quartier, ce qui n'est pas un mince exploit ; combien de fois a-t-il déjà dû demander son chemin alors qu'il se trompait à l'angle d'une avenue et commençait à tourner en rond ? Les choses deviennent peu à peu plus simples, plus agréables aussi. Cet endroit, bien que très particulier, recèle également d'avancées technologiques fascinantes sur lesquelles il n'a pas encore pris le temps de se pencher mais qu'il tente de comprendre et d'apprivoiser au fur et à mesure.
Arrivé à l'adresse indiquée par Terra lors de leur première conversation, il s'approche de l'entrée du bâtiment. Il s'agit d'un grand complexe où les gens se retrouvent pour aller faire du sport. Cela non plus, il ne connaissait pas. Autrefois, il se contentait d'entraînements solitaires dans sa chambre. Ici, il semblerait qu'il y ait des possibilités plus grandes, avec l'aide de machines élaborées en ce sens. Lorsqu'il entre dans le hall, tout est propre et bien entretenu, accueillant et moderne. Jayce ne peut s'empêcher de tourner sur lui-même pour admirer l'intérieur du bâtiment, les yeux aussi émerveillés que ceux d'un enfant qui reçoit un nouveau jouet.

Lorsqu'il s'approche de l'accueil, on lui fournit les informations nécessaires pour avoir accès à la salle de sport de manière régulière, et on lui propose de souscrire à un abonnement, ce qu'il accepte sans tarder. Que cela fonctionne ou non avec Terra, il reviendra s'entraîner ici pour tout découvrir, sans aucun doute possible. Il attrape plusieurs brochures avant de remonter son sac (où sont rangés une gourde et une serviette) sur son épaule et de s'avancer dans le hall, cherchant des yeux le point de rendez-vous devant les vestiaires. Finalement, il aperçoit quelqu'un qui semble attendre et s'approche de lui.

« Bonjour ! Jayce Talis, » se présente-t-il avec un large sourire assuré, main tendue. « Vous êtes bien monsieur Terra Ono, je ne me trompe pas ? » lui demande-t-il avec son charme naturel revenu au galop. S'il se trompe, eh bien, tant pis ! Il pourra toujours faire un brin de conversation en attendant son coach.

« Génial ! Heureux de vous avoir trouvé si facilement. Je vais très bien, je suis même impatient, et vous ? »

Il semble, en effet, plus que sympathique. Jayce est quelque peu soulagé et il lui rend son sourire. Cette journée sera très certainement prolifique ! Il hoche la tête avec un sérieux prononcé, et laisse échapper un petit rire. C’est vrai, il vaut mieux être correctement habillé pour participer à leur future séance et Jayce appliquera les conseils de la vendeuse de vêtements à la lettre. Il n’a pas envie d’être ridicule pour ce premier entraînement - mais il se doute qu’il le sera un peu, avec toute son ignorance. Il entre donc dans les vestiaires pour ajuster sa tenue de sport et enfiler des baskets. Il range ses vêtements de ville dans ce nouveau sac consacré au sport et sort rejoindre Terra pour débuter le programme de la séance.

Lorsqu’ils se rejoignent à nouveau, Jayce se sent plus que motivé et la modernité des lieux gonfle sa poitrine d’une excitation nouvelle, celle de la découverte. Il pose ses yeux un peu partout avec l’envie dévorante de tout essayer, de tout connaître. Bien entendu, il s’en tiendra à ce que lui proposera son coach mais son esprit curieux ne peut s’empêcher de se poser mille et unes questions.

« Oui, c’est la toute première fois ! Là d’où je viens, euhm… Il n’y a pas vraiment ce genre de machines pour faire du sport. Ah ! Ca, je connais ! » dit-il tout de même en désignant des alters. Au moins, certaines choses ne changent pas. « Je faisais un peu de course, et des exercices physiques, des étirements … Mais je n’ai jamais vu tout ça avant. C'est vraiment impressionnant. Vous savez comment toutes ces machines fonctionnent ? »

Il ne peut cacher sa curiosité, c’est plus fort que lui, il doit demander, poser la question, s’intéresser. Il n’y peut rien, Jayce, il a toujours été comme ça. Il s’approche d’un tapis de course et se penche légèrement pour détailler les boutons. Il n’y comprend pas grand chose, de prime abord, et ça lui semble un peu complexe pour pas grand chose, mais son intérêt est piqué à vif. Il se retourne en direction de Terra et lui adresse un large sourire.

« Comme je vous le disais par téléphone, je suis un peu démuni, avec tout ça, mais je suis endurant et je veux me remettre un peu en forme. Je travaille dans une forge, donc j’ai de la force dans les bras, mais ça ne fait pas tout, et je ne considère pas vraiment ça comme de l’entraînement physique. Alors, quoique vous vouliez me faire essayer, je suis prêt ! »

Son enthousiasme se lit sur son visage éclairé d’un sourire alors qu’il se rapproche de son coach. Il a l’impression que quelque chose est un peu distant, vis à vis de lui, comme si ses pensées étaient ailleurs, et il espère que ce n’est rien de trop grave. Mais Jayce ne se sent pas assez proche de cet homme pour commencer à le questionner, il ne veut pas se montrer intrusif sur une simple impression. Il se contente donc de ce sourire sur le visage.

En effet, Jayce ne peut qu’être motivé ; au milieu de toutes ces machines inconnues, il sent souffler en lui le vent d’une nouvelle jeunesse. Il est grand temps pour lui de reprendre sa vie en main, de ne plus la laisser entre parenthèses. L’adaptation ne fait-elle pas partie intégrante des choses, n’est-elle pas inhérente au processus qu’il avait lui-même mis en place, à Piltover ? La perte de tout ce qu’il connaissait n’explique pas cette aura défaitiste, n’excuse pas l’abandon de l’espoir et de ses recherches. Il doit continuer à avancer, pas seulement pour lui mais aussi pour celleux qu’il n’a pas encore eu la chance de retrouver. Peut-être, bientôt, pourra-t-il revoir Cait ou Mel, qui sait ? Accompagné de Viktor, il sait en tout cas qu’il pourra tout affronter. Son partenaire lui a toujours donné l’assurance dont il manquait.

De retour au moment présent, Jayce hoche la tête face aux instructions de son nouveau coach. L’entraînement promet d’être intéressant ; une nouveauté, en tout cas, pour le jeune homme. Un léger sourire naît sur ses lèvres alors que la discussion est détendue, joviale, presque drôle en quelque sorte. Jayce apprécie la présence de Terra, il peut déjà sentir leur future bonne entente. Contre toute attente, malgré son sourire et son bagout, il n’a jamais eu beaucoup d’amis, trop focalisé sur ses projets et ses recherches pour penser à ses relations sociales. Il s’est même toujours trouvé plutôt maladroit, au milieu des mondanités, propulsé au milieu d’un monde auquel il n’appartenait pas vraiment. Il n’avait alors eu que son égo pour pallier son manque de confiance en lui, et il ne peut maintenant que déplorer ses décisions catastrophiques.

« Très bien, coach, je suis vos instructions ! » déclare-t-il avec bonne humeur, le sourire n’ayant pas quitté ses lèvres, dévoilant ses dents blanches parfaitement alignées. « Commencer doucement, ça me va. » ajoute-t-il en hochant la tête. Il y a longtemps qu’il n’a pas pratiqué de sport à proprement parler, et il y a sans doute différentes méthodes qu’il ne connaît pas. Il est curieux de se les approprier les unes après les autres - mais chaque chose en son temps. C’est en voulant aller trop vite en besogne que l’on finit par se blesser - ou par blesser les autres. Il ne veut donc rien rien faire dans le désordre, prendre son temps même pour un sujet aussi peu conséquent que peut l’être le sport.

Dans un premier temps, il suit donc les mouvements indiqués par son coach, étire ses muscles les uns après les autres comme il le lui indique, sent certaines de ses articulations craquer sous l’effort inhabituel - un bon signe, paraît-il. Ce n’est pas une sensation désagréable, au contraire, il a l’impression que ses membres s’éveillent peu à peu après une trop longue attente. S’il a l’habitude de faire travailler le haut de son corps, à la forge, il ne peut pas en dire autant pour ses jambes ou même sa nuque qu’il trouve immédiatement raides. Une très légère grimace traverse les traits de son visage ; voilà une chose à laquelle il n’est pas habitué.

« Je crois bien que je suis rouillé ! » plaisante-t-il avant de poursuivre sous les instructions de Terra.