Je vois sa silhouette s'extirper d'un taxi, à l'angle de la rue, encore quelques pas, et il sera de retour parmi nous. Mon coeur bat la chamade. Il me semble avoir grandi encore... c'est très probable. Nous ne sommes pas revus depuis les vacances de printemps. Ces dernières semaines, ces derniers mois... ces dernières années, devrais-je dire, ont été éprouvants. Mais c'est fini, à présent. Le fils prodigue est de retour à la maison, et au vu de ses brillants résultats scolaires, je ne doute pas qu'il ait réussi ses ASPIC à la perfection.
❝Il arrive, chéri.❞
Mon regard se tourne vers Tom. Ce dernier, assis dans un fauteuil du salon, ne réagit pas vraiment à cette information. Il se contente de hocher la tête, l'air apathique. A le voir dans cet état, mon coeur se serre, mais je dissimule bien vite ce sentiment, je l'enfouis au plus profond de moi, au profit du plus rayonnant des sourires. Plus le temps passe, plus mon époux s'enferme dans une attitude toujours plus distante. J'ai tenté, plus d'une fois, de modifier le philtre que je lui fais boire régulièrement, afin d'en modifier les effets. Autrefois... Autrefois, nous passions des heures à nous regarder dans le blanc des yeux, il me disait des mots si tendres... Aujourd'hui... L'abus de potion a eu sur lui un effet ravageur... Le seul moyen de dissiper cet effet serait probablement de rompre le charme... Je n'ai jamais su m'y résoudre. A l'idée qu'il puisse m'abandonner, j'ai le coeur en miette...
Alors, plutôt que de me focaliser sur le premier amour de ma vie, je me concentre sur le second. Tom, mon Tom, ma fierté. Oh, comme c'est un crève-coeur pour moi que de le laisser partir à Poudlard ! C'est bien simple, dans un premier temps, je n'avais pas voulu qu'il y mette les pieds. Après tout, moi-même, je n'y avais pas fait ma classe, et je ne m'en sors pas si mal. J'avais surtout peur qu'un contact trop direct avec la magie, ou même avec ses camarades de classe, n'éloigne mon fils de moi, ou encore attise les doutes de mon mari... Mais les hiboux de Poudlard sont tenaces... Ils trouvent toujours leur destinataire, peu importe les efforts que l'on fournit dans l'espoir de l'empêcher. Alors je n'avais pas eu le choix. Pendant sept ans, je ne l'ai vu qu'en dents de scie, profitant chaque été de sa présence en l'étouffant de mon attention afin de compenser ces longs mois passés loin de lui. Enfin, il est de retour, et pour de bon... Qui dit fin d'études, dit entrée dans la vie active, mais je ne suis vraiment pas pressée de voir l'oisillon quitter le nid... Je le garderai près de moi, je le couverai de mes attentions autant qu'on me le permettra.
A peine passe-t-il le pas de la porte que je le prends dans mes bras. Je sais qu'il n'est guère à l'aise avec de telles démonstrations, mais cela m'est égal... Il est de retour. C'est ma manière à moi de me réapproprier la chair de ma chair.
❝Bon retour à la maison. Viens, entre, pose tes affaires dans l'entrée, je m'en occupe.❞ Je referme la porte derrière nous, sur cette famille de bric et de broc, artificielle, que j'ai voulu façonner à l'image de ces caricatures publicitaires, sans jamais y parvenir tout à fait. Enfin... je me console en songeant qu'une famille comme celle que j'ai constitué sera toujours moins dysfonctionnelle que celle que nous formions, Morfin, mon père et moi. ❝Installe-toi. Je te sers quelque chose à boire ? Tu voudras quelque chose, chéri ?❞ Cette dernière phrase, je l'adresse à Tom Sr., qui répond par un vague et distrait signe de la main. ❝Ton père est un peu distrait en ce moment...❞, fais-je comme si je pouvais encore, à son âge, laisser suggérer à Tom que le comportement de son père était tout à fait normal. ❝Alors, raconte-moi... Tes ASPIC, comment ça s'est passé ?❞
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