Un joyeux non-anniversaire [PV Alice Kingsleigh Harry Marsh]

« Tu vas voir, il est installé comme un prince ici. Il a même sa propre garde du corps, tu te rends compte ? Je ne sais pas si c'est vraiment utile dans un salon de thé, mais ça apporte du prestige et puis, Eve est quelqu'un de gentil. Je crois savoir que c'était un robot dans son ancienne vie. Enfin, elle dit « sonde » mais je ne sais pas d’où ça vient. »

Alice ne pouvait retenir sa langue pendant qu'elle entraînait l'autre Alice en direction du salon de thé du Lièvre de Mars. Même si elle l'adorait et qu’il lui avait offert une place pour qu'elle gagne de l’expérience pendant la durée de ses études, elle savait qu'elle n'était pas son Alice et qu’il n'était pas son lièvre. Le Pays des Merveilles qu’elle avait connu n'était pas le seul qui existait au travers des mondes et elle avait découvert qu'il existait aussi d'autres Alice, dont une qui se trouvait justement avec elle. Quelque chose lui disait que c'était peut-être bien celle de ce lièvre, même s'il n'avait jamais repoussé la Alice qu'elle était.

« Lièvre, Lièvre », l’appela-t-elle en arrivant dans le salon de thé vide. « Je t'amène de la visite. Je suis sûre que ça te fera plaisir. »

Même s'il s'avérait qu'elle s'était trompée et que c'était une Alice qui venait encore d'un autre endroit, elle était passée par un Pays des Merveilles et il la reconnaîtrait comme telle comme il l'avait fait pour elle. Dans tous les cas, il était clairement évident que ce serait une bonne surprise pour le lièvre. Il ne restait qu'à les présentaient et les deux feraient le reste ensuite. Alice n'avait absolument pas peur d'être remplacée, car quand il s'agissait de ses amis, elle avait pour politique que les groupes d'amis ne peuvent que s'agrandir et jamais rétrécir. Tant que Robin ne lui faisait pas de l'œil, tout irait bien.

« Si je me trompe pas, c'est ton non-anniversaire aujourd'hui. Eh bien, j'ai un cadeau de non-anniversaire pour toi. Voici Alice ! »

Évidemment, le Lièvre se trouvait derrière le comptoir lorsque les deux Alice arrivèrent dans la pièce. Où d'autre aurait-il pu se trouver que dans un endroit où il concevait ses délices et où il les goûtait, bien-sûr, parce qu'on ne concevait pas un thé sans le goûter pour être sûr qu'il soit parfait. Il ne venait peut-être pas exactement du même monde mais ce Lièvre était complètement identique au sien pour ce qui concernait ce détail précis et c'était une des choses qui le lui rendaient attachants. Ça et le sentiment de totale liberté qu'elle ressentait en sa présence comme si elle n'est plus obligée d'avoir totalement le contrôle d'elle-même.

La mention d'une autre Alice attisa évidemment aussitôt son intérêt et la jeune fille ne put s'empêcher de sourire en le voyant bondir sur le comptoir sous sa forme de lièvre. Lorsqu’il leur prêta à chacune une de ses pattes, avec un sourire jusqu'aux oreilles, ce qui n'était pas peu dire car celle du Lièvre était vraiment très longue, Alice avait vraiment l'impression qu'elle retrouvait le naturel de l'un de ses amis proches. Et c'était le cas puisque son œuvre avait sensiblement les mêmes étonnantes particularités que celui-là, sur un plan général, tout au moins, car elle n'avait pu constater ses capacités dans le détail.

« Comme vous le voyez, nous sommes en avance pour le thé. C'est le Lapin Blanc qui serait content. »

Le Lièvre, lui, avait trop vécu en marge du Temps si bien qu'il se moquait bien que l'on puisse arriver en retard. Il était probable que le fait que les gens courent sans cesse après le temps lui semble bien risible. Elle sourit lorsqu'il mentionna un cadeau en affirmant qu'il ne savait pas à qui appartenait la maison qui faisait ce cadeau. La blonde se fit aussitôt pensive avant de répondre avec une certaine conviction.

« Je suppose que c'est cette maison-ci. Donc, je dirais la vôtre. A moins que ce ne soit pas votre maison et alors je n'ai pas la moindre idée de la maison de qui non plus. Auriez-vous encore un peu de ce thé que vous avez élaboré il y a une semaine ? Vous savez ? Celui qui mélange la douceur de la crème à la folie d'un nombre de fruits si énorme qu'on ne sait pas les différencier. Il était vraiment délicieux et je suis certaine que Alice devrait le goûter. Tu vas te régaler », affirma-t-elle à la concernée. « Mais n'essaye pas d'identifier tous les fruits ou tu vas devenir encore plus folle. »

Pendant qu'il préparait leur thé, le Lièvre sembla demander confirmation à Alice qu’elle était bien celle de son monde. Elle avait donc eu particulièrement de flair en l'amenant ici, de toute évidence. Alice aurait pu être jalouse mais depuis qu'elle était toute petite, elle avait toujours pensé qu'il valait mieux se faire plein d'amis plutôt que de chercher à en garder un pour soi toute seule. Elle savait que même si elle n'était pas la Alice de son monde, ça n empêcherait pas le Lièvre de lui accorder de l'attention et la présence d'une autre Alice, même celle de son monde, n'y changerait rien.

Le Lièvre semblait complètement indigné par la façon de voir les choses de Alice, enfin cette Alice, celle qui travaillait pour lui. Il parla même de lui refaire son éducation, parce qu’elle avait dit qu’elle était en avance pour le thé. Elle pouffa. Elle l’aimait beaucoup avec son sens de la folie. Il lui donnait envie d’être folle elle aussi. Elle avait toujours eu un grain de folie, mais elle ne l’avait sans-doute pas assez manifesté ici. Pas encore. Mais cela viendrait. Cela venait toujours. Elle porta la main à son cœur, principalement pour lui montrer qu’elle l’entendait et que son avis comptait pour elle.

« Ho ! Je suis désolée… Je croyais qu’on était en avance quand le thé n’était pas fait. Je vais avoir besoin de vous, Lièvre, je crois que je ne suis pas retournée depuis trop longtemps au Pays des Merveilles, moi », lança-t-elle avant de se tourner vers Alice. « Je ne l'ai pas vu non plus. Mais je ne suis pas ici depuis très longtemps alors ça ne veut peut-être rien dire. »

Alice s'approcha du Lièvre au moment où celui-ci semblait sur le point de leur faire une confidence en ce qui concernait sa louche. Elle ne pouvait s'empêcher de se demander pour quelle raison elle avait décidé de s'en prendre à cette pauvre écharpe mais il devait y avoir une bonne raison. Peut-être que l’écharpe avait dit quelque chose de contrariant à la louche. Les objets n'avaient pas toujours tout le savoir-vivre que l'on attendait de leur part. Cela dit, le Lièvre les appréciait pour ce qu'ils étaient et Alice ne pouvait qu'en faire autant.

« Eh bien, je suis contente de savoir que votre service à thé ne nous réservera pas le même sort. Cela dit, j'approuve la sagesse de Alice, je veux dire l'autre Alice, je ne parle pas encore de moi à la troisième personne, même si j'imagine que cela pourrait être amusant à faire. Mais je ne pense pas que ce soit très gentil de contrarier votre service à thé, même si c'est un très gentil service à thé. Surtout, je dirais, en fait. »

Elle sourit en voyant Alice faire un bisou sur la joue du Lièvre et jeta un coup d'œil à la chaise moqueuse avec un petit air fripon. Mais elle adora l'enthousiasme qu'il développa soudain en présentant sa boutique et les spécialités qui en faisaient partie. Alice connaissait ces spécialités puisqu'elle avait obtenu du travail dans cette boutique, mais elle adorait toujours entendre sa réclame quand-même. Elle ne put même pas résister au moment où il leur demanda si elles avaient des questions.

« Moi j'en ai une, Patron ! Vous n'avez jamais envisagé une journée spéciale Pays des Merveilles où tout le monde serait assis autour d'une table unique, et où on changerait de tasse à intervalles réguliers. On pourrait appeler ça le jeu des tasses musicales. Je me demande si vos tasses savent chanter. »