Les Produits Laitiers Sont Nos Amis Pour La Vie

Ces derniers temps, les vaches du ranch étaient très généreuses. Malon avait beaucoup plus de lait qu’elle n'en avait besoin pour répondre à ses commandes. Elle gardait le surplus dans un endroit de la grange où il ne se ferait pas mauvais pour le marché, mais si son stock grandissait à ce rythme, il était évident qu'elle ne vendrait pas tout au marché. La demoiselle ferait en sorte que ce ne soit pas perdu. Elle ferait des gâteaux où se préparerait des plats qui nécessitaient un peu plus de lait, mais ce serait quand-même mieux pour elle de le vendre.

Alors qu’elle entrait dans la pièce, elle aperçut soudain un individu qui buvait du lait, presque à se gaver. En voilà un qui faisait plaisir à voir, même s'il se pouvait bien que ce soit un voleur. Avant de s'approcher et de lui parler, elle ne pouvait pas le deviner. Mais dès qu'il l'aperçut, il lui annonça qu'il avait laissé une pièce d'or pour elle. La jeune fille s'approcha pour évaluer du regard la pièce dont il parlait et elle fronça les sourcils. Ce genre de chose ne se trouvait pas à chaque coin de rue et elle n'était pas certaine que ce soit une bonne idée de l'accepter. Cela dit, il semblait beaucoup aimer son lait et elle en avait en trop pour une fois.

« Vous ne devriez pas vous servir sans demander avant. Je distribue mon lait à mes clients et il aurait pu ne pas m'en rester assez. Mais ce n'est pas grave, j'en ai bien suffisamment cette semaine. D’où viennent ces pièces d'or ? »

Elle ne disait pas ça avec l'intention de le dénoncer ou de lui causer du tort. Mais elle savait que s'il ne se les était pas procurés de manière sécurisée, il était possible que cela lui cause des problèmes plus tard et elle ne le voulait surtout pas. Il n'avait pas l'air bien méchant et elle n'avait pas vraiment envie qu'il lui arrive de mauvaises choses avec des personnes dangereuses parce qu'il n'aurait pas fait assez attention à ce qu'il trouvait. On n’allait pas se mentir, si elle tombait sur un objet rempli de pièces d'or, Malon éviterait d'y toucher étant donné le quartier dans lequel elle vivait.

« Je m'appelle Malon. Vous n'avez rien à craindre de moi. Vous semblez beaucoup aimer le lait, je me trompe ? »

En tout cas, il était curieux car il lui posa des questions sur son univers d'origine. Elle ne voyait aucun mal à lui répondre. De toute façon, elle n'avait rien à cacher et c'était peut-être un bon moyen pour se faire un nouvel ami. On ne pouvait pas toujours savoir de quoi la vie était faite mais elle était sûre d'une chose, ce n'était pas en repoussant les gens qu'on faisait en sorte que sa vie soit belle. Elle sortit un godet d'une taille assez impressionnante et y versa un verre de son lait le plus frais pour le tendre à son invité.

« Le royaume dans lequel je vivais s'appelait Hyrule. Et mon père était le propriétaire du ranch Lon Lon. Comme c'est ainsi que s'appelle ce ranch, je m'en occupe comme je le faisais dans mon monde. Je suis obligée de vendre le lait et de proposer des promenades à cheval afin de pouvoir nourrir les animaux. Et vous ? »

Cet individu n'avait pas l'air bien méchant, peut-être un peu fantaisiste mais cela faisait plutôt sourire Malon. Cela dit, s’il jouait les vandales un peu partout, il allait finir par s'attirer des ennuis. Bien entendu, il était tout à fait possible qu'il finisse par avoir certains pouvoirs s'il en avait dans le passé mais ça ne changeait rien. Il y avait bien des justiciers avec du pouvoir qui pourraient vouloir l'empêcher de nuire. Pour sa part, elle était plutôt bienveillante et tolérante sur pas mal de comportements, que certains auraient qualifié de naïf, mais elle se contentait de donner ce qu'elle pouvait donner à partir du moment où le bien-être des créatures dont elle s'occupait était assuré.

« Je n'ai pas besoin de faire payer le lait plus cher. Je préfère que plus de monde en profite. Le plus important, c'est que je puisse nourrir les animaux et vivre correctement. Je ne vois pas pourquoi je demanderai plus. Et j'arrive même à mettre un peu de côté, ce qui me sera utile lorsque les bâtiments du ranch commenceront à se dégrader. »

C'était plus pour lui qu'elle s'inquiétait. Elle n'était pas certaine que si elle n'était pas tombée sur lui inopinément, il lui aurait laissé ses pièces d'or. Et de toute façon, ce n'était pas une bonne idée de se servir sans demander avant, il pouvait tomber sur des gens plus mal intentionnés qui lui créerait des problèmes. C'était dommage qu'il n'ait pas quelqu'un pour veiller sur lui et lui apprendre à se comporter. Il était peut-être quelque chose d'autre avant d'arriver ici et il était peut-être tout simplement inadapté à ce monde. Mais si quelqu'un lui expliquait, ça pourrait peut-être lui éviter des problèmes.

« Vous devriez faire attention. Je sais bien que vous ne pensez pas à mal, mais il est possible que les personnes qui ont enfoui ces pièces n'apprécient pas que vous les ayez récupérés. Vous savez, dans le coin, il y a un bon nombre de personnes dangereuses et si elles ont commis un larcin et qu'elles l'ont caché, elles pourraient vous faire du mal. Je ne voudrais pas qu'il vous arrive quelque chose. »

La jeune palefrenière ne put s'empêcher de rire à la remarque de ce Crash en ce qui concernait la peur qu'elle pouvait inspirer. Elle n'avait absolument aucun doute sur le fait qu'elle n'en inspirait aucune. Personne ne pouvait être intimidé par une jeune fille souriante qui vous invitait à déjeuner même quand vous veniez de la cambrioler. Mais en prenant les choses avec simplicité et en évitant les problèmes, elle se retrouvait généralement un peu moins au centre des difficultés qui rythmaient le quartier où elle vivait.

Elle l'écouta lui raconter qu'il adorait le lait et elle réfléchit. Il était évident qu'il n'avait pas d'argent et que son stock de pièces finirait par s'épuiser avec l'espoir tout de même que personne ne vienne l'attaquer pour avoir pris quelque chose qui ne lui appartenait pas. Mais elle pouvait toujours trouver un autre arrangement, qui lui conviendrait bien. Elle aimait beaucoup les fruits, certains champignons et ses animaux raffolaient de certaines racines qu'on ne trouvait qu'en forêt. Depuis qu'elle s'était perdue, elle faisait attention aux endroits où elle allait et elle n'avait plus l'occasion de cueillir tout ce qu'elle voulait.

« Si tu aimes tant le lait, on pourrait peut-être trouver un arrangement. Moi, j'aime beaucoup les fruits, et les champignons aussi. Il faut faire juste attention à ce que ni l'un ni l'autre ne soient vénéneux. Et j'aime bien compléter les repas de mes animaux avec certaines racines que l'on trouve dans la forêt. Peut-être que tu pourrais me ramener chaque jour un panier avec des choses que tu ramasserais et qui pourraient être utiles pour moi et en échange, je te donnerai une bouteille de lait. Comme ça, tu seras toujours sûr que j'en ai assez pour toi. »

La mention de son père ne put faire autrement que de mettre un air un peu triste sur le visage de la jeune fille. Elle l'aimait tant, même s'il était un peu feignant. Ça la faisait plutôt rire en général. C'était que même si son père aimait dormir, elle l'aimait de tout son cœur tel qu'il était. Mais il était difficile de ne pas l'avoir auprès d'elle et de se retrouver dans une situation où elle devait se débrouiller toute seule sans personne à qui se confier. Ce n'était plus tout à fait vrai depuis la nouvelle année, où elle avait Astarion et elle était vraiment contente qu'il ait accepté de rester avec elle. C'était quelqu'un qui lui faisait du bien.

« Il n'est pas ici à ce que je sache. En tout cas, il ne s'est pas manifesté. Mais il aime tellement dormir qu'il pourrait bien être quelque part où il peut en profiter tout son soul et je ne le saurai pas. Je l'aime beaucoup mon papa, mais il n'aime pas trop travailler. »

Apparemment, lui, il n'avait pas eu la chance d'avoir un très bon père. Malon en était triste pour lui. Ce n'était pas drôle d'avoir été créé par quelqu'un qui ne se comportait pas bien avec vous. C'était peut-être pour cela qu'il faisait des bêtises. La jeune fille eut aussitôt envie de le consoler. Elle était flattée par le compliment qu'il faisait sur son ranch et eut un petit rire face à sa plaisanterie, bon public qu’elle était. Cela dit, son propos la fit réfléchir et elle se rendit compte que jamais elle n'accepterait de se séparer du ranch. Il était trop précieux pour elle et lui rappelait trop de belles choses.

« Même si je rencontrais quelqu'un d’assez riche pour l'acheter, je n'accepterais pas. Tu comprends, c'est le même que celui que j'avais chez moi et je veux rester dans cette ambiance qui m'est si familière. »

Il se moqua un peu d'elle par rapport à la pénibilité de son travail et elle fronça les sourcils. Elle n'était pas du genre à se plaindre et la vie était plutôt belle, mais tout n'était pas tout rose non plus et elle devait faire attention si elle voulait préserver ses animaux et éviter des situations où on leur ferait du mal. Cela, ce Crash ne semblait pas en avoir conscience.

« Faire du lait, c'est beaucoup de travail, vous savez. Vous vous êtes déjà occupé de vaches ? Il faut se lever tôt et passer beaucoup de temps pour les nourrir, les soigner et évidemment les traire. C'est seulement ainsi que l'on peut obtenir un lait de bonne qualité. Et pour que le lait puisse être régénérant, il ne faut pas nourrir les vaches n'importe comment. Mais en soi, c'est un travail assez courant pour un ranch. C'est plus compliqué pour les chevaux. Il n'est pas pénible de se balader en soi, mais ceux qui ont les moyens de se payer des balades à cheval ne sont pas toujours très gentils avec les animaux. Je préférerais ne pas forcer les miens à devoir porter des gens alors qu'ils n'en ont pas envie. Au moins, je fais attention à n’accepter que des personnes bienveillantes avec les animaux. »

Elle avait bien remarqué qu'il s'attirait des ennuis. Mais s'il volait, c'était normal. D'ailleurs, alors qu’il faisait des propositions pour son lait, elle découvrit qu’il lui avait aussi volé des œufs. Elle mit ses poings sur ses hanches alors qu'il affichait un air penaud en disant que quelques pièces d'or supplémentaires n'allaient certainement pas suffire à se faire pardonner. Malon n'était pas certaine de vouloir accepter les pièces d'or dont elle allait certainement devoir se défaire et qui risquaient de lui causer des ennuis. Et puis, elle estimait que ce marsupial devrait apprendre à respecter le bien d'autrui. Il avait vraiment besoin que quelqu'un reprenne en main son éducation.

« Je préfère ne pas toucher à ces pièces d'or. Je suis à peu près sûre qu'elles ont été volées et je ne veux pas me confronter aux individus qui sont responsables. Et puis, je n'ai plus beaucoup de lait à te vendre, mais si tu veux, si tu m'apportes des paniers de provisions de la forêt comme je te l'ai proposé, je te rajouterai des œufs en plus du lait. Et tu pourras en avoir tous les jours. Pour l'instant, puisque tu es de toute évidence doué pour ramasser des œufs, tu pourrais peut-être aller ramasser tous ceux qui sont dans le poulailler actuellement. Ca me ferait gagner du temps et je t'en offrirai quelques-uns en échange. »

Cela pouvait en étonner certains, mais il était clair que Malon préférait largement essayer de satisfaire un maximum de monde et éviter de se causer des ennuis. Elle n'était pas très forte et elle ne savait pas vraiment se battre. Même si elle essayait de faire des progrès sur ce dernier point, elle ne pouvait pas être sûre d'être capable d'affronter les personnes qu'elle se mettrait éventuellement à dos. Elle préférait donc gérer les choses pour être le plus paisible possible et éviter les problèmes. Ce n'était pas toujours évident, mais c'était de cette façon qu'elle s'y prenait pour gérer un lieu dans un endroit comme Lockwood Hill.

« Je ne crois pas que je serais vraiment capable de me battre, même si j'essaierais, dans le cas où on m'attaque. Mais je préfère éviter et faire en sorte que tout se passe bien. Ce quartier peut être dangereux, vous savez. Et j'ai même ramassé un policier blessé, une fois. Heureusement que j'étais là pour lui venir en aide. »

Elle n'aurait pas vraiment pensé à lui comme agent de sécurité. Elle avait déjà pensé que sa sécurité serait peut-être meilleure si elle était protégée par quelqu'un, et elle avait découvert qu'il existait des sociétés spécialisées qui formaient des agents. Mais elle n'aurait de toute façon pas eu les moyens de faire appel à une telle agence. En revanche, elle ne pensait pas non plus que d'avoir quelqu'un à demeure, et qu'il soit prêt à taper sur tout ce qui bougeait soit la meilleure idée pour avoir un ranch accueillant où les gens se sentiraient bien de venir.

« C'est très gentil à toi, mais tu pourrais faire la différence entre les clients et les voleurs ? Et puis, tu as bien tenté de me voler et pourtant, tu es sûrement content, au final, que nous ayons trouvé un arrangement pour du lait. Ce n'est pas toujours mauvais d'avoir un peu de flexibilité. »

Malon éclata de rire en s'apercevant que non seulement l'idée de travail lui plaisait mais qu'il était prêt à donner le maximum pour avoir ce qu'il voulait. Malheureusement, elle n'avait pas besoin d'une quantité trop importante de produits frais tous les jours, ou elle ne pourrait pas s'en servir et il se ferait mauvais. Et elle ne pouvait pas non plus donner une quantité infinie de lait. Ses clients attendaient leur livraison et il fallait bien qu'elle fasse le nécessaire. Mais elle avait l'intuition qu'elle aurait beaucoup moins d'invendus à l'avenir.

« Je ne peux pas te promettre un trop grand nombre de bouteilles de lait, si je veux pouvoir assurer ta commande, ainsi que celle de tous mes clients. Mais tu en auras tous les jours. En plus, il est plus utile pour moi d'avoir un panier tous les jours moins rempli plutôt que d'avoir une grande quantité que je ne pourrais pas épurer. Mais si ça te convient, je te dirai ce qui me ferait le plus plaisir chaque jour et je te donnerai autant de lait que je le peux sans mettre à mal mes finances. Est-ce que ce compromis te conviendrait ? »

L'argent était important pour tout ce qui concernait sa survie et celle de ses animaux. Mais il n'était pas question d'accepter un objet d'une provenance douteuse. Elle ne voulait surtout pas se retrouver mêlée à des crimes ou se retrouver confrontée à des bandits. C’était quelque chose qui la terrifiait beaucoup. Elle savait qu’elle serait en grand danger si cela se produisait. Mais Crash ne semblait pas avoir compris le niveau de difficulté que cela représentait pour elle. Quand il parla de dons pour agrandir la ferme ou en réparer certains murs, elle sourit doucement mais elle ne changerait pas d'avis.

« Ce n'est pas que je sois complètement désintéressée. Concrètement, j'ai besoin d'argent comme tout le monde et c'est aussi pour ça que je ne peux pas me permettre de te donner tout le lait que tu veux. Je dois en vendre pour mettre de l'argent de côté. Mais je ne veux pas des pièces que tu me donnes parce que je ne sais pas d'où elles proviennent et que j'ai peur que quelqu'un vienne m'attaquer un jour. Je ne suis pas très forte, tu sais. Alors pour éviter les ennuis, j'évite de me mettre entre les griffes de personnes qui pourraient m'en causer. La vérité, c'est que tant que je ne dérange personne, on me laisse relativement tranquille et c'est ce qui me va. »

Il avait raison de dire que la compagnie des animaux que l'on peut aimer était un cadeau en soi. Elle avait vraiment l'impression que l'affection qu'elle portait à ces animaux, ils la lui rendaient et que ce faisant, ils formaient tous une grande famille. C'était pour cette raison qu'elle ne voulait pas laisser des membres de sa famille en de trop mauvaises mains. Il affirma à nouveau qu'il était prêt à se battre pour elle et à frapper toutes les personnes qui s'en prendraient à elle. Même si elle le trouvait un peu brutal dans sa façon d’être, il était touchant à sa manière.

« Je suis sûre que tu trouveras tout ce qu’il me faudra. J’ai confiance. Si je fais des tartes, je pourrais t’en garder une petite part, si tu en as envie. »

Elle constatait, en tout cas, que mis dans de bonnes conditions et encadré comme il le fallait, le petit vandale se révélait être un excellent travailleur. Il était efficace pour ramasser les œufs et il n'était pas impossible qu'il ait d'autre succès à son actif. Depuis qu'elle avait Astarion, son travail était grandement facilité. Mais sortir un jeune homme de la délinquance et lui offrir un travail pourrait être une bonne action digne du grand cœur de Malon. La seule chose qu'elle ne savait pas, c'était si son budget pouvait le lui permettre. Il faudrait qu'elle le calcule, car que ce soit en lait et en œufs ou en véritable argent, il n'était pas question de l'exploiter.

« En effet, je vois que tu es capable de travailler dur. Je ne peux rien te promettre, mais il se peut que j’aie besoin de toi pour des choses un peu plus complexe que de la cueillette dans les bois, un jour. Bien entendu, tu aurais sans doute beaucoup à apprendre mais il est évident que tu serais payé en conséquence. Ce genre de chose peut-elle t'intéresser ? Mais attention, si tu travailles pour moi, il ne faut plus violer ou dégrader des choses. Tu comprends ? »

Même si ce Crash ne semblait pas méchant, il semblait avoir une idée bien arrêtée sur les choses et ne pas comprendre réellement lorsqu'on lui disait non. Malon n'était pas du genre à se mettre facilement en colère, mais même si elle apprenait à se battre, ce ne serait pas pourchasser tous les inconnus du ranch. Elle avait déjà bien assez d'un acolyte prudent qui se méfiait de toutes les têtes inconnues qui venaient dans le ranch. Elle n'avait pas besoin de quelqu'un qui agressait tous ses visiteurs. Elle voulait vraiment que l'endroit reste plaisant et accueillant pour un maximum de monde.

« Je me doute que tu essayes de bien faire, mais si tu te mets à attaquer les personnes qui viennent ici sans distinction, je te préviens que je me fâcherai. C’est gentil de vouloir me protéger et je ne dirai pas que je suis douée pour le faire toute seule, mais mon ranch est un endroit ouvert et accueillant et je ne veux pas que ça change. Je te prie de modérer ici ton envie à tout démolir. »

Au moins, Astarion agissait avec prudence et il n'agressait pas le moindre visiteur, même s'il se montrait plus prudent que Malon elle-même. Mais elle avait un peu trop l'impression désagréable que ce jeune homme allait vite devenir incontrôlable et qu'il pourrait rendre l'endroit beaucoup moins convivial qu'il ne l'était actuellement. En plus, elle n'était pas vraiment certaine que ce soit par amitié qu'il voulait la protéger. Elle avait l'impression qu'il se laissait beaucoup trop facilement acheter par de la nourriture et elle avait beau être naïve et confiante, elle n'avait pas l'intention de le laisser faire n'importe quoi non plus.

« Je ne sais pas si tu aurais le même goût pour n'importe quel lait que tu pourrais boire. Le lait de ce ranch est particulier. Tu devrais en goûter des différents pour savoir quelle variété tu préfères. Pour le moment, je vais simplement te compter parmi mes clients quotidiens, même si ton paiement est un peu adapté, disons. Mais lorsque tu viendras ici, rappelle-toi que je veux que tu aies du respect pour les personnes qui s'y trouvent aussi. En cinq ans, tu es le premier à avoir essayé de me voler, alors je ne tiens pas à me méfier de tous les visiteurs. Ça ne correspond pas à la maison. »

Il semblait au moins comprendre sa volonté de faire preuve de mesure, que ce soit dans ce qu'il allait lui donner ou dans ce qu’elle allait pouvoir lui offrir en échange. Quelque chose lui disait qu'il était important que cet individu apprenne la différence entre quantités ponctuelles et quantités moindres mais régulières. C'était un atout que d'avoir un accord sur la durée. Ça ajoutait de la confiance et ça promettait un apport constant et conséquent. Il semblait extrêmement motivé mais difficile à canaliser et elle se demandait après tout, si c'était une très bonne idée de l'employer de façon plus permanente.

« Tu viens de démontrer que tu es capable de faire des choses quand tu es un peu canalisé. Tu devrais envisager cette option plus que plutôt que de voler ou de ramasser ce qui traîne un peu partout. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent dans ce monde et tu vas vite être vu comme quelqu'un de dangereux et de méchant si tu continues dans cette voie. »

Il avait au moins compris qu'il n'était pas question pour elle d'accepter un paiement avec des moyens dont elle ne serait pas sûre de la provenance. Elle avait toujours tout fait pour se tenir en marge des problèmes et des complots propres à ce quartier de la ville. Il n'était pas question que celui qui semblait avoir le comportement d'un gosse irresponsable change cet état de fait. Elle sourit donc en voyant qu'il avait compris et réfléchit doucement à sa question sur les champignons. Il fallait faire très attention quand on cueillait ce genre de choses.

« Tu t'y connais un peu en champignon ? Sinon, je pourrais te trouver un livre qui te permettra de les reconnaître et d'éviter ceux qui sont vénéneux. Les champignons vénéneux peuvent rendre malades et je préférerais autant éviter cela. »

Elle avait du mal à croire qu'il ait pu être un super-héros. Malon avait la vision du super-héros qui est toujours impeccable et qui ne commet jamais de mauvaises actions, mais il était vrai que c'était une vision des choses un peu réductrice et elle avait appris qu'il existait certaines personnes qui sauvaient pourtant le monde, même s'ils avaient une morale parfois questionnable. Tant qu'elle était à l'abri des ennuis, elle n'irait pas chercher plus loin en ce qui concernait le jeune homme.

« Et pourquoi tu ne cherches pas à continuer cette belle activité de sauver les gens qui en ont besoin plutôt que de vivre un peu en marge de la loi ? Si tu ne sais pas par où commencer, j'ai entendu dire qu'il y a des héros en ville, qui sont tout à fait prêts à former des alliances et cela te permettrait d'utiliser efficacement toute cette énergie, plutôt que de la consacrer à mettre le chaos partout. »

Elle le regarda bizarrement lorsqu'il lui demanda s'il lui arrivait de vendre des pizzas. Il confondait visiblement le ranch avec un restaurant. Elle n'avait pas l'intention de devenir restauratrice et de cuisiner pour lui en plus de tout le reste. Elle était bienveillante mais elle avait un ranch à gérer et elle n'était absolument pas à son service. Encore une fois, il ne faisait pas dans la mesure et elle avait l'impression qu'elle n'avait pas forcément raison de s'embarquer dans quelque chose dont elle ne saisissait pas complètement les conséquences.

« Je suis désolée, il faudra aller en ville pour ça. Je ne suis pas restauratrice. Mais eux, ils ne feront pas de troc et je doute qu'ils acceptent de l'argent sans savoir d'où il provient. Tu devrais vraiment songer à te trouver du travail. Il y a sûrement bien des gens qui aurait besoin de quelqu'un pour du gros œuvre ou du travail nécessitant de la force et de l'endurance. Tu n'as pas forcément besoin d'avoir fait de longues études mais il faut vouloir faire autre chose que mettre le bazar dans la vie des gens. »

Malon avait déjà pu constater qu'il ne se comportait pas de la même façon à partir du moment où il était un minimum géré. C'était la raison pour laquelle elle pensait qu'elle pourrait peut-être lui être utile, mais elle n'était pas complètement sûre de son coup. Pour le moment, elle voulait surtout qu'il comprenne qu’il n'était pas bienvenu de chercher à faire des choses en dépit du bon sens. Elle se refusait à penser qu'il pourrait se mettre à attaquer des gens et notamment, en ce qu'il supposerait être des voleurs. Il lui assura plusieurs fois avoir compris ses exigences et même si elle se demandait si elle pouvait lui faire confiance, elle n'allait pas insister davantage.

« Bien ! Si tu acceptes de prendre ma demande en considération, nous pouvons considérer la chose comme conclue. »

Malon sourit en l'entendant demander quel était son lait préféré. Il était évident que c'était celui du ranch. Il était excellent et elle avait toujours pris beaucoup de plaisir à le goûter même si les clients en avaient la plus grosse partie.

« Eh bien, le mien évidemment. C'est le meilleur, à mon goût. »

Il se vantait déjà de pouvoir être son meilleur client. Elle en doutait. D'abord, parce qu'elle misait sur le nombre de clients et notamment d'abonnés, davantage que sur un seul client et une quantité d'achats. Et ensuite, elle n'oubliait pas que cet individu n'avait pas de moyens financiers fiables et elle ne pourrait pas faire du troc indéfiniment avec de grandes quantités où elle ne parviendrait jamais à faire des bénéfices. Or, elle en avait besoin pour assurer la continuité du bien-être de ses animaux. Mais elle ne fit pas de commentaire. Il valait mieux ignorer ces divagations. Elle se contenta de réfléchir à sa question en ce qui concernait un slogan pour le ranch.

« Je ne sais pas trop. Quelque chose en rapport avec les animaux et la famille. Parce que pour moi, mes animaux sont ma famille, tu comprends ? »

S'il croyait vraiment être quelqu'un de canalisé, il se fourvoyait d'une manière que la jeune femme ne pouvait expliquer complètement sans être désagréable. Elle préféra encore le laisser dans ses illusions. Il était évident qu'il était compliqué pour lui de ne pas se jeter la tête la première dans les problèmes, à cause d'une simple envie qu'il aurait eu à un moment donné. C'était le genre de souci que Malon évitait comme la peste, mais elle ne pouvait pas rejeter complètement ce garçon. Elle avait cru qu'il était complètement laissé à lui-même mais il lui semblait à présent qu'il avait une sœur. Elle devait avoir du mal.

« Je ne pourrais jamais devenir une criminelle. C'est une très vilaine chose. Crois-moi quand je te dis que tu ne devrais pas l'être non plus. Il vaut toujours mieux travailler très dur. On obtient des meilleurs résultats et on est fier de ce qu'on a accompli. Commettre des crimes, c'est faire du mal à des gens. Et si tu n'es pas triste de faire du mal à des gens, ça veut dire que tu manques beaucoup de cœur. »

La rouquine allait devoir veiller à lui donner un livre sur les champignons pour éviter qu'il lui ramène n'importe quoi. En espérant qu'il sache lire. Il serait sans aucun doute bien plus avisé de vérifier ce qu'il allait lui apporter avant d'en consommer une quelconque partie. Malgré tous les compliments qui lui faisaient, elle avait tellement l'impression de le voir partir dans tous les sens qu'elle n'était pas rassurée. Elle ne croyait pas qu'il lui veuille du mal mais il semblait évident qu'il était capable de commettre un certain nombre d'erreurs parce qu'il ne faisait pas assez attention. C'était sa crainte principale.

« Je te donnerai un livre. Quant à moi, j'en ai lu un bien avant de ramasser quoi que ce soit ici. Je me méfiais déjà des champignons dans mon propre monde mais j'étais habituée à les ramasser. Je les connaissais. Ici, ce n'était pas le cas alors je me suis renseigné. Mais je ne ramasserai jamais un champignon sans être sûr de moi. »

Elle ne put s'empêcher de lui suggérer de se tourner vers les associations de super-héros afin que ses pouvoirs soient utilisés pour de bonnes causes. Elle était persuadée qu'il avait du potentiel et qu'il n'était pas impossible qu'il puisse aider les gens au lieu de faire des bêtises. Elle aurait voulu qu'il prenne des initiatives mais il lui demanda à nouveau des renseignements comme si elle pouvait le savoir. Elle ne savait absolument rien. Mais il n'aurait sûrement pas de mal à trouver des réponses s'ils se donnaient la peine de les chercher un minimum. Il fallait seulement avoir un peu de jugeote et arrêter de se comporter comme un adolescent.

« Non, je ne les connais pas personnellement, mais j'en ai entendu parler. Dans mon monde, le seul héros s'appelait Link. Il nous a sauvés mon père et moi. »

Elle soupira lorsqu'il la remercia pour lui avoir indiqué qu'il y avait probablement des pizzerias dans le coin. Sans parler du fait que c'était une évidence, il continuait à se vanter. Malon était tolérante envers les gens mais elle ne croyait pas que ça fasse beaucoup de bien de se croire le plus fort. Elle commença doucement à douter du bien-fondé de son idée et secoua la tête. Ça ne lui ressemblait pas et elle devait sûrement être un peu trop fatiguée pour ne plus être aussi tolérante qu'un instant auparavant.

« Je suis désolée, mais je dois me remettre au travail. Tu devrais peut-être aller te renseigner en ville, au sujet de cette histoire de super-héros. Tu trouverais peut-être les réponses que je ne peux pas te donner. »