De ton pas sûr, altier, tu quittes le bureau d'un rédacteur en chef mécontent car grâce à toi et à ton dernier article brûlant, voilà que le journal se retrouve poursuivi pour diffamation. Tu n'as pas cillé un seul instant, n'as certainement pas envisagé de t'excuser non plus. Tu assumes chaque ligne qui a été rédigée dans cet article, et tu as suffisamment fréquenté les tribunaux pour que ça ne t'inquiète pas outre mesure. Quant à ta place au Daily Bugle... si elle doit être compromise, tu t'en remettras. Tes piges pour le journal t'apporte des revenus financiers des plus confortables, c'est vrai, mais tu préfères largement la liberté que tu peux t'octroyer sur TattleCrime, où tu gères le contenu de bout en bout.
Alors tu n'es pas tant contrariée que cela, en revanche, tandis que tu scrutes ton téléphone en marchant dans la rue d'un air distrait, tu réfléchis à tes différentes options. Les événements se sont singulièrement précipités pour toi ces derniers temps, et ce n'est certainement pas une chose que tu peux ignorer. Tu dois, bien au contraire, le prendre en sincère considération. Est-ce que tu n'es pas un peu inquiète. Si, bien sûr que tu l'es, mais tu te tiens littéralement dans un bain bouillonnant de scoop, et tu ne serais plus tout à fait Freddie Lounds si, tout à coup, tu décidais de renoncer à ta proverbiale témérité qui en incommode tant d'autres, n'est-ce pas ?
Tu jettes un regard à ta montre... T'as un rendez-vous qui t'attend... Tu sais pas ce que tout ceci va donner... Tu sais seulement que c'était inévitable... et peut-être que grâce aux informations que te communiquera cette mystérieuse femme qui ne t'en a pas trop dit encore, tu pourras progresser dans ton enquête... et te protéger de votre ennemi commun. Tu la retrouves à la terrasse du café où vous vous êtes donné rendez-vous.
"Clarice Starling, c'est bien ça ?" Tu lui tends la main pour qu'elle la serre. "J'étais curieuse de vous rencontrer enfin."
Freddie Lounds... Un nom désagréablement familier pour moi, mais auquel j'accolais un visage et une identité bien différente malgré tout. Bien sûr, j'ai compris que je ne devais me fier à rien de ce que j'ai toujours connu, dans ce monde qui me confronte à tous les fantômes de mon passé, y compris les plus dangereux, similaires et en même temps très différents... J'ai fini par prendre le pli, mais prétendre que je ne suis plus du tout décontenancée par ces étranges circonstances serait tout de même un mensonge... Je reste hautement perturbée par ce que la vie me met à l'épreuve constamment, ou en tout cas est-ce de cette manière que je le perçois... et comment pourrais-je le percevoir d'une autre manière, d'ailleurs ?
Je me suis beaucoup renseignée pour elle avant de la rencontrer, et j'ai retrouvé en elle tous ces traits de caractère qui m'indignaient chez son alter ego masculin : une arriviste, une journaliste prête à tout, par attrait du scandale... sabordeuse en chef des enquêtes de police dans le but d'être la première arrivée sur les lieux, la première à donner les détails sordides et croustillants des affaires criminelles les plus inacceptables...
Oui, je pense que même dans ce monde, nous ne sommes vraiment pas faites pour nous entendre... ce n'est pas pour autant que je peux me permettre d'ignorer sa présence, bien au contraire. Par le passé, nous avions - moi et son alter égo, collaboré dans l'intérêt de cibles communes... Cela recommence. Face au danger, évident et bien réel, que représente Hannibal Lecter. Il nous faut agir et intervenir. Même si je garde ma confiance pour moi-même et que je sais ne pouvoir me fier à personne, je prends garde, je fais de mon mieux... Je ne recule devant rien.
Nous nous sommes donc fixé un rendez-vous, directement à la terrasse d'un café, tranquille, où nous pourrons discuter posément de tout ce qui nous préoccupe, et sans langue de bois... Sur place, je la trouve et la reconnais immédiatement grâce aux photographies que j'avais trouvées d'elle en ligne. On ne peut certainement pas passer à côté de sa chevelure rousse flamboyante.
"Vous aviez entendu parler de moi ?" je l'interroge en premier lieu tout en m'installant en face d'elle, alors qu'elle a pris la parole en guise de préambule. "Je serais curieuse d'entendre ce qui vous a été rapporté à mon sujet."
Tu avais mené tes recherches, bien sûr, avant de la rencontrer, et la première chose que tu as pu constater, c'est que Clarice Starling est du genre discret, à vouloir afficher sa vie le moins possible. Sa présence sur les réseaux sociaux est limitée au strict minimum, et ce que tu as pu trouver, dans l'ensemble, se restreint majoritairement à quelques articles diffusés dans la presse suite à l'arrestation de tel ou tel criminel. Pour le reste, tu as recueilli des témoignages, et tu as eu l'occasion de discuter avec certains de ses collègues. Ce qui en a résulté, c'est la découverte intrigante d'une personnalité absolument remarquable, et qui ne peut bien sûr que susciter ton plus vif intérêt.
"J'ai ouïe dire que vous étiez une enquêtrice redoutable et très investie... J'ai également cru comprendre que nous avions quelques... amis... en commun."
Sur ce point, bien sûr, l'ironie transperce de tes mots. De manière générale, Freddie, tu n'as pas d'amis... Tu ne sais pas t'en faire, et tu n'as jamais su... Ce ne semble pas parti pour s'améliorer, par ailleurs. Et dans votre cas bien particulier, vous semblez avoir un don certain, chacune à votre manière, pour vous faire remarquer, et surtout pour vous attirer un certain nombre d'ennemis... et en l'occurrence, vous vous êtes certainement choisi l'ennemi le plus dangereux que l'on puisse imaginer.
"Nous sommes d'un même lieu et d'une même époque, vous et moi... Pourtant, je n'avais jamais entendu parler de vous avant mon arrivée ici."
A cette pensée intrigante tu n'as pas de réponse, tu es toujours incapable de comprendre au nom de quoi c'est le cas, mais une chose est certaine, et c'est que c'est effectivement le cas, sans le moindre doute possible. Et tu entends bien percer ce mystère qui demeure, et que tu n'es pas en mesure d'analyser convenablement pour le moment, même s'il t'intrigue de plus en plus.
Enquêtrice redoutable, j'ignore si je le suis, disons plutôt que j'ai un bon instinct, et que je ne suis pas du genre à lâcher le morceau, mais j'ai malgré tout plus d'une fois blâmé ma propre intuition parce que cette dernière m'aura induite en erreur. Que je le veuille ou non, je reste tout de même contrariée par les circonstances, et je suis loin d'avoir toujours raison... Je le voudrais, mais je dois bien admettre que ce n'est absolument pas le cas... Malgré tout, je veux passer pour cette enquêtrice de talent qu'elle dit que je suis... je me dis que cela vaut mieux. Elle peut bien poser ce regard sur moi... Ce qui m'intrigue, c'est ce qu'elle en pense véritablement, car si elle ressemble au Freddy que j'ai connu, elle ne doit avoir envers ceux qui incarnent les forces de l'ordre qu'un respect assez limité.
Pour ce qui est de nos amis communs... sans entrer directement dans le vif du sujet, je ne contredis pas son discours, je pense effectivement la même chose, et c'est pour cette raison que ce rendez-vous était nécessaire, même si je ne me sens pas à l'aise en présence de cette journaliste aux dents longues capable du pire pour parvenir à ses fins. Nous devons en apprendre plus l'une sur l'autre, et mettre en commun nos connaissances, mais avant cela, nous devons mettre certaines choses au clair.
❝J'ai connu un Freddy Lounds", je lui apprends alors. ❝Un journaliste peu scrupuleux qui prenait un malin plaisir à interférer avec les affaires de la police", je résume en lui adressant mon regard le plus entendu pour bien lui faire comprendre de quelle manière je considère la chose et quel est le fond de ma pensée à ce sujet. ❝Nous venons de lieux et temporalités similaires, mais légèrement différentes." Je marque une pause. ❝J'ai revu Hannibal, ici, mais il n'est pas l'homme que j'ai connu d'où je viens."
J'ai entendu parler de tout le monde et personne n'a entendu parler de moi... Je crois que je commence à trop m'habituer.
Elle reste de marbre face à tes compliments, ou du moins n'affiche pas de réaction trop appuyée, ce qui semble confirmer cet autre on-dit qui la concerne. Elle est quelqu'un de sûr d'elle, et elle est aussi quelqu'un de particulièrement modeste. C'est tout à son honneur, et tu accueilles ce constat avec un sourire aimable, quoique dissimulateur, car il se cache toujours quelque chose de plus significatif derrière tes sourires, et cette fois ne doit pas être coutume. D'ailleurs, ce sourire change un peu, même si c'est à peine perceptible, quand Clarice évoque le Freddy Lounds qu'elle aurait connu. Un Freddy au masculin, tiens... ça, c'est une première, et une info qui n'était pas parvenu entre tes mains. Hors de question de te laisser déstabiliser plus que nécessaire malgré tout. Tu poses sur ton interlocutrice ton regard le plus intense, mais t'évites de sauter un peu trop vite aux conclusions les plus évidentes. Tu veux d'abord l'entendre dérouler son discours et mieux comprendre ce qu'elle peut bien avoir à te dire.
"Il faut croire que tous les Freddy Lounds ont ça dans le sang", tu dis en essayant de considérer la chose avec plus d'humour que de contrariété, même si cette nouvelle information a le don de remettre en question certains éléments que tu n'avais absolument pas soupçonnés. "Je suppose qu'il était bel homme, au moins", tu ajoutes pour la plaisanterie, mais ce n'est pas si important.
Tu te concentres sur l'essentiel, sur les informations non négligeables qu'elle t'apprend, et le fait qu'elle viendrait donc d'une sorte de temporalité parallèle qui ressemblerait en de nombreux points à celle que tu as connue, mais divergerait par certains aspects. Un tel constat a de quoi vous filer le tournis, pour être honnête. Une chose qu'elle t'apprenne cette information après que tu aies déjà eu largement le temps de te familiariser avec les grandes bizarreries de cet endroit.
"Je vois... Qu'est-ce qui différencie ces deux hommes, pour vous ?"
❝Je ne m'y suis jamais franchement intéressée❞, réponds-je évasivement quand Freddie suggère que son homonyme masculin devait être bel homme.
Je préfère ne rien répondre du tout, en l'occurrence, j'estime qu'il est préférable de ne pas me répandre sur cette simple plaisanterie, même si j'ai toujours eu tendance à penser que le physique de Freddy Lounds s'harmonisait avec son âme : une tête qui reflétait toute sa perversité d'esprit.
Freddie de son côté, est une très belle femme, je dois le reconnaître, mais ces sujets ne me préoccupent guère quand d'autres accaparent tout l'espace de mes considérations mentales. Je suis très inquiète, c'est une chose que je ne peux en aucun cas nier. Je suis inquiète, et j'ignore de quelle manière mettre un terme à cette anxiété qui est la mienne.
Je mets de côté mes a priori pour me concentrer sur ce que je sais - ou crois savoir - de cette situation qui nous concerne toutes deux. Nous pouvons tout mettre de côté quand nous avons des intérêts communs... Nous savons que c'est une chose importante, voire essentielle... et il est important de faire en sorte de mettre nos angoisses de côté afin de s'assurer que notre ennemi commun ne pourra nuire ni à l'un, ni à l'autre. ❝Leurs apparences ne sont pas les mêmes, mais leurs parcours sont plutôt identiques... Leurs personnalités également...❞
Je prends une grande inspiration.
❝Quand j'ai rencontré Hannibal Lecter, il était en prison...❞
Je marque une pause.
❝Je sais que son évasion, dans mon monde et dans le vôtre, n'a pas eu lieu au même moment. Je sais également que Will Graham a joué un rôle drastiquement différent dans son histoire, d'une dimension à l'autre.❞
Et c'est là le noeud de l'affaire. Un point distinctif. J'ai l'insidieux sentiment que Graham et moi ne sommes jamais que les deux facettes d'une même pièce. Le constat ne me plaît guère, mais il faut que j'en fasse le constat... Et que j'en tire les conclusions. Je ne peux compter sur l'influence que j'avais sur lui, et je ne peux compter sur Will Graham, dont la défiance affichée n'est absolument pas pour me rassurer, loin s'en faut.
Tu adresses à ton interlocutrice un sourire qui pourrait se traduire par "dommage" quand elle affirme ne jamais s'être spécialement intéressée au physique de ton alter ego masculin. En ce qui te concerne, ça te rend quand même curieuse. Est-ce que vous aviez eu la même vie ? les mêmes parents ? Les mêmes amis (t'en as pas beaucoup, d'accord, mais quelques-un quand même) ? Les mêmes centres d'intérêt ? La réponse sera à trouver ailleurs, probablement. C'est même certain.
Mais vous n'êtes pas là pour parler de toi, Freddie, même si tu trouves qu'il s'agit là d'un sujet de conversation tout à fait digne d'intérêt (les gens ne savent pas toujours ce qu'ils perdent, hein, c'est leur erreur, pas la tienne. Vous êtes ici pour parler d'Hannibal Lecter, et c'est donc ce que vous allez faire. Et ce n'est probablement pas plus mal de vous recentrer sur l'essentiel - car, après tout, c'est de vos vies qu'il est question, en l'occurrence, et vous ne pouvez ignorer le fait qu'elles sont sur la sellette.
"Quel rôle a-t-il joué dans votre réalité ?" tu demandes, les sourcils froncés.
Elle a su capturer ton attention. Les différences qu'elle évoque ne sont semble-t-il pas tant subtiles, et tiennent à un nom, toujours le même. Will Graham pourrait bien être capable de décider le sort de ce psychopathe notoire, dans un sens comme dans l'autre, et il ne tient définitivement qu'à vous de voir ou de négliger les différences que cela pourrait bien représenter.
Tu te contentes de cette question, au mépris de toutes les autres qui te traversent l'esprit en cet instant. Tu considères que cela vaut bel et bien mieux. Tu as bien trop intérêt à ce que cette discussion porte ses fruits pour chercher à la dominer comme tu aurais tendance à le faire d'habitude. Tu sais faire la part des choses.
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