Plus dur est la chute [PV Lestat]

« Dire que c'est bientôt la nouvelle année et que j'en suis toujours à observer depuis les toits pour voir ce que je peux obtenir de quelqu'un », soupira Françoise depuis le haut du toit où elle observait au loin des individus suspects qui discutaient. « Je ne peux même pas entendre ce qu'ils se disent. »

Elle ne patrouillait pas toutes les nuits, mais pour une fois qu'elle avait décidé de le faire, elle était tombée sur quelque chose. Elle ne savait pas encore de quoi il s'agissait précisément, mais les deux types louches qu'elle observait au loin étaient en train de planifier quelque chose qui n'avait rien à voir avec la loi. Si elle avait été plus près, elle aurait pu entendre ce qui se passait mais là, elle n'avait que quelques échos lointains. Elle aurait pu se rapprocher auparavant, mais là il était trop tard et elle se retrouvait coincée sans être sûre de pouvoir découvrir le fin mot de l'histoire.

« Bonne résolution de l'année prochaine, je me dégote plusieurs alliés avec qui mener mes enquêtes, et je commence à mettre des plans en place avant de me retrouver dans une situation où je suis coincée », se dit-elle avec mauvaise humeur.

Elle décida de tenter d'avancer un peu tout de même afin de découvrir un peu de la situation et de comprendre ce qui se tramait. Il allait falloir jouer de précaution, car le toit était glissant et elle allait devoir en passer sur un autre qui était à quelques mètres devant elle. La première chose à faire était de se déplacer dans la bonne direction, mais le toit était très glissant et elle était en équilibre instable qu'elle avait un peu peur de rompre. Elle ne savait absolument pas ce qui allait se passer où si elle bougeait ne serait-ce que de quelques centimètres, mais elle allait bien devoir essayer.

Au moment où elle prit appui sur une tuile, elle ne la choisit pas vraiment bien. Son pied dérapa et au lieu d'aller vers l'avant pour se rapprocher des bandits, elle pirouetta vers l'arrière et tomba aussitôt du toit, brusquement, sur les fesses, mais heureusement au milieu des sacs poubelle qui amortirent le choc. Elle avait quand-même mal au derrière, mais elle ne s'était rien cassé. Heureusement, sinon elle n'aurait eu personne pour aller chercher du secours. Parlant de ce cours, elle entendit soudain du bruit, mais elle était incapable de savoir si c'étaient les deux brigands qui l'avaient entendu tomber ou s'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter et que ce n'était qu'un passant.

   Joyeux Noël

Lestat oubliait parfois qu’il n’était plus un vampire, qu’il ne possédait plus l’agilité qui faisait de lui une ombre se glissant dans la nuit. Pourtant, il avait du mal à agir normalement. Passer par les portes ? Sonner ? Attendre gentiment qu’on vienne lui répondre ? Trop peu pour lui ! C’était bien trop ordinaire ! Surtout quand il voulait surprendre un fan. S’il sonnait simplement à la porte, toute la surprise tomberait à plat non ? Il était connu pour être quelqu’un de surprenant, il avait toujours aimé soigner ses entrées. Il aimait ce corps d’humain, il aimait sa fragilité, il aimait galérer pour faire de simples actions qui n’aurait demandé qu’un faible effort dans son corps de vampire et en exigeait bien plus avec sa mortalité. Aussi il imagina qu’il pouvait grimper le long de ce treillis et frapper à la fenêtre ! Si elle était ouverte, il pourrait même se glisser à l’intérieur. Il ne songea même pas à la frayeur qu’il pourrait faire ni au fait que le fan pourrait lui avoir donné une fausse adresse ou qu’il se soit simplement trompé… En réalité, il était plutôt proche de ses fans et ne se méfiait absolument pas d’eux. Autre truc d’être redevenu humain, il se méfiait pas. Comme s’il possédait encore tous ses incroyables pouvoirs qu’Akasha lui avait offert.

Alors qu’il était à mi chemin, il entendit un craquement suivit d’un gros boom. Le bruit était si massif et si proche qu’il sursauta. Il n’aurait jamais cru avoir ce mouvement de frayeur si humain. Mais si lui ne se méfiait pas, son corps lui avait conscience de sa mortalité. Sans les réflexes de vampire pour se retenir au treillis, il chuta en arrière, battant des mains dans l’air avec autant de grâce qu’un oisillon tombant du nid. Il avait récupéré qu’une seule chose pour le moment, sa capacité à ressentir pleinement comme un vampire. Aussi ressentit-il pleinement la chute. « Aieuh !!!! » Lâcha-t-il dans un long cri. Il s’étonna d’avoir poussé ce cri, plus encore de sentir des larmes rouler sur ses joues. La douleur les avait fait jaillir. Il ignorait s’il devait se relever ou essayer de déterminer s’il s’était cassé quelque chose dans le processus. Il n’avait encore jamais eu ce genre d’incident et il se traita d’imbécile. Mais à présent, il pouvait entendre des bruits derrière lui, de plastique et il se souvient de pourquoi il était tombé. Se relevant avec autant de grâce que possible, il épouseta sa longue veste en cuir, s’assura que ses cheveux étaient en ordre et s’approcha de l’origine des bruits. « Troy c’est toi ? » Improbable que le fan soit caché dans des poubelles mais hey, on a les fans qu’on mérite non ?

Il y avait toujours un point positif et un point négatif dans tout ce qui se passait. Du moins, c'était la leçon de vie que Françoise avait toujours apprise, pour autant qu'elle se souvienne. Il lui semblait qu'il devait toujours y avoir une bonne façon de prendre les choses et quelque chose à tirer de ce qui se passait. N'empêche que si elle atterrissait subitement au pied d'un individu qui avait mauvaise conscience et qui ne voulait pas que fuitent certaines informations, le fait que le point négatif soit de se voir la tête tranchée endiguait probablement tout point positif qu’elle aurait pu envisager.

Mais en entendant un bruit de chute, elle avait plutôt l'impression que l'autre personne avait le même genre de problème qu'elle. Elle supposa que si tel était le cas, ça ne devait pas être un bandit, ou alors pas très dangereux pour manquer à ce point de discrétion et d'équilibre. Ce n'était évidemment pas complètement sûr que les choses en seraient de cette manière, mais elle avait moins de crainte à aborder quelqu'un qui se montrait d'une maladresse à peu près équivalente à la sienne. Elle songea que ça serait une bonne manière de la faire tomber dans un piège juste avant de songer qu'il valait mieux ne jamais partager cette information là avec personne.

« Non, je crains que non, malheureusement » répondit-elle à la question de la personne qui semblait penser qu'elle aurait pu être quelqu'un de sa connaissance mais dont le nom ne lui disait absolument rien.

Elle n'était pas encore tout à fait certaine que ce soit une bonne idée de se présenter. Elle le faisait spontanément par le passé, sans forcément se rendre compte du pouvoir qu'un nom pouvait avoir. Dans un monde où la magie existait, elle s'était souvent rendu compte que la puissance du nom était encore supérieure à ce que l'on pouvait connaître à d'autres niveaux du monde. Dans tous les cas, il valait d'abord mieux laisser l'autre se présenter avant d'en faire autant, histoire de mettre au moins les choses sur un pied d'égalité. Mais elle se montra afin que l'inconnu sache qu'elle n'était pas une menace.

LPas de Troy, manifestement. Mais une jeune femme qui apparue entre les fourrés. Elle était masquée et portait un curieux déguisement. Il avait vu toute sorte de costume dans ce monde et entendu toutes sortes d’histoire. Il avait ainsi compris que les habitants de cette curieuse ville venaient tous d’un autre monde. Il en avait le vertige quand il songeait à tous ces mondes si distinct. Apparemment, certains n’étaient même pas humains dans leur monde d’origine. Et par humain il entendait de constitution humaine, avec deux jambes, deux bras, se tenant debout, parlant. Mais la plupart d’entre eux semblaient humains. La jeune femme lui faisant face l’était sans nul doute mais elle portait un costume affichant qu’elle n’était pas tout à fait une femme ordinaire. Il n’arrivait pas à savoir si c’était une voleuse ou une de ces justiciers qu’il avait déjà pu croisé en ville.

En soi, il se fichait bien de quel côté de la loi elle se situait tant qu’elle n’essayait pas de le voler lui. « Je vois ça, je m’appelle Lestat. Lestat de Lioncourt ! » affirma-t-il fièrement. Il avait beau savoir que des sorcières pouvaient user de son nom comme de ses nombreux effets personnels qu’il avait eu tendance à laisser à ses fans, il s’en fichait. A dire vrai, il avait toujours eu une certaine fascination pour les sorcières Mayfair. Mais il n’en avait croisé aucune dans ce monde. De toute façon, elles auraient sans doute été comme lui, sans pouvoir. Juste mortelles. Juste humaines. « Je pensais rencontrer Troy, enfin, lui faire la surprise. Mais je me suis peut-être trompé d’adresse ? » Il réalisa qu’il n’avait pas vraiment expliqué sa présence ici. Bon elle ne semblait pas être propriétaire non plus des lieux. « Je suis musicien, un peu connu, Troy voulait me rencontrer… » expliqua-t-il malgré tout.

Il aimait parler de lui-même, de sa musique, il aimait sentir les regards sur lui, attirer l’attention. Même s’il en révélait trop. Peu importait. Il n’était pas méfiant. Certes, il avait vécu de sacrées aventures mais chacune lui avait plu. La seule chose dont il se méfiait réellement, c’était l’amour. Cela l’avait cabossé et laissé amoché.