A la recherche d'un cadeau + Misa & Arthur

J'ai toujours aimé tout ce qui brille, j'ai toujours aimé l'élégance plus que le luxe, le style plus que le clinquant. Je suis heureuse d'avoir pu reprendre mon métier de mannequin (même si je sais que bientôt, on estimera que j'ai passé l'âge d'être une égérie de papier glacée), avec le salaire généreux qui va avec, et qui me permet de m'offrir toutes les fantaisies que je souhaite. J'ai toujours été dépensière, et ce n'est pas quelque chose qui s'est arrangée depuis mon arrivée ici. C'est même tout l'inverse, mais qui ira me le reprocher ? C'est normal, vous ne pensez pas ? Pour le moment, je n'ai pas grand-chose d'autre. Bien sûr, je me suis fait un certain nombre d'amis, j'ai pris mes marques, mes repères, mais je n'ai qu'une idée, qu'un objectif à l'esprit, c'est ce qui me porte, et le reste de vide que je ne réussis pas à combler, je le fais en m'offrant tout ce qui me fait envie.

Là, je ne dirais pas non à un ou deux colliers. J'en ai repérés quelques-uns dans une bijouterie du quartier qui complèteraient à merveille la dernière tenue que je me suis offerte : une robe noire à dentelles, dans le pur style gothique que j'affectionne tant. Je suis certaine que si Light me voyait dans cette robe, il serait incapable de rester insensible. Oui, voilà plus de deux ans que je ne l'ai pas vu, mais je ne l'oublie pas, et dès que je m'apprête, c'est dans l'intention de plaire, oui, mais pas à ceux qui se retournent sur mon passage avec concupiscence, à lui seulement, juste à lui...

Qui sait comment et dans quelles conditions nous nous retrouverons (si on doit se retrouver un jour), ce que je sais en tout cas, c'est que le jour où ça arrivera, je veux être sur mon trente et un. Je veux qu'il ne remarque que moi et soit bien incapable de voir qui que ce soit d'autre. J'ai déjà tout prévu, je sais très exactement comment les choses se passeront quand le destin nous réunira de nouveau, nous reprendrons où nous nous sommes arrêtées, nous réussirons où nous avions échoué, et nous serons invincibles.

Dans cette bijouterie, je me sens comme un poisson dans l'eau, je n'hésite pas à essayer tout ce qui me fait envie et à commenter mes "essayages" à grand renfort de commentaires enthousiastes, et c'est tout à cette occupation que je remarque un jeune homme qui se parle à lui-même. Je tourne mes grands yeux curieux vers lui, intriguée. J'ai toujours été comme ça : je ne peux m'empêcher de venir mettre mon grain de sel partout, même avec de parfaits inconnus.

❝Tu cherches quelque chose pour toi ou tu comptes l'offrir à quelqu'un ?❞ je demande en me moquant bien que personne ne m'ai demandé mon avis.

Donner mon opinion quand personne ne l'a demandée, ça aussi c'est dans mes petites manies.

Ainsi donc, ce jeune homme cherche à trouver un cadeau pour sa chère et tendre. Il me semble bien jeune pour être marié, mais ce n'est pas moi qui irai lui jeter la pierre (précieuse). Quand on sait, on sait, et il ne sert à rien d'attendre une éternité sous prétexte que c'est ce que la société attend de nous. A n'importe quel moment de notre relation, même à la première minute du premier jour, même avant de connaître son nom et son visage, j'aurais épousé Light sans la moindre hésitation. Je savais que c'était lui, que ça ne pouvait être que lui, et j'en reste convaincue encore maintenant, même si je ne sais pas où il est ni quand il le retrouverait.

Ce jeune homme à qui j'ai affaire semble être un grand romantique, un homme selon mon cœur, comme il y en a trop peu. Je suis vieux jeu, on pourrait dire, j'estime que ces attentions que les hommes font à leur moitié pour leur prouver leur affection en n'importe quelle circonstance sont très importantes et ne doivent jamais être négligées. Il a les moyens, l'envie, il a peut-être juste besoin d'une opinion féminine sur la question, et à ce sujet, il peut clairement compter sur moi.

❝Juliette, quel joli nom !❞ je m'exclame sincèrement, des étoiles plein les yeux. Il me tend une photo de la demoiselle en question. Une très jolie blonde au sourire radieux. ❝Ce qu'elle est belle, on dirait une princesse ! Elle a déjà pensé à faire du mannequinat ? Je suis sûre que je pourrais lui trouver des contrats, avec un minois pareil.❞ Puis, détournant le regard de la photo, réalisant que je ne me suis toujours pas présentée, contrairement à mon interlocuteur, je reprends. ❝Je m'appelle Misa.❞  

Il ne m'a pas reconnu, semble-t-il, je ne le prends pas mal. Ma notoriété est moins grande ici qu'elle ne l'était au Japon, même si on peut voir mon visage sur l'une ou l'autre affiche publicitaire de la ville. C'est agréable, aussi, de parler à des personnes qui n'ont aucune idée de qui je suis, même si se trouver sous le feu des projecteurs est une chose qui ne m'a jamais dérangée, bien au contraire.

❝C'est pour une occasion spéciale ?❞ je demande tout en commençant à inspecter les vitrines en quête du bijou qui serait le plus susceptible de plaire à une jolie blonde au mari très attentionné. ❝Si mon fiancé voulait vraiment me faire plaisir, il m'offrirait un sautoir comme celui-ci❞, dis-je en pointant du doigt un collier élégant en argent. ❝Quels sont ses goûts ? Elle aime le clinquant ? Le discret ? L'or ? L'argent ? La couleur ?❞

Comme toujours, je suis trop bavarde, mais il faut bien autant de questions pour aider convenablement mon interlocuteur. S'il veut taper juste et ne pas se tromper, on ne peut pas faire les choses à moitié.  

Quand il parle de sa belle Juliette, Arthur est tout transi d'amour, c'est beau à voir. Les relation pures à ce point sont si rares mais elles existent ! S'il y a bien quelqu'un ici qu'il n'est pas nécessaire de convaincre de la puissance du sentiment amoureux, qui peut survivre à tout, c'est bien moi, et j'adore voir des gens amoureux, ça me les rend immédiatement très sympathique. Quand je vois la dévotion que mon interlocuteur porte à son épouse, je ne peux qu'avoir envie de l'aider encore davantage. Nous allons trouver le cadeau parfait pour la plus parfaite des épouses, donc, et je mets un point d'honneur à ce que notre trouvaille fasse immédiatement mouche. Avec le bijou que nous allons lui dénicher, la belle Juliette aura envie d'épouser son mari une seconde fois, c'est moi qui vous le dis.

❝Je ne vois pas en quoi faire du mannequinat empêche d'aider les autres...❞, dis-je, un peu rembrunie par la réflexion de mon interlocuteur.

Contrairement à ce que beaucoup croient, je ne suis pas totalement naïve. Superficielle, oui, un peu sans doute, mais j'ai conscience des préjugés qui tournent autour de mon métier, et je prendrai à l'évidence un certain plaisir à en saper certains. Quand j'étais mannequin au Japon, j'ai contribué plus d'une fois à des actions caritatives, mon influence permettait d'attirer l'attention sur des causes à défendre. Et de toutes mes manières, j'estime que si quelqu'un a contribué à changer ce monde en partie, enfin, le monde d'où je viens, c'est bien moi. J'ai contribué à créer un monde duquel le crime allait disparaître, j'ai été le bras droit de la Justice, j'ai fait en sorte qu'il ne demeure plus sur la terre que les personnes belles et pas les criminels bien vite rayés de la carte, leurs noms inscrits un à un dans mon Death Note.

Heureusement, il se rattrape, et quand il me demande si j'ai un fiancé, j'oublie très vite de me sentir encore vexée. C'est bien simple, et bon à retenir. Si on veut me voir m'adoucir (ou au contraire frôler l'hystérie), il n'y a besoin de faire qu'une seule chose, toute simple, et c'est bien me faire parler de Light.

❝Oui.❞, je réponds, les yeux brillant d'enthousiasme. ❝Il s'appelle Light, j'aimerais avoir une photo de lui pour te le montrer. Il est parfait. J'ai hâte de le retrouver, de pouvoir reprendre où on s'est arrêtés.❞

Je n'en parle jamais comme s'il y avait une possibilité que je ne le revoie jamais. Non, Light est bel et bien là, quelque part, sur cette île, et moi, je vais le retrouver. Et quand ce sera fait, tout redeviendra comme avant. Tout sera parfait, je le sais. Aucune ombre au tableau. Il sera le roi, le dieu de ce nouveau monde. Et moi je serai sa reine, sa déesse.

❝Je pencherais pour un collier en argent. L'argent va bien aux blondes.❞  

Ce garçon a de la chance de m'être sympathique, quand même, parce que quand il associe mon métier à une personnalité superficielle, j'aurais quand même de quoi le prendre mal, personnellement. Mais je ne dis rien, parce que je suis incapable de lui en vouloir quand je l'entends parler si amoureusement de sa femme. Une personne qui est capable d'en aimer aussi inconditionnellement une autre ne peut pas être mauvaise, ça c'est une chose dont je suis convaincue. Et quand il est question d'amour, évidemment, on sait qu'on peut compter sur moi pour me répandre en commentaire. Les sentiments d'Arthur pour sa Juliette crèvent l'écran, mais je suppose que ceux que je ressens pour Light ne passent pas inaperçu non plus.

❝Oui❞, je décrète avec naturel au moment où Arthur remarque que j'ai vraiment l'air d'aimer Light. En effet, c'est le cas, et je pourrais discourir sur le sujet pendant des heures tant notre histoire tient de l'évidence pour moi. ❝C'est l'homme de ma vie, mon âme soeur. On était faits pour être ensemble, tu vois.❞

Light doit penser différemment de son côté, pourtant il doit bien reconnaître que je lui suis indispensable. Sans tout ce que je lui ai sacrifié, sans tout ce que j'ai consenti à faire pour lui, il aurait essuyé davantage d'échecs. Alors oui, au bout du compte, il n'a pas pu mener son projet à terme, mais je ne m'inquiète pas, s'il n'a pas pu devenir le dieu de notre ancien monde, il deviendra le dieu de celui-ci, et j'ai hâte que tous, sur cette île, connaissent le nom de Kira et reconnaissent sa supériorité, son combat forcené pour la justice.

❝Je ne dirais pas qu'on s'est perdus de vue, c'est seulement qu'on ne s'est pas encore trouvés. Je suis arrivée en ville sans lui, mais je suis certaine qu'il est là. On ne tardera pas à être réunis, je suis certaine de ça.❞

Je devrais revoir mes espoirs à la baisse. Après tout, Light est mort, il a été tué. Mais moi aussi je devrais être morte, ma chute a forcément été mortelle, et ce fait ne fait que me confirmer, au plus profond de moi-même qu'il est forcément là. Ceux qui utilisent le Death Note ne vont ni en enfer, ni au Paradis. C'est ici, c'est cet endroit, notre après. Je suis intimement convaincue de cela.

❝On n'a jamais trop de colliers, mais oui le bracelet, ça devrait beaucoup lui plaire, je pense.❞, j'ajoute en revenant au sujet des bijoux comme si de rien n'était.

De la part d'Arthur, sa Juliette accepterait sûrement tout si elle est aussi amoureuse de lui que l'inverse, de toute manière. C'est comme ça que je vois les choses.

Le grand amour, oui, c'est comme ça qu'on peut le qualifier, c'est tout à fait ça. Quand le pense à Light, j'ai des papillons dans le ventre, mon coeur tambourine comme un troupeau de zèbres. Sa présence me donne chaud même en hiver. Il est la plus grande et la plus belle source de réconfort que l'on puisse imaginer au monde... Et il n'est pas là. Ou plutôt, il n'est pas avec moi, et ça, c'est d'une tristesse infinie pour moi. En rêve, je l'imagine frapper à la porte de ma chambre, bouquet de fleurs à la main, prêt à me faire oublier tous ces mois d'absence où je l'ai recherché en vain. Mais je vais devoir prendre mon mal en patience... Encore plus de patience, toujours plus de patience.

Je confirme d'un hochement de tête quand Arthur observe à quel point la ville est immense. Je suis d'accord. Et c'en est même absurde, d'ailleurs. Elle n'est pas seulement gigantesque, elle semble n'avoir aucun sens... comme si elle était vivante. C'est bizarre, hein, comme observation ? Mais c'est quand même ainsi que je le perçois. Je me demande si Arthur pense la même chose... Je songe à lui poser la question, mais alors, il me demande comment j'ai rencontré Light.

❝Oh non, je l'ai rencontré beaucoup plus tard ! Même si j'ai le sentiment de le connaître depuis toujours.❞ Je laisse passer un temps de pause. J'aimerais raconter mon histoire, mais je ne sais pas trop de quelle manière l'expliquer ou l'illustrer. Il faudrait recommencer du début, et aussi partager des secrets dont je ne peux bien sûr pas parler. Le Death Note, les yeux du dieu de la mort, Kira... Je vais devoir la faire courte, mais c'est dommage... Combien de temps j'ai pu passer sur mon ordinateur, tête penchée sur mon clavier, à chercher des signes de lui... ça mériterait d'être souligné, c'est sûr. ❝C'est moi qui l'ai abordé. C'est quelqu'un de très charismatique. Et on partage la même vision de la vie, tous les deux, la même idéologie...❞, j'explique évasivement. Et c'est rien de le dire. Light et moi, nous avions tout un nouveau monde à construire. Et je continue à croire que nous y parviendrons tôt ou tard. ❝Je suppose que toi et ta Juliette, vous vous connaissez depuis que vous êtes tout petits ?❞

J'attends sa réponse et je laisse mon regard voguer de bijoux en bijoux. Mon regard s'arrête un instant sur de charmantes boucles d'oreilles en forme de têtes de koala. J'adore ce genre d'accessoires fantaisie.

❝De bijoux, de vêtements, d'accessoires. J'aime ce qui a trait à la mode❞, je confirme avec un sourire. Après tout, je ne suis pas devenue mannequin pour rien.

Je ne sais pas ce que j'aurais fait d'autre de ma vie. Petite, je passais beaucoup de temps sur la console. Peut-être que j'aurais pu devenir e-gameuse ? Mais je ne pense pas que ça m'aurait plu. Possible aussi que j'aurais eu une carrière moins glorieuse, et on m'aurait retrouvé à passer la serpillère dans des bureaux, qui sait ? Ou laitière ? ça existe encore, comme métier, d'ailleurs, laitier ?

❝Un cygne ?❞ Je m'étonne de sa question. ❝C'est assez courant, comme motif, c'est possible, après tout. Je peux demander à la vendeuse, si tu veux !❞ Je l'observer. ❝Pourquoi un cygne, en particulier ? Il y a une raison ?❞