Regulus n'a jamais été quelqu'un de sociable. Il avait souvent eu tendance à considérer ses fréquentations comme des moyens, des moyens d'atteindre son but. Il ne voulait pas se laisser distraire par la moindre relation, qu'elle soit sentimentale ou amicale. Ce qu'il était capable d'offrir d'affection, il l'accordait à sa famille, et c'était déjà trop pour certains membres de sa famille. Mais ici, la donne a changé, ses fréquentations aussi ont changé. En vérité, il a changé. Avant même son arrivée ici. C'est une chose que, même après deux ans, il n'assume qu'à moitié. Il a encore du mal à comprendre qui il est, quel genre de personne il est devenu, que genre de personnes il peut bien aspirer à devenir. Tout est nouveau, et par conséquent, tout est désarmant, aussi. Ce qu'il constate, c'est qu'il laisse les autres l'approcher et l'atteindre, et c'est une chose à laquelle il ne s'était pas attendu. Contre toute attente, il parvient à se faire des amis, le sort de certaines personnes lui importe plus qu'il ne l'aurait cru, et il réussit, petit à petit, pas à pas, à s'inquiéter moins qu'auparavant de l'inquiétude qui l'oppressait se dissipait un peu, par moment.
Cela, il le devait aux circonstances, à un métier qu'il avait fini par apprécier alors même qu'il ne se serait jamais imaginé libraire dans son autre vie. Il le devait aussi aux rencontres qu'il avait faites, ici ou ailleurs, et qui lui avaient apporté quelque chose, d'une manière ou d'une autre. Même si ces conversations devaient tenir du pur divertissement, sans plus de réflexion que cela.
Contre toute attente, sa rencontre avec Veronica Lodge a contribué à ce qu'il se sente mieux, aussi. Quand il l'avait envoyée sur les roses la première fois, c'était sincèrement parce qu'il était dans son caractère d'envoyer paître n'importe qui pour les tenir à distance. Mais à la différence de beaucoup, Veronica ne s'était pas contentée de s'agacer ou de se taire. Elle avait répliqué. Sur le moment, ça l'avait vexé, décontenancé, puis au file du temps, leur échange régulier de répliques cinglantes avait fini par lui plaire. Il aimait bien leurs joutes verbales et la manière qu'ils avaient de s'envoyer sur les roses. C'était particulier, comme dynamique, mais ça ne lui déplaisait pas. Il ne saurait dire s'ils étaient amis, mais Regulus estimait que oui. Des amis qui s'envoient des piques constamment. Et cela va se confirmer une fois encore alors que Veronica passe le pas de la librairie. "Tu cherches encore un obscur bouquin de médecine ?" demande le sorcier sans pouvoir en guise de salutations. "Je pensais qu'à ce stade, tes profs t'auraient convaincue de lâcher l'affaire et de te lancer dans des études plus appropriées à tes compétences... Le cirage de chaussure, par exemple ?"
Il ne le pense pas, non, c'est vraiment sa façon de lui dire "bonjour".
Veronica arriva en marchant tranquillement dans l'animation de la place. Cela lui changeait de son quartier qui était bien tranquille. Elle y vivait depuis la lune rouge, comme tous les autres habitants. V avait souvent tenté de sortir de la ville, mais tout cela avait été vain. Elle ne comprenait toujours pas par quelle force on l'avait sorti de Riverdale pour l'emmenait ici. De la magie ? Veronica n'y croyait pas et ne voulait pas se résoudre à cette hypothèse. Ce n'était tout simplement pas posisible pour la jeune femme. Heureusement, sa meilleure amie avait atteri ici avec elle et elle pouvait compter sur elle. Sans Betty, Veronica se demandait si elle aurait pu survivre à tous ces changements.
Une voix familière la sort de ses pensées. Regulus. Elle lève la tête et affiche un léger sourire sur son visage. Elle aurait pu faire semblant d'être étonnée de le voir mais cela aurait été mentir. A chaque fois qu'elle va à la librairie, elle le voit. Voilà déjà un des gros changements. Veronica dans une librairie ? Impossible. Et pourtant si, depuis la lune rouge, la jeune fille avait décidé de suivre des études de médecine, surprenant tout son entourage et elle-même en premier. Elle voulait changer et aider les autres, voilà un métier qui allait lui permettre de le faire. Elle passait donc un peu plus de temps à réviser, mais sans exagérer non plus. On parle bien de Veronica Lodge.
-Mais bien sûr voyons, et je continuerais tant que je ne saurais pas comment t'empoisonner le plus discrétement possible.
Puis la jeune fille leva les yeux avec exagération pour bien signifier au garçon qu'elle plaisantait. Depuis qu'ils se connaissaient, ils ne communiquaient que de cette façon. De manière ironique. A croire que quand ils étaient ensemble, ils ne pouvaient pas faire autrement. Veronica le considérait un peu comme un ami, bien qu'elle ne savait pas si c'était ce qui décrivait le mieux leur relation ni si le jeune homme la considérait comme cela.
-Hum, le cirage ? Bonne idée, mais je ne cire que mes chaussures. Je risquerais d'être virée si je refuse de cirer les chaussures qui sentent trop mauvais. Dommage !
Regulus s'efforce d'afficher une mine impassible, mais en vérité, les remarques acerbes de Veronica auraient très certainement le don de lui décocher un sourire s'il n'avait pas depuis longtemps le plein contrôle de ses zygomatiques. Et pour réussir à faire sourire Regulus Black, aussi joyeux et enthousiaste qu'un croque-mort en temps normal, il fallait y aller. La jeune femme y parvient en peu de mots. Elle se contente de se montrer, comme à son habitude envers lui, particulièrement vénéneuse voire virulente, et il n'en demande pas moins. C'est de bonne guerre. D'autres aborderaient le sujet de l'empoisonnement encaisseraient une réaction bien plus violente, pourtant. Parce qu'en la matière, Regulus pourrait donner des tuyaux à l'étudiante en médecine, puisque c'est ainsi qu'il est mort... enfin, techniquement, même s'il n'a plus l'air très mort, maintenant. Mais il n'a pas envie de revenir sur l'épisode de la caverne ou des inferi, très peu pour lui. "Après tout ce temps tu n'as toujours pas trouvé de poison suffisamment efficace ? Soit je suis particulièrement résistant, soit tu es particulièrement incapable, difficile de me décider," rétorque-t-il presque du tac-au-tac.
Aucune remarque sur le cirage de pompes, il pourrait se défendre en affirmant que ses pieds sentaient la rose, mais d'une part c'était faux (et après trois heures de marche dans la forêt, je ne vous raconte même pas), d'autre part, il devait bien reconnaître ne rien trouver à surenchérir. Il suppose qu'il lui laisse emporter cette manche-ci, il y en aurait suffisamment d'autres pour qu'il se rattrape. Et dans tous les cas, depuis le temps qu'ils jouaient à ce petit jeu tous les deux, ils avaient cessé de compter les points depuis un moment déjà, et ce n'est certainement pas plus mal. Ce n'était pas vraiment une compétition, c'était plus une sorte de divertissement, voire presque une façon de communiquer et parfois même de faire connaissance.
Oui, évidemment, d'un point de vue extérieur, ça peut paraître particulièrement incongru, mais en ce qui les concerne, et même s'ils n'en ont jamais parlé clairement, ça n'a pas réellement l'air de poser souci, bien au contraire. En ce qui concerne Regulus, si on veut espérer réussir à communiquer avec lui, il n'y a de toute façon pas beaucoup de manières de procéder. Veronica a trouvé une manière presque subtile de percer ses défenses, ce n'est pas donné à tout le monde.
"Bon alors, qu'est-ce que je peux faire pour toi ? T'as besoin d'un bouquin en particulier ? J'ai vu traîner La Médecine pour les nuls quelque part, ça peut être un bon début pour toi, je suppose."
La vanne est facile, mais faire dans l'attaque facile, ça n'a jamais été un souci pour eux, et plus ils se connaissent et savent qu'ils peuvent se piquer sans détours, moins ils cherchent à se montrer subtils dans leurs offensives. En tout cas, c'est définitivement le cas de Regulus.
Veronica sourit à la réponse de son camarade. Ce n'aurait pas été Regulus, elle aurait certainement trouvé la phrase très narcissique puisque tout le monde sait que ce n'est pas elle qui en est incapable. D'ailleurs, elle n'avait tout simplement pas cherché puisqu'elle appréciait tout de même un peu Regulus et que la perte de celui-ci serait dommage. Qui pourrait-elle critiquer en face si il n'était pas là ? Certainement personne, les gens se vexant de plus en plus vite.
-Ni l'un, ni l'autre si tu veux mon avis.
La jeune femme n'en dit pas plus, c'aurait été trahir le fait qu'elle n'avait jamais cherché. Elle se doutait bien que le libraire le savait, mais elle ne le dirait certainement jamais explicitement.
Elle sourit en voyant le jeune homme ne pas répondre à sa pique. Il était rare qu'elle laisse Regulus sans voix, alors elle en profitait quand cela arrivait. Enfin, silencieusement car cela aurait paru quand même étrange qu'elle le lui fasse remarquer.
-Ha ha ha, très drôle. Tu devrais peut-être te renseigner pour "la librairie pour les nuls", toi aussi. Tu n'as pas l'air très doué dans le commerce.
Elle ne le pensait évidemment pas, comme à peu près tous les mots qui sortaient de sa bouche lorsqu'elle parlait au garçon. C'était leur moyen de communiquer, certe un peu étrange, mais réel. De l'extérieur, on aurait pu croire qu'ils se détestaient, toujours à chercher les embrouilles. Mais en réalité, ils s'appréciaient, du moins du côté de V.
-En réalité, je ne cherche rien de particulier. Pas de médecine, juste de quoi me divertir.
Veronica sourit. Il y a quelques mois, rien que le fait d'entrer dans une librairie la dégoutait mais maintenant, cela faisait presque partie de ses habitudes.
Invité
Sam 27 Mar 2021 - 20:16
Qui aime bien châtie bien
Regulus se contente d'afficher un grimace qui pourrait se traduire par "ce genre de remarques est au-dessus de moi" (autant dire que c'est une grimace qu'il affiche souvent) quand Veronica lui rétorque que lui-même aurait plutôt intérêt à se procurer un exemplaire de "La librairie pour les nuls", si tant est qu'un tel ouvrage existe (mais c'est bien probable). Le pire, dans tout ça, c'est qu'il est impossible pour le jeune homme de donner tort à Veronica sans faire d'office preuve d'une immense mauvaise foi. C'est que s'il n'est jamais tendre avec elle et que c'est plus ou moins devenu leur mode de communication privilégié, Regulus n'est dans tous les cas tendre avec absolument personne, bien au contraire.
Il trouve comme une sorte de réconfort absurde dans le fait d'envoyer paître tous ceux qui prennent le risque de vouloir l'approcher, de près ou de loin. Il n'était pas bon commerçant, clairement pas. Il ne faisait aucun effort pour intéresser les clients aux livres qu'il vendait, et s'il n'y avait Belle et sa bonne humeur communicative, outre le fait qu'il ne semblait pas y avoir d'autre librairie sur l'île, ils auraient sans doute fait faillite depuis longtemps. Pourtant, du simple fait qu'il accordait du temps et de l'attention à ses clients, du simple fait qu'il prenait la peine de leur adresser la parole, il estimait déjà faire plus que le nécessaire. Mais en effet, non, il n'était pas un bon commerçant, certainement pas un bon libraire non plus. Mais aux dernières nouvelles - enfin de ce qu'il en savait -, il n'avait jamais fait fuir aucun de ses clients. C'était... déjà ça de pris, disons ?
Il se montre plus prolixe par la suite, quand la demoiselle lui apprend qu'elle n'est pas venu chercher un livre pour l'aider dans ses études (qu'il espère en réalité qu'elle réussira comme elle le voudra, et il en est convaincu - il a beau la chambrer, il la sait bien assez intelligente et déterminée pour réussir tout ce qu'elle décidera éventuellement d'entreprendre), mais pour son loisir personnel. Forcément, la variété des réflexions faciles qu'il lui est possible de faire à ce sujet est si grande qu'il est même difficile de savoir par quoi commencer précisément, mais il compte déballer toute la panoplie. "Veronica Lodge qui lit pour le plaisir ? Je dirais bien qu'on est dans une dimension parallèle, mais..." A l'évidence, ils y sont déjà, ou quelque chose qui y ressemble sacrément en tous les cas. Il lui adresse un léger sourire moqueur. "On va bien te trouver quelque chose à ton niveau, va, avec des mots faciles et de jolies images", continue-t-il. "Il ne s'agirait pas de griller ces pauvres neurones avec de la grande littérature, pas vrai ?" Il la jauge un instant du regard avant de reprendre. "Laisse-moi deviner. Roman à l'eau de rose ?"