« Dissimulée dans les buissons, Artemis observait la petite fille en train de descendre de sa maison. Depuis qu'elle avait retrouvé sa capacité à se transformer, ce n'était pas la première fois qu'elle venait observer la petite dans son milieu naturel. Elle vivait dans la forêt et elle semblait s'y plaire énormément, elle ne recherchait pas la compagnie des garçons et, plus généralement, des enfants de son âge, mais elle recherchait celle des animaux pour qui elle avait une telle douceur que cela constituait un exemple pour la déesse. Si quelqu'un avait regardé dans sa direction, il n'aurait sans-doute aperçu que deux yeux très bleus à-travers les buissons, mais rien de plus.

Sous sa forme de louve, Artemis était capable de se dissimuler à l'image de l'animal magnifique qu'elle représentait. Elle aimait observer ce qui se passait dans la forêt discrètement et il était rare qu'elle entre réellement en interaction avec quelqu'un. Lorsque cela se faisait, elle se montrait aussi craintive qu'un animal, même si elle n'en avait que l'apparence et pas l'esprit. C'était aussi un moyen pour voir comment une personne se comporterait avec un animal qui ne pourrait pas révéler à qui que ce soit ce qu'on lui ferait. Il était infiniment plus facile de découvrir le cœur des hommes à-travers les yeux d'une créature innocente.

De ce qu'elle avait observé jusqu'à présent, la fillette de la forêt était tout à fait capable de protéger la nature et elle semblait plus en adéquation avec celle-ci qu’avec le monde dans lequel celle qui avait fondé une entreprise de sécurité s'était sentie bien obligé de s'intégrer. Artemis avait l'impression que c'était le genre de fillette à qui elle aurait proposé une place parmi ses loyales élues, en le temps où elle vivait dans son propre monde. Elle n'était pas sûre et certaine que cela soit possible dans ce monde. Mais elle s'était tellement sentie redevenir la déesse qu'elle avait toujours été qu'elle avait bien envie de reconstituer ses chasseresses ici, si elle en avait les moyens et si elle trouvait des jeunes filles disposées à lui montrer cette loyauté.

Évidemment, elle ne manqua pas de se faire remarquer. C’était le but. Le gros animal qui accompagnait la fillette avait peur d’Artemis, mais elle savait pourquoi. Elle n’était pas une véritable louve et même si la transformation était convaincante et proche de la réalité, il devait sentir qu’il y avait quelqu’un qui n’était pas un vrai loup derrière. De plus, il lui semblé avoir retrouvé une aura divine qui avait toujours été impressionnante pour les animaux. Il était évident que la créature n’allait pas s’approcher trop près de celle qui provoquait ce sentiment étrange. Pourtant, quand elle voulait que les animaux viennent, ils venaient.

Pour la fillette, c’était autre chose. Elle tenait à voir si elle était à la hauteur de l’offre qu’elle comptait lui faire. C’était pour cette raison qu’elle demeurait un animal pour le moment. On ne pouvait juger de la vraie valeur de quelqu’un que face à un être vulnérable. Le respect qu’on témoignait spontanément à un être divin n’était pas celui qu’on dédiait à un animal et pouvait être causé par la peur. Le respect d’une créature innocente était louable et dénué de tout intérêt, elle ne recherchait pas une récompense. Tuk s’approcha d’elle avec confiance, douceur, respect, sans s’imposer. Elle commençait bien pour la déesse.

Elle s’avança donc, et posa sa tête doucement contre la main de la fillette. Elle tenait à lui faire comprendre qu’elle n’était pas hostile et qu’elle ne lui voulait aucun mal. Elle la laissa la flatter et lui manifester de l’affection si elle le souhaitait. Elle attendit de voir comment elle réagirait avant de décider si elle allait se dévoiler. Il était plus que probable qu’elle le ferait, mais pour le moment, elle attendait encore de se voir confirmer ce qu’elle pensait, que Tuk était faite pour se battre au nom d’une divinité pour des causes justes et de diriger les filles qui lui seraient loyales et qui défendraient les héros en son nom.

La douceur avec laquelle la petite fille la prit dans ses bras en la cajolant témoignait de sa bienveillance envers le règne animal. Elle avait une force morale qui ne pouvait être déniée. Elle n'avait pas peur et était non seulement gentille mais courageuse. Il n'y avait aucune certitude qu'elle accepte la demande de Artemis. Mais il était certain tout de même qu'elle ferait une candidate idéale. Plus le temps passait, plus la déesse en était convaincue. Aussi, quand l'enfant se retourna pour se diriger vers l'animal qui était resté en retrait, se retransforma-t-elle pour prendre l'allure qu'elle avait depuis son arrivée dans ce monde.

Avec ses chasseresses, Artemis prenait généralement l'apparence d'une fillette de douze ou treize ans, ce qui lui permettait de se fondre parmi elles et de se sentir plus à l'aise lorsqu'elle rencontrait quelqu'un. Mais ici, la lune rouge lui avait donné une apparence plus âgée, ce à quoi elle était reconnaissante, parce que cela lui avait permis de ne pas se retrouver à l'orphelinat et de pouvoir directement choisir la voie qu'elle voulait prendre sans s'embarrasser des codes sociaux appliqués aux mineurs, comme son frère avait dû le subir. C’était donc cette apparence-là qu'elle prenait le plus souvent, encore maintenant. C'était celle que la plupart des gens connaissaient comme celle d'Artemis dans ce monde.

« Bonjour mon enfant. N’aies pas peur, tu ne crains rien. Je suis la déesse Artemis et je t'ai beaucoup observée. Tu es une personne pleine de valeurs et de courage. Tu n'attaques pas un être si celui-ci ne te montre pas d'hostilité et tu n'hésites pas à prendre la défense de ceux qui en ont besoin. C’est quelque chose d'admirable. »

Elle remarqua qu'elle voulait convaincre son compagnon de venir la saluer aussi et elle s'accroupit avant de tendre une main en direction du duo. Elle n'avait aucune difficulté avec les animaux sauvages, et elle n'avait généralement pas besoin d'artifices pour les convaincre de s'approcher, mais en agissant avec douceur, elle s’offrait le moyen de convaincre la petite de ses bonnes intentions. Ni pour l’un, on ni pour l'autre, elle n'avait envie d'apparaître menaçante. Elle était une alliée et il fallait qu'ils le sentent ou la petite ne lui ferait pas confiance et n'accepterait probablement pas d'échanger avec elle sur une proposition aussi intime qu'un geste de loyauté fervente.

« N'aie pas peur, mon petit, je ne te veux pas de mal. J’aime beaucoup toutes les créatures comme toi. Ce monde est le vôtre autant que le nôtre. »