Elle s’était perdue. C’était bien la première fois dans la forêt Mirkwood. Elle s’y était souvent promenée avec les chevaux lors des balades avec les clients, ou même toute seule. Elle avait même fait des promenades à pied. Mais elle avait dû bifurquer sur le mauvais chemin et tourner au mauvais endroit à plusieurs reprises. En tout cas, elle ne savait plus comment sortir de là et retourner au ranch. Elle pesta contre elle-même. Elle ne voulait pas rester absente trop longtemps. Les animaux avaient besoin d’elle. Mais elle n’avait pas le choix de toute façon. Elle ne trouvait plus sa route.

Elle n’était pas inquiète au début, la forêt ne lui avait jamais fait peur. Comme tout hylien correctement renseigné, elle ne s’était jamais aventurée dans les Bois Perdus, mais elle aimait cette sensation d’être entourée par la nature et de sentir les odeurs des sous-bois. Mais quand elle entendit un bruit étrange non loin d’elle, elle fut soudain beaucoup moins rassurée. Un grognement, un bruit sourd, il y avait quelque chose. Un animal, une créature, quelque chose qui voulait l’attaquer, elle en était sûre. Elle se retourna vers l’origine du bruit, faisant courageusement face à sa peur, mais cherchant un moyen de filer.

Pourtant, quand la créature s’approcha, au départ, elle ne semblait pas hostile et Malon se détendit légèrement. Elle avait l’impression que ce ne serait pas si terrible finalement, que ça allait bien se passer. Elle allait pouvoir se remettre à chercher son chemin. Elle perdit même un instant son attention pour essayer de réfléchir au chemin à suivre. Mais soudain, alors que rien ne le laissait prévoir, la tension monta. Un rictus sur le visage, et Malon sut que l’attaque était proche. La terreur l’emporta, se traduisant par un cri qui dut s’entendre à plusieurs mètres à la ronde. Les mains sur le visage, elle attendit l’attaque sans pouvoir fuir.

Cette femme qui venait de se mettre entre elle et la bête était assez impressionnante. Elle n'avait même pas eu à se battre pour faire fuir la créature. Peut-être que Malon avait eu trop vite peur et qu'elle ne risquait finalement pas grand chose mais cela ne retirait pas le fait que cette femme courageuse s'était avancée sans crainte et qu'elle avait fait le nécessaire pour la sauvegarder du danger. Malon lui en était reconnaissante. Si elle n'avait pas été blessée, on ne pouvait pas être sûr que c'était strictement de son fait, mais c'était tout à fait possible. De plus, son intention était claire.

« Je vais bien. Je vous remercie de m'avoir sauvée »

Elle se montra un peu penaude face à la réprobation et la femme qui lui reprochait se balader toute seule dans cette partie de la forêt. Elle n'avait pas tort. Elle ne pouvait pas vraiment dire qu’elle ait fait preuve de prudence et en plus, elle s'était perdue. Du coup, cette femme avait été obligée de la sauver, ou tout au moins, de s’en mêler. Malon n'avait jamais aimé causer des problèmes, même si elle s'était retrouvée plus d'une fois dans une situation où elle avait eu besoin d'aide, notamment celle du garçon de la forêt. Elle décida qu'il valait mieux garder la tête haute et accepter ses erreurs.

« Vous avez raison, je me suis trop éloignée du ranch et j'ai perdu mon chemin. Je ne l'ai pas fait exprès, mais ce n'était pas très malin, surtout que je ne sais pas trop me défendre. Ça pourrait être utile que j'apprenne, cela dit. Cette bête n'est probablement pas ce que l'on peut trouver de plus dangereux dans cette forêt. »

La femme n'avait pas l'air d'être du genre à s'éterniser sur des détails. Elle avait plutôt l'air de fonctionner dans l'efficacité. Malon n'avait donc pas l'intention de lui raconter sa vie. mais ça ne la rendait pas moins heureuse de faire sa connaissance et elle ne pouvait s'empêcher de vouloir en savoir plus à son sujet comme c'était le cas pour à peu près toutes les personnes qu'elle rencontrait. Elle se demandait à quel genre de personne elle avait à faire et ce qui se cachait derrière ce regard dans lequel ne semblait briller aucune émotion. Elle était persuadée que personne n'était pas complètement dénuée d'émotions.

« Est-ce que vous accepteriez de tu m'aider à retrouver le chemin du ranch ? Je suis complètement perdue. Je me nomme Malon, au fait, Malon Lonlon. Puis-je connaître votre nom ? »

Visiblement, la personne qui l'avait secourue était du genre à encourager une personne qui voulait apprendre à se défendre par elle-même. Cela n'était pas systématique avec les personnes qui semblaient persuadées que leur rôle était de sauver les autres. Elle considérait parfois que l'on ne pouvait pas se débrouiller sans elles. Mais cette femme semblait apprécier de faire face à quelqu'un qui n'avait pas envie d'être assistée constamment. Malon avait appris à se débrouiller seule et même si elle ne savait pas bien se défendre, elle n'avait jamais réclamé l'aide de personne.

La simple idée de penser à la possibilité d'en apprendre plus sur les animaux sauvages et la façon de se comporter avec eux la transportait de joie. Elle ne demandait pas mieux que d'apprendre et elle préférait se retrouver dans une situation où elle saurait comment agir sans blesser personne y-compris elle, que de devoir toujours dépendre de la chance pour s'en sortir. Malheureusement, elle avait l'impression que dans ce monde ci, le savoir intellectuel était facilement accessible, ce n'était pas autant le cas de ces choses qui pouvaient être utiles en matière de survie. Beaucoup disaient savoir des choses mais très peu avaient des solutions réellement efficaces.

« Oh oui, j'aimerais tellement en savoir plus sur ce sujet. J'ai entendu tellement de situations où, face à une bête sauvage, une personne s'était contentée de tirer dans le tas parce qu'elle n'avait pas la façon de procéder… Si je savais comment me comporter en leur présence, je pourrais éviter les problèmes d'un côté comme de l'autre en cas de rencontre. Mais je ne sais pas qui je pourrais contacter pour ce genre d'apprentissage. voyez-vous, j'ai le sentiment que si tous ces diplômé de la grande université savent beaucoup de choses, ils sont plutôt limités dans ce domaine précis. »

La femme lui annonça que, justement, c'était au ranch qu'elle se rendait. La logique voulait donc que ce soit précisément à Malon qu'elle venait parler puisqu'elle était la seule occupante à plein temps de ce ranch et que la jeune fille n'avait pas de locataire en ce moment. Elle était curieuse de la raison pour laquelle cette femme venait la voir et elle se dit que cette rencontre était donc arrivée fort à propos. Ce qui aurait pu faire perdre du temps à cette inconnue allait peut-être lui en faire gagner finalement, selon ce dont elle avait exactement besoin.

« Enchantée, Madame Hellsing ! Vous vous rendiez au ranch ? Pour quelle raison ? Vous avez une demande particulière à faire ? »

Elle faisait preuve d'une bienveillance assez impressionnante à son égard et elle ne manquait pas d'être de bons conseils. mais il était évident qu'elle n'avait pas compris à qui elle avait affaire. Malon faisait quelques années de moins que son âge et elle pouvait passer pour une lycéenne assez facilement sans trop de soucis. mais elle était bel et bien adulte et elle était seule pour gérer le ranch. Il était vrai que cela pouvait avoir quelque chose de problématique en ce qui concernait ces balades dans la forêt, mais il fallait bien qu'elle explore un minimum pour pouvoir préparer ses promenades.

« Je suis toute seule au ranch. Enfin, ce n'est pas toujours vrai. Certaines personnes viennent m'aider, quelques fois et il y a les clients, parfois. J'organise des promenades à cheval et je loue aussi les chambres, parfois. Mais la plupart du temps, comme en ce moment, je suis toute seule. Du coup je n'ai personne à prévenir. Cela dit c'est la première fois que je me perds. Depuis quatre ans, je connais assez bien les promenades autour du ranch dans la forêt. Je l'ai fait souvent, seule, avec un des chevaux ou en promenade avec des clients. J'ai seulement bifurqué au mauvais endroit et au lieu de repartir en arrière tout de suite, je ne m'en suis pas aperçue et j'ai continué. Du coup, je me suis perdue forcément. C'était idiot. J'ai établi quelques schémas des alentours comme aide-mémoire, je vais me noter cette bifurcation pour me souvenir de ne plus l'emprunter. De toute façon, ce chemin est trop étroit pour les chevaux. »

Les cours de self-defense, Malon ne savait pas vraiment ce que c’était. Elle n’avait jamais pratiqué quoi que ce soit de tel et elle était peu au fait de ce qui se faisait. Mais elle était curieuse. Et elle ne pouvait s’empêcher de se dire que oui, cela pourrait lui être utile pour se défendre dans ce quartier où les fréquentations n’étaient pas les meilleures. De plus, la forêt à côté recelait son lot de dangers également. Les arguments avaient une certaine force. Cette femme savait de quoi elle parlait. En revanche, Malon ne savait absolument pas de quoi elle parlait en mentionnant le sport. Elle la regarda et fronça les sourcils.

« Le Krav Maga ? Qu’est-ce que c’est comme art martial ? »

Malon avait aussi entendu parler de ce havre. Elle avait même dit à ceux qui y vivaient qu’ils pouvaient venir voir ses chevaux quand ils voulaient. Il y avait même des enfants, qui seraient sûrement intéressés de passer du temps avec les équidés. Elle n’avait pas encore reçu leur visite ni eu de leurs nouvelles, mais elle n’était pas fermée à cette idée. Et ce n’était pas une mauvaise idée de leur demander des conseils. Pour ce qui était des universités, c’était plus compliqué. Elle n’était pas vraiment quelqu’un qui étudiait. Elle n’était pas bête, mais elle n’était pas faite pour les études.

« Ho oui, j’en ai rencontré certains membres. Ils pourraient s’y connaître, vous avez raison. Cela dit, vous ne vous en êtes pas mal sortie, il faut le reconnaître. »

Il y avait plusieurs raisons pour lesquelles on venait la voir au ranch. Il y avait ceux qui voulaient acheter du lait. En général, ils s’inscrivaient sur la liste des clients et elle ne les voyait plus vraiment, sauf de temps en temps pour la féliciter sur la qualité du lait. Il y avait ceux qui voulaient louer un box, mais ils étaient rares et il y avait ceux qui voulaient chevaucher. C’étaient les plus courants et elle en avait l’habitude. Elle ne fut donc pas étonnée par la demande de la jeune femme et elle se ferait un plaisir de lui proposer des promenades.

« Bien entendu, avec plaisir. Normalement, je n’attribue pas un cheval à chaque personne, même si certains habitués ont leur cheval préféré avec qui ils s’entendent le mieux. Si vous voulez, je pourrais vous présenter les chevaux afin que vous puissiez déjà vous faire une idée. Peut-être qu’il y en aura un avec qui vous vous entendrez mieux. »

Elle évitait de laisser les clients se promener seuls de manière générale. Elle pouvait faire exception pour des personnes qu’elle connaissait depuis longtemps et en qui elle avait confiance, mais elle se refusait à laisser ses chevaux aux prises avec des inconnus sans savoir s’ils se comporteraient bien avec eux. Ses animaux étaient sa famille et il n’était pas question de prendre le moindre risque. Elle tenait à ce qu’ils soient bien traités et elle ne pouvait en être sûre sans être présente. C’était ainsi et cela faisait partie des règles de base.

« De toute façon, je ne laisse pas partir un nouveau client seul avec un de mes chevaux. Ne le prenez pas contre vous mais je tiens à savoir que mes chevaux seront bien traités et qu’il ne leur arrivera rien. Je vais vous montrer les quelques programmes de base que je propose pour une première sortie. Vous choisirez la longueur qui vous convient le mieux. »

Malon écouta attentivement cette femme lui expliquer les bases de ce sport de combat, si on pouvait appeler ça comme ça, qui était destiné à des civils peu expérimentés, mais dont la technique devait permettre de se protéger un minimum. Elle ne savait pas si elle serait capable d'apprendre ce genre de choses car elle était plutôt pacifiste, mais dans le quartier où elle vivait, un tel apprentissage pourrait se justifier. Elle ne pouvait s'empêcher de se demander si elle serait douée pour se battre étant donné la volonté qu'elle avait de blesser les autres et qui était à peu près nulle, même considérant quelqu'un de dangereux.

« C'est très intéressant. Je suppose que je devrais essayer d'apprendre quelque chose comme ça pour mieux me défendre. »

Cette femme avait vraiment le triomphe modeste. Malon trouvait qu'elle s'en était plutôt bien sortie, mais cette femme semblait penser qu'elle n'avait rien fait de très extraordinaire. En tout cas, elle avait un sens de l'improvisation qui forçait l'admiration. Il n'empêchait pas que Malon allait certainement partir à la recherche de membres de cette communauté afin d'en apprendre plus sur la forêt et sur ce qui y vivait. Elle avait bien envie d'en apprendre plus sur le monde animal et aussi sur ce qui faisait une partie de son quotidien.

La femme semblait avoir envie de faire du cheval mais plus encore, d’en posséder un elle-même. La jeune femme ne savait pas si elle avait l'habitude de chevaucher quand elle était dans son monde, mais il n'était pas impossible qu'elle puisse lui en procurer un. Elle n'avait pas prévu de vendre ses chevaux de manière générale, mais si elle trouvait quelqu'un de fiable et que le lien avec un cheval passe, elle ne verrait pas d'inconvénients à aborder le sujet. Pour le moment, il s'agissait surtout de rétablir le lien avec l'équitation et les activités de la jeune femme semblaient idéales pour ce genre de chose.

« Je ne suis pas éleveuse au sens où vous l'entendez, en ce sens que je n'ai encore jamais vendu un des chevaux qui se trouvent dans ce ranch. Mais je pourrais l'envisager avec une personne qui s'entendrait bien avec l'un de mes chevaux et qui aurait la possibilité de le rendre heureux. Je ne suis pas fermée. Autant que vous le sachiez, compte tenu de vos projets, je propose aussi les locations de box et la pension pour des chevaux qui appartiennent à des particuliers. J'ai quelques animaux sur le ranch qui ne sont pas à moi. »

Cette femme entra tout de suite dans la bonne catégorie de Malon. Elle avait immédiatement compris la façon de fonctionner de la jeune palefrenière et les raisons qui la poussait à ne pas laisser ses clients seuls trop vite avec ses chevaux. La petite rousse sut aussitôt que si elle avait envie de faire partie de sa clientèle, elle y serait la bienvenue. La façon de fonctionner du système de promenade n'était pas très compliqué. En général, la plupart de ses clients finissaient par prendre le forfait qui leur permettait de réserver la balade de leur choix au moment de leur choix. Si certains préféraient quelque chose de plus ponctuel, elle avait d'autres possibilités. Elle n'avait pas une offre très étendue parce qu'elle n'avait pas non plus une infinité de clients.

« C’est un ranch assez simple et je le gère seule. De fait, j'ai principalement deux façons de fonctionner. Soit un fonctionnement à la promenade unique, dont le prix varie en fonction de la durée, soit un forfait qui permet de réserver une promenade de la durée de votre choix, à raison d'une maximum par jour. Ainsi, même les clients les plus gourmands peuvent obtenir une promenade sans que ça ne dérange les autres. J’ai plusieurs itinéraires à travers les bois, plus ou moins longs. Le plus court ne dure qu'une demi-heure et il n'est pas mal pour les novices. En général, si quelqu'un prend le forfait mais me dit qu'il ne veut que des balades de cette taille, je réduis un peu le prix vous voyez. Il faut savoir faire preuve de souplesse », précisa-t-elle avec un sourire doux. « La balade la plus longue dure deux heures. Je pourrais vous montrer les cartes si vous voulez vous faire une idée du trajet que je fais à travers bois. J'aimerais trouver de nouveaux itinéraires, mais il faudrait que je fasse de l'exploration, et avec l'incident d'aujourd'hui, je pense que vous comprendrez pour quelles raisons ça m'est difficile de l'envisager. »

Il était difficile de savoir si quelque chose vous convenait vraiment avant de l'avoir essayé. C'était une chose que Malon savait depuis longtemps et elle savait donc aussi qu’elle évitait de prendre des décisions absolues sans avoir tenu compte de sa méconnaissance d'un sujet. Elle était du genre à écouter les conseils, mais elle se refusait à les suivre sans avoir d'abord vérifié ce qu’il en était par rapport à elle-même. Malon pouvait faire preuve de naïveté parfois, mais pas au point d'impacter sa vie avec des décisions pour lesquelles elle n'avait pas pris tous les renseignements, au préalable.

« Cela ne coûte rien d'essayer. »

En attendant, cette femme avait envie de refaire du cheval et il était évident qu'elle avait de fortes chances de trouver son bonheur dans cet endroit. Malon ne savait pas si elle allait avoir la chance de sympathiser avec un cheval, mais elle serait ravie de tenter de lui en donner la possibilité. Elle pourrait très bien essayer plusieurs chevaux et choisir ensuite celui avec qui elle préférait faire des balades. Il n'y en avait qu'une qu'elle ne vendrait jamais, c'était Olympe, non seulement parce qu'elle était sa poulinière, mais parce qu'elle avait un attachement tout particulier pour elle. Il était peu probable aussi qu'elle en vienne à vendre Epona, mais il faudrait de toute façon quelques années avant de pouvoir la monter.

« J'étudierai une éventuelle proposition avec beaucoup de soin et je tiens à vous dire que cela dépendra autant de la réaction du cheval en question que de la vôtre. »

Si elle pouvait garder le cheval en pension, la transition serait beaucoup plus facile à la fois pour l'animal et pour elle. Il n'était pas anodin de dire qu'elle avait vraiment pour ces chevaux une affection extraordinaire et elle ne voulait surtout pas qu'il disparaisse de sa vie, même si elle avait conscience qu'il allait bien falloir les laisser pour certains, elle devait les vendre. Offrir un système de pension lui permettrait sans aucun doute de mieux profiter et de supporter la transition de propriétaire.

« La pension ne vous coûtera pas cher, surtout si le cheval m'appartient au départ. Je vous prendrai peut-être un peu plus que pour sa nourriture pour le principe de la location de box mais pas beaucoup plus. »

Cette femme n'était pas la première à lui réclamer des promenades plus longues que celle qu'elle offrait. De base, elle n'était pas totalement contre, mais il faudrait que ce soient des promenades indépendantes, ce qui impliquait qu'elle est déjà une certaine confiance dans la personne, et il faudrait faire attention au bien-être des chevaux. Tous les chevaux n'apprécient pas forcément les longues promenades et certains n'avaient pas l'endurance pour les assurer. Il faudrait donc choisir le cheval en fonction de ses capacités de résistance.

« Ce n'est pas exclu, lorsque j'aurai confiance en vous par rapport aux chevaux, parce que ce sont des promenades que je ne pourrai pas faire avec vous. En revanche, il faudra bien choisir le cheval. Tous ne sont pas capables de tels exploits. »

Elle était étonnée de la proposition que la jeune femme venait de lui faire. Elle ne se sentait pas très à l'aise de faire de nouvelles recherches dans la mesure où il était compliqué pour elle de s'aventurer avec sécurité dans des endroits qu’elle ne connaissait comme elle venait de le prouver aujourd'hui. Avec une alliée, elle pourrait peut-être y arriver. Ce serait quand-même un grand service et c'était le genre que la rouquine avait du mal à accepter naturellement. Elle se demandait toujours si elle avait le droit d'accepter ce type de faveur et ne savait pas toujours quelle compensation donner en retour.

« Ce serait vraiment très gentil de votre part. Ce serait un grand service. Comment pourrais-je vous rétribuer pour cela ? »

Malon ne pouvait s'empêcher de se dire que cette femme était exactement le genre de cliente à qui elle pourrait accepter de vendre un de ses chevaux. Plus elle lui parlait, plus il lui semblait qu'elle savait comment leur parler et les respecter. Elle acceptait même toutes les conditions de Malon en ce qui concernait l'achat éventuel d'une monture, et elle ne tenta même pas de négocier ses conditions. Celle-ci étant fait pour le bien-être du cheval, cela montrait quel genre de personne elle était. En plus, elle tenait à ce que la transaction soit équitable et la rouquine lui en fut reconnaissante.

« C'est gentil de penser à moi. Je ne pratique pas des tarifs exorbitants, parce que je tiens à permettre à des personnes moins fortunées de pouvoir profiter de chevaux si elles le souhaitent. Ma politique est surtout que les choses soient au vrai prix, suffisant pour permettre à un maximum de bonnes personnes d'en profiter mais aussi pour permettre à mon ranch de subvenir à ses besoins et à ceux de ses occupants. Je n'en demande pas plus. »

Son objectif n'avait jamais été de s'enrichir et elle avait l'amour des chevaux par-dessus tout. Ses animaux lui étaient précieux et qu'ils lui appartiennent réellement ou pas, à partir du moment où elle s'en occupait quotidiennement, ils devenaient suffisamment ses chevaux pour qu'elle fasse tout ce qu'elle pouvait pour leur bien-être et leur épanouissement. Elle n'avait que rarement autant discuté avec un client du bien-être des animaux et pour la plupart, elle se contentait de leur édicter des règles qu'ils devaient accepter sous peine de se voir exclu de la clientèle du ranch. Cette femme semblait désirer en savoir plus et appréciait ce qu'elle entendait, ce qui voulait dire qu'elle ne mettrait sûrement pas longtemps avant de se voir octroyer des droits supplémentaires.

« J'ai le sentiment que le bien-être des animaux est important pour vous aussi et je gage que vous ne mettrez pas longtemps à obtenir ma confiance à ce sujet. Mais je me refuse à me baser sur des idées préconçues, que ce soit en bien ou en mal, d'ailleurs. Pour le moment, puisque nous voilà arrivées dans le pré, je vous invite à faire connaissance avec les animaux. Peut-être en trouverez-vous un avec qui vous vous entendrez mieux que d'autres. »

Le pré était composé d'un enclos immense au fond duquel il y avait un abreuvoir et un espace couvert contenant de la paille et du foin pour les animaux. Aussi grand qu'il fut, l'enclos n'était pas fermé puisque le pré l'était. On pouvait d'ailleurs voir des chevaux qui galopaient autour de l'enclos par pur plaisir, tandis que d'autres se baladaient à l'intérieur ou mangeaient tranquillement parce qu'ils préféraient cette activité là. À moins d'en entraîner un en particulier, Malon n'imposait rien à ses chevaux sur la journée parce qu'elle avait envie qu'ils se sentent libres. Alors qu’elle avançait vers le pré, la femme lui mentionna qu'elle était prête à lui faire des recherches de nouvelles balades sans aucune compensation. C'était généreux mais la demoiselle ne trouvait pas cela vraiment acceptable dans le sens où ce serait tout de même un beau service.

« Vous en êtes sûre ? Je pourrais peut-être au moins réduire un peu votre abonnement. Ce ne serait qu’un maigre remerciement pour ce petit service. Y a-t-il un de mes pensionnaires que vous auriez envie de rencontrer en premier ? »

Malon n'avait jamais rencontré deux personnes qui tiennent autant à marquer sa propriété du ranch que cette femme. Elle semblait déterminée à démontrer qu'elle suivrait la volonté de la propriétaire des lieux avec un profond respect pour elle et pour ce qu'elle estimait nécessaire pour ses chevaux. Plus les choses avançaient, plus la jeune rouquine se disait qu'elle apprécierait de travailler avec quelqu'un qui avait cette considération pour elle et pour ses animaux. Il n'était pas facile de se faire respecter quand on était une fillette innocente et très passive. Mais elle démontrait que le respect tient parfois simplement au fait de reconnaître honnêtement la propriété de chacun.

« C'est évident. Et je dois admettre que ça me rassure. »

La jeune femme accepta une réduction financière en compensation des services qu'elle pouvait rendre pour le ranch. Malon sentait qu'elle le faisait à contrecœur et elle comprit qu'elle ne devrait pas trop réduire les frais, ou cette femme se sentirait redevable. Elle tenait vraiment à faire un geste pour la remercier de lui venir en aide. Mais elle se rendait compte que cela pouvait être à la fois significatif pour elle et pas insultant pour l'autre. Elle tenait à payer les faveurs qui lui étaient accordées et dans un sens, Malon comprenait cela. Elle n'aurait pas voulu qu'on lui donne tout, tout cuit, dans la main. Ce n'était pas son genre.

Elle hocha la tête pour clore le débat, avant de lui laisser observer les animaux. La gentille jument qui était en train de paître sans rien demander à personne était effectivement une très innocente demoiselle, toujours sage et excellente pour les débutants. Évidemment, la rouquine aurait pu parier qu'elle ne plairait pas à sa cliente, du moins pour ce qui était de la chevauchée. Elle ne fut pas davantage étonnée de la voir s'intéresser à l'étalon. Il était particulièrement sauvage et personne ne l'avait encore monté. Il avait confiance en Malon pour s'occuper de lui et le nourrir, mais c'était tout.

« Personne ne l'a encore jamais monté. Il est trop fougueux, extrêmement sauvage. Il est destiné à être un reproducteur, du moins, pour l'instant. Mais je ne vois aucun inconvénient à ce que vous essayiez de gagner sa confiance. Je ne sais pas si vous pourrez le monter un jour, mais quelque chose me dit que vous pourriez l'apprivoiser un peu. »

Elle s'arrêta sur une jument qui semblait intéressée mais qui n'osait pas s'approcher de trop près. Le genre de caractère qui allait certainement bien avec la jeune femme et ce n'était pas pour rien que l'animal s'approchait. Ce choix était donc judicieux. Malgré tout, elle tenait à préciser quelque chose en ce qui concernait le choix de l'animal à monter. Elle n'aurait peut-être pas réagi pareil avec tout le monde, mais il était certain que cette femme pouvait avoir accès à plus de franchise au vu de sa façon de se comporter avec les animaux. La jeune femme n’hésita donc pas.

« C'est un choix qui ne me surprend pas. Ce n'est pas une jument docile, mais elle est intéressante. Quant à savoir si vous avez fait le bon choix, je dirais que son avis compte beaucoup plus que le mien. »