« Il y a toujours dans le bonheur, même des meilleures gens, un peu d'insolence aimable qui défie les autres d'en faire autant. »
Lorsque tu es arrivé dans cette ville sans nom il y a quatre ans, tu ne pensais qu'à en repartir. Tu as parcouru l'île sans succès, mais les côtes rocheuses ressemblaient tant à celles que tu as connu, que tu refusais de croire en cette étrange réalité. Pendant longtemps, tu pensais n’être victime que d’un mauvais rêve comateux, sans doute après que ton cœur ait fini par te lâcher… et puis le temps a passé. Tu as retrouvé ta place au sein de la police et plus les mois avançaient, plus les bizarreries se succédaient. Ton scepticisme a été mis à l'épreuve, mais aussi ta détermination. Tu n’étais pas le seul à t’être perdu en ce lieu inconnu, coupé du reste du monde et si ça ne suffisait pas, tu as dû te faire à l’idée que les monstres et la magie existent aussi. Il y a même de la vie au-delà des étoiles, mais l’univers est vaste après tout. Et cet endroit agit comme un point de convergence entre tous les mondes, mais pourquoi ? Vous êtes nombreux à vouloir élucider ce mystère, mais tout autant à craindre les représailles des fondateurs de cette ville prison, si toutefois ils existent vraiment. Vous semblez hors du temps, pourtant la vie continue et tu as repris le cours de la tienne qui ne change pas tellement d’avant, de toute façon. Tu étais déjà un bourreau du travail à l’époque et tu es longtemps resté seul après ton divorce, mais tu avais aussi ta fille. Et avant qu’elle ne vienne vivre avec toi, tu ne la voyais plus beaucoup, mais tu l’avais au téléphone tous les weekends. Aujourd’hui son numéro sonne dans le vide, sans tonalité et tu ne t’es jamais senti aussi seul de toute ta vie. Un comble pour le grand solitaire que tu es, mais Daisy était ton monde et tu l’as perdu le jour où cette lune écarlate te l’a prise. Tu ne l’as pas recherché dès le début, trop préoccupé à chercher la solution à un problème insoluble, mais le déclic t’est parvenu un jour où tu as été témoin des retrouvailles entre un mari et sa femme. Deux ans s’étaient alors écoulés depuis ton arrivée et l’espoir est né dans ton cœur mélancolique, à l’idée que Daisy ait pu elle aussi apercevoir une lune rouge et être prisonnière de ce lieu.
Tu as consulté les listes des orphelinats et autres foyers qui accueillent les enfants perdus, même si Daisy était majeure à ta disparition, sans succès et tu t’es tourné vers les universités ensuite, mais toujours rien. Ce n’est pas comme si on te laissait fouiller dans la vie d’autrui sans t’imposer de limite non plus, car tu es peut-être flic, mais ça ne te donne pas le droit d’abuser de ton autorité sans raison officielle. On t’a mis en garde plusieurs fois et tu as même été mis à pied quelques temps l’hiver dernier, alors même si tu remuerais ciel et terre pour retrouver ta fille, tu dois le faire avec plus de subtilités. Sauf que les indices commencent à te manquer et tu ne sais plus vraiment où chercher. La ville abrite des milliers d’habitants et de nombreux secrets également, qui te rassurent autant qu’ils te découragent. La clé, c’était peut-être de laisser faire le temps. “Hardy” n’est pas un nom si rare, mais tu as tout de même voulu y croire. Le dossier était posé sur le coin d’un autre bureau, au sommet d’une pile qui ne t’appartenait pas et pourtant, c’est comme si on avait voulu que tu tombes dessus. Drôle de coïncidence vous en conviendrez, mais tu avais une nouvelle piste peu importe sa solidité. Une femme dans la vingtaine et blonde aux yeux bleus, c’est peu et en même temps suffisant pour t’intéresser, malgré l’objet des plaintes à son encontre. Daisy était plus douce dans tes souvenirs, mais s’il y a bien un endroit qui peut changer les gens, c’est cette ville infernale. Tu n’as aucune intention de l’importuner juridiquement parlant, mais tu t’es rendu sur les lieux des agressions et t’as interrogé la plupart des tenanciers de bar impliqués, pour mener ta propre enquête dans l’ombre. Tu restais vague sur tes intentions, mais tu ne manquais jamais de laisser traîner ton nom partout où tu allais, comme si t’espérais qu’on l’ébruite. Ce n’est qu’une étincelle d’espoir, mais une part de toi s’y accroche si fort, que tu t’es rendu aveugle aux incohérences.
Un soir après le boulot, tu as mis les pieds dans un bar où la jeune femme se serait déjà montrée plusieurs fois. Ce n’est pas ta première tentative, mais le barman acquiesce cette fois-ci et son doigt pointe une direction. Tu hésites un instant, parce qu’il te montre la sortie de secours qui te mènerait donc à l’extérieur, mais surtout à l’abri des regards et dans une ruelle adjacente. Il te le confirme une seconde fois et ce n’est sûrement pas une bonne idée, mais tu t’es déjà mis dans des merdiers pire qu’un guet-apens et au pire, tu sais courir. Il n’y a personne pour t’accueillir de l’autre côté et il fait déjà sombre maintenant que les journées sont plus courtes, néanmoins tu choisis de t'enfoncer dans cette ruelle non sans rester sur tes gardes. “Dans ce jeu du chat et de la souris, il semblerait que je sois devenu la souris, n’est-ce pas ? Allez montre-toi, qu’on en finisse.” Pas le temps pour les politesses, mais c’est l’homme qui parle avant l’inspecteur puisque après tout, tu es techniquement en civil.
Cette île à un goût de deuxième chance pour toi. Elle t'a libéré de la prison auquel ton ex petit ami t'a envoyé par la force. Elle n'a pas effacée ton casier judiciaire car tu n'as pas trainée pour le remplir d'autres méfaits. Mais les premières années tu as su resté discrète avec brio. Tu t'étais démenée pour trouver un toit sur ta tête. Tu passais des jours entier a cherché les pigeons idéals pour te garantir une vie confortable et luxueuse. A New York tu avais ton propre appartement. Ici, les premières années sur cette île tu les passais chez des inconnus pendant leur absence. Profitant de leur bien et de leurs ressources. C'est au fur et à mesure de ses visites impromptue et de ses casses que tu as pu t'offrir un charmant appartement à Raccoon Square.
Ton père serait fière du chemin que tu as parcouru. Tu l'espères sincèrement. La vie n'a plus tout à fait le même goût depuis que tu as découvert que cette ville était capable de faire revenir les proches disparu. Ce n'était peut-être pas une très bonne chose que tu es vent de cette information, car elle est devenue ta nouvelle obsession.
Ratisser cette ville à toi seule est une chose impossible, tu en as bien conscience. Les quartiers viennent et disparaissent. Le seul moyen pour toi de mettre toute les chances de ton côté est de trouver des alliés. Une tâche peut évidente pour toi qui peine a avoir confiance a autrui. Trop malmenée dans ton passé. Tu avais donc décidé de te diriger vers des privés sans te douter une seule secondes qu'ils seraient nombreux à te claquer la porte au nez. C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais ça ne t'a pas découragée. C'est par ce biais que tu as rencontré Peter. Pas celui que tu as connu dans ton monde. (et heureusement pour lui) Il a promis qu'il chercherait de son côté. Et c'est énorme pour toi après avoir cumulé tant de refus.
Tu n'as jamais abandonné. C'était toujours dans un coin de ta tête. D'un autre côté tu poursuivais ta vie de jeune femme indépendante. Tu sortais beaucoup avec tes amies le soir. Tes contacts sont nombreux. C'est ainsi que tu appris qu'on te cherchait également. Est-ce que s'était lui ?
De la description qu'on t'en a faite tu as très vite déchanté. Te rendant méfiante sur cet individu qui était sur ta piste. Il connaissait les endroits que tu fréquentais. Et tu n'aimais pas le fait de te sentir pris en chasse. Alors de ton côté tu as également poussé les investigations. Il ne s'agissait définitivement pas de ton père. Il ne se serait jamais rangé du côté de la police. Toute cette histoire t'interpelle. Il fallait rapidement y mettre un terme. De force ou non.
Pour avoir un meilleur angle de vue sur la personne qui te recherche depuis tout se temps tu t'étais perché sur le toit du bar. Histoire de maintenir une certaine distance par précaution. « Je suis déçue, » claques-tu dans l'air pour signifier ta présente. T'avais eu un soupçon d'espoir, une once d'excitation, et voilà que tout s'envole. Ça n'a pas le don de t'enchanter, bien au contraire. Et ce mécontentement se fait entendre dans le son de ta voix. « Tu laisses ton nom traîner partout. C'est pour que je te retrouve, non ? » demandes-tu en t'installant sur le bord du toit, les pieds dans le vide. « Ce n'est pas très joli pour un flic de stalker une jeune fille. » Sans crainte, tu finis par descendre de ton perchoir pour lui faire face. « J'ai songé un instant qu'on pouvait se connaître. Je voulais le voir de mes yeux avant de porter plainte. » Tu t'avances à sa hauteur sans sourciller. Ne cachant pas ta déception et ton dédain pour l'homme, mais aussi pour l'uniforme qu'il porte au quotidien. « Qu'est-ce que tu me veux, Alec ? »
« Il y a toujours dans le bonheur, même des meilleures gens, un peu d'insolence aimable qui défie les autres d'en faire autant. »
L’espoir est un sentiment à double tranchant et tu es bien placé pour le savoir, en vingt-cinq ans de carrière dans la police. C’est souvent tout ce qu’il reste aux familles des victimes avant que la réalité ne les frappe, mais témoigner des ravages que l’espoir peut provoquer lorsqu’il devient traître, ne t’a pas empêché de plonger tête la première dans son piège. Tu as couru après une idée qui ressemblait à la chair de ta chair, mais finalement alors que l’illusion se dérobe, tu ne faisais que t’accrocher à un patronyme… La jeune femme se dévoile aux abords d’un toit et tu l’observes avec prudence, le visage fermé pour ne rien montrer de ta désillusion cuisante. Jusqu’à la dernière seconde tu y auras cru, même si paradoxalement, tu savais aussi que tu fonçais droit dans un mur, mais se préparer au choc ne le rend pas moins violent. Tu la laisses te provoquer sans sourciller, car après tout, c’est toi qui as commencé. Si tu ne cherchais pas désespérément ta fille, ton attitude serait plus que suspecte en effet.
“Allons, Hardy, tu n'es plus une jeune fille depuis longtemps.” Réponds-tu avec flegme. Tu restes familier malgré le fait que vous soyez bel et bien étrangers l’un pour l’autre, mais ça n’a pas l’air de la déranger. Ta présence, en revanche, a tout l’air de l’agacer et derrière son mépris apparent, tu décèles une once de tristesse dans son regard – la même qui existe dans le tien et que tu reconnais aisément. Tu aurais joué cartes sur table quoi qu’il arrive, mais ça t’encourage d’autant plus. Tu ne la toises pas, mais tu suis chacun de ses mouvements sans bouger, si ce n’est pour lever les mains en signe de paix. “Je vois dans tes yeux que tu espérais voir quelqu’un d'autre. Tu verras la même déception dans les miens.” Dis-tu avec calme et malgré le casier de la demoiselle, tu ne ressens aucun dédain pour elle.
Serait-ce parce qu’elle te la rappelle quand même, en dépit de leurs différences ? Une parcelle d’espoir subsiste en toi, non pas qu’elle soit Daisy, mais plutôt un mirage de ce qu’elle aurait pu devenir ici, dans ce monde imprévisible. “Tu lui ressembles, mais j’ai couru après une chimère.” Tes lèvres s’étirent en un sourire discret, pour un sentiment doux-amer et tu exhales un soupir dépité. “Je cherche ma fille en vain. A force, j’me dis qu’elle n’est simplement pas là, mais à chaque fois que je pense à renoncer, cette satanée ville se fout d'moi.” Tu serres les dents pour ne pas hausser la voix, mais le ton y est. Tu es en colère, non pas contre cette jeune personne, mais contre tout le reste et surtout cette réalité dérangeante, dans laquelle tu ne sembles pas trouver ta place – ou alors, tu t’obstines à lui fermer toutes tes portes. “Tu peux porter plainte si ça t’chante, mais je ne te suivrai plus.” Tu lui lances un regard sévère, mais pas franchement méchant, quand tout ce qui s’y cache désormais, n’est plus qu’une sorte de curiosité naissante.
Si ton nom traîne dans plusieurs dossiers de la police ce n’est pas pour rien. C’est que tu le veux bien. Tu pourrais aisément leur filer entre les doigts comme à chacun des casses de la Chatte noire. Tu te fais prendre parce que tu le veux et là est toute la nuance. Tu sais que t’en sortira toujours. Parce que tu as de l’argent désormais, tu as les contacts pour te sortir des pétrins dans lesquelles tu te lances à corps perdu. Rien n’est complétement désintéressé dans la vie. Tes actions sont louable d’un certain point de vue. Ton nom figure à chaque fois dans les faits divers. La presse t’adore pour ta prise de position et ton panache. Et toi en retour tu gagnes une publicité gratuite pour retrouver ceux qui te sont chers. Ainsi c’est donnant-donnant. T’aimerais retrouver ton père. T’aimerais retrouver Peter même-ci cette idée te donne parfois des haut le cœurs. T’aimerais juste retrouver un peu de chez toi, parce que tu te sens cruellement seule malgré ton vaste entourage -peu recommandable- sur cette île.
« Tu vas me vexer, » que tu rétorques en te retrouvant à son niveau. Ta méfiance n’a pas lieu d’être. Tu le vois dans ses yeux. Votre détresse est similaire et la déception, disons énième déception est difficile a digérer. Tu comprends mieux à présent. Tes yeux se baissent comme ta garde. Tu te défais de tes grands airs pour être simplement… toi. « Elle se fous bien de nous oui… » Tu ne peux que comprendre sa colère et les émotions qui le submergent. « C’est la première fois que l’espoir était si tangible… » Après tant de recherches infructueuses, le moindre indice avait démultiplié cet espoir au loin de la barrière du raisonnable. « C’est peut-être ce qu’on doit faire. Accepter qu’ils ne soient pas là. Qu’ils ne reviendront pas. » Pourquoi d’autres ont le bonheur de retrouver leurs proches et pas toi, pas vous ? La fatalité, la malchance, voilà tout. « Désolée. C’est bon, je ne compte pas aller voir vos collègues. Je les vois suffisamment comme ça. » que tu réponds avec légèreté, le chat range les griffes. « Comment elle s’appelle ? »