Trinquons à ta santé, Patmol ! (Sirius)

A TA SANTE PATMOL

Je venais de terminer une journée très chargée au commissariat. Brosser les portraits psychologiques de certains criminels n’était pas une chose évidente. Je devais cependant bien admettre que j’adorais ça. Se plonger dans la tête de ces enflures était quelque chose qui me plaisait et plus le dossier était dur plus j’y prenais du plaisir. Fidèle à moi-même, j’étais capable de rester plusieurs jours sur un cas sans jamais me reposer ou penser à mes loisirs. La seule chose qui comptait à mes yeux était de jeter derrière les barreaux ces criminels pour qu’ils n’aient plus jamais l’occasion de sévir ou ne profite pas du fruit de leur vicieux labeur quel qu’ils soit.

Les choses avaient beaucoup changé depuis que nous étions arrivés sur cette île. Pas de communauté magique, pas de ministère de la magie (même si dans le fond, ce n’était peut-être pas plus mal) et surtout pas de pouvoirs à notre portée. Je vous mentirais si je vous disais que je n’avais pas eu de difficulté à m’intégrer à ce monde. Par le passé, mes handicaps liés à mes très nombreux combats ne me posaient pas forcément de problème. J’avais toujours ma baguette ou mon bâton à portée de main pour combler les problèmes. Mais cette fois-ci, je devais réadapter mon mode de vie et c’était sans doute la chose la plus difficile que j’avais eu à faire.

J’y étais parvenu pourtant… même si parfois on ne m’avait pas laissé ma chance. C’était notamment le cas dans les forces de l’ordre que j’avais rejoins très vite après mon arrivée. Les malfrats n’avaient après tout pas besoin de magie pour commettre des actes atroces. A croire que le véritable problème tient uniquement dans notre nature humaine. On m’avait donc accepté à la seule condition que je renonce à partir remplir mes missions sur le terrain. Cette décision m’avait mis en colère, véritablement. Je ne comprenais pas qu’ils puissent voir, comme par le passé, le soldat émérite que j’étais derrière mon œil de verre et ma prothèse de jambe. J’avais cependant décidé de faire profil bas, refusant plus que tout qu’ils me mettent à la porte. Mais jamais je n’avais renoncé au terrain. Ce que je ne pouvais pas aux yeux de tous, je le ferais en coulisses. Peut-être qu’un jour un de mes exploits me permettraient de gagner leur confiance.

Ne désirant pas rentrer chez moi tout de suite, je décidais de m’arrêter dans un petit pub local qui avait attirés mon attention. Les trois balais. Je devais bien admettre que c’était plutôt tentant. Déjà parce que je ne refusais jamais de boire un (ou plusieurs) verres d’alcool. Une vieille mauvaise habitude que j’avais de la peine à perdre. Mais surtout parce qu’il me rappelait le nom de mon pub favori du village de Pré-au-Lard. Je n’avais encore croisé aucun de mes amis et connaissances du passé. Pourtant, il aurait fallu un manque de chance terrible pour que le proprio des lieux ne venait pas du même monde que moi. Peut-être qu’en poussant la porte de l’établissement je retrouverais enfin un peu de mon chez moi.

Une fois la porte poussée, j’avançais claudiquant mais déterminé jusqu’au bar. Je m’assis alors, prenant quelques instants pour reposer ma vieille patte fatiguée. Ne prenant pas attention à l’homme qui se tenait en face de moi je lançais.

« Je prendrais bien un whisky, mon garçon. Et ne lésinez pas sur la taille du verre. Ce soir j’ai quelque chose à fêter. »

A TA SANTE PATMOL

En arrivant dans l’établissement des trois balais, j’avais un pressentiment. Celui que je serais amené à rencontrer un sorcier surgit du passé. Il faut dire que c’était pas très sorcier, hein. Le raisonnement était assez simple à faire. L’établissement portait littéralement le nom d’un bar que j’avais l’habitude de fréquenter à l’époque. Et quel bar ! il avait connu tant de moments marquants, les bons comme les mauvais. Il ne faisait aucun doute que le lieu avait été choisi sciemment par un nostalgique de cet ancien temps qui me semblait si reculé à présent. Je n’avais cependant fait mine de rien jusqu’au moment où je m’étais assis. Ce n’était pas parce qu’il s’agissait d’un nostalgique de cette période que je le connaissais forcément. Après tout, bien des sorciers c’était pris de bonnes cuites dans cet endroit des plus joyeux… bien que des moins recommandables. Je n’avais pas immédiatement repéré l’identité de la personne en face de moi. Jusqu’au moment où j’entendis le son de sa voix. Une voix si familière et qui me ramenait des années en arrière. Je laissais un sourire éclairer mon visage à cet instant. Bon d’accord peut-être pas un véritable sourire… mais un rictus s’était clairement dessiné sur mes lèvres.

« Ce sacré Sirius. Alors c’est toi qui te cachais derrière cette enseigne ? J’aurais dû m’en douter, vieille fripouille. »

Je ne me levais pas pour lui offrir une accolade, ce n’était clairement pas mon genre. Mais cela n’empêchait pas que le cœur y était. Clairement, c’était un bonheur de le revoir ici. Même si un détail me sauta immédiatement aux yeux.

« Ce que tu as l’air jeune, c’est fou. La vie au grand air a vraiment l’air de te réussir. »

J’avais beau le chambrer à ce propos, je ne pouvais pas nier que j’avais moi-même pris un coup de jeune en arrivant ici. Certes pas suffisamment pour effacer les blessures pesantes du passé mais cela m’était égal. S’il me fallait une jambe de bois et un œil en verre pour montrer à mes ennemis que j’étais toujours aussi déterminé, alors qu’il en soit ainsi. Je n’avais nullement besoin de ça pour qu’on me prenne au sérieux. Ils savaient tous qui ils avaient en face d’eux. Même Sirius. Je regardais autour de nous. Les clients se rassemblaient dans l’établissement. Je poussais alors un soupir, navré que nous ne puissions nous retrouver correctement.

« Je suppose que tu n’as pas le temps pour un verre ? Dommage, j’étais prêt à payer une tournée. Je sens qu’on a plein de choses à se raconter tous les deux. »

Je finis par taper ma main sur le bar. Il était hors de questions pour moi que montre le moindre signe de morosité en cette soirée si spéciale. Ce n’était pas tous les jours qu’il nous était donné de retrouver un vieil ami si longtemps disparu. Je n’avais jamais oublié sa mort au département des mystères. Je pense que ça en avait secoué plus d’un. Alors pensé qu’on puisse se reparler un jour, ça tenait véritablement du miracle. Comme quoi, il n’y avait pas que des mauvaises choses qui se passaient sur cette île.

« Et si tu n’as pas le temps d’en boire une avec moi, sers-moi quand même un double whisky. J’ai deux évènements à célébrer ce soir finalement. »

A TA SANTE PATMOL

Sirius affirma que les temps avaient changés. Là-dessus je ne pouvais pas lui donner tort. Il y a tellement de choses qui s’était passées durant les dernières années et encore plus depuis que nous nous trouvions sur cette île. Pouvoir revenir à la vie et voir les autres en faire de même était à mes yeux un grand bonheur et je me réjouissais de pouvoir vivre des moments hors du commun que je ne n’aurais pas pu rêver en d’autres circonstances. Croiser la route de mon ancien camarade de combat en faisait notamment partie. Alors non, je ne prendrais même pas la peine de dissimuler ma joie de le revoir. Même s’il me taquinait là-dessus. Je revins alors sur ses premiers propos.

« Ah ça ne m’en parle pas. C’est bien si tu peux enfin aspirer à une vie paisible et sans avoir à te cacher et fuir sans arrêt. Mon pauvre ami, t’as pas eu une vie des plus sereines et des plus justes. »

Avais-je cru à la culpabilité de Sirius dans l’affaire de la mort des Potter ? Certes un moment et je m’étais félicité de ne pas m’être liés à des personnes en particulier à cette époque-là. Si avoir des amis nous condamnaient à nous retrouver avec un couteau planté dans le dos autant de ne pas en avoir. Mais quand la vérité avait fini par éclater je m’en étais voulu d’avoir pu l’accuser et je l’avais accueilli à bras ouverts au sein de l’Ordre du Phénix.

« Vivre sur cette île n’a pas que des mauvais côtés. J’étais persuadé que le seul endroit où je pourrais te voir serait dans l’autre monde. Alors autant que ça se passe comme ça. Eh ouais j’ai même une sacrée raison d’être content aujourd’hui. J’ai enfin pu faire mes preuves au sein de la police de cette fichue ville et coffrer un meurtrier qui nous faisait tourner en bourrique depuis des mois… c’est que niveau réputation, j’ai pas celle que j’avais à l’époque. »

Mais cela ne serait que partie remise. J’avais frappé fort aujourd’hui et j’étais persuadé que ce n’était pas la dernière fois que cela arriverait. S’il y a une chose à laquelle je me fiais c’était bien en mes capacités de limiers. Sirius me raconta alors que ses souvenirs étaient différents des miens. Je me rendais alors compte que j’avais fait preuve de maladresse en lui parlant ainsi plus tôt. Hors de question pour moi de jouer les madame Irma en lui parlant du Sirius que j’avais connu. A moins que lui-même ne me le demande. Je hochais alors la tête, affichant un sourire maladroit.

« Parfait alors, je te promets de te réserver le premier toast. Attends la fin de ton service pour me servir. Pas sûr que j’y résiste longtemps autrement. »

A TA SANTE PATMOL

J’étais particulièrement heureux d’entendre de la bouche de Sirius que tout se passait bien dans sa nouvelle vie. Il faut dire qu’il n’avait vraiment pas été gâté dans son ancienne vie. Entre sa vie de famille, la mort ou disparitions de ses meilleurs amis, son emprisonnement à Azkaban. Ca faisait tout autant d’évènements traumatisants que personne ne devrait avoir à vivre… une personne s’avérant finalement innocente encore moins ! J’avais fait partie de ses détracteurs ou au moins des personnes qui avaient pu douter de son innocence. C’était à peine surprenant dans le fond. Je doutais toujours constamment de tout le monde et ne prêtait ma confiance à personne… même pas aux membres de l’ordre du Phénix ? Oh oui peut-être un peu plus mais ma véritable nature prenait toujours immanquablement le dessus. Je ne m’arrêterais cependant plus sur ce genre de considération, me contentant de me réjouir du bonheur bien mérité de mon vieux camarade de combat.

« Comme quoi, notre installation sur cette île n’aura pas apporté que des mauvaises choses. Je suis ravi pour toi si tu as trouvé une vie qui te convient. »

Je ne pus m’empêcher cependant de faire une grimace au moment où ce dernier se montra curieux de notre vie passée, tout du moins de ma vie passée. C’était étrange de penser que leur chronologie n’avait pas été la même que la mienne… encore plus lorsque je me retrouvais face à ses personnes. Je devais alors passer pour Madame Irma qui prédisait l’avenir avec une extrême précision. Je hochais cependant la tête, légèrement moqueur.

« Ah ouais ça pour des histoires, j’en aurais de belles à vous raconter. Pour sûr ! Après ça dépend de ce que toi tu es prêt à entendre. »

Je finis par hausser les épaules, peu affecté par ma propre mort. L’un des nombreux avantages à avoir passé sa vie en célibataire endurci c’est qu’on a aucune crainte par rapport aux personnes qu’on laisse derrière nous. Oh bien sûr que je me faisais du souci pour mes frères et sœurs d’arme. Mais ce n’était pas comme si j’avais moi-même une famille à charge.

« Oh tu me connais. Je ne pouvais pas rêver à une meilleure mort. Sur le champ de bataille face à Lord Voldemort. La seule chose que je regrette c’est que notre combat a duré si peu de temps. Mais aujourd’hui je suis là… je vois pas trop ce que je pourrai regretter. »

Je bus ensuite une gorgée d’alcool réconfortante, le whisky était plutôt bon. Et bon point supplémentaire pour Sirius, j’avais eu la faiblesse de croire que je ne craindrais rien à boire le contenu de la bouteille qu’il m’avait servi. Il faut dire que les gens ne connaissaient pas aussi bien ce vieil Alastor Maugrey que par le passé. J’étais presque devenu un inconnu dans cette ville et c’est quelque chose que je vivais plutôt bien.

« Ah ben tu sais ce qu’on dit, chasser les mauvaises habitudes elles reviennent au galop. Le métier reste relativement le même, coffrer les ordures qui enfreignent la loi. Sauf que là bien sûr ce n’est plus à coup de baguette magique. Mais je m’en tire pas trop mal… malgré ce que mes supérieurs peuvent parfois imaginer. »

Il me demanda alors si j’avais revu d’autres personnes de notre monde originel.

« Pour le moment ? Non, je n’ai revu que toi. Mais je suppose que je ne vais pas tarder à en croiser de nouveaux. Et toi alors ? Tu as recroiser de vieilles connaissances depuis le temps que tu es ici ? »