L'anneau à ton doigt pèse le poids violent de brûlants remords, et d'une culpabilité que tu noies dans les bulles de ta flûte de champagne que tu tiens entre les mains. L'annonce a été intimiste, Newt devait être le premier à le savoir, avant que vos fiançailles ne soient annoncées en grandes pompes à vos connaissances plus ou moins proches, et que la rumeur se répande comme une traînée de poudre au ministère.
Tu as laissé à Theseus le soin de parler. De ton côté, tandis qu'il se lançait dans ce long laïus sur l'importance de cette annonce pour lui, pour vous, et sur combien il était important également pour lui que son frère lui serve de témoin, ton regard à toi ne quitte pas la silhouette de Newt, qui évite soigneusement ton regard. Vous êtes confortablement installés dans votre grand salon, et tu le sens moins à son aise que jamais dans ce décor où tu devines qu'il ne s'est jamais senti à sa place. Il n'a fait aucun commentaire au moment d'apprendre votre relation... qu'aurait-il pu dire, après tout... Mais tu le connais, tu aimes même penser que tu le connais mieux que personne. Tu es capable de comprendre ses pensées sans les entendre, tout comme il a toujours su être sensible aux tiennes... comme Theseus, bien trop pragmatique... bien trop... équilibré... n'en sera jamais capable.
Il y a en toi cette part violente et cruelle, impulsive, qui veut qu'il ait mal, pas parce que tu veux le voir souffrir, mais parce que tu as besoin de te convaincre qu'il t'aime encore. Tu veux t'accaparer son attention, son coeur, sa présence, sans pouvoir lui offrir en retour ce qu'un coche raté vous aura réellement empêchés de vivre en retour. Il est naturel de vouloir avoir cette emprise sur ton coeur, lui qui en a encore tant... sur le tien. Quoi que tu fasses, tu ne parviens pas à y échapper... C'est plus fort que toi... C'en est même douloureux. Tu te fais du mal en leur faisant du mal. Oui, à Theseus aussi. Car combien de temps faudra-t-il avant qu'il ne prenne conscience de tes erreurs et de ce qu'elles ont d'impardonnables ?
Tu profites que ton fiancé se soit absenté quelques instants pour gérer une quelconque affaire urgente dans son bureau et d'être seul dans la même pièce que Newt pour le détailler de tes prunelles sombres, avant de finalement briser l'inconfortable silence qui s'est installé entre vous.
Theseus parlait. Un flot continu absolument inaudible pour Newt qui le percevait comme un brouhaha étouffé, très loin de lui. Il flottait dans le vide, tout comme son regard constamment en fuite. Encore plus maintenant. Sa main était si lâche que sa coupe de champagne à moitié vide manquait de tomber à plusieurs reprises. Newt était abasourdi. Choqué. L’annonce de son frère eut l’effet d’un véritable coup de massue sur lui. Leta et lui ? Fiancés ? Il ne savait même pas qu’ils se fréquentaient tout court ! Forcément, des images plus crues lui virent immédiatement en tête, crevant son cœur avant de le taillader en un millier de morceaux. Son imaginaire le torturait allègrement, sans que cela ne trouve jamais de fin. Newt, déjà très peu à l’aise dans ce genre de situation, s’enfonçait davantage dans son mutisme. Il souffrait. Durement. Le simple fait d’observer Leta ravivait cette douleur intense. Alors, son regard ne quittait jamais ses pieds. D’un geste discret, il desserrait même le col de sa chemise dès l’instant où il eut cette horrible sensation d’étouffement. Il avait envie de hurler. De se perdre dans sa colère et vomir sa jalousie et sa tristesse sur son grand frère. Newt était trop timide pour oser se dresser contre son Theseus. Le simple fait de penser à une telle chose le plongeait un peu plus dans cette sidération et cet état de malaise. Il ne voulait plus l’entendre. Il voulait juste partir. Continuer l’écriture de son livre. Ne plus jamais voir Leta. Être tranquille… Un cercle vicieux dans lequel Newt s’enfermait. Il buvait une gorgée. Ses pensées mortifères s’accéléraient au même rythme que son cœur au bord de l’effondrement. Alors il buvait encore. Nouvelle accélération. Il buvait. Accélération. Boire…
Theseus posait subitement sa main sur sa cuisse après s’être penché vers lui. Newt sursaute légèrement, comme lorsqu’il se réveillait d’un cauchemar. Theseus avait bien remarqué que Newt n’était pas à la conversation. Son geste, pour cet homme très peu tactile, avait eu le don de le ramener sur terre. « C’est important pour moi, Newt. Tout comme c’est important pour moi de t’avoir à mes côtés. Tu es mon petit frère. Je ne vois que toi pour être mon témoin. » Homme profondément gentil, loin de nourrir des sentiments comme la rancœur ou encore la vengeance, le feu qui s’était brièvement développé en lui s’était éteint de lui-même lorsqu’il croisa le regard de son frère. Comment lui en vouloir d’être tombé amoureux de Leta et de vouloir faire sa vie avec elle ? Il était le mieux placé pour le comprendre comme lui-même s’était épris farouchement de la jeune femme depuis leurs années à Poudlard. À la différence de Theseus, il n’avait jamais trouvé le courage de confesser cet amour auprès de la principale intéressée, mais de simplement entretenir une ambiguïté maladroite sans pour autant être dénuée de charme. Newt comprenait que Leta ait possiblement pu s’être lassée de son introversion et de son incapacité à se dévoiler. Il n’empêche qu’il avait malgré tout profondément mal. Il évitait soigneusement Leta des yeux, se focalisant sur son frère bien que l’alcool lui tapait contre ses tempes. Il avait bu trop vite. « Je sais, Theseus. J’ai compris. » Dans un tic nerveux, Newt se frottait le front, le regard fuyant à nouveau. « Je serai là pour toi. Ça n’est pas tous les jours que mon frère se marie. » Il lui adressait un sourire aussi discret qu’amer. Theseus ne relevait que le rictus de surface, pensant son frère heureux pour lui, et une part de Newt l’était sincèrement. Dommage que ce soit Leta qui l’empêchait de l’être pleinement.
Theseus prétexta ensuite qu’il avait une affaire urgente à régler pour se dérober dans son bureau. Newt et Leta se retrouvèrent seuls. Newt ne la regardait pas, ses yeux trainant sur son environnement proche à sa gauche, en biais. Un silence inconfortable s’était imposé. Il s’était écoulé que quelques secondes à peine et pourtant Newt avait la nette impression que ce duel silencieux durait depuis des années. C’était probablement cela qui lui faisait le plus mal : ce silence gênant supputant que lui et Leta n’avaient plus rien à se dire, à partager, alors qu’il y a encore quelques années à peine ils n’étaient pas l’un sans l’autre une seule seconde de leur existence. Newt regrettait ce temps, tout comme il regrettait pléthore de choses vis-à-vis de Leta qu’il ne prendrait pas le temps de confesser. Puis, pour son grand malheur, Leta brisa la torpeur devenue réconfortante de ce silence. « Je te ressers du champagne ? » Newt laissait son regard s’échouer sur coupe qui traînait dans sa main pour jauger s’il avait encore besoin d’alcool. « Ça n’est pas ça qui va m’aider à digérer, tu sais. » Pour la première fois depuis son arrivée, il la confrontait du regard. Il n’était pas froid, mais plutôt triste. En revanche, le ton de sa voix tranchait nettement, bien plus sec et acerbe. Aussi timide et introverti que pût être Newt, il lui arrivait d’avoir des sursauts d’honnêteté comme celui-ci. Leta voulait qu’il ait mal ? C’était réciproque. Brièvement, certes, mais ça l’était. « Il ne s’est pas moqué de toi. » disait-il en remarquant la bague de fiançailles que Leta portait à son doigt. Il se penchait brièvement pour déposer sur la table basse sa coupe de champagne. « Un auror. Une belle bague. Une belle maison. Une belle réputation. Un bel avenir qui se profile… C’est si convenu… Si convenu… Si peu toi finalement… » Newt s’affalait à nouveau et progressivement dans le canapé au rythme de ses pensées. Si au début, il était un poil cinglant dans le ton de sa voix, elle devint progressivement trainante, détachée et distraite, signe manifeste que Newt retournait dans son monde, dans ses pensées. Il avait cessé de regarder Leta depuis un moment d’ailleurs, trouvant plus intéressant d’observer cette mouche virevolter près de la tringle à rideaux, cherchant un endroit où se poser. Seul son bruit très typique perturbait le silence qui refit son apparition. Au final, Newt se sentait comme cet insecte : de trop dans cet environnement immaculé et parfait frôlant l’outrant pour lui qui chérissait un peu plus de désordre et de naturel.
Theseus n’y a vu que du feu… Tu t’es toujours étonnée de l’aveuglement dont il pouvait faire preuve quand il était question de son frère. Cela venait sans doute d’un besoin maladroit de vouloir faire de lui quelqu’un de plus… intégré à la société, comme Theseus savait l’être naturellement… Il pense rendre service à Newt en le faisant rentrer dans une sorte de moule qui lui convient si mal, et il ne se rend pas compte d’à quel point il ne peut y être qu’à l’étroit. Quant à toi… Il n’est pas beaucoup plus lucide quand il est question de toi, ça tu l’as rapidement constaté, Leta. Il n’est pas moins aveugle te concernant. Tu ressembles en vérité bien plus à Newt qu’à Theseus… toi non plus, tu ne fais pas partie de ce moule social si convenable… La différence ? C’est que tu sais jouer cette comédie à la perfection. C’est de cette manière que tu te protèges… c’est de cette façon que tu t’imagines ne pas totalement perdre pied.
Quand vous êtes enfin seuls tous les deux, Newt et toi, tu le regardes sans le lâcher des yeux, et tu te sens soulagée de cette franchise dont il ne saura pas faire preuve avec son aîné. Tu le connais et il le sait. Il ne peut pas te cacher ce qu’il ressent. Et sans doute un peu cruellement, Leta, tu en joues. Tu as envie que cette nouvelle le rende malheureux, même si c’est injuste pour lui. Non, un verre de champagne ne l’aidera pas à digérer… ça ne t’empêche pas de le resservir, l’air… plus assuré que tu ne l’es vraiment.
Tu caresses ensuite distraitement la bague à ton doigt quand il remarque que son frère ne s’est pas moqué de toi. En effet… il a mis les moyens. Tu sais l’apprécier… Tu as songé à quoi ressemblerait une bague de fiançailles si c’était Newt qui avait posé un genou à terre… est-ce qu’il aurait seulement osé… Il aurait probablement improvisé ave les moyens du bord, ou t’aurais offert un botruc de fiançailles… et ça aurait été le plus beau cadeau du monde à tes yeux.
"Tu en es sûr ?" tu réponds doucement en reprenant ta propre coupe de champagne pour y boire une gorgée, alors qu’il te dit que tout ceci est trop convenu, bien trop convenu pour toi. Tu aimes qu’il le pense, parce que tu le penses aussi. Tout ça ne te ressemble pas du tout… et c’est justement pour cette raison que tu te l’octrois… C’est cet ersatz de normalité, de conformisme, qui te garde à la surface et t’empêche de te noyer. Tout le monde parviendra à croire que tu t’es fondue dans le moule. Mais Newt, jamais. Et cette pensée te plaît. "Qu’est-ce qui est supposé être moi, selon toi ?" tu ajoutes en le fixant plus intensément que tu ne le devrais.
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The end of us (Newt)
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