Maigre rayon qui perce la fenêtre, le matin s’annonce sur le monde et au sein de la demeure d’Alicent Hightower. La chaleur réconfortante du soleil caresse sa peau, la traverse… L’ancienne reine se réveille en douceur aux alentours de neuf heures et demie du matin. Le chant des oiseaux agrémente le tout d’une jolie manière. L’automne confère aux lieux des allures de paradis avec ce tapis de feuilles orangées qui s’allonge au gré du jardin. Malgré la quiétude dans laquelle baignait le manoir, sa riche propriétaire était déjà agacée à peine ses yeux ouverts sur le monde. La raison d’une telle tempête ? Son fils aîné, Aegon. À en croire le vacarme qui vint troubler la sérénité du lieu à cinq heures trente-sept du matin, il était rentré tard,
encore une fois. Probablement saoul,
encore une fois. Dieu seul sait dans quel lit avait-il dormi,
encore une fois, avant de rejoindre ses pénates ici. Alicent avait beau aimer ses enfants plus que sa propre vie, elle était complètement dépassée par Aegon. La brutalité n’avait eu aucun effet sur lui, si ce n’est fragiliser leur lien. Elle voulait le meilleur pour lui, un meilleur convenable à ses yeux
à elle, mais son fils prenait de toute évidence le chemin opposé. À regret, elle savait qu’il n’était absolument pas fait pour une vie responsable, mais à défaut d’avoir de grandes aspirations dans ce nouveau monde comme Aemond, elle voulait qu’il ait au moins une vie respectable dont elle pouvait être fière et dont elle pouvait se vanter auprès de ses amies. Pour le moment, c’était tout sauf le cas et très loin de l’être.
Alicent tentait de s’apaiser une fois dans son bain et pendant qu’elle se préparait. Rien n’y faisait : sa colère était tenace et ne se dissiperait pas tant qu’elle n’aurait pas déversé son fiel sur Aegon. Elle était intransigeante, encore plus parce qu’il était
encore en train de trainer sous son toit à son âge. Sa énième incartade ne passerait pas. Déjà que cela la démangeait d’entrer comme une furie dans sa chambre et de le réveiller comme elle savait si bien le faire : brusquement, sans masquer l’âpreté de sa colère en affutant ses paroles pour faire d’elles des lames redoutables. Parfois, elle essayait de se raisonner et de s’adoucir quand elle pensait à la confrontation, mais Alicent savait qu’elle en était tout bonnement incapable à cause de son cœur aussi froid que la banquise. Elle était d’ailleurs très loin de se douter qu’une bêtise pire encore que les frasques nocturnes de son fils allait perturber la tranquillité déjà toute relative de sa matinée.
Vu l’heure qu’il était, quand elle descendit au salon, elle n’était pas étonnée de ne pas y voir son second fils, Aemond. Il était probablement déjà parti à l’université et Alicent était rassurée d’avoir au moins un fils sur deux responsables — c’était un souci en moins pour elle. Et sans surprise, Aegon brillait par son absence : il devait dormir comme un sac. Une pensée qui fut suivie d’un soupir de la part d’Alicent qui tentait une énième fois d’éteindre le feu de sa colère en observant l’horizon au travers d’une large fenêtre de son salon. Quand elle passait ensuite par les cuisines quelques minutes plus tard, elle demandait aux gouvernantes de lui apporter son petit-déjeuner à table. Elle en profitait un petit quart d’heure plus tard, mais alors qu’elle s’apprêtait à engloutir sa première tartine, on sonnait à la porte. Énième soupir poussé. Alicent ne serait définitivement pas tranquille.
Un enfant de cinq ans environ se tenait derrière la porte. Il portait en guise de vêtement des guenilles et tenait entre ses mains une lettre. Ce n’était pourtant pas ce qu’Alicent remarquait en premier quand elle le toisait du regard, mais plutôt l’azur de ses iris et la blancheur immaculée de ses cheveux qu’elle reconnaitrait entre mille. La colère se dissipait, effectivement, quand elle vit l’enfant. Pour être aussitôt remplacée par une fureur sanglante qui consumait en elle le peu de calme qu’il lui restait. Et la lettre ne fit que confirmer ses craintes, empirant son état : elle avait sous ses yeux l’un des enfants illégitimes d’Aegon. Compte tenu de l’inconstance de son fils, elle ne doutait pas de leur existence, mais elle ne pensait pas un jour que le destin l’insulterait en lui faisant rencontrer l’un d’eux. En dépit de la violence qui la traversait, elle ne laissait rien paraître devant l’enfant, lui adressant un sourire réconfortant. À l’aide d’une pression sur l’épaule, elle lui fit signe d’entrer et d’attendre qu’elle revienne sur l’un des fauteuils du salon. Alicent lui donnait même l’une de ses tartines pour qu’il ait quelque chose à se mettre sous la dent, puis elle se rendait à l’étage du manoir, munie de sa lettre. Elle était à deux doigts d’exploser.
Dès qu’elle se retrouvait devant la porte de la chambre de son fils, impossible pour elle de retenir sa colère plus longtemps. Elle rentrait comme une furie, à tel point que la porte claquait violemment contre le mur et faisait un boucan pas possible. D’un coup, elle ouvrait les volets sans prendre la peine de les accrocher, simplement pour faire rentrer la pleine lumière dans la chambre d’Aegon. Puis elle lâchait ses éclairs sur lui avec une rage indescriptible, les flammes de sa colère dansant dans son regard noir de rage.
« AEGON ! » Elle le secouait avec violence pour qu’il se réveille.
« COMMENT AS-TU PU ?! AEGON ! » Alicent hurlait, débarrassant son fils de sa couette pour le forcer à se lever. Elle était si énervée qu’elle en tremblait, frappant son fils à coup de claques données ici ou là sur ses épaules, ses bras ou sa tête pour évacuer de la pire des façons cet excès de violence qu’elle avait en elle.
« PAS UN JOUR NE SE PASSE SANS QUE TU M’INSULTES DE LA PIRE DES MANIÈRES ! PAS UN JOUR, AEGON ! RÉVEILLE-TOI ! » Puis dès que son fils se réveillait et qu’il avait le malheur de poser son attention ensommeillée sur elle, elle lui donnait une claque. De toutes ses forces. Un silence de plomb régnait. Alicent faisait tout pour rester maitresse de son émotion qui lui donnait les larmes aux yeux. Elle regrettait bien entendu immédiatement cette violence. Mais elle était gangréné par la honte. Une honte qui l’empêchait de regarder son fils en face. Après de très longues secondes aux allures d’éternité, elle faisait tomber la lettre sur son lit, le dévisageant avec mépris. Elle était toujours aussi en colère, mais froide, ce qui la rendait encore plus dangereuse et menaçante.
« Un de tes bâtards est actuellement dans mon salon. Comment peux-tu salir mon sang, mon nom et celui de ton père de la sorte ? Tu ne m’inspires que dégout et honte, Aegon. » Le calme qu’elle affichait était tout relatif : on percevait encore la vive émotion dans sa voix et dans son regard. Alicent se sentait profondément trahie par son fils. Profondément déçue par son comportement indigne du roi qu’il était — il le restait dans son cœur et dans sa tête, qu’importe qu’ils aient changé de monde.
@christmastown