besoin de me défouler sur la piste de danse

Ramona Flowers a pris une décision audacieuse pour la soirée : elle se rend aujourd'hui au Mooney's Nightclub, un lieu d'élégance et de raffinement si on en croit la réputation. Un d'autre termes : une vraie boite de bourges.  Ce n'est pas le genre d'endroit où elle irait spontanément si ca ne tenait qu'à elle.

La déco est bien loin des standards sombres et underground qu'elle a l'habitude de fréquenter. Ici on donne dans le velours, les cuirs et les miroirs. Avec un peu de mauvaise foi Ramona pourrait dire que l'endroit ressemble à l'idée qu'elle se fait d'un lupanar de luxe ...

La raison de sa visite est simple : Malone, un musicien qu'elle connait, doit se produire ce soir sur la scène. Il lui a offert des invitations gratuites pour entrer et venir le voir. L'occasion au passage de vérifier si les préjugés qu'elle a sur l'endroit sont fondés ! Au mieux elle prend le risque de passer une bonne soirée au milieu d'un cadre qu'elle ne connait pas. Au pire, elle aura fait plaisir à un copain et parlera en connaissance de cause quand elle critiquera le monde doré de la bourgeoisie du coin.

Ramona a fait des efforts pour essayer de s'intégrer à l'atmosphère chic du club. Petite robe noire, bottes montantes, maquillage travaillé et collier argenté ras le cou. Ses cheveux bleu électrique contrastent évidement avec le look des habitués du Mooney's mais aucun videur ne l'a empêchée d'entrer.

Elle se retrouve ainsi dans la salle, à faire un peu tapisserie en attendant l'arrivée de son pote, supposé venir la cueillir ici (et pourquoi pas, lui montrer un bout des backstages du show). Mais pas de bol ... un texto de Malone tombe. Le copain a une galère et ne pourra pas venir. Visiblement le manager de Malone est furieux, il va devoir être remplacé à l'improviste.  Quelques textos sont rapidement échangés et Ramona doit se rendre à l'évidence : Elle s'est fait poser un lapin ! Même si ce n'était pas dans l'intention de Malone, le résultat est là : elle se retrouve toute seule à passer la soirée ici, dans un lieu où elle ne se sent pas spécialement à l'aise.

Elle pousse un soupir alors qu'elle range son téléphone.

- Bon okay ... on va pas se gacher la soirée pour si peu.

Après tout, maintenant qu'elle est là, habillée, prête à faire la fête, autant donner une chance à l'endroit. Quoi de mieux pour ça de commencer essayant de se fondre dans l'ambiance en se dirigeant vers la piste de danse ? La playslist est pas ce qui se fait de plus dingue mais elle sait se montrer tout terrain ...

Mais évidement ... une jeune fille qui danse seule ne tarde jamais à attirer les regards. Et on peut dire que cette fois, elle attire vraiment l'attention d'un mauvais poisson. Un homme l'aborde. Quinquagénaire qui a abusé de spray autobronzant et d'eau de cologne, il porte un beau costume mais affiche avec trop d'ostentation ses gourmettes en or et sa montre de luxe. Il tente une approche directe, misant tout sur l'épate pour tenter d'impressionner la femme aux cheveux bleus. Intrusion dans son espace personnel, insistance pour offrir un verre. Il est lourd, il est collant. Ramona n'arrive pas à s'en débarrasser. C'est au moment où le balourd va jusqu'à faire des promesses d'argent qu'elle décide que trop c'est trop.

Elle déclare sèchement et pour la énième fois

- Pas intéressée, désolée

Et puisqu'elle sait que ca ne découragera pas le spécimen qui l'a prise en chasse, déclare abruptement.

- C'est mes amis là-bas.

Elle fuit en direction du bar et parmi toutes les personnes qu'elle aperçoit, il y a un couple qui retient son attention. Elle les rejoint et les aborde comme si elle les connaissait depuis toujours. Elle profite de la surprise de son intrusion pour échanger une bise avec la femme et venir se poser à côté d'eux tout en expliquant.

- Désolée , je fais semblant de vous connaître. Il y a un reloud qui veut pas me lâcher. Je vous embète pas longtemps.

Elle adresse un franc sourire aux deux, n'osant se retourner pour regarder du côté de la piste de danse où, en effet, l'homme en question continue de la fixer avec une insistance outrancière malgré la distance.

- ... enfin ... j'espère.

Elle adresse un sourire d'excuse à l'homme et à la jeune femme qui doit avoir approximativement son âge. Profitant de la présence du barman pour le couple, elle commande machinalement.

- Je vais prendre la même chose.

Elle a aucune idée de ce quoi elle va tomber. Mais quoi que ce soit, ce sera très bien ...

Au comptoir du Mooney's Night Club, Ramona avait trouvé au milieu couple élégant, arrivant visiblement à la toute fin d'une conversation un tout petit peu compromettante sur ce qui semble être les relations extra-conjugales. (Pardonnez le quiproquo, elle n'arrive que pour entendre les ultimes paroles de l'échange !). Un regard rapide aux mains gauche de chacun révèle des alliances différentes, une source de divertissement muet pour Ramona qui affiche un très fin sourire. Elle décide de faire comme si elle n'avait rien vu ni entendu et se laisse envelopper par la conversation des autres.

À sa surprise, le couple ne semble pas dérangé par son intrusion. La femme lui adresse un sourire élégant et un accueil chaleureux, tandis que l'homme, charismatique et poète, la salue avec une volubilité intrigante.

"Vous semblez porter un fardeau plus lourd que ce que votre apparence laisse présager. Les fils du destin s'entremêlent autour de vous, jeune guerrière" dit-il, et "Votre présence ici n'est pas un hasard. Il y a des forces en jeu que même les dieux observent avec intérêt."

Ramona, perplexe face à la mystérieuse prophétie, perçoit tout de même le charisme et l'élégance du personnage. L'âge a le pouvoir étrange d'agir comme un vernis sur certains hommes, ajoutant un style à une personnalité déjà pleine de confiance en soi. Elle comprend mieux pourquoi la jeune femme à sa droite était en pleine discussion "légère" avec lui. Le genre d'homme qui captive, même s'il ne s'agit que d'une rencontre éphémère.

Avec une gentille ironie, la jeune femme aux cheveux électrique répond.

- Eh bien, j'espère que les dieux me permettront de passer une bonne soirée. Ils commenceront à m'aider si le pénible de la piste de danse finit par lâcher l'affaire.

Les paroles sibyllines de l'homme avaient bien sûr laissé Ramona perplexe, mais elle ne s'attarde pas dessus. Elle met cela sur le compte de l'originalité ou de quelques verres (voire pire) de trop. Dans le fond, elle a toujours trouvé les gens perchés plutôt amusants.

Le barman ne tarde pas à revenir avec leur commande. À la gauche de Ramona, l'homme aux allures princières sort un portefeuille ventru pour régler les consommations. Ramona, bien que n'ayant pas l'intention initiale de ne pas payer sa boisson, décide de ne pas se battre pour l'addition, remerciant l'homme d'un sourire sincère. Le cocktail qu'il a commandé, à base de champagne, de vodka et de jus de fruit, semble être une expérience en soi. Elle le remercie d'un geste en levant son verre dans sa direction puis en direction de la jeune femme et demande, avec curiosité.

- Vous nous avez choisi quoi pour ce soir ?

Elle parle du cocktail évidemment. Au milieu du bruit ambiant et de la musique, elle n'avait pas saisi le nom de la boisson. Se sentant redevable auprès d'eux, elle estime au moins pouvoir se fendre d'une présentation.

- Je m'appelle Ramona. Merci de m'avoir sauvée.

En vérité peut-être que c'est plutôt l'homme à l'assiduité débordante qu'ils ont permis de sauver. A force de jouer avec la patience de Ramona, elle aurait pu finir par se fâcher et flanquer une raclée malheureuse à cet homme qui ne comprend pas le sens du mot "non". Une telle démonstration de violence aurait fait tâche au milieu du faste et des paillettes du Mooney's ...

Ramona reste interdite un moment en entendant le nom du cocktail, regardant le gentleman avec un mélange d'incertitude et d'effarement.

- Vous avez dit quoi ... ? Porn pornstar ?

Oui, c'est bien ça, elle en reste bouche bée un instant avant d'être secouée d'un rire joyeux. De toutes sa vie, jamais elle n'avait entendu un nom de cocktail pareil et jamais elle n'aurait imaginé quelqu'un l'annoncer avec autant d'aplomb et de naturel que l'homme qu'elle a en face d'elle. L'instant de surprise passé et n'étant pas du genre à rougir pour si peu, Ramona regarde d'un air pensif le verre dans lequel elle avait finalement décidé de tremper les lèvres.

- Vodka ... champagne ...

En vérité c'est pas si mal. Si on omet le caractère outrageusement luxueux du cocktail, on peut dire que les ingrédients se mélangent plutôt bien. La sobriété élégante du champagne gagne à être corsée par l'alcool blanc et sec, susceptible comme il le dit si bien de "libérer l'esprit des contraintes mortelles". Les jus de fruit apportent un côté sucré qui est contrasté par la présence de l'acidité du citron. La boisson propose ainsi un équilibre à la fois robuste et élégant. Le verdict tombe.

- J'aime plutôt bien. Qui l'aurait cru ... ?

La présence de l'individu est telle que Ramona pourrait s'imaginer rester à l'écouter ainsi parler pendant des heures, s'amusant de ses tournures de phrases à la fois étranges et grandiloquentes. Une fois encore il la désigne comme une guerrière. Elle en sourit et lève les mains, feignant la posture de l'aveu.

- Ah vous m'avez démasquée. J'avais laissé mon arme de guerre au vestiaire pourtant.

Venant de n'importe qui d'autre, la déclaration passerait pour une plaisanterie. Un second degré joyeux utilisé pour ajouter une pointe d'humour à une conversation déjà légère et détendue. Ramona savoure avec une secrète satisfaction que sa déclaration improbable soit pourtant rigoureusement exacte. Prise au jeu, elle répète ensuite les paroles de l'homme en demandant.

- Ah non, ce n'est pas un hasard ... ?

Deux fois déjà que l'homme lui affirme ça également. Elle avait envie de tirer le fil de la conversation jusqu'à découvrir ce qu'il a derrière la tête en disant cela.

Une idée en chassant une autre, Ramona semble prendre conscience en même temps que son voisin du long silence dans lequel la femme était plongée. Incertaine de la réaction qu'a pu avoir sa voisine à l'annonce du nom du cocktail et à la suite du discours, elle jette un regard curieux à sa droite là où elle se tenait quelques instants auparavant. Et constate en même temps que lui que la femme mariée avait subitement disparu.

- Oh ... wow.

La situation vient de prendre un tournant inattendu. Ramona avait interrompu le couple et pensait les avoir entendu parler d'adultère. Elle imaginait du coups que ces deux là étaient en train de partager une petite aventure dans le dos de leurs conjoints respectifs (on ne juge pas) et qu'elle arrivait donc comme un cheveu sur la soupe entre les deux. Elle ne s'attendait pas au départ soudain de l'une des deux interlocutrices.

Elle tourne vers le gentleman un regard surpris.

- On dirait que votre amie a pris la fuite. Vous n'étiez pas ensemble ... ?

Elle fait donc face à celui qui est donc désormais son seul et unique interlocuteur, incertaine maintenant de savoir exactement dans quelle situation elle se trouve. Les seules certitudes qu'elle a, c'est que l'homme est marié, qu'il dégage un magnétisme rare et qu'elle a pour l'instant le privilège d'être le centre de son attention. (C'est étrange ça d'ailleurs ... pourquoi devrait elle se sentir privilégiée pour ça ... ? Il y a derrière tout ça une force qu'elle n'explique pas).

L'homme se présente. Zeus. Un prénom reconnaissable entre mille. Un fin sourire aux lèvres, Ramona demande.

- Le maître de l'Olympe en personne ... ? Ca explique beaucoup de choses.

Son ton est léger, amusé. Au moment où elle prononce ces mots, elle est persuadée d'avoir affaire à un excentrique qui adopte l'attitude du fameux personnage mythologique. Elle pense avoir affaire à un mystificateur et ca ne la dérange pas. Elle prend le même plaisir à parler avec faux-Zeus qu'elle en aurait à parler avec le sosie d'Elvis et que si elle envisageait de lui parler de sa dernière tournée à Hawaï.

Elle écoute Zeus parler avec passion de hasard et de destinée. Ramona accepte de mordre à l'appât de la conversation et de voir jusqu'où mène ce fameux "fil du destin" en demandant avec légèreté.

- Et quel est le caprice du Destin ce soir, selon vous ... ?

Elle relance la conversation, curieuse de voir jusqu'où peut la mener ce fameux "fil du destin" que Zeus s'amuse à lui proposer.

Elle semble malgré tout surprise que l'homme ait fait si peu de cas du départ de Kate. Elle est partie sans un mot. C'est à peine si il a sourcillé. Zeus est donc ainsi, à faire la conversation aux dames plus jeunes et à les oublier immédiatement après ? C'est amusant de voir à quel point les hommes, même les dieux, peuvent parfois être distraits.

Zeus sort le grand jeu, comparant Ramona à une étoile éclatante. La phrase pourrait être ringarde mais dans la bouche d'un dieu, la flatterie résonne autrement. Un sourire discret naît sur les lèvres de la jeune femme.

- Ce ne sont pas les marins perdus qui cherchent suivent les étoiles, d'habitude ... ? Vous n'avez pas un port auquel rentrer, Zeus ?

Une référence subtile au petit cercle de métal qui ceint l'annulaire de l'homme et dont la présence n'offusque pas beaucoup Ramona dans le fond. Les hommes sont ce qu'ils sont. Elle préfère en plaisanter.

A la fois mystérieux et avec une étonnante perspicacité, Zeus questionne la jeune femme. Avec sa grandiloquence naturelle auquel elle commence à s'habituer, le roi des dieux l'interroge sur ses attentes, ses rêves, ses aspirations. Des réflexions qui prennent Ramona au dépourvu. Mais la surprise fait rapidement place à la réflexion sur le visage de la jeune femme.

- Ca ... ce sont de très bonnes questions ...  

Il y a pas de réponse facile. La vie est faite ainsi. Les mensonges sont simples. La vérité nécessite souvent que les choses soient complexes. Ramona a besoin de prendre quelques instants de réflexions avant de répondre. Elle même n'est pas certaine de savoir ce qu'elle cherche ou ce qu'elle veut dans la vie. Ce soir, il y a la lumière, les paillettes, le bruit. Et ce dieu qui soudainement s'intéresse à elle. Mais ce n'est pas ce qu'elle était venue chercher à la base. Elle était venue voir sur scène un copain qui finalement s'est débiné.

- J'imagine que j'étais curieuse de venir.

Et voir comment les bourgeois faisaient la fête. Entendre de nouveaux sons, être éblouie par de nouvelles lumières. Mais ca cache sans doutes des causes et des besoins plus profonds. L'ambiance rugissante des concerts dans lesquels elle aime se plonger. Sa soif de liberté toujours plus grande. Son métier ne serait pas génial aux yeux de beaucoup, mais elle l'aime. Elle parcourt la Ville à toute vitesse, lunettes baissées, cheveux dans le vent. Elle aime quand ses roues crissent sur le bitume et que les gens la voient passer comme un éclair coloré qui traverse leur vie le temps d'un clin d'oeil. Elle aime foncer au mépris de toute prudence et de toute raison. Sensations extrêmes. Rencontres nouvelles. C'est ce qui la fait vivre. C'est ce qu'elle cherche.

- En fait, je suis venue vivre. Des choses neuves.

Grisée par ses propres réflexions, un sourire franc finit par naître sur ses lèvres et elle lève le regard vers l'homme qui, définitivement, possède un certain talent pour deviner ce qui se cache au fond des gens.

- Je refuse de m'encroûter. Je veux que ca bouge, que ca file à toute vitesse. Je veux être éblouie par des lumières et que ces flashs restent gravés en moi et me fassent vibrer. Je veux que demain matin quand je me réveille je me dise "putain, j'ai vécu un truc énorme" et que je me dise "des trucs comme ça, je vais en vivre encore plein".

Ouais, elle s'enflamme un peu. Est-ce l'alcool ? La musique ? L'ambiance électrique de la soirée ? Ou peut-être le regard vif et profond de celui qui est à l'origine de cette introspection aussi  soudaine que fructueuse. En reposant son verre vide, Ramona propose soudainement.

- C'est votre truc de danser  ... ?  

Visiblement, elle a oublié jusqu'à l'existence du pénible qui l'avait faite fuir de la piste quelques temps auparavant.

La musique résonne dans la discothèque, enveloppant Ramona et son étrange compagnon dans une atmosphère électrique. Les paroles du Dieu semblent résonner dans l'esprit de la jeune femme, créant un état d'étrangeté qu'elle n'a que rarement connu. Les discours à la fois évasifs et mystérieux sur le destin, la prédestination et la grandeur s'entremêlent dans sa tête, troublant ses pensées habituellement si claires. Elle boit ses paroles, hypnotisée par cette présence qui semble dépasser le cadre de la réalité alors que lui semble s'amuser de réussir à captiver ainsi sa proie mortelle.

Ramona, d'ordinaire si lucide et indépendante, se laisse emporter par une force qu'elle ne comprend pas vraiment. Une aura mystique émane du Dieu, influençant ses pensées, brouillant ses résolutions et ses envies du soir. Elle ressent une attirance magnétique, un pouvoir inexplicable qui la pousse à oublier l'intention initiale de simplement découvrir les lieux, regarder le spectacle de son ami et de repartir tranquillement.

Elle sourit quand, mue par une pulsion irrésistible, elle propose à Zeus de rejoindre la piste de danse et que celui-ci accepte avec sa grandiloquence naturelle. Ils rejoignent le dancefloor et immédiatement leurs corps s'accordent aux sons envoûtants de la musique.  Au milieu des couleurs, des flashs et des ombres des danseurs anonymes qui se pressent autour d'eux, mortelle et divin fusionnent dans une chorégraphie spontanée dictée par le rythme des tubes que diffusent les enceintes immenses. Les mouvements de la jeune femme, empreints de grâce et de vivacité, se marient à l'assurance surnaturelle et la puissance qui émanent du Dieu.

La danse devient un langage silencieux, une connexion entre deux êtres que tout oppose en apparence. Les corps se rapprochent, se séparent, se frôlent dans un jeu de proximité et de retrait. Le regard de Ramona glisse avec assurance et un soupçon de provocation sur le corps de Zeus, capturant l'énergie qui semble émaner de lui. Chaque coup d'oeil est l'occasion de jauger l'homme, de juger ses gestes et de capturer l'intensité de ses regards.

A chaque changement de musique donnent l'opportunité aux deux partenaires de danse de présenter un nouveau tableau. La manière dont le corps de Ramona se meut s'adapte à chaque nouveau son avec un naturel qui prouve l'habitude. Ses pas se font tantôt énergiques, éblouissants par l'énergie brute qu'elle dégage et le peu retenue qu'elle s'impose. Tantôt, lorsque la mélodie l'y pousse, ils deviennent plus sensuels et intimes. Ils donnent l'impression de créer une bulle autour des deux danseurs où rien n'existe en dehors.  Pour la première fois depuis bien longtemps, Ramona danse pour quelqu'un et non pas juste pour elle. Intimement consciente d'être le centre de l'attention du Dieu, elle se rapproche parfois, le frôle. Puis s'éloigne. Elle passe à portée de sa main sans jamais franchir la limite, se mettant volontairement en situation où il n'aurait qu'un infime mouvement à faire pour combler l'écart qui les sépare.

Etoile hypnotisante à portée de main, mènera t'elle le marin qui veut la suivre à bon port ou à sa perte ?

@Zeus Pantokrator

La piste de danse du night-club s'illumine de l'éclat des lumières stroboscopiques, imprimant sur les rétines une série d'images figées et éblouissantes. Les basses résonnent dans le corps des deux danseurs, créant une pulsation hypnotique et primale qui impose son rythme à leurs mouvements.

Zeus se meut avec une assurance dominatrice, donnant l'impression de régner en maître, à la fois sur les lieux et sur la foule d'anonymes figurants dont les silhouettes floues et indistinctes ne semblent exister que pour sublimer et mettre en valeur les mouvements du Dieu. Ses mains puissantes effleurent le corps de Ramona de manière presque possessive, et laissent sur la peau l'empreinte de frissons électriques. La danseuse répond avec une intensité troublante au jeu de séduction où chaque geste semble être une réplique à une invitation invisible.

La voix, suave comme du miel et puissante au point de s'imposer sur la musique s'insinue à l'oreille de la jeune femme, tissant des compliments enchanteurs et laissant entrevoir de fascinantes promesses. La volonté d'une mortelle est peu de choses comparée à la fascination qu'exerce un être divin. Attirée par le danseur comme un papillon de nuit voletant autour de l'éclat brut d'une lumière éblouissante, Ramona se laisse porter autant par la musique enivrante que par les paroles magnétiques du maître l'Olympe.

Sur la piste de danse, au cœur de la musique enivrante, les limites de la réalité semblent s'estomper pour Ramona.

La voilà projetée dans un songe éveillé ...

Dans son rêve, Ramona se voit petite fille. Mais pas la petite fille qu'elle était à l'époque, sage, avec ses cheveux longs et lisses et des jolies robes en dentelle. C'est une version miniature d'elle même, avec ses cheveux colorés, vêtue de fringues qui définitivement ne correspondent pas à l'époque de son enfance.

Elle se trouve au milieu de l'usine de jouets du père Noël, entourée de lutins en redingote verte en pleine effervescence et de machines sur lesquelles défilent des dizaines de jouets de bois et de cadeaux. Tel un superviseur, le père Noël trône au milieu de ce chantier, assis sur un fauteuil aux proportions gigantesques qui lui permet de contempler son petit monde sans avoir à faire un seul pas. Il adresse à la petite fille un regard paternel et aimable et lui fait signe de s'approcher et de venir s'installer sur ses genoux.

- Eh bien, Ramona, comment se comporte la petite fille que tu es devenue ? As-tu été sage cette année ?

La voix du vieillard est bonhomme et chaleureuse. La petite Ramona, avec une voix enfantine, répond pourtant avec aplomb.

- Je n'ai pas été pire que l'année dernière, père Noël. Je me suis bagarrée mais qu'avec des vilains.  Et si je ne veux plus être copine avec Nigel, c'est parce qu'il l'a bien cherché et mérite d'être seul.

Le bonhomme à la barbe blanche hoche la tête lentement et s'il fronce les sourcils, on sent en lui une grande clémence.

- C'est bien, ma chère. Et que désires-tu pour Noël cette année ?

Les yeux pétillants, la petite Ramona réfléchissait un instant avant de répondre.

- Je voudrais des aventures passionnantes, des voyages épiques, et peut-être un peu de magie pour pimenter ma vie.

Le père Noël éclate de rire d'un ton chaleureux. Voilà une demande originale, mais tu sais que je fais de mon mieux. Maintenant, viens ici.

Mais ... quelque chose de troublant perturbe ce songe. Un battement de paupière, et la voilà adulte. Assise sur les genoux de Zeus dont l'attitude n'a plus rien de bonhomme et innocente. Il a repris le sourire charmeur et l'attitude séductrice qu'elle lui connait.

Ce brusque passage de l'innocence de l'enfance à la séduction du rêve adulte la trouble et lui fait reprendre conscience abruptement de ce qui se passe autour d'elle.

La musique. La danse. L'alcool dans son sang. Et l'attirance indéniable qu'elle ressent pour cet homme hors du commun qui vient de manquer de lui faire perdre la tête. Se rendant sans doutes compte du changement d'attitude soudain de sa partenaire, Ramona parait pour la première fois de la soirée en proie à l'hésitation. Tout ca va trop vite. Elle pose la main sur la poitrine de l'homme, un contact qui la fait frissonner mais qui permet de capter toute son attention alors qu'elle lève les yeux vers lui.

- Je ... suis désolée. Je ne suis pas sûre d'avoir toute ma tête.

L'alcool, la danse, la fatigue, ce sont des choses que Ramona sait gérer. Mais résister à une présence comme celle de Zeus ? Rien n'aurais pu la préparer à ça. Quelque chose est glissé entre les doigts de Zeus. Un papier. Un numéro de téléphone. Soulier de vair moderne abandonné par une cendrillon aux cheveux colorés.

- Appelez moi, d'accord ... ?

Elle se dresse sur la pointe des pieds et déposer un baiser furtif au coin des lèvres de l'homme, avant de brutalement faire demi tour et essayer de disparaître au milieu de la foule. Se détacher du Dieu a demandé un effort de volonté incroyable. Elle n'est pas sûre qu'elle saurait renouveler cet exploit si il lui prenait le désir de la rattraper avant qu'elle ne disparaisse à travers une porte étoilée.