The Ways of the Force || Hallia

J'ai vécu seule si longtemps que je ne devrais pas, au fond, me sentir troublée par ce sentiment si pesant qui m'étreint davantage chaque jour qui passe. Sur Jakku, il n'y avait que moi, moi et mes rêves démesurés, moi et mon désir absurde de retrouver ma famille, comme si percer le secret de mes origines me permettrait de mieux me comprendre et d'être en phase avec moi-même. Depuis, les choses ont changé. Cette solitude qui me collait à la peau est un fardeau que je ne peux porter qu'avec douleur. Parce que sans lui, je suis concrètement séparée d'une partie de moi-même. Combien de fois le lui ai-je répété et ai-je voulu l'en persuader ? Nous somme un, une dyade, nous ne pouvons exister l'un sans l'autre sans sacrifier une part de soi. En me quittant sans prévenir, en partant sans le moindre mot, il m'a arrachée à moi-même, et à cette pensée, je me sens à la fois malheureuse et en colère... Je regrette son absence autant que je veux lui reprocher sa lâcheté. Que pense-t-il faire, exactement ? Me protéger ? Comment Ben peut-il seulement s'imaginer que je me sente plus forte quand je ne suis jamais plus faible que loin de lui ?...

Depuis des jours et des jours, je cherche sa présence. Inconsciemment, quand les réminiscences de notre vie à deux me pousse à rechercher sa présence dans l'appartement où il n'a plus remis les pieds, me laissant quelques-unes de ses affaires comme le vestige cruel de tous les bons moments que nous avons partagés ensemble, et qui ne sont plus... Je l'ai aussi cherché, plus consciencieusement, à travers la force. J'ai déployé tous les efforts de concentration possible à la recherche d'un indice, même infime, de sa présence, mais Ben, à l'évidence, ne veut pas être retrouvé... Cette pensée m'arrache le coeur. Je sais, pour mon propre bien, je devrais probablement passer à autre chose... je ne le peux pas. L'anneau passé à mon doigt me rappelle constamment combien son absence me torture et à quel point sa présence m'est essentielle. Je le veux à mes côtés. Viscéralement. Impérieusement.

Pour ne pas me retrouver seul chez moi, et pour ne pas imposer à mes amis les plus proches ma morne compagnie (d'autant que je me passerais bien des commentaires de Poe au sujet de cette rupture encore fraîche), je passe le plus clair de mon temps au Temple, quand je ne suis pas au garage. Bien sûr, au fond de moi, j'espère qu'il finira par m'y trouver, mais sans surprise, il fuit ces lieux comme la peste. Assise en tailleurs, les yeux fermés, concentrés, je m'efforce de faire le vide, et c'est alors que je le ressens.

C'était subtil. Presque imperceptible. Mais je l'ai senti. Pas sa présence, mais une présence, une présence étrangère. Un frisson dans mon échine me met en alerte immédiatement. Je me redresse aussitôt, la main posée sur le sabre-laser attaché à ma ceinture, que je ne dégaine pas pour autant. Je me retourne alors et je la vois. Une jeune femme que je rencontre pour la toute première fois mais dont mon instinct m'invite à me méfier aussitôt.

❝Qui êtes-vous ?❞

Un visiteur curieux, c'est ce qu'elle me répond, mais cette réponse ne suffit définitivement pas à me faire baisser la garde. Je jauge cette femme de haut en bas, d'un regard perçant, les sourcils froncés. Des visiteurs curieux j'en ai croisé un certain nombre, et leurs motivations à se présenter au temple étaient plus ou moins légitimes... En ce qui concerne cette jeune femme, je serais bien en peine de dire qui elle est et ce qu'elle recherche, mais même si cette dernière peut parfois me faire défaut, j'entends faire preuve d'une défiance que j'estime légitime. Je regretterais probablement de traiter son cas trop légèrement, autrement.

❝Vous ne voulez pas que je vous attaque❞, je réponds en retour en lui adressant un regard appuyé, qui semble vouloir transpercer son âme autant que possible. C'est une manière de défense plus que d'attaque, en réalité. Je ne sais pas à qui j'ai affaire, mais je ressens comme une menace tacite dans son discours... Mieux vaut trop se méfier que de ne pas le faire assez, n'est-ce pas ? C'est du moins la conclusion à laquelle j'ai abouti il y a un moment déjà.

❝La bibliothèque n'est pas accessible sans supervision❞, dis-je ensuite, revenant sur le prétexte qu'elle a donné à sa présence et qui est peut-être véridique, après tout, qu'en sais-je, mais me donne à tout le moins l'envie de me méfier au moins un tant soit peu, pure question de précaution. ❝Il faudra que je vous accompagne.❞

Ce n'est pas forcément une nécessité, mais je la présenterai presque comme telle, comme une manière dissuasive, en quelque sorte, curieuse que je suis de ce qui pourrait bien advenir.

❝Vous ne m'avez pas donné votre nom❞, j'observe ensuite sans cesser de la détailler des yeux, sans craindre de faire peur d'une inacceptable curiosité, je ne suis pas vraiment d'humeur à ménager les sentiments de quiconque, moi-même trop fragilisée pour savoir accepter les choses en l'état.

Je ne lui ai pas donné mon nom également, c'est vrai, mais c'est un échange de bons procédés, et je ne veux pas être la première à me révéler, je veux, pour commencer, savoir à quoi m'en tenir avec la femme qui se trouve en face de moi et dont, pour le moment, j'en sais bien trop peu.

Une chose est certaine, je ne sais pas sur quel pied danser avec cette jeune femme, mais je veux en avoir le coeur net. L'accompagner jusqu'à la bibliothèque ne me coûte rien si ce n'est nourrir ma défiance... dans tous les cas, il n'était pas question pour moi de la laisser s'y rendre seule. Alors nous cheminons côte à côte, en même temps que j'essaie de soutirer à ma mystérieuse interlocutrice un minimum d'informations peut-être susceptibles de m'aider à y voir plus clair. C'est ce que j'espère, mais ce n'est pas gagné, car toutes les réponses qu'elle daigne m'adresser demeurent des plus cryptiques, et je n'ai aucun mal à concevoir que cela ne peut être qu'à dessein.

❝Si votre but est de rendre à son nom ses lettres de noblesses dans l'espoir qu'il soit retenu à l'avenir, il serait probablement plus simple de le donner à ceux qui vous le demandent❞, je ne peux m'empêcher de rétorquer, sans complètement admettre que la réponse de cette femme a eu pour effet d'augmenter encore ma curiosité.

Je ne saurais prétendre savoir qui elle est, mais il est certain qu'elle m'intrigue plus que jamais, et je veux impérativement en apprendre davantage... Que ce soit pour assouvir ma curiosité ou seulement par défiance.

❝Vous vous souviendrez de mon nom, puisque vous l'avez déjà prononcé.❞

Ce n'est pas mon nom, ou pas vraiment... mais une identité que l'on se choisit n'a-t-elle pas bien plus de sens et d'ampleur qu'une identité que l'on nous impose à la naissance. Je refuse catégoriquement d'être associée au nom de Palpatine, en revanche, je suis fière de l'identité sous laquelle tout le monde ici me connaît. Rey, fille de personne, petite-fille de quelqu'un, qui a finalement réalisé un peu tard que cette quête appuyée de ses origines ne pouvaient mener qu'à une désillusion puissante et naturelle.

❝Rey Skywalker❞, je me présente alors, guettant au passage ce que sera - ou non, la réaction de mon interlocutrice. Pour l'heure, je serais bien incapable d'en présumer quoi que ce soit.

Et alors que mon attention est tout entière portée sur elle et la manière dont elle réagira, nous voilà bel et bien arrivées à la bibliothèque.  

Je m'abstiens de tout commentaire, je ne me justifie pas de mes origines ou même du choix d'un nom que je ne dois pas à mon sang. Je l'entends le répéter, et je me contente de l'observer, en biais, sans rien dire, du moins pour commencer. Je ne fais que deviner le fil de ses pensées alors qu'elle m'assimile à cette lignée que d'aucuns qualifieront de prestigieuse, quand on n'estimera pas seulement la complexité de cette dernière, que je serais bien en peine de nier pour ma part. Ce nom a de l'importance pour moi, mais je ne me laisse pas pleinement définir par lui, comme je ne m'aventurerais pas non plus à me laisser définir par mes véritables origines, celles qui m'associent au nom de Palpatine. Je trace ma propre voie... et m'efforce d'harmoniser celle-ci avec mes ambitions, mon tempérament et mes valeurs... la chose n'est pas toujours aussi simple qu'on le voudrait. Pas aussi simple que je le voudrais.

❝De votre temps...❞, je répète avec prudence quand mon interlocutrice m'affirme que les Jedi reniaient de son temps le concept de lignée... chose que je comprends sur le principe... Mais j'ai peine à réellement me considérer comme un jedi dans tous les cas. ❝Notre lignée n'est pas ce qui nous façonne❞, je me contente d'ajouter avec prudence.

Bien sûr, mon discours apparaît d'une hypocrisie sans nom au regard du nom que je me donne, et au nom de la si longue quête que j'ai menée dans l'espoir de connaître l'identité de mes parents. Mais je sais observer mes contradictions et vivre en relative bonne entente avec ces dernières.

❝Dark Nox...❞

C'est à mon tour de répéter son nom avec défiance. Un frisson parcourt mon échine. Le sentiment de défiance qui m'avait envahi dès l'instant de notre rencontre se confirme à présent. J'ignore qu'en penser ni de quelle manière l'appréhender exactement... je sais seulement, dorénavant, que le danger est  bien réel, on ne peut plus réel, même, et que je devrais faire preuve d'une prudence redoublée, en conséquence.

❝Votre intention serait donc d'acquérir les connaissances de ce lieu... pour en faire quoi ensuite ? C'est ce qui m'interroge❞, je remarque en la jaugeant de haut en bas, avec une attention et une vigilance redoublée.

Je détourne le regard pour ne pas avoir à soutenir celui de mon interlocutrice quand elle observe avec aisance la puissance de mes contradictions. A force d'exercice, je ne suis pas une si mauvaise menteuse, mais il est des sujets sur lesquels je ne saurais tromper un oeil et une oreille aguerris... et mon interlocutrice a tout à fait raison, en fin de compte. Qu'importe, ce n'est pas un sujet dont je souhaite débattre avec elle, il est préférable et j'en ai bien conscience que je m'en abstienne, pour mon propre bien. Je préfère à la place m'interroger avec insistance sur les raisons de sa présence, au sujet de laquelle je ne me prive pas de l'interroger encore, ne lui en déplaise.

❝... et donc de gagner en pouvoir❞, je commente prudemment quand mon interlocutrice s'appuie sur le Code jedi pour justifier sa propre ligne de conduite.

C'est plutôt malin de sa part, à dire vrai, mais je n'ai eu dans tous les cas besoin que de quelques minutes de conversation pour constater avoir effectivement affaire à une personne intelligente. La question n'est pas de savoir si elle l'est ou non, mais davantage de déterminer en quoi ce tempérament pourra ou non desservir sa cause.

Elle me demande de me détendre, je n'en ai pas l'intention. Je reste très attentive, focalisée, sur le qui-vive. J'ai besoin de comprendre, de comprendre à tout prix. Et ce besoin s'accompagne d'un désir de contrôle de la situation qui amuse probablement beaucoup celle qui trouve sans doute également dans l'idée de me pousser dans mes retranchements les plus absolus une certaine forme de divertissement.

❝Ironique n'est pas le terme que j'emploierais❞, je rétorque seulement.
❝Tirer profit de notre Code et de nos valeurs pour justifier des intentions que je devine tout sauf nobles ne fait en rien de vous un exemple de vertu. Et ne justifie certainement pas que l'on tolère votre présence ici sans au moins s'interroger sur vos intentions.❞

Le discours d'Hallia est particulièrement déstabilisant... Parce qu'il ne revêt aucune sorte de duplicité. Elle assume si ostensiblement ses choix et son appréhension de la force que je m'en trouve... décontenancée... Peut-être ai-je trop été habituée aux doubles discours... Peut-être en ai-je usé moi-même sans vouloir le reconnaître, de cette même duplicité. Un sith qui se présente à moi comme un Sith sans chercher à m'affronter directement, c'est une première, et quand elle cherche à questionner mes propres interrogations, elle me laisse... eh bien... sans voix, je le reconnais. Elle m'a sérieusement mouchée, d'une manière à laquelle je ne m'attendais absolument pas.

❝Si votre intention n'est pas de briser tout ce que cet endroit a eu pour intention de bâtir, quelles sont vos motivations ? Vous ne pouvez pas jouer les innocentes, vous avez forcément des intentions déguisées, qu'importe la manière dont vous décidez de le présenter❞, je lui rétorque, aussi agacée qu'elle peut l'être, car je n'ai absolument pas la main.

Je veux comprendre ce qu'elle cherche, je veux être en mesure de jauger la menace qu'elle pourrait bien représenter, et pour le moment, je n'y parviens pas le moins du onde. Je suis incapable de savoir sur quel pied danser, et ça me déplaît immensément.

La dernière réflexion de la Sith est bien sûr la plus douloureuse à entendre, car je redoute qu'elle ait raison... à plus d'un titre. Je ne suis pas toujours certaine d'avoir su convenablement respecté les enseignements qui m'ont été inculqué. A plus d'une occasion, je me suis même convaincue du contraire, l'héritage que je porte est double et complexe, redouter de ne pas en êre digne ou de le fouler de la pire des manières est... une constante, dans mon coeur et dans mon esprit. Les pensées qu'Hallia induit et remue dans mon esprit me déplaisent plus encore que ses réflexions basses ou encore cette impatience affichée que j'accepte très difficilement.